Cependant Boos goûtait quelque repos
auprès de ses amis de Munich. Il n'y
séjourna que neuf jours. Au bout de ce
temps, ne pouvant obtenir une paroisse, à
cause des préventions qui l'avaient
devancé dans son pays, il entra, en
qualité de précepteur, dans une
famille respectable, à Weih, à
quelques lieues de la ville. Il fut chargé
de l'éducation d'un enfant de Sans et d'un
autre de 8 ans. Le Seigneur lui donna les forces
nécessaires pour supporter les fatigues
attachées à cette vocation. Une
position aussi paisible ne le mit pas long-temps
à l'abri des vexations du clergé et
des tracasseries de la police. En décembre
1816, le gouvernement de
Bavière lui intima l'ordre de quitter le
pays au bout de trois jours. Boos, surpris d'une
telle injonction, courut à Munich et demanda
au ministère pour quelles raisons on le
chassait de son pays. « Parce que vous
êtes accusé par trois consistoires
d'être chef d'une société
dangereuse de mystiques.
- Si ce que Jésus, Pierre et Paul
ont prêché, répondit-il,
était du mysticisme, j'avoue que je suis un
mystique ; car J'ai constamment
prêché leur doctrine.
- Nous serons charmés,
répliqua le secrétaire du ministre,
si vous pouvez vous justifier de l'accusation des
trois consistoires.
- Eh bien ! je
l'essaierai. »
Il demanda et obtint un sursis. L'oncle
de ses élèves intercéda en sa
faveur ; grâce à ses
démarches auprès de quelques
personnes influentes, on laissa Boos en
repos.
Les peines de la captivité et les
travaux qu'exigeait sa nouvelle carrière,
avaient considérablement
altéré sa santé. Au printemps
1817, une maladie grave mit ses jours en
péril. De violents maux de reins et de
poitrine le forcèrent à garder le lit
durant plusieurs semaines. Un jour, il tomba dans
une si profonde léthargie, qu'on le crut
mort ; il reprit enfin ses sens. Trois jours
plus tard il tomba dans le même
état ; et au bout de deux heures, il
retrouva sa gaieté habituelle.
Cependant le repos dont il jouissait
à Weih ne fut pas de longue durée, Le
gouvernement bavarois se
montrait de plus en plus hostile à ceux
qu'il désignait sous le nom de
mystiques ; des menaces d'expulsion avaient
été faites à Boos ;
dès que sa santé fut rétablie,
il désira ardemment une sphère
d'activité plus grande. Le Seigneur lui
ouvrit une carrière tout-à-fait
inattendue, celle de professeur et de
catéchiste au gymnase de Dusseldorf. Le 12
octobre 1817, il quitta ses amis de Weih et se
rendit à son nouveau poste. Il eut la joie
de rencontrer sur sa route plusieurs
frères ; tous l'accueillirent comme un
brave confesseur de Christ, portant sur son front
les marques des souffrances endurées pour
son saint nom. Il n'arriva à Dusseldorf que
le 23, et quinze jours après son
arrivée, il fut solennellement
installé. Il fut chargé des
leçons de religion et de latin dans six
classes du gymnase.
À peine avait-il commencé
à desservir cette place, que le gouvernement
l'invita à se rendre auprès du
vicaire-général de Cologne. Boos, qui
s'attendait à quelque mauvaise affaire, fut
agréablement surpris du bon accueil que lui
fit le prélat.
Celui-ci lui demanda s'il avait remplit
quelque fonction ecclésiastique.
« Oui, sans doute, dit Boos, et
même si long-temps, que mes bras en sont
tombés. » Le
vicaire-général.... après
avoir pris connaissance des messages dont Boos
était porteur, il lui confirma qu'il le
recevait sans aucune difficulté dans son
diocèse.
La légèreté et
l'incrédulité des étudiants du
gymnase causaient au professeur un bien vif
chagrin. Ils paraissaient n'avoir jamais entendu
parler des pures doctrines de l'Évangile.
Cependant Boos ne se lassa point de semer, et eut
la joie de voir peu à peu ces jeunes gens
montrer quelque désir de posséder la
parole de vie. C'était, pour la plupart
d'entre eux, un livre totalement inconnu. Plusieurs
l'achetèrent, et quelques-uns parurent en
retirer des fruits salutaires.
Le vicaire-général de
l'évêché d'Ehrenbreitstein (ou
de Coblence) lui fit offrir la place de pasteur de
la paroisse de Sayn. Boos, qui se sentait plus de
vocation pour remplir des fonctions pastorales que
pour l'enseignement, crut devoir accepter. Il
écrivit à ce sujet à l'un de
ses amis. « Après avoir si
long-temps été rejeté d'un
côté et d'un autre et m'être vu
arraché à mon troupeau, comment
n'accepterais-je pas une offre si attrayante et
faite par les autorités civiles et
ecclésiastiques ? Tout ce que je puis
faire c'est de me jeter la face contre terre et
dire, j'irai. » - En effet il alla
à Sayn ... et y resta jusqu'à sa
mort.
Comme dans tous ses autres postes, il
annonça le salut gratuit qui est en Christ.
Là aussi, comme partout où
il avait évangélisé, il
éprouva que ceux qui veulent vivre selon la
piété qui est en Jésus,
souffriront persécution.
Les prêtres du voisinage ne
tardèrent pas à regarder avec
méfiance un confrère qui exaltait le
nom de Christ bien plus que celui de la Vierge et
des saints, et qui insistait avec tant de force sur
la nécessité de la
régénération du coeur. De la
méfiance à la haine il n'y a souvent
qu'un pas.
Les journaux s'élevèrent
bientôt contre Martin Boos et contre ses
hérésies. Le
vicaire-général se crut obligé
d'adresser à tous les curés du
diocèse une circulaire pour les
prévenir qu'il enjoignait à Boos
l'ordre de rompre toute relation avec ceux qui
n'avaient pas la foi de l'église catholique
romaine et de soumettre tous ses sermons, avant de
les prêcher, aux personnes que
l'évêque désignerait. On fit
envisager comme un poison le traité
intitulé : Christ, fin de la loi,
brochure qu'on attribuait à tort à
Boos
Cependant l'évêque se
relâcha peu à peu de sa défense
relative à la communication des
sermons ; mais les journaux ne
cessèrent de représenter Boos comme
un des principaux hérétiques de la
contrée.
Trois ans s'étaient déjà écoulés depuis l'arrivée de Boos dans la paroisse de Sayn ; goûté de quelques-uns, méprisé par le plus grand nombre, il était, comme l'avait été l'apôtre Paul, tantôt dans la bonne, tantôt dans la mauvaise réputation. Ses nombreux amis, membres de l'église luthérienne et de l'église réformée, ne comprenaient pas les raisons qui le retenaient dans le papisme. L'un d'eux l'ayant invité à examiner s'il n'était pas appelé à secouer le joug d'une communion qui avait mis la tradition des hommes à la place de la parole de Dieu, Boos lui répondit en ces termes :
Sayn, le 2 Novembre 1893.
« Votre tendre amitié et la
vive sympathie que vous avez pour moi, ou
plutôt pour le christianisme apostolique, et
l'affectueuse sollicitude que vous daignez me
porter,
ainsi
que d'autres personnes, m'ont
pénétré d'une si grande joie
et d'un tel respect envers vous tous, que je ne
puis assez bénir Dieu et que
j'éprouve l'irrésistible besoin de
vous ouvrir mon coeur tout entier.
Vous me conseillez de sortir de
l'église dans laquelle Je suis né,
dans laquelle j'ai été
élevé et où j'ai reçu
d'abondantes bénédictions. Vous me
conseillez de me séparer de cette
église, dans l'âge avancé
où je suis parvenu, vous pensez qu'elle n'a
plus de droits sur moi, après m'avoir
chargé pour la troisième ou la
quatrième fois de toutes sortes de liens.
Bien que l'église catholique
romaine soit, selon moi, représentée
par la grande prostituée qui domine sur les
grandes eaux
(Apocal.
XVII, 1) ; toutefois,
je n'ai pas encore été aussi loin que
vous dans ma conviction. Depuis mon enfance, je
l'ai envisagée comme une mère et
comme une dépositaire de la doctrine de
Christ et de ses Apôtres, malgré
toutes les persécutions qu'elle m'a fait
souffrir à l'occasion de l'article de la
justification par la foi.
(ici Boos rappelle avec une candeur
parfaite les mauvais traitements qu'il a
endurés depuis 1797 jusqu'à
l'époque où il écrivait ces
lignes ; puis il continue.)
J'avoue qu'il est dans mon église
bien des choses qui m'affligent ; mais il y en
aussi dans les autres
communions. Où devons-nous donc aller pour
ne pas trouver d'ivraie parmi le bon grain ?
Sans parler du besoin que j'ai de repos pour une ou
deux années que j'ai encore à vivre,
je ne saurais me résoudre à faire une
démarche qui causerait un vif chagrin
à beaucoup de gens ; j'ai d'ailleurs
été, dans tout le cours de ma
carrière, bien plus habitué au
travail qu'à l'oisiveté.
Si notre église nous arrache
comme de l'ivraie, avant la moisson, nous n'avons
pas à choisir et nous nous réjouirons
de ce qu'une autre mère nous accueille comme
de pauvres orphelins délaissés. Mais
nous devons craindre d'y aller nous-mêmes de
notre propre mouvement.
Si nous sommes réellement de
l'ivraie, l'église doit nous laisser debout
jusqu'à la moisson. Si c'est elle qui est de
l'ivraie, nous devons aussi la laisser debout, et
aucun de nous ne doit rien arracher avant le temps.
D'après ma propre
expérience, je suis convaincu qu'il y a dans
chaque église un mélange d'ivraie et
de froment. Je le répète, où
pourrions-nous trouver une église
parfaitement pure ? Ce ne sera que dans le
ciel. Je pense donc que, selon le précepte
de Christ, l'ivraie et le froment doivent
croître ensemble jusqu'au jour de la moisson,
parce que ce rapprochement est salutaire à
l'ivraie et au froment. Les plus rares vertus ne
supposent-elles pas les attaques du vice ? Y
a-t-il lieu au pardon des injures et à l'amour des
ennemis
quand on n'a pas d'ennemis. Jésus-Christ
serait-il devenu le Sauveur du monde, s'il
n'eût pas été mis à
mort ?
Tels sont les motifs qui me retiennent
dans l'église romaine. J'attendrai qu'on
m'en chasse ; peut-être n'attendrai-je
pas long-temps. - Pardonnez-moi cette longue et
mauvaise lettre ; vous savez que le Seigneur
m'a déjà frappé deux fois
d'apoplexie, et que notre mère
(l'église) m'a violemment rejeté des
rives du Danube sur celles du Rhin. Je vous
remercie encore une fois pour la tendre
amitié avec laquelle vous voulez bien
recevoir sous votre toit les misérables
débris de ma vie terrestre !
Je suis, etc
Boos. »
Vers le même temps, il écrivait
encore :
« Le christianisme vivant est
méconnu et persécuté dans
toutes les communions chrétiennes et dans
tous les pays. C'est pourquoi j'aime mieux rester
dans celle où je suis né.
« En toute nation « (et par
là même en toute église
visible), celui « qui craint Dieu et qui
s'adonne à la justice lui « est
agréable. »
(Actes,
X, 35) Ce n'est pas d'aller
d'une église dans une autre qui nous rend
juste et saint, mais c'est la foi et la
sainteté. « La vie
intérieure, dit Sailer,
n'est jamais à l'abri du danger. L'amour de
la chair naît aisément à
côté de celui de l'esprit, et tel qui
a commencé par l'esprit peut finir par la
chair. » Voici une anecdote qui est
toujours restée gravée dans ma
mémoire :
« Un pasteur pressait beaucoup
un paysan réveillé de ne pas
négliger l'adoration et l'invocation des
saints. Vois-tu, lui disait-il, si tu avais affaire
à un juge, tu tâcherais de te
concilier l'amitié de sa femme, de son
secrétaire ou de son domestique ; il en
est de même à l'égard de Dieu.
- Mais, répondit le paysan, si je
connais bien le juge, si je suis dans ses bonnes
grâces, je ne m'arrêterai pas
long-temps à parler à sa femme,
à son secrétaire ou à son
domestique. Il en est de même de Dieu, comme
j'ai accès auprès de lui par son
Fils, je n'invoquerai pas les saints, mais j'irai
directement au pied de son
trône. »
Comme on le voit, Boos, en dépit
de toutes les persécutions qu'il avait
endurées, crut jusqu'à la fin qu'il
ne devait pas sortir de l'église romaine.
Respectons ses motifs ; personne n'a le droit
de le condamner. Il ne dépassa jamais sa
conviction, en d'autres termes, il agit selon les
lumières qu'il avait reçues. La
lumière que le Seigneur fit briller dans son
âme ne porta-t-elle pas en bien des lieux ses
salutaires rayons ? Ne fut-il pas au milieu
d'une chrétienté abâtardie et
superstitieuse un fidèle défenseur des hautes et
bienfaisantes doctrines du salut ?
N'éleva-t-il pas autant qu'il le put
l'étendard du pur Évangile ? Et
n'admirerons-nous pas les voies de Dieu, qui
suscite de temps en temps de bons ouvriers dans
cette vaste portion de sa vigne
désolée ?
Tout en regrettant sans doute qu'un
aussi généreux soldat de
Jésus-Christ n'ait pas rompu avec le
prétendu chef visible de l'Eglise, et n'ait
pas protesté plus nettement contre les
idolâtries romaines, bénissons
l'auteur de toute grâce, qui fait entendre le
message de la paix à des peuples auxquels on
a ravi la parole du salut. C'est au travers de
rudes épreuves qu'il proclame le beau nom de
Jésus, mais ce nom est toujours
prêché ; la promesse d'un pardon
gratuit est annoncée, et les élus de
Dieu la saisissent, la serrent dans leur coeur et
apprennent à la dégager de toutes les
souillures dont les hommes l'avaient
voilée ; ils la contemplent alors dans
toute sa divine beauté, et en la croyant,
ils marchent dans le chemin qui conduit à la
vie.
Tels furent ces nombreux enfants en la
foi que Boos eut la joie d'engendrer au Seigneur
durant son long et laborieux ministère.
Quelques-uns d'entre eux secouèrent le joug
de Rome et les autres suivirent l'exemple de leur
vénérable curé. L'Autriche et
la Bavière comptent encore plusieurs de ces
âmes converties à Christ par son
moyen.
Puissent-elles persévérer
jusqu'à la fin et garder le bon
dépôt ! Et veuille le Seigneur
s'en servir pour en amener un grand nombre d'autres
à la pure connaissance de son amour !
Boos saisissait avec empressement toutes les
occasions de glorifier Celui en qui il avait cru.
Quant à ce qui n'était que pure forme
et qui n'avait que l'apparence de la
piété, il en faisait volontiers le
sacrifice. Le 12 octobre 1823, son
vicaire-général, qui venait
d'être élu évêque de
Trèves, lui exprima ses regrets de ce que
lui, Boos, était désigné, dans
une lettre pastorale de l'évêque
d'A... et dans quelques autres écrits, comme
le chef des faux mystiques ; il l'invitait
à renoncer à toute espèce de
vues pareilles. Boos lui déclara qu'il
était prêt à rejeter tout ce
qui pouvait se trouver de condamnable dans sa
croyance et dans sa vie chrétienne, mais que
si l'on entendait attaquer la vieille et pure
doctrine
évangélique qu'il avait toujours
prêchée, il ne pouvait en aucune
façon la modifier, ni en retrancher un seul
article.
« Il est bien reconnu,
écrivait Boos à ce sujet, que par ce
mot de mystiques, ils désignent une
société secrète et qui menace
l'existence de l'Eglise et de l'État. Qui
pourrait hésiter à la
condamner ? Les ecclésiastiques de
cette contrée, qui font de ce genre de
mysticisme l'objet de leurs dédains, sans
savoir quel animal ce peut être, me
demandaient tout récemment ce que
c'était que ce mysticisme. Je leur
répondis : « C'est la boue
dont le démon couvre le trésor qu'il
veut cacher au monde ; et Dieu permet que des
chiens et des porcs passent sur ce trésor
sans le voir, le foulent sous leurs pieds et en
fassent un mauvais usage. »
Les travaux de Boos à Sayn furent
loin : d'avoir les mêmes succès
qu'à Langeneifnach et à Gallneukirch.
Paul sème, Apollos arrose ; et qui peut
donner à la semence quelque accroissement,
si ce n'est celui-là seul qui a fait les
âmes et qui peut les créer de
nouveau ? Le serviteur de Dieu, travaillant
avec zèle à l'oeuvre de son
maître, serait bientôt séduit et
enchaîné par l'orgueil, si chacune de
ses paroles, si chacun de ses efforts convertissait
un pécheur. Il a aussi, lui, une âme
qui a besoin d'être arrosée des pluies
fécondantes d'en haut, et souvent c'est dans
les humiliations, et à la vue de sa profonde et
complète impuissance qu'il est le plus
richement béni. Il gémit sans doute
en ne voyant autour de soi que sécheresse et
ténèbres ; mais c'est alors
qu'il crie avec le plus de force au Dieu de sa
délivrance. Ou bien aussi le Seigneur, dans
des vues d'amour, dérobe à ses
regards, avides de succès, toute preuve de
ce succès ; il fait son oeuvre, et le
serviteur n'en sait rien, ou n'en sait que fort peu
de chose, assez pour animer son courage mais pas
assez pour que son misérable coeur s'en
gonfle d'orgueil. C'était en particulier le
cas de Martin Boos ; la paroisse de Sayn
n'accueillait pas avec empressement le message de
la paix ; quelques âmes, en bien petit
nombre, avaient été rendues
attentives à la voix du Bon Berger ;
mais la masse restait plongée dans une
indifférence et une
légèreté qui navraient le
coeur de vénérable
curé.
Un voyageur passant à Sayn et
désirant connaître Boos, dont le nom
était célèbre dans presque
toute l'Allemagne, se rendit auprès de lui.
Voici le récit qu'il nous a laissé de
cette visite :
« Une des circonstances les
plus agréables de mon voyage fut la visite
que je fis à Boos. La demeure de cet homme
de Dieu est près de l'ancien couvent. Le
chemin qui y conduit est délicieux ;
à droite et à gauche
s'étendent de fertiles campagnes ; on
découvre sur les deux rives du Rhin des sites
magnifiques. Le
presbytère et le temple sont placés
à l'extrémité du village, et
derrière se déroule une vaste
enceinte de montagnes.
Le vieux père était dans
son jardin lorsque nous arrivâmes. On nous
conduisit à travers les immenses salles de
l'ancien couvent. Boos, informé de notre
arrivée se rendit aussitôt
auprès de nous et nous fit servir du pain et
du vin.
À la vue de cet homme qui a tant
souffert pour le nom de Christ, on est saisi de la
plus profonde vénération. Il est
maintenant courbé sous le poids des
années et des infirmités ; il a
été frappé deux fois
d'apoplexie ; sa main droite est encore toute
paralysée. Boos est l'objet de toutes sortes
d'accusations injurieuses, et dont il doit se
justifier. Mais ce qui lui cause le plus de
douleur, c'est de voir le peu de succès de
son ministère à Sayn.
« Oh ! que j'étais
heureux lorsque j'étais en Autriche !
nous disait-il. Durant deux ans, j'y ai combattu
dans l'angoisse de mon coeur. Tous les instants que
j'avais, soit de jour, soit de nuit, je me tenais
à genoux devant l'autel. La moitié de
mes paroissiens fut en proie aux angoisses du
péché, jusqu'à ce que je fusse
en état de leur apporter et
d'éprouver moi-même les
véritables consolations. Mais ici, au bord
du Rhin, il n'y a personne qui s'inquiète de
ses péchés. Lorsque de temps en temps
il m'arrive quelque âme brisée et
repentante, elle appartient à une autre
paroisse. »
Boos entra dans quelques détails
sur son séjour en Autriche, détails
qui, pour la plupart, sont décrits dans ce
qui précède et sur lesquels nous ne
pouvons revenir. Puis, nos voyageurs le
quittèrent, en demandant à Dieu que
l'église romaine eut un grand nombre de
curés animés d'un tel esprit.
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