« Si l'empereur chargeait tous
les évêques, les pasteurs et les
chapelains d'annoncer qu'il veut acquitter les
dettes de tous les débiteurs qui se feraient
connaître, on les verrait bientôt tous
accourir, et l'on regarderait comme des
insensés ceux qui n'accepteraient pas un tel
bienfait. Eh bien ! le Seigneur adresse le
même appel ; il offre une pleine
rémission des péchés ; il
la fait proclamer par ses serviteurs. Que de gens
assez aveuglés pour refuser de croire
à tant d'amour ! »
« Un homme me disait
aujourd'hui : « Lorsque je veux
exiger de mes enfants et de mes domestiques qu'ils
restent le soir à la maison, ma femme me
dit : laisse les faire ; à leur
âge n'étions-nous pas comme eux ?
- J'ai répondu à cet homme :
Dis à ta femme qu'il me
paraît, d'après cela, qu'elle n'a
jamais. reconnu, ses péchés de
jeunesse, et qu'elle ne s'en est jamais repentie.
Demande-lui, de ma part, si, non contente de se
précipiter elle-même en enfer, elle
veut y entraîner aussi ses enfants et ses
serviteurs. »
« Christ est
lavé ; il peut compatir aux besoins du
pauvre ; car il n'avait pas un lieu pour
reposer sa tête. Il lit dans les coeurs des
plus grands monarques car il est le Roi des rois et
il gouverne les cieux et la terre. Il a connu la
condition des ouvriers, puisqu'il a
été un pauvre charpentier et qu'il a
pris la forme d'un serviteur. Quoique Seigneur, il
a lavé les pieds de ses disciples.
« J'ai éprouvé
aujourd'hui combien il est doux d'aimer ceux qui
nous persécutent. Le Seigneur peut bien
dire : « Mon joug est aisé et
mon fardeau est léger. »
- Il est des hommes qui taxent de
faiblesse le pardon des injures. D'après ce
principe, Dieu serait infiniment plus faible que
toutes ses créatures qui sont au ciel et sur
la terre ; car aucune d'elles ne pardonne
autant que lui.
- On voit des hommes qui ont toujours la
tête penchée vers la terre, semblables
en cela aux animaux qui ne cherchent qu'à
manger et à boire. Ces jouissances
charnelles font toute leur félicité. Il est presque
aussi
difficile de
les convertir que ces animaux-là.
- L'enfant difforme dans le sein de sa
mère le sera toute sa vie ; de
même l'homme qui meurt dans ses
péchés, sera plongé dans un
malheur éternel. - « On trouve
toujours Jésus quand on pleure pour
lui », a dit un fidèle. Rien de
plus vrai que ces paroles. Lorsque Marie pleurait
au sépulcre, le Seigneur était
derrière elle, sous l'apparence d'un
jardinier. Que de fois j'en ai fait la douce
expérience ! - Ah ! si seulement
j'avais chaque jour un coeur disposé
à verser des larmes pour lui, chaque jour je
posséderais Emmanuel.
Les hommes ne pensent pas assez qu'il
est quelqu'un qui a sué du sang pour eux. -
La prière délivra Jonas de ventre de
la baleine. Saint-Pierre et saint-Paul, priant dans
un cachot, virent tomber leurs fers. Oh ! que
l'homme est puissant par la prière !
Elle le rend capable de briser les plus durs liens.
- Je disais dans une de mes prédications -
« Le vrai repentit produit
nécessairement la douleur, une
anxiété profonde à
l'égard des choses de Dieu et pour notre
salut éternel. Cette douleur accompagne le
pécheur partout : dans son lit, dans le
temple, aux champs, sur la place du marché,
à l'étable, à la cave,
jusqu'à ce qu'il ait sollicité et
obtenu sa grâce auprès du
Seigneur. » Ces paroles ont fait
impression sur un journalier, qui
m'a fait appeler auprès de lui :
« Depuis trois jours, me dit-il, je me
trouve exactement dans l'état que vous avez
décrit ; mes péchés sont
jour et nuit devant moi. Mon corps est en bonne
santé, mais mon âme est fort malade.
C'est pourquoi je vous ai prié dé
venir me voir ; dites-moi ce que j'ai à
faire pour trouver la grâce et la
paix ? » - Il obtint l'une et
l'autre. La grâce pénétra son
coeur et il ne put regimber contre
l'aiguillon.
« Ah ! si j'étais
riche ! » me disait un jour un
paysan. - « Crois-moi », lui
répondis-je, les richesses ne te rendraient
point heureux. » - Et pourquoi pas ?
- Il est probable qu'avec ton or tu
achèterais les trésors de la
volupté, comme le mauvais riche et l'enfant
prodigue, ou bien que tu finirais par trouver une
corde, comme Judas : l'enfer pourrait devenir
ton tombeau. - Cherche premièrement le
royaume de Dieu et sa justice et tout ce qui t'est
nécessaire te sera donné
par-dessus. » - Les chrétiens
seraient tous riches s'ils avaient assez de
foi ; car ils sont enfants de Dieu, et,
par-là même, héritiers de Dieu
et cohéritiers de Christ. Le ciel, la terre,
tout est à Christ, et ses rachetés
ont part à sa sainteté et à sa
gloire. Ils sont donc inexprimablement riches.
Aussi saint Paul disait : « Tout est
à nous ! » Une foule de
chrétiens ne voulant pas croire cela, sont
toujours à dire avec de profonds
soupirs : « Ah ! seulement si
j'étais
riche ! Si seulement j'avais beaucoup
d'argent ! Au contraire »,
l'apôtre Paul disait : « Je
regarde toutes les autres choses comme une perte,
en comparaison de l'excellence de la connaissance
de Jésus-Christ mon Seigneur, pour qui je me
suis privé de toutes ces choses, et je ne
les regarde que comme des ordures, pourvu que je
gagne Christ » (Philipp., III,
8).
Tous les hommes inconvertis sont
enfermés dans la salle funèbre du
péché. Quelques-uns se
réveillent de leur sommeil, reconnaissent le
danger de leur état et ne peuvent trouver la
sonnette ou la porte de la salle. D'autres (et
c'est le plus grand nombre), dorment
profondément et ignorent qu'ils sont morts
dans leurs fautes et dans leur péché.
Heureux ceux qui se réveillent et qui
cherchent sincèrement une issue ! ils
la trouveront et entreront bientôt dans le
chemin du salut
éternel ! »
Telles étaient les pensées
de Boos ; elles se trouvent exprimées
sous toutes sortes de formes, dans le volumineux
journal que son biographe nous a conservé.
Nous en aurions étendu les citations, si
celles que nous venons d'offrir à nos
lecteurs ne nous eussent pas paru suffisantes pour
vous raconter le pouvoir de la grâce de notre
Dieu.
Qui n'y verrait la puissance de cet
Esprit-Saint qui se fait jour à travers
toutes les formes et qui renverse toutes les
barrières que la superstition peut lui
opposer ! Boos, prêtre catholique ;
Boos, soumis au joug du pape, annonce un salut
gratuit ; un salut assuré à tous
ceux qui vont à Christ. Jésus
était toute sa joie et toute son
espérance, et c'est à cette source
des eaux vives qu'il conduisait les âmes
auprès desquelles son divin Maître
l'avait placé. Que n'en est-il de même
de tous les hommes portant le nom de prêtres
ou de ministres de l'évangile !
De Geuerlach, Boos fut élu pasteur de
Postlingberg, près de Lintz. Peu de temps
après, l'évêque Antoine Gall,
l'appréciant de plus en plus, le
plaça dans une des paroisses les plus
considérables de son diocèse,
à Gallneukirch. Il y travailla pendant
quatre ans et demi, sans éprouver aucune
entrave ni aucune espèce de
persécution. Ce calme profond était
probablement dû au peu de succès de son ministère -
la
semence était jetée ; mais elle
ne produisait pas de fruits. Boos en était
profondément affligé. À la vue
d'une mort si générale, il redoubla
de ferveur dans ses prières et de force dans
ses prédications. Le Seigneur exauça
ses requêtes, et lui donna de voir plusieurs
âmes affamées de la justice et
s'enquérir du chemin du salut.
Un paysan, connu depuis long-temps par
son amour effréné des plaisirs
mondains, fut tout à coup
réveillé de son sommeil de mort, et
son âme fut livrée aux plus affreuses
angoisses. On l'attendait continuellement
crier : « Je suis perdu ! perdu
pour toujours ! c'en est fait de moi ;
Dieu ne me pardonnera jamais. » Il devint
pâle, maigre, et disait sans cesse qu'il
voulait s'ôter la vie. Le coadjuteur Brunner,
son confesseur, s'efforça de le
tranquilliser par les voies ordinaires de la
pénitence, des pèlerinages et
d'autres oeuvres regardées comme
méritoires ; mais aucune de ces oeuvres
n'apportait le calme à cette âme
angoissée. Son désespoir ne fit que
s'accroître toujours davantage. Boos lui
annonça le message de la paix :
Jésus mort pour les pêcheurs ; ce
fut en vain : les rayons de la foi ne purent
pénétrer dans son coeur. Un jour il
monte à son grenier et se pend à une
corde attachée à une poutre. Son
épouse accourt sur ses pas et parvient
à couper la corde ; et, à force
de le secouer, elle le rappelle à la vie. Il
trouva dès lors quelque
repos ; mais jamais la paix chrétienne
ne parut naître dans son âme.
Après avoir été quelque temps
en proie à une profonde mélancolie et
au délire, il mourut dans l'enfance et dans
un abattement complet.
Ce déplorable
événement engagea Boos et son
chapelain Rehberger, à proclamer plus
ouvertement encore le salut qui est en Christ. Il y
avait dans la paroisse plusieurs personnes
tourmentées par le sentiment de leurs
péchés. Tous leurs efforts, toutes
leurs prières, leurs confessions, les
laissaient plongées dans ce travail de
l'âme, avant-goût des éternelles
douleurs. « Ces âmes »,
écrivait Boos à ce sujet, avaient
beau prier : toujours esclaves de leurs
vieilles erreurs, elles restaient en proie à
leurs angoisses, et ne connaissaient point ce
nouvel état que produit l'Esprit d'amour et
de paix. Avec toute leur piété, elles
craignaient toujours la mort, le jugement, le
diable et l'enfer; car elles sentaient combien leur
obéissance était imparfaite. Le plus
pieux de mes paroissiens n'avait pas accompli la
loi et n'avait jamais compris que le juste doit
vivre de foi. Le plus fervent d'entr'eux ne savait
que gémir et s'abandonner à toutes
les terreurs de sa conscience. Il cherchait le
salut de son âme, non pas en Jésus
crucifié, mais dans de misérables
lambeaux dont il voulait couvrir ses
péchés, et dans de bonnes oeuvres
qui jamais ne lui faisaient
trouver la paix. La plus mauvaise portion de ma
paroisse vivait fort paisiblement dans le
péché, éloignée de
Jésus, sans foi, sans espérance, sans
amour et sans vertus.
Tel était l'état de mes
ouailles : elles se divisaient, en
chrétiens juifs et en chrétiens
païens ; un fort petit nombre
était de vrais disciples de Christ ; et
pourtant ma paroisse comptait de quatre à
cinq mille âmes ! - Sachant par notre
propre expérience qu'il n'est point de paix
ni de vraie consolation pour les consciences
travaillées, que sur le chemin d'une foi
vivante en Christ crucifié, nous vîmes
la nécessité de chercher le salut et
la justification, non point dans la loi ni dans les
oeuvres, mais dans la foi en Christ. Nous nous
mîmes donc à prêcher plus
fortement encore cette salutaire.
Voici les points principaux sur lesquels
j'insistai à diverses reprises :
- Tous les hommes sont pécheurs ; il
n'y a point de juste ; non, pas même un
seul ( Rom.
III, 10-18. ) Aucun homme ne
peut par soi-même s'affranchir du
péché, ni acquérir une vie
nouvelle ; ses prières, ses
aumônes ne lui procureront jamais la
justification. Des oeuvres de piété
ne rendent pas l'homme pieux et juste ; mais
l'homme pieux et justifié fait des oeuvres
justes.
- Ce ne sont pas nos oeuvres qui nous
rendent justes et heureux ; mais la croyance
au Fils de Dieu. Sa mort est le fondement de notre
salut. Il n'y a de juste que Dieu
et ceux qu'il a justifiés ( Rom.
III, X,
XI ;
Gal. II,
Tit.
III, etc.). Bien que les
oeuvres ne nous procurent pas le salut et
l'éternelle félicité, nous
devons les faire, parce que, d'abord, Dieu les
commande ; ensuite, parce qu'elles sont une
preuve de notre justification devant Dieu et devant
les hommes ; enfin, parce qu'elles sont les
fruits nécessaires d'une foi vivante
(Matth.
VII ; 2
Cor. IX, etc.).
- La foi est une assurance vive et
sincère en la grâce divine promise en
Christ, du pardon des péchés et de la
vie éternelle ; elle est un don du
Saint-Esprit.
(Rom
III ; Hébr.
X ; Luc
VII, etc.) »
« Le pardon des
péchés est entièrement gratuit
et s'obtient sans aucun mérite de notre
part, et par les purs mérites de Christ. Le
pardon est notre justice efficace auprès de
Dieu.
(Eph.
Il.)
- Lorsqu'une âme éprouve
une sainte frayeur de ses péchés, et
me demande ce qu'elle faire pour trouver la paix et
le bonheur, je me garde bien de lui dire
d'abord : « Tu dois vivre dans la
piété, observer les commandements de
Dieu et faire de bonnes oeuvres ; »
mais je lui dis : « Crois d'abord en
Jésus-Christ, qui, par le sacrifice de la
croix, nous a obtenu la rémission des
péchés, une véritable justice
devant Dieu et la vie éternelle. Lorsque
cette âme croit à son pardon et
goûte la paix, je l'exhorte à vivre
dans la piété et
dans l'obéissance aux commandements de Dieu,
par amour pour Celui qui s'est immolé
à notre place, et qui nous rend capables de
faire de bonnes oeuvres. « Tout arbre qui
est bon porte de bons fruits
(Matth.,
VII, 17). Je ne voudrais pas
être dans le ciel, si chacun pouvait le
mériter par ses bonnes oeuvres, et si ce
n'était pas la grâce divine qui nous
en ouvrît l'entrée ; car chacun
voudrait avoir plus fait ou plus souffert que tel
ou tel autre, et l'on verrait régner dans le
ciel l'orgueil, l'envie, la jalousie, les disputes.
Mais puisque c'est Christ seul qui nous a acquis le
ciel, et que nous ne pouvons y entrer que par
grâce, on y goûtera la paix la plus
parfaite. - La foi vivante ne peut être
donnée ni par notre mère, ni par
notre instituteur, ni par le prédicateur de
la parole : on ne la puise ni dans les
universités, ni sur les bancs de
l'école, mais à l'école du
Saint-Esprit, après bien des prières,
des luttes et des humiliations de toute
espèce. - Le passage de saint Jacques,
Il, 24, n'est point en
opposition avec celui de l'épître aux Romains,
III, 27. Le premier parle
de la justification devant les hommes, et le second
de la justification devant Dieu. Dieu seul peut
lire dans nos coeurs ; et comme rien n'est
plus trompeur qu'une simple confession des
lèvres, elle doit se faire
connaître par des fruits. Abraham fat
justifié devant Dieu sans les oeuvres de la
loi ; mais il dut aussi être reconnu
comme juste par les hommes. »
Une prédication aussi fidèle
devait porter des fruits. Le Seigneur arrosa des
eaux de sa grâce la semence de sa parole, et
plusieurs âmes passèrent des
ténèbres à la lumière.
Boos nous a conservé le récit de
plusieurs de ces conversions, qui nous prouvent
d'une manière si touchante que partout
où Christ est annoncé, il se
révèle aux siens.
Un homme, nommé Michel, jouissait
depuis fort long-temps d'une grande
réputation de piété, mais
était sans cesse en proie aux angoisses et
à la terreur du jugement de Dieu. Il
recourait à toutes sortes de moyens pour
apaiser sa conscience effrayée : il fit
plusieurs pèlerinages et plus de trente.
confessions générales. Chaque
année il donnait aux pauvres deux tonneaux
de moût, deux boisseaux de froment et la
moitié d'un porc gras.
Il faisait faire à ses frais des
sermons de carême, adoptait de pauvres
enfants illégitimes, et les élevait
avec tous les soins d'un père. Toutes ces
oeuvres avaient pour but de lui obtenir son pardon
auprès de Dieu, et de faire naître la
paix dans son coeur.
Un jour tous ses porcs périrent
ou des voleurs les lui enlevèrent, ses
champs de blés furent détruits par le
gel, et il se trouva sans provision pour lui et ses
enfants adoptifs. Surpris à cette vue,
Michel s'écrie - « Quoi ! je
donne à Dieu, dans la personne du pauvre, la
dîme de tout ce qu'il m'accorde, et
voilà qu'il m'enlève
tout ! » Le Dimanche suivant il va
auprès de Boos, et lui raconte tout ce qui
lui est arrivé. « Dieu, dit-il,
n'a jamais eu mes bonnes oeuvres pour
agréables, ou mes oeuvres ne sont pas
bonnes. Je suis comme Caïn, dont le sacrifice
déplut à
l'Éternel. »
Boos.
- Comment
donc ?
Michel.
- Et oui ;
je viens de perdre soit par les voleurs, soit par
la maladie, soit par le gel, tout ce que j'avais
coutume de donner aux pauvres : je ne puis
plus faire d'aumônes, et j'ai à peine
de quoi subvenir à mon entretien.
Boos se mit d'abord à rire ;
mais voyant que le malheureux Michel manquait de
lumière, il lui dit :
« Vois-tu, Michel, les oeuvres
que tu as faites jusqu'ici
étaient sans doute bonnes et louables en
elles-mêmes ; mais si tu les as faites
dans l'intention de t'acquérir la justice
qui subsiste devant Dieu, et pour mériter le
ciel, où l'on ne peut être admis que
par pure grâce, par la foi en
Jésus-christ, tu ne dois pas être
surpris de te voir privé des objets dans
lesquels tu mettais ton espoir de
salut. »
À ces mots, Michel ouvrit de
grands yeux, et s'écria :
« N'est-ce pas par des bonnes oeuvres que
nous pouvons gagner le
ciel ? »
Boos.
- Et non, non sans
doute : le pardon des péchés, le
salut, la vie éternelle ne s'obtiennent que
par grâce ; c'est Jésus qui nous
les a mérités par son
obéissance jusqu'à la mort de la
croix. Celui qui croit en lui a la vie
éternelle ;mais celui qui ne croit
point est condamné, lors même qu'il
donnerait, comme toi, chaque année aux
pauvres, un porc, un tonneau de moût et deux
mesures de froment. Y penses-tu Michel ?
Comment pourrait-on acheter d'aussi grands biens,
la rémission des péchés, le
ciel et la vie éternelle, pour un porc, un
tonneau de moût et deux mesures de
froment ? À ce compte-là, les
riches seuls entreraient dans le ciel et les
pauvres resteraient à la porte.
Michel.
- Les bonnes
oeuvres ne valent-elles donc rien ?
Boos.
- Elles ont leur
utilité, lorsqu'elles sont faites avec foi
et dans la grâce de Dieu ; mais elles ne
peuvent jamais nous mériter notre
justification : on ne l'obtient que par la foi
en Jésus, afin, que l'honneur n'en revienne
qu'à Dieu et à son Christ. Si Abraham
ou Michel étaient justifiés par les
oeuvres, l'honneur en reviendrait à Abraham
ou à Michel, et non à Dieu ;
mais il n'en peut être ainsi. (Rom. IV,
2.)
Michel, toujours plus
étonné, ne comprenait rien à
ces paroles : C'était pour lui des
choses cachées et même suspectes. Le
curé prit alors le Nouveau-Testament.
Crois-tu, lui dit-il, que ce livre soit la parole
de Dieu, et par conséquent la
vérité ?
Michel.
- Oui, je le
crois.
Boos.
- Eh bien,
écoute ce que disent Jésus et ses
apôtres. -
Il lui lut les textes suivants : Jean
III, 16, VI,
40 ; Romains
III, 20-30 ; Gal.
II, 16 ; Tite
Ill,
5. Mais tout cela ne
calmait pas son angoisse. Il tomba enfin sur Rom.
V, 18. À cette parole,
ses yeux s'ouvrirent.... Ah ! je comprends,
dit-il ; oui, je comprends : nous
héritons de Jésus la justice qui
subsiste devant Dieu, tout aussi bien que nous
avons hérité d'Adam le
péché et l'injustice.
Boos.
- Oui, c'est bien
cela.
Michel.
- Je comprends
maintenant.
Boos.
- Crois-tu que les
choses soient ainsi ?
Michel.
- Oui, je le
crois.
Boos.
- Es-tu content de
ce que tu ne peux ni ne dois acheter la vie
éternelle pour un porc, deux boisseaux de
froment et un tonneau de moût ?
Michel.
- Oui,
assurément ; j'en suis bien
réjoui !
Que ne suis-je venu plus tôt vers
vous ! Je suis maintenant tout consolé.
mon angoisse a fait place à la paix. Mon
coeur est heureux ; que le Seigneur en soit
loué !
Boos.
- Mais, Michel,
afin que tu ne t'imagines pas que parce que
j'attribue la justification à la foi, je
rejette les bonnes oeuvres, écoute-moi
encore : Adonne-toi à toutes les vertus
chrétiennes. Tu es sauvé par
grâce ; mais ton Père
céleste veut que tu accomplisses maintenant
toute sa volonté. Fais-le par
reconnaissance. La foi qui est sans les oeuvres est
morte.
Dès ce moment-là, Michel
connut la paix de Jésus. Le Dimanche
suivant, à l'issue du service divin, il
retourna tout joyeux auprès de son
fidèle pasteur, et lui demanda le livre
où se trouvaient de si belles choses sur la
foi. (Il voulait dire le Nouveau-Testament.) Boos
lui en donna un. Michel en fit sa lecture favorite,
et persévéra dans la foi au
Seigneur : les persécutions ne l'ont
point ébranlé.
Une femme riche en oeuvres de
piété, éprouvait aussi, comme
Michel, les tourments d'une conscience
réveillée, mais était
privée de la connaissance de Christ.
Madelaine (c'est le nom de cette femme), ayant un
jour entendu prêcher Boos, se sentit saisie
d'une nouvelle terreur : c'est de moi qu'il
parle, pensa-t-elle ; oui, c'est bien de moi.
Elle n'osait lever les yeux, et cherchait à
se cacher derrière les personnes assises
près d'elle. Après le sermon, elle
court chez Boos et lui ouvre son coeur, en versant
d'abondantes larmes.
Le pasteur lui annonce Christ, et
l'amour qu'il a fait briller envers les
pécheurs qui pleurent sur leurs fautes.
« Tu es donc toujours la même,
Madelaine, » lui dit-il ?
« Crois seulement que Christ est mort
pour toi, et, qu'il est puissant pour te remettre
toutes tes dettes. Ouvre ta bouche et ton coeur, et
reçois ton pardon comme une aumône
venue du ciel. Que ces miettes du pain
céleste ne te paraissent pas trop
abondantes ; car Dieu donne bien plus que
l'homme ne peut recevoir. »
Dès ce jour-là elle
reçut le message du salut ; son
âme éprouva combien il est doux de
croire au Seigneur et de se reposer à ses
pieds. Elle acheta quatorze exemplaires du
Nouveau-Testament, et les distribua à ses
parents, en priant Dieu de faire luire dans leurs
coeurs la lumière qu'il avait
répandue dans le sien. Après avoir
souffert la persécution, et confessé
fidèlement celui en qui elle avait cru, elle
lui remit paisiblement son âme, en 1816 et
fit l'étonnement de toutes les personnes
témoins d'une si belle mort.
Une paysanne était venue plusieurs fois
près de la porte de Boos, pour lui exposer
les besoins de son âme ; mais une
crainte secrète l'avait toujours
empêchée d'entrer. Enfin, un jour elle
prend courage, entre chez lui, et le remercie, en
versant beaucoup de larmes, de tous ses sermons.
« Quoique tu aimes à entendre mes
prédications, lui dit Boos, et que tu sois
venue pour m'en remercier, je crains bien que tu ne
sois loin de croire ce que je
prêche... »
La
Paysanne. - Oh ! je crois tout ce
que vous prêchez.
Boos.
- J'en doute. En
voyant ton agitation la terreur que te causent tes
péchés, je reste convaincu qu'il y a
encore chez toi beaucoup d'incrédulité, et
que tu ne crois point que Dieu peut te pardonner
pour l'amour de Christ, et qu'il veut remplir ton
coeur du Saint-Esprit.
La
Paysanne (en
redoublant ses larmes) Ah ! Je suis
encore bien loin d'être telle que le
voudrais. Je suis une trop grande
pécheresse ; il est impossible que Dieu
me pardonne tous mes péchés.
Boos.
- Je suis un plus
grand pécheur que toi ; il lui a
cependant été possible de me
pardonner, comme il l'a fait à la
pécheresse qui essuyait de ses cheveux les
pieds de Jésus, à la Samaritaine,
à l'apôtre Pierre, à Paul, au
brigand sur la croix et à tant
d'autres ; pourquoi ne le pourrait-il pas
aussi à ton égard ?
Considère combien tu offenses Dieu par ton
incrédulité en ce moment, dans la
chambre de ton pasteur (1) !
La paysanne ne pouvait retenir ses
larmes ; les sanglots lui coupaient la parole.
- Boos lui montra par plusieurs
passages que Dieu gracie les plus grands
pécheurs qui sentent leurs fautes et qui
s'en humilient. « Crois donc à sa
Parole. Je te le déclare, Dieu, le
Père céleste, t'aime assez pour te
donner plus qu'un tonneau d'or, et des biens plus
grands que ce que tu peux t'imaginer ; savoir,
son Fils unique avec toute sa justice et sa
sainteté. Il veut à l'instant
même te pardonner tous tes
péchés. Tu n'as qu'à croire. -
Crois-tu cela ?
La
Paysanne. Je ne puis faire
autrement ; je suis obligée de croire,
dit-elle à haute voix et les yeux
baignés de pleurs.
Tu es heureuse, dit le pasteur, de ne
pouvoir faire autrement.. Va-t-en en paix ;
tes péchés te sont pardonnés.
Je ne puis pas encore partir,
répliqua-t-elle ; je suis aussi
heureuse que si j'étais au ciel. Si vous me
le permettez, je resterai encore un peu chez vous,
jamais je n'ai éprouvé un tel
bonheur. »
Elle resta jusqu'au soir, et emporta
avec elle la paix du Seigneur, qui surpasse toute
intelligence. À trois jours de là,
elle retourna auprès de Boos, toute triste
et couverte de larmes.
« Hélas ! » lui
dit-elle, « j'ai perdu la paix ;
c'en est fait, je suis perdue. »
Boos. - Et pourquoi donc ?
La
Paysanne. - Mon mari est un
ivrogne ; j'ai beaucoup d'enfants ; je
suis aubergiste, accablée d'affaires et d'embarras.
Il
m'est impossible d'y tenir.
Boos se mit à rire, et dit :
Je suis bien sûr que ta foi était
était sincère quand, il y a trois
jours, tu me disais que tu croyais à ton
pardon ; sans cela elle ne serait pas si
vivement attaquée. Prends courage. Si la foi
en Jésus ne pouvait se concilier avec tous
les états, le Seigneur n'aurait jamais
ordonné de prêcher l'Évangile
à toutes les créatures ; il
aurait dû dire expressément :
« Vous ne prêcherez ni
aux brasseurs de bière, ni aux aubergistes,
ni aux femmes qui ont le malheur d'avoir des maris
ivrognes et beaucoup d'enfants ou
d'hôtes : gardez-vous d'annoncer
l'Évangile à ces
gens-là ; ils ne pourront pas y
croire ; ils n'ont pas le temps de songer au
bonheur éternel. »
Mais Jésus n'a pas tenu un pareil
langage. Courage donc, et dites à votre
ennemi spirituel : Arrière de moi,
Satan !
La
Paysanne. - Je dois donc me remettre
à l'oeuvre ; je croyais que vraiment
cela ne me serait plus possible.
Elle sortit ayant retrouvé la
paix. Le Seigneur la fortifia dans la foi et la
rendit propre à répandre autour
d'elle la précieuse connaissance de
Christ : ses filles, ses soeurs, sa domestique
et quelques voisins furent amenés, par son
moyen, à croire à la gratuité
du salut. Son mari mourut en
1814 ; elle aurait pu dès-lors quitter
son auberge et vivre dans la retraite.
« Mais non, se dit-elle, voilà
cinq ans que je vis heureuse ici ; mes enfants
sont encore jeunes ; je les
élèverai chrétiennement, Dieu
me tiendra lieu d'époux et il sera leur
père.
Peu après elle fut l'objet de la
haine du monde. Point d'Abel sans Caïn :
être chrétien et être haï
sans cause, c'est ce qu'on a toujours vu.
« Je fis un jour une visite
à un fondeur, » raconte
Boos, » et lui portai le Saint-Sacrement,
qu'il saisit des deux mains avec une grande
avidité, témoignant la plus vive joie
de ce qu'il pouvait encore recevoir le corps de
Christ. Si nous possédons Jésus, lui,
dis-je, nous ne mourrons pas ; car il dit
lui-même : « Je suis la
résurrection et la vie. Qui croit en moi
vivra, lors même qu'il serait
déjà mort
(Jean,
XI, 25).
C'est là ce que je crois, ajouta
le fondeur ; mais j'ai commis plus de
péchés que je n'ai fondu de cuillers
en ma vie. - Heureux es-tu, lui dis-je, de sentir
et de confesser tes péchés. Car
Christ, l'Agneau de Dieu, est puissant pour les
effacer tous, et même quand ils seraient plus
nombreux que le sable de la mer, Christ agit envers
nous comme fit le brave Samaritain envers l'homme
blessé à mort par les brigands ; il nous
relève, il panse nos blessures et prend soin
de nous durant tout le chemin ; bien plus, il
nous porte dans l'hôtellerie et nous remet
sous la garde de pasteurs fidèles ;
enfin, il revient lui-même nous chercher pour
nous introduire dans le ciel. »
Le fondeur était tout en larmes
et disait : Oui, certainement, je suis bien
l'homme tombé entre les mains des meurtriers
et tout couvert de blessures ; mais
j'espère que Dieu a pitié de
moi.
- Montre-moi tes blessures, lui
dis-je ; j'y verserai le baume que
Jésus veut que J'y répande. L'artisan
se mit à exposer ses misères et
déclara de nouveau que le Seigneur lui avait
tout pardonné.
Je le visitai huit jours de suite, bien
moins pour lui porter quelque consolation que pour
aller en chercher moi-même auprès de
son lit. Car ce brave chrétien adressait les
paroles les plus édifiantes à sa
femme, à ses enfants, à sa soeur,
à ses voisins : chacun se pressait
autour de sa couche. Lorsque des tentations
l'assaillaient (ce qui arrive toujours au
fidèle qui a goûté des joies
spirituelles très-vives), c'était
à mon tour à le relever et à
le consoler.
Les trois derniers jours de sa vie
furent pleins de paix. Tous ceux qui furent
témoins de sa mort,
s'écrièrent - ah ! que je meure
de la mort du pieux
fondeur ! »
Il y avait à Gallneukirch un
meunier, nommé Selp, qui lisait avec le plus
grand soin les Écritures,
Boos le trouvant un jour occupé à
cette lecture, lui dit : Entends-tu bien ce
que tu lis ?
- Voici, répondit Selp, voici un
passage qui exigerait un Philippe pour me
l'expliquer.
- Quel est-il ?
- Celui-ci, Galates III, 10-11 :
« Tous ceux qui s'attachent aux oeuvres
de la loi, sont sous la malédiction,
puisqu'il est écrit : Maudit est
quiconque ne persévère pas dans
toutes les choses qui sont écrites au livre
de la loi pour les faire ; et que nul ne soit
justifié devant Dieu par la loi, cela
paraît, parce qu'il est dit - Le juste vivra
parla foi. »
- C'est précisément
là, dit Boos, qu'est signalée la
grande hérésie de la propre justice.
- Comment entendez-vous ce passage, dit
Selp ?
- Je vais te le dire ; mais je te
préviens que tu ne dois pas te scandaliser
ni me taxer d'hérétique.
- Eh ! je ne suis pas un fou.
- Eh bien ! écoute-moi. Il
n'est aucun homme qui accomplisse la loi de
Dieu ; tu es dans ce cas-là, aussi bien
que qui que ce soit. Par conséquent,
personne ne peut être justifié par la
loi ; mais tous sont placés sous la
malédiction écrite dans la loi contre
ses violateurs. Si nous voulons donc éviter
la condamnation, nous devons croire en
Christ ; et, par cette foi-là, nous
sommes affranchis de la malédiction et
justifiés devant Dieu. La loi, par ses
menaces, par ses exigences et par la
malédiction qu'elle prononce contre nous,
nous conduit à Christ et au trône de
la grâce. »
Selp accueillit avec joie cette doctrine
du salut. Dans ce moment-là, sa belle-soeur,
accompagnée de ses enfants et de quelques
voisins, entra dans la chambre. Le meunier qui
aurait voulu pouvoir faire participer tout le monde
à la joie qu'il puisait dans sa
très-sainte foi, pria Boos de
répéter l'explication de ce passage,
afin que ces personnes pussent aussi en recevoir
les mêmes bénédictions. Le
pasteur se rendit aussitôt à sa
demande, et ses paroles furent bénies pour
toutes ces âmes ; elles crurent à
l'efficace du sang de Christ. Dès-lors, tous
les habitants du moulin se nourrirent de la parole
de vie, et Boos s'y rendit chaque dimanche pour se
réjouir avec eux à la clarté
de ce céleste flambeau. Telle était
la puissance de la Parole. Des âmes,
long-temps travaillées ou cherchant en
elles-mêmes une sainteté qui ne peut
venir que du ciel, saisissaient avec avidité
le message de la paix présenté dans
sa pureté évangélique.
L'oeuvre de Dieu n'était pas la
même chez tous : les uns ne parvenaient
à la possession de la paix qu'après
de violentes luttes ; d'autres passaient par
des sentiers moins rudes, et obtenaient goutte
à goutte, mais sans interruption, les eaux
rafraîchissantes de la grâce ;
d'autres enfin, arrivaient tout à coup
à l'assurance de leur salut. Jésus se
manifestait soudainement à elles, et les
remplissait de son ineffable communion.
Mais la foi a ses chutes. Souvent telle
âme qui avait goûté la joie la
plus pure au pied de la croix de Christ, retombait
dans un abattement profond : sa paix
disparaissait ; le doute s'emparait d'elle, et
y ramenait les craintes et les luttes les plus
pénibles. Boos, comme un berger
fidèle, offrait à ses brebis le
breuvage de l'Évangile : c'est à
Christ qu'il s'adressait, à Christ toujours
compatissant envers les siens.
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