Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XIX

DÉCISION DU CONSISTOIRE. - NOUVEAU TÉMOIGNAGE DE SAILER EN FAVEUR DE LA VÉRITÉ.

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 Le nom de Boos était dans toutes les bouches ; le peuple, les prêtres, les prélats étaient partagés à son sujet. Ses amis, entr'autres Sailer et Bertgen, ne se lassèrent point d'éclairer l'opinion si cruellement égarée. Le premier écrivit à l'évêque Sigismond, à Lintz, pour l'informer du véritable état des choses, et Bertgen conseilla à Boos de faire une démarche pareille. Boos le fit avec toute sa candeur et sa fidélité habituelles, déclarant dans sa lettre qu'il avait évité tout ce qui aurait pu blesser inutilement ses paroissiens. L'évêque l'appela auprès de lui ; il s'y rendit aussitôt et lui exposa ouvertement sa croyance et son désir d'y rester fidèle. Le prélat parut satisfait de ses réponses, assembla le consistoire épiscopal, le 5 juin 1811, et lui soumit la lettre de Sailer et celle de l'accusé.

Cette autorité prit la décision suivante : « Le consistoire épiscopal ayant pris connaissance des expressions et des démarches de M. le curé Boos, qui ont blessé quelques-uns de ses paroissiens, et donné lieu à la présente plainte, il a été reconnu, en suite des réponses faites par ledit curé, qu'il n'enseigne aucune erreur ni aucune doctrine dangereuse, qu'il n'a aucune mauvaise intention, mais qu'on l'a mal compris ; on peut tout au plus lui reprocher d'avoir un zèle trop ardent et d'exposer trop exclusivement les principes de la foi. Comme on lui a adressé à tous ces égards les observations convenables, les plaignants peuvent être tranquilles, soit sur ses discours, soit sur la manière dont ce ministre si zélé et à l'abri de tout reproche, remplit ses fonctions. »

Dès que cette décision eut été communiquée à Boos, il fit appeler les plaignants par l'organe du sacristain et leur en donna lecture, en leur exprimant le désir qu'ils eussent d'autres sentiments à son égard. Ils repoussèrent la main amie qui s'offrait à eux, et regardant Boos d'un œil irrité : « Nous ne faisons pas encore la paix, dirent-ils ; nous voulons d'abord prendre conseil du père Conrad et du pasteur Brunner (les meneurs des mécontents) ». Puis ils sortirent sur-le-champ.

Sailer, ayant reçu de Boos une copie de l'arrêt du consistoire, et prévoyant de nouveaux troubles, écrivit à Bertgen :
« Je prends de nouveau la plume pour vous remercier de ce que vous avez fait pour notre ami. La décision du consistoire est modérée, chrétienne et juste ; mais le consistoire ne doit pas trop se fier à ce calme apparent. Il est évident que Boos a déployé une délicatesse et une prudence extraordinaires, et que ses adversaires sont animés d'un tout autre esprit. Ils veulent absolument avoir raison aux yeux du monde, et cherchent des hérésies et des péchés là où il n'y en a pas du tout.
Égarés par la passion, ils désirent vivement que Boos soit condamné, et mettent tout en oeuvre pour parvenir à leurs fins. Cet acharnement va toujours en croissant, et furieux de ne pas avoir réussi une première fois, ils répandront de nouvelles calomnies et ne négligeront rien pour s'emparer de l'esprit de l'évêque. Si ce prélat montre de la fermeté, ils s'efforceront de tromper et de circonvenir l'autorité supérieure. Je connais toutes ces menées par ma propre expérience et par celles dont Boos a déjà été l'objet en 1796, ainsi que par plusieurs autres affaires semblables. Je viens seulement vous prier de veiller à ce que le consistoire reste inébranlable et ne se laisse pas effrayer par de nouvelles injures et de nouvelles menaces.

De plus, veuillez me dire, par l'entremise de Boos, si je dois chercher à avoir quelqu'influence sur l'esprit de l'évéque et quelle voie il faudrait employer pour qu'il soit de plus en plus convaincu de l'innocence et de la pureté des doctrines de notre ami. J'écrirais volontiers une seconde fois à ce prélat, avec une entière franchise; mais je n'en ai pas l'occasion.

Vénérable ami , l'Esprit de vérité et de force vous a éclairé et soutenu ; vous reconnaissez dans cette doctrine si calomniée et taxée d'hérésie, le vieux christianisme apostolique, l'antique doctrine catholique, et, en véritable héros, vous vous êtes présenté pour la défendre. Vous n'avez pas eu honte de paraître aux yeux des adversaires comme un de ceux qui, selon eux, ont été trompés et séduits. Oh ! oui, l'Evangile est trop divin, pour que nous ne supportions pas pour lui toute espèce d'opprobres, et la paix de Dieu est trop précieuse pour que nous ne sacrifiions pas nos honneurs temporels au bonheur de la posséder. Oh! que ne pouvons-nous avoir une entrevue seulement d'une heure! Nous pourrions nous entretenir de cette sainte cause et nous entendre beaucoup mieux qu'en nous écrivant une année entière! Que le Dieu des consolations soit avec vous et avec votre sincère ami et serviteur,

SAILER. »

Bertgen lui répondit qu'il devait écrire à l'évêque. Sailer suivit son conseil, et adressa à l'évêque Sigismond Hohenwart une lettre pressante, sous date du 15 août.Boos goûta quelque repos, mais ce calme ne fut pas de longue durée : l'évêque et le consistoire cédaient peu à peu le terrain à l'ennemi et craignaient de se prononcer trop ouvertement en faveur d'un homme accusé d'hérésie. Les mécontents, ne se tenant point pour battus, dressèrent une nouvelle plainte portant que leur pasteur prêchait toujours de la même manière, qu'il distribuait des livres défendus, qu'il avait des relations et des correspondances avec les protestants ; ils osaient même dire qu'il maltraitait de coups ceux qui ne voulaient pas croire à ses paroles.

Le curé Branner répandit à Gallneukirch un misérable écrit rempli de sottises, et publié en 1797, par un certain Hut ; Brunner eut l'impudeur de faire courir le bruit que Boos en était l'auteur. Toutes ces menées ne faisaient qu'accroître les préventions des esprits, déjà mal disposés envers lui.

L'agitation était donc loin de se calmer. C'était en vain que le consistoire avait déclaré que Boos n'était point un hérétique ; les curés du voisinage le dépeignaient toujours comme tel. Le consistoire était débordé, son jugement foulé aux pieds ; et la faible protection dont il s'entoura quelque temps fut impuissante contre le nouvel orage qui se préparait.

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CHAPITRE XX.

ENQUÊTE FAITE PAR LE GOUVERNEMENT CONTRE BOOS.


Le gouvernement, informé de ces troubles, chargea une commission de laïques et d'ecclésiastiques d'examiner toute cette affaire.

Le 3 janvier 1812 arrive en grande pompe à Gallneukirch une commission d'enquête, composée du président du cercle de Bernberg, du doyen Huber de Freystadt et du secrétaire Schuh. Toute la ville était en émoi : les ennemis de Boos comptaient sur la victoire, et ses amis adressaient à Dieu de ferventes prières pour le triomphe de la vérité. La commission ayant pris séance dans le presbytère, procéda aussitôt à l'interrogatoire. Écoutons le récit que Boos lui-même nous en a laissé dans une lettre du 12 janvier 1812:

- « Qu'avez-vous fait pour tranquilliser vos paroissiens ? » demanda le président.
- « J'ai fait appeler les plus opposés et leur ai demandé quels griefs ils avaient contre moi ; je leur ai expliqué avec douceur tous les points qui les avaient blessés ; après avoir prié avec larmes pour eux, j'ai chargé quelques-uns de leurs parents et de leurs voisins de chercher à les éclairer à mon égard. En chaire comme dans le confessionnal, j'ai fait tout mon possible pour m'expliquer le plus nettement que je l'ai pu. »

- « Vous êtes-vous conformé, depuis le dernier avertissement que vous a donné le consistoire, aux instructions de l'évêque et du vicaire-général Mayer ? »
« Oui, autant que je l'ai pu, sans cesser cependant de prêcher la foi vivante, quand mon texte m'y appelait : car, malheur à moi, si, par crainte des hommes, je n'annonce pas l'Évangile ! »

- « Avez-vous continué, depuis le dernier avis du consistoire, à prêcher la foi vivante en Christ ? »
- « Certainement : car j'aurais commis un grand péché en ne la prêchant pas, puisqu'il est écrit : Celui qui aura eu honte de moi et de mes paroles devant les hommes, j'en aurai aussi honte devant mon Père. L'obligation de la prêcher m'est donc imposée. Ici j'exposai avec détails mes principes, d'abondantes larmes coulaient de mes yeux, les commissaires étaient tout oreilles. »

- « Connaissez-vous les plaintes qu'on a portées contre vous ? » demandèrent-ils ensuite.
- « oui, on m'accuse d'avoir prêché que nous ne sommes sauvés que par la foi et d'être Luthérien. »

- « Est-il vrai que vous attribuez à Satan tous les maux et toutes les maladies ? »
- « J'ai dit que ces maux sont les fruits du péché originel ; du principe du mal, appelé Satan ou de toute autre dénomination. L'Écriture Sainte attribue au malin une foule de maladies. - J'ai tout simplement dit, d'après l'Écriture, que par l'envie du démon le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort et tous les autres maux. » -

La figure de mes juges prit alors un air sombre : ils me demandèrent depuis quelle époque j'étais revêtu de la prêtrise, combien de temps j'avais exercé le ministère à Postlinberg et depuis quand j'étais ici : si j'avais prêché partout les mêmes doctrines et comment il se faisait qu'elles n'eussent excité des troubles qu'à Gallneukirch : pourquoi je ne changeais pas de langage puisqu'il m'attirait tant de désagréments ? etc., etc.

« Voilà plus de trois jours que la commission m'accable de questions de toute espèce, et elle n'est pas plus avancée qu'au commencement. Elle est dans le plus grand embarras, et ne sait où trouver quelque délit. Quant à Satan, elle n'y croit pas : on ne peut dire un mot de ce prince du mensonge, sans qu'ils se mettent à en rire aux éclats.
Hier après-midi, ils ont interrogé les juges de la communauté, qui tous ont déposé en ma faveur et contre Brunner. Il parait que ces témoignages ont dissipé, en partie du moins, les injustes préventions des commissaires qui décidément étaient du côté des accusateurs. Ils voudraient opérer une réconciliation, mais les juges craignent qu'en acceptant un accommodement, ils ne soient obligés de payer tous les frais de l'enquête. ils ne veulent s'y prêter qu'autant qu'ils seront assurés être à l'abri de toute espèce de frais.
Je viens d'apprendre que les auteurs de la plainte repoussent toute réconciliation. - Vers les six heures, le président de la commission m'a fait appeler à l'hospice, et m'a dit : « Mon cher pasteur, j'ai le grand regret de vous annoncer que vos paroissiens refusent de faire la paix et qu'ils veulent que la plainte soit portée au gouvernement. La commission a maintenant terminé sa tâche, toute votre affaire va être soumise à l'autorité supérieure et au consistoire épiscopal. Je me borne à vous prier d'éviter tout ce qui pourrait exciter l'animosité de vos paroissiens. »

- « Du reste, nous nous sommes assez bien quittés : mais après la session de la commission nous en savons tout juste autant qu'auparavant. Les esprits sont également partagés : l'impatience et l'incertitude en sont toujours au même point. »

Du 15 janvier. « J'ai été à Lintz auprès de Bertgen et de Herzog, ils tremblent l'un et l'autre et désespèrent de mon affaire. On prétend que je fais partie d'une société secrète, composée de catholiques et de protestants, et que j'aspire à réformer tout le clergé autrichien, ou du moins que je veux lui faire honte en répétant partout qu'il n'y a que moi qui prêche fidèlement Christ et son Évangile, ce qu'on ne peut souffrir, vu d'ailleurs ma qualité d'étranger. Bien plus, nos pauvres aveugles soutiennent que mes principes sur la justification sont tout à fait protestants et sont cause d'une démoralisation telle qu'on n'en a jamais vu dans le pays. »

Du 24. - Mes deux amis de Lintz osent à peine me parler et à plus forte raison m'écrire. Je me vois seul, abandonné de tous. Parfois j'ai la coupable pensée que le Seigneur m'a aussi délaissé. Mes chers paroissiens dont la foi est plus vive que la mienne, s'efforcent de ranimer mon courage abattu et de me soutenir dans mes travaux. Ils m'ont déclaré mainte fois que ces épreuves, bien loin de les ralentir, n'ont servi qu'à augmenter leur zèle et leur piété. Ils n'ont jamais montré autant de force que depuis que je suis si affaibli : il semble que leur courage grandit à mesure que je me sens abattu. Que mon état ne vous inquiète pas trop ; le Seigneur peut me relever en un instant. »

Boos.

Six mois après que la commission eut fait son enquête, le consistoire épiscopal adressa à Boos l'arrêt suivant :
« Nous recommandons de la manière la plus expresse au curé Boos de garder, dans ses prédications, un silence complet sur la foi, sur la justification et sur toutes les matières dont il a été question dans le dernier interrogatoire, et de n'employer en public et en particulier, en chaire et dans le confessionnal, que les expressions dont se servent tous les autres curés catholiques du diocèse et qui sont en usage dans les livres symboliques. »

Cette défense rappela à Boos celle que les souverains sacrificateurs firent aux apôtres, de ne plus enseigner qui que ce fût au nom de Jésus (Act., IV, 18-20). Il se souvint aussi de la réponse des envoyés de Dieu. « Jugez vous-même s'il est juste devant Dieu de vous obéir plutôt qu'à Dieu ? car pour nous, nous ne pouvons pas ne point parler des choses que nous avons vues et entendues. » - « Si un prédicateur, se dit-il en lui-même, ne doit point annoncer la justification par la foi, le premier article de sa croyance sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu, de vivre et de mourir en chrétien, ni d'obtenir la vie éternelle, de cette foi que Jésus exigeait avant tout de ses disciples, si un prédicateur ne doit plus la prêcher, il n'a plus qu'à garder un silence absolu sur tout le reste, car tout ce qu'il pourrait dire, tout ce qu'il pourrait faire, serait frappé de stérilité.

S'il doit régler ses expressions d'après celles des autres pasteurs, il ne pourra rien dire de la foi vivante, puisque l'apôtre Paul a dit que la foi n'est pas donnée à tous. - Cet apôtre ne serait-il pas un meilleur modèle que tous les autres curés ? Ne serait-il pas permis de se servir du même langage que lui ? Quant aux livres symboliques, la Bible n'est-elle pas le livre par excellence ? N'est-ce pas le livre dont tout prédicateur doit faire sa principale étude et qu'il doit prendre constamment pour guide ? Si donc mes expressions blessent les oreilles de quelques gens il en est de même de celles de saint Paul. »

Ainsi pensait Boos. À cette épreuve vint s'en joindre une autre, fort sensible à son cœur si aimant - Bertgen, son fidèle ami Bertgen, mourut. Ce fut le 1er juillet 1812 que s'éteignit ce pieux défenseur de l'opprimé. Il n'était âgé que de cinquante-un ans. « Sa mort renouvelle toutes mes douleurs, » écrivait alors Boos : « mes ennemis triomphent et élèvent la voix. Mais quand je pense à cet ami, à ce protecteur qui n'est plus, j'admire plus vivement l'immense bonté du Seigneur qui veut me montrer qu'il n'a pas besoin du secours de l'homme pour me délivrer. S'il veut que je succombe, il sera toujours le Seigneur tout-puissant, et moi, un pauvre pécheur.

Notre affaire est de porter l'opprobre. Ne nous en chagrinons pas : où et quand est-ce que le monde a jamais accueilli et honoré un homme reçu en grâce devant Dieu ? Comment pourrions-nous l'exiger de lui ? Le monde ne nous connaît pas. Que nous importe, pourvu que nous soyons reconnus de Dieu ? Le serviteur doit-il être plus grand que son maître ? »

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CHAPITRE XXI.

DES CHARBONS ÔTÉS DE DESSUS LA TÊTE D'UN ENNEMI.


Au milieu des amertumes de son ministère et des combats que Satan lui livrait dans son propre cœur, Boos, fidèle à sa mission, proclamait toujours Jésus-Christ comme le chemin, la vérité et la vie. Le Seigneur ne se laisse jamais sans témoignage d'amour envers ses enfants ; il relève leurs mains languissantes et redresse leurs genoux qui plient sous le faix.

Un des plus doux rafraîchissements que puisse recevoir un prédicateur de la justice, c'est la vue d'une âme, d'une seule âme qui passe des ténèbres à la lumière. Son cœur est d'autant plus ranimé et réjoui, si le pécheur qui vient à la croix de Christ a pendant long-temps été au rang des adversaires de Christ. Ce fut cette joie que goûta encore Boos.

À peine le consistoire venait-il de lui défendre d'annoncer le salut par grâce, qu'un de ses plus ardents ennemis crut à ce salut accompli sur Golgotha. Un homme, fort connu par son opposition contre Boos, venait de perdre un enfant nouveau-né. Il se rendit auprès du pasteur pour lui demander de pourvoir aux soins de sa sépulture. Boos, qui connaissait les dispositions de cet homme, fut un peu interdit à son arrivée ; puis se remettant de sa première émotion :
- Eh bien ! mon cher, lui dit-il, comment est-ce que cela va ? Vous ne voulez donc pas faire la paix ? 

Le paroissien gardait le silence et ne savait quelle réponse faire.
- Le président du cercle m'a assuré, » ajouta Boos, « que de tous les opposants vous étiez le moins insensé et que vous étiez bien près de vous rapprocher de moi. Voilà pourtant un an que j'attends et que j'attends en vain. 
- Ah ! oui, répondit cet homme, je donnerais bien de l'argent pour ne pas m'être mêlé de cette affaire.

- Il vous est très-facile d'en sortir.
- Comment donc ?

- Croyez comme moi et comme bien d'autres en Jésus-Christ, et vous serez hors de tout cela et bien plus, vous aurez la vie éternelle.
- Vous dites toujours que nous devons croire ! C'est ce que nous faisons déjà.

- Ah ! mon cher, vous vous trompez ; vous êtes bien loin de croire. On dit bien de la bouche : Je crois, mais le coeur ne croit pas. Il en est de la foi comme de la prière. Chez bien des gens, les lèvres prient, mais non pas le coeur. Si la foi vivante n'était pas aussi rare, l'Eglise ne devrait pas toujours dire : Seigneur, augmente-nous la foi ! Elle ne chercherait pas chaque Dimanche à réveiller la foi, l'espérance et la charité, si elle ne savait pas combien toutes ces choses sommeillent, s'affaiblissent à chaque instant et finissent par périr.
- Oui, oui, c'est vrai.

- Voyez, Christ a fait des miracles, et les Juifs n'ont pas voulu croire ou n'ont cru que pour un temps. Combien de fois n'a-t-il pas reproché à ses disciples la lenteur qu'ils mettaient à croire !
- Mais il n'y a jamais eu ici d'ecclésiastique qui ait prêché si habituellement la foi et qui y ait mis autant d'importance que vous !

- C'est vous qui en êtes la cause.
- Et comment ?

- Parce que l'un de vous s'est pendu par manque de foi, et qu'une foule d'autres sont tombés dans le désespoir. Je vis alors que le fondement du salut, la foi en Christ n'avait pas encore été posé et que je devais commencer par le vrai commencement, par le principe le plus important, la pierre angulaire qui est CHRIST, pour pouvoir ensuite élever sur cette pierre, l'or, l'argent et les pierres précieuses des bonnes-oeuvres. Il faut planter un bon arbre pour y cueillir de bons fruits.
- Oui, c'est vrai ; mais n'avez-vous pas d'abord rejeté les bonnes-œuvres ?

- Oui, les oeuvres de notre propre justice, faites hors de Christ, et sur lesquelles nous voudrions fonder notre salut ; ces œuvres-là, je les ai rejetées, à l'exemple de Christ et de Paul. J'ai dû me débarrasser de ces oeuvres qui n'ont que l'apparence de la sainteté, afin de pouvoir poser en vous Christ qui est la pierre de l'angle. J'ai cherché à planter d'abord en vous le bon arbre, pour pouvoir y cueillir de bons fruits : car sans Christ, on ne peut rien faire de bon (Jean, XV, 5)
- N'est-ce pas élargir la porte du ciel par laquelle il est dit : qu'on ne peut entrer sans beaucoup d'efforts ?

- Oui, il faut de grands efforts pour y entrer, puisque jusqu'à présent vous n'avez pas seulement franchi le premier degré, qui est de croire en Christ. Vous n'avez pas encore accompli le commandement, qui est de recevoir Jésus pour notre Sauveur. Ne voyez-vous pas qu'il faut des efforts pour entrer dans le ciel, puisqu'on a tant de peine à croire ?
- Oui, oui, sans doute !

- Mais une fois que l'on croit, tout devient facile. Jésus a dit : Mon joug est aisé et mon fardeau léger (Matth., XI, 29), et il compare le royaume de Dieu à un festin nuptial tout préparé et où l'on n'a qu'à s'asseoir. Tout le monde peut et doit y prendre part. Christ en rend l'accès bien plus facile que moi. Que faire ? Dois-je rétrécir la porte du ciel ?
- Oh ! combien je suis réjoui de vous entendre ! Je vais vous raconter comment je me suis mêlé de toute cette affaire, J'avais lu les ouvrages de Henke et de Huth (1). Je demandai un jour au père Conrad si une histoire de l'Eglise pouvait renfermer des faussetés. Il me répondit que non et je crus tout ce que ces écrivains avaient débité sur votre compte : je tombai ainsi dans l'erreur. Maintenant je vois bien que l'on imprime aussi parfois des mensonges. Permettez-moi de venir vous voir souvent ; nous finirons, j'en suis sûr, par n'être qu'un cœur et qu'une âme.

- Venez aussi souvent que vous le voudrez. »

Boos lui lut diverses portions de l'Écriture pour lui prouver que l'homme ne peut être sauvé que par grâce. Cet entretien, si doux au cœur du pasteur, dura plus de deux heures, et celui qui naguère s'élevait contre lui, reçut avec joie, avec docilité la bonne nouvelle du pardon qui est en Christ et devint dès-lors un homme nouveau.

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(1) Qui avaient écrit contre Boos.
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