Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

PENSÉES DE BOOS.

-------

 « Si l'empereur chargeait tous les évêques, les pasteurs et les chapelains d'annoncer qu'il veut acquitter les dettes de tous les débiteurs qui se feraient connaître, on les verrait bientôt tous accourir, et l'on regarderait comme des insensés ceux qui n'accepteraient pas un tel bienfait. Eh bien ! le Seigneur adresse le même appel ; il offre une pleine rémission des péchés ; il la fait proclamer par ses serviteurs. Que de gens assez aveuglés pour refuser de croire à tant d'amour ! »

« Un homme me disait aujourd'hui : « Lorsque je veux exiger de mes enfants et de mes domestiques qu'ils restent le soir à la maison, ma femme me dit : laisse les faire ; à leur âge n'étions-nous pas comme eux ? - J'ai répondu à cet homme :
Dis à ta femme qu'il me paraît, d'après cela, qu'elle n'a jamais. reconnu, ses péchés de jeunesse, et qu'elle ne s'en est jamais repentie. Demande-lui, de ma part, si, non contente de se précipiter elle-même en enfer, elle veut y entraîner aussi ses enfants et ses serviteurs. »

« Christ est lavé ; il peut compatir aux besoins du pauvre ; car il n'avait pas un lieu pour reposer sa tête. Il lit dans les coeurs des plus grands monarques car il est le Roi des rois et il gouverne les cieux et la terre. Il a connu la condition des ouvriers, puisqu'il a été un pauvre charpentier et qu'il a pris la forme d'un serviteur. Quoique Seigneur, il a lavé les pieds de ses disciples.

« J'ai éprouvé aujourd'hui combien il est doux d'aimer ceux qui nous persécutent. Le Seigneur peut bien dire : « Mon joug est aisé et mon fardeau est léger. »
- Il est des hommes qui taxent de faiblesse le pardon des injures. D'après ce principe, Dieu serait infiniment plus faible que toutes ses créatures qui sont au ciel et sur la terre ; car aucune d'elles ne pardonne autant que lui.
- On voit des hommes qui ont toujours la tête penchée vers la terre, semblables en cela aux animaux qui ne cherchent qu'à manger et à boire. Ces jouissances charnelles font toute leur félicité. Il est presque aussi difficile de les convertir que ces animaux-là.
- L'enfant difforme dans le sein de sa mère le sera toute sa vie ; de même l'homme qui meurt dans ses péchés, sera plongé dans un malheur éternel. - « On trouve toujours Jésus quand on pleure pour lui », a dit un fidèle. Rien de plus vrai que ces paroles. Lorsque Marie pleurait au sépulcre, le Seigneur était derrière elle, sous l'apparence d'un jardinier. Que de fois j'en ai fait la douce expérience ! - Ah ! si seulement j'avais chaque jour un coeur disposé à verser des larmes pour lui, chaque jour je posséderais Emmanuel.

Les hommes ne pensent pas assez qu'il est quelqu'un qui a sué du sang pour eux. - La prière délivra Jonas de ventre de la baleine. Saint-Pierre et saint-Paul, priant dans un cachot, virent tomber leurs fers. Oh ! que l'homme est puissant par la prière ! Elle le rend capable de briser les plus durs liens. - Je disais dans une de mes prédications - « Le vrai repentit produit nécessairement la douleur, une anxiété profonde à l'égard des choses de Dieu et pour notre salut éternel. Cette douleur accompagne le pécheur partout : dans son lit, dans le temple, aux champs, sur la place du marché, à l'étable, à la cave, jusqu'à ce qu'il ait sollicité et obtenu sa grâce auprès du Seigneur. » Ces paroles ont fait impression sur un journalier, qui m'a fait appeler auprès de lui : « Depuis trois jours, me dit-il, je me trouve exactement dans l'état que vous avez décrit ; mes péchés sont jour et nuit devant moi. Mon corps est en bonne santé, mais mon âme est fort malade. C'est pourquoi je vous ai prié dé venir me voir ; dites-moi ce que j'ai à faire pour trouver la grâce et la paix ? » - Il obtint l'une et l'autre. La grâce pénétra son coeur et il ne put regimber contre l'aiguillon.

« Ah ! si j'étais riche ! » me disait un jour un paysan. - « Crois-moi », lui répondis-je, les richesses ne te rendraient point heureux. » - Et pourquoi pas ? - Il est probable qu'avec ton or tu achèterais les trésors de la volupté, comme le mauvais riche et l'enfant prodigue, ou bien que tu finirais par trouver une corde, comme Judas : l'enfer pourrait devenir ton tombeau. - Cherche premièrement le royaume de Dieu et sa justice et tout ce qui t'est nécessaire te sera donné par-dessus. » - Les chrétiens seraient tous riches s'ils avaient assez de foi ; car ils sont enfants de Dieu, et, par-là même, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ. Le ciel, la terre, tout est à Christ, et ses rachetés ont part à sa sainteté et à sa gloire. Ils sont donc inexprimablement riches. Aussi saint Paul disait : « Tout est à nous ! » Une foule de chrétiens ne voulant pas croire cela, sont toujours à dire avec de profonds soupirs : « Ah ! seulement si j'étais riche ! Si seulement j'avais beaucoup d'argent ! Au contraire », l'apôtre Paul disait : « Je regarde toutes les autres choses comme une perte, en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour qui je me suis privé de toutes ces choses, et je ne les regarde que comme des ordures, pourvu que je gagne Christ » (Philipp., III, 8).

Tous les hommes inconvertis sont enfermés dans la salle funèbre du péché. Quelques-uns se réveillent de leur sommeil, reconnaissent le danger de leur état et ne peuvent trouver la sonnette ou la porte de la salle. D'autres (et c'est le plus grand nombre), dorment profondément et ignorent qu'ils sont morts dans leurs fautes et dans leur péché. Heureux ceux qui se réveillent et qui cherchent sincèrement une issue ! ils la trouveront et entreront bientôt dans le chemin du salut éternel ! »

Telles étaient les pensées de Boos ; elles se trouvent exprimées sous toutes sortes de formes, dans le volumineux journal que son biographe nous a conservé. Nous en aurions étendu les citations, si celles que nous venons d'offrir à nos lecteurs ne nous eussent pas paru suffisantes pour vous raconter le pouvoir de la grâce de notre Dieu.

Qui n'y verrait la puissance de cet Esprit-Saint qui se fait jour à travers toutes les formes et qui renverse toutes les barrières que la superstition peut lui opposer ! Boos, prêtre catholique ; Boos, soumis au joug du pape, annonce un salut gratuit ; un salut assuré à tous ceux qui vont à Christ. Jésus était toute sa joie et toute son espérance, et c'est à cette source des eaux vives qu'il conduisait les âmes auprès desquelles son divin Maître l'avait placé. Que n'en est-il de même de tous les hommes portant le nom de prêtres ou de ministres de l'évangile !

.


CHAPITRE XI.

TRAVAUX DE BOOS À GALLNEUKIRCH.


De Geuerlach, Boos fut élu pasteur de Postlingberg, près de Lintz. Peu de temps après, l'évêque Antoine Gall, l'appréciant de plus en plus, le plaça dans une des paroisses les plus considérables de son diocèse, à Gallneukirch. Il y travailla pendant quatre ans et demi, sans éprouver aucune entrave ni aucune espèce de persécution. Ce calme profond était probablement dû au peu de succès de son ministère - la semence était jetée ; mais elle ne produisait pas de fruits. Boos en était profondément affligé. À la vue d'une mort si générale, il redoubla de ferveur dans ses prières et de force dans ses prédications. Le Seigneur exauça ses requêtes, et lui donna de voir plusieurs âmes affamées de la justice et s'enquérir du chemin du salut.

Un paysan, connu depuis long-temps par son amour effréné des plaisirs mondains, fut tout à coup réveillé de son sommeil de mort, et son âme fut livrée aux plus affreuses angoisses. On l'attendait continuellement crier : « Je suis perdu ! perdu pour toujours ! c'en est fait de moi ; Dieu ne me pardonnera jamais. » Il devint pâle, maigre, et disait sans cesse qu'il voulait s'ôter la vie. Le coadjuteur Brunner, son confesseur, s'efforça de le tranquilliser par les voies ordinaires de la pénitence, des pèlerinages et d'autres oeuvres regardées comme méritoires ; mais aucune de ces oeuvres n'apportait le calme à cette âme angoissée. Son désespoir ne fit que s'accroître toujours davantage. Boos lui annonça le message de la paix : Jésus mort pour les pêcheurs ; ce fut en vain : les rayons de la foi ne purent pénétrer dans son coeur. Un jour il monte à son grenier et se pend à une corde attachée à une poutre. Son épouse accourt sur ses pas et parvient à couper la corde ; et, à force de le secouer, elle le rappelle à la vie. Il trouva dès lors quelque repos ; mais jamais la paix chrétienne ne parut naître dans son âme. Après avoir été quelque temps en proie à une profonde mélancolie et au délire, il mourut dans l'enfance et dans un abattement complet.

Ce déplorable événement engagea Boos et son chapelain Rehberger, à proclamer plus ouvertement encore le salut qui est en Christ. Il y avait dans la paroisse plusieurs personnes tourmentées par le sentiment de leurs péchés. Tous leurs efforts, toutes leurs prières, leurs confessions, les laissaient plongées dans ce travail de l'âme, avant-goût des éternelles douleurs. « Ces âmes », écrivait Boos à ce sujet, avaient beau prier : toujours esclaves de leurs vieilles erreurs, elles restaient en proie à leurs angoisses, et ne connaissaient point ce nouvel état que produit l'Esprit d'amour et de paix. Avec toute leur piété, elles craignaient toujours la mort, le jugement, le diable et l'enfer; car elles sentaient combien leur obéissance était imparfaite. Le plus pieux de mes paroissiens n'avait pas accompli la loi et n'avait jamais compris que le juste doit vivre de foi. Le plus fervent d'entr'eux ne savait que gémir et s'abandonner à toutes les terreurs de sa conscience. Il cherchait le salut de son âme, non pas en Jésus crucifié, mais dans de misérables lambeaux dont il voulait couvrir ses péchés, et dans de bonnes oeuvres qui jamais ne lui faisaient trouver la paix. La plus mauvaise portion de ma paroisse vivait fort paisiblement dans le péché, éloignée de Jésus, sans foi, sans espérance, sans amour et sans vertus.

Tel était l'état de mes ouailles : elles se divisaient, en chrétiens juifs et en chrétiens païens ; un fort petit nombre était de vrais disciples de Christ ; et pourtant ma paroisse comptait de quatre à cinq mille âmes ! - Sachant par notre propre expérience qu'il n'est point de paix ni de vraie consolation pour les consciences travaillées, que sur le chemin d'une foi vivante en Christ crucifié, nous vîmes la nécessité de chercher le salut et la justification, non point dans la loi ni dans les oeuvres, mais dans la foi en Christ. Nous nous mîmes donc à prêcher plus fortement encore cette salutaire.

Voici les points principaux sur lesquels j'insistai à diverses reprises :

- Tous les hommes sont pécheurs ; il n'y a point de juste ; non, pas même un seul ( Rom. III, 10-18. ) Aucun homme ne peut par soi-même s'affranchir du péché, ni acquérir une vie nouvelle ; ses prières, ses aumônes ne lui procureront jamais la justification. Des oeuvres de piété ne rendent pas l'homme pieux et juste ; mais l'homme pieux et justifié fait des oeuvres justes.

- Ce ne sont pas nos oeuvres qui nous rendent justes et heureux ; mais la croyance au Fils de Dieu. Sa mort est le fondement de notre salut. Il n'y a de juste que Dieu et ceux qu'il a justifiés ( Rom. III, X, XI ; Gal. II, Tit. III, etc.). Bien que les oeuvres ne nous procurent pas le salut et l'éternelle félicité, nous devons les faire, parce que, d'abord, Dieu les commande ; ensuite, parce qu'elles sont une preuve de notre justification devant Dieu et devant les hommes ; enfin, parce qu'elles sont les fruits nécessaires d'une foi vivante (Matth. VII ; 2 Cor. IX, etc.).

- La foi est une assurance vive et sincère en la grâce divine promise en Christ, du pardon des péchés et de la vie éternelle ; elle est un don du Saint-Esprit. (Rom III ; Hébr. X ; Luc VII, etc.) »
« Le pardon des péchés est entièrement gratuit et s'obtient sans aucun mérite de notre part, et par les purs mérites de Christ. Le pardon est notre justice efficace auprès de Dieu. (Eph. Il.)

- Lorsqu'une âme éprouve une sainte frayeur de ses péchés, et me demande ce qu'elle faire pour trouver la paix et le bonheur, je me garde bien de lui dire d'abord : « Tu dois vivre dans la piété, observer les commandements de Dieu et faire de bonnes oeuvres ; » mais je lui dis : « Crois d'abord en Jésus-Christ, qui, par le sacrifice de la croix, nous a obtenu la rémission des péchés, une véritable justice devant Dieu et la vie éternelle. Lorsque cette âme croit à son pardon et goûte la paix, je l'exhorte à vivre dans la piété et dans l'obéissance aux commandements de Dieu, par amour pour Celui qui s'est immolé à notre place, et qui nous rend capables de faire de bonnes oeuvres. « Tout arbre qui est bon porte de bons fruits (Matth., VII, 17). Je ne voudrais pas être dans le ciel, si chacun pouvait le mériter par ses bonnes oeuvres, et si ce n'était pas la grâce divine qui nous en ouvrît l'entrée ; car chacun voudrait avoir plus fait ou plus souffert que tel ou tel autre, et l'on verrait régner dans le ciel l'orgueil, l'envie, la jalousie, les disputes. Mais puisque c'est Christ seul qui nous a acquis le ciel, et que nous ne pouvons y entrer que par grâce, on y goûtera la paix la plus parfaite. - La foi vivante ne peut être donnée ni par notre mère, ni par notre instituteur, ni par le prédicateur de la parole : on ne la puise ni dans les universités, ni sur les bancs de l'école, mais à l'école du Saint-Esprit, après bien des prières, des luttes et des humiliations de toute espèce. - Le passage de saint Jacques, Il, 24, n'est point en opposition avec celui de l'épître aux Romains, III, 27. Le premier parle de la justification devant les hommes, et le second de la justification devant Dieu. Dieu seul peut lire dans nos coeurs ; et comme rien n'est plus trompeur qu'une simple confession des lèvres, elle doit se faire connaître par des fruits. Abraham fat justifié devant Dieu sans les oeuvres de la loi ; mais il dut aussi être reconnu comme juste par les hommes. »

.


CHAPITRE XII.

MICHEL - LE SALUT PAR LES OEUVRES OU LE SALUT PAR LA FOI.


Une prédication aussi fidèle devait porter des fruits. Le Seigneur arrosa des eaux de sa grâce la semence de sa parole, et plusieurs âmes passèrent des ténèbres à la lumière. Boos nous a conservé le récit de plusieurs de ces conversions, qui nous prouvent d'une manière si touchante que partout où Christ est annoncé, il se révèle aux siens.

Un homme, nommé Michel, jouissait depuis fort long-temps d'une grande réputation de piété, mais était sans cesse en proie aux angoisses et à la terreur du jugement de Dieu. Il recourait à toutes sortes de moyens pour apaiser sa conscience effrayée : il fit plusieurs pèlerinages et plus de trente. confessions générales. Chaque année il donnait aux pauvres deux tonneaux de moût, deux boisseaux de froment et la moitié d'un porc gras.
Il faisait faire à ses frais des sermons de carême, adoptait de pauvres enfants illégitimes, et les élevait avec tous les soins d'un père. Toutes ces oeuvres avaient pour but de lui obtenir son pardon auprès de Dieu, et de faire naître la paix dans son coeur.

Un jour tous ses porcs périrent ou des voleurs les lui enlevèrent, ses champs de blés furent détruits par le gel, et il se trouva sans provision pour lui et ses enfants adoptifs. Surpris à cette vue, Michel s'écrie - « Quoi ! je donne à Dieu, dans la personne du pauvre, la dîme de tout ce qu'il m'accorde, et voilà qu'il m'enlève tout ! » Le Dimanche suivant il va auprès de Boos, et lui raconte tout ce qui lui est arrivé. « Dieu, dit-il, n'a jamais eu mes bonnes oeuvres pour agréables, ou mes oeuvres ne sont pas bonnes. Je suis comme Caïn, dont le sacrifice déplut à l'Éternel. »
Boos. - Comment donc ?
Michel. - Et oui ; je viens de perdre soit par les voleurs, soit par la maladie, soit par le gel, tout ce que j'avais coutume de donner aux pauvres : je ne puis plus faire d'aumônes, et j'ai à peine de quoi subvenir à mon entretien.

Boos se mit d'abord à rire ; mais voyant que le malheureux Michel manquait de lumière, il lui dit :
« Vois-tu, Michel, les oeuvres que tu as faites jusqu'ici étaient sans doute bonnes et louables en elles-mêmes ; mais si tu les as faites dans l'intention de t'acquérir la justice qui subsiste devant Dieu, et pour mériter le ciel, où l'on ne peut être admis que par pure grâce, par la foi en Jésus-christ, tu ne dois pas être surpris de te voir privé des objets dans lesquels tu mettais ton espoir de salut. »

À ces mots, Michel ouvrit de grands yeux, et s'écria : « N'est-ce pas par des bonnes oeuvres que nous pouvons gagner le ciel ? »
Boos. - Et non, non sans doute : le pardon des péchés, le salut, la vie éternelle ne s'obtiennent que par grâce ; c'est Jésus qui nous les a mérités par son obéissance jusqu'à la mort de la croix. Celui qui croit en lui a la vie éternelle ;mais celui qui ne croit point est condamné, lors même qu'il donnerait, comme toi, chaque année aux pauvres, un porc, un tonneau de moût et deux mesures de froment. Y penses-tu Michel ? Comment pourrait-on acheter d'aussi grands biens, la rémission des péchés, le ciel et la vie éternelle, pour un porc, un tonneau de moût et deux mesures de froment ? À ce compte-là, les riches seuls entreraient dans le ciel et les pauvres resteraient à la porte.
Michel. - Les bonnes oeuvres ne valent-elles donc rien ?

Boos. - Elles ont leur utilité, lorsqu'elles sont faites avec foi et dans la grâce de Dieu ; mais elles ne peuvent jamais nous mériter notre justification : on ne l'obtient que par la foi en Jésus, afin, que l'honneur n'en revienne qu'à Dieu et à son Christ. Si Abraham ou Michel étaient justifiés par les oeuvres, l'honneur en reviendrait à Abraham ou à Michel, et non à Dieu ; mais il n'en peut être ainsi. (Rom. IV, 2.)

Michel, toujours plus étonné, ne comprenait rien à ces paroles : C'était pour lui des choses cachées et même suspectes. Le curé prit alors le Nouveau-Testament. Crois-tu, lui dit-il, que ce livre soit la parole de Dieu, et par conséquent la vérité ?
Michel. - Oui, je le crois.
Boos. - Eh bien, écoute ce que disent Jésus et ses apôtres. -

Il lui lut les textes suivants : Jean III, 16, VI, 40 ; Romains III, 20-30 ; Gal. II, 16 ; Tite Ill, 5. Mais tout cela ne calmait pas son angoisse. Il tomba enfin sur Rom. V, 18. À cette parole, ses yeux s'ouvrirent.... Ah ! je comprends, dit-il ; oui, je comprends : nous héritons de Jésus la justice qui subsiste devant Dieu, tout aussi bien que nous avons hérité d'Adam le péché et l'injustice.

Boos. - Oui, c'est bien cela.
Michel. - Je comprends maintenant.

Boos. - Crois-tu que les choses soient ainsi ?
Michel. - Oui, je le crois.

Boos. - Es-tu content de ce que tu ne peux ni ne dois acheter la vie éternelle pour un porc, deux boisseaux de froment et un tonneau de moût ?
Michel. - Oui, assurément ; j'en suis bien réjoui !
Que ne suis-je venu plus tôt vers vous ! Je suis maintenant tout consolé. mon angoisse a fait place à la paix. Mon coeur est heureux ; que le Seigneur en soit loué !

Boos. - Mais, Michel, afin que tu ne t'imagines pas que parce que j'attribue la justification à la foi, je rejette les bonnes oeuvres, écoute-moi encore : Adonne-toi à toutes les vertus chrétiennes. Tu es sauvé par grâce ; mais ton Père céleste veut que tu accomplisses maintenant toute sa volonté. Fais-le par reconnaissance. La foi qui est sans les oeuvres est morte.

Dès ce moment-là, Michel connut la paix de Jésus. Le Dimanche suivant, à l'issue du service divin, il retourna tout joyeux auprès de son fidèle pasteur, et lui demanda le livre où se trouvaient de si belles choses sur la foi. (Il voulait dire le Nouveau-Testament.) Boos lui en donna un. Michel en fit sa lecture favorite, et persévéra dans la foi au Seigneur : les persécutions ne l'ont point ébranlé.

Une femme riche en oeuvres de piété, éprouvait aussi, comme Michel, les tourments d'une conscience réveillée, mais était privée de la connaissance de Christ. Madelaine (c'est le nom de cette femme), ayant un jour entendu prêcher Boos, se sentit saisie d'une nouvelle terreur : c'est de moi qu'il parle, pensa-t-elle ; oui, c'est bien de moi. Elle n'osait lever les yeux, et cherchait à se cacher derrière les personnes assises près d'elle. Après le sermon, elle court chez Boos et lui ouvre son coeur, en versant d'abondantes larmes.
Le pasteur lui annonce Christ, et l'amour qu'il a fait briller envers les pécheurs qui pleurent sur leurs fautes. « Tu es donc toujours la même, Madelaine, » lui dit-il ? « Crois seulement que Christ est mort pour toi, et, qu'il est puissant pour te remettre toutes tes dettes. Ouvre ta bouche et ton coeur, et reçois ton pardon comme une aumône venue du ciel. Que ces miettes du pain céleste ne te paraissent pas trop abondantes ; car Dieu donne bien plus que l'homme ne peut recevoir. »
Dès ce jour-là elle reçut le message du salut ; son âme éprouva combien il est doux de croire au Seigneur et de se reposer à ses pieds. Elle acheta quatorze exemplaires du Nouveau-Testament, et les distribua à ses parents, en priant Dieu de faire luire dans leurs coeurs la lumière qu'il avait répandue dans le sien. Après avoir souffert la persécution, et confessé fidèlement celui en qui elle avait cru, elle lui remit paisiblement son âme, en 1816 et fit l'étonnement de toutes les personnes témoins d'une si belle mort.


CHAPITRE XIII.

NOUVELLES CONVERSIONS À GALLNEUKIRCH. - L'AUBERGISTE, LE FONDEUR ET LE MEUNIER.


Une paysanne était venue plusieurs fois près de la porte de Boos, pour lui exposer les besoins de son âme ; mais une crainte secrète l'avait toujours empêchée d'entrer. Enfin, un jour elle prend courage, entre chez lui, et le remercie, en versant beaucoup de larmes, de tous ses sermons. « Quoique tu aimes à entendre mes prédications, lui dit Boos, et que tu sois venue pour m'en remercier, je crains bien que tu ne sois loin de croire ce que je prêche... »
La Paysanne. - Oh ! je crois tout ce que vous prêchez.
Boos. - J'en doute. En voyant ton agitation la terreur que te causent tes péchés, je reste convaincu qu'il y a encore chez toi beaucoup d'incrédulité, et que tu ne crois point que Dieu peut te pardonner pour l'amour de Christ, et qu'il veut remplir ton coeur du Saint-Esprit.

La Paysanne (en redoublant ses larmes) Ah ! Je suis encore bien loin d'être telle que le voudrais. Je suis une trop grande pécheresse ; il est impossible que Dieu me pardonne tous mes péchés.
Boos. - Je suis un plus grand pécheur que toi ; il lui a cependant été possible de me pardonner, comme il l'a fait à la pécheresse qui essuyait de ses cheveux les pieds de Jésus, à la Samaritaine, à l'apôtre Pierre, à Paul, au brigand sur la croix et à tant d'autres ; pourquoi ne le pourrait-il pas aussi à ton égard ? Considère combien tu offenses Dieu par ton incrédulité en ce moment, dans la chambre de ton pasteur (1) !

La paysanne ne pouvait retenir ses larmes ; les sanglots lui coupaient la parole. - Boos lui montra par plusieurs passages que Dieu gracie les plus grands pécheurs qui sentent leurs fautes et qui s'en humilient. « Crois donc à sa Parole. Je te le déclare, Dieu, le Père céleste, t'aime assez pour te donner plus qu'un tonneau d'or, et des biens plus grands que ce que tu peux t'imaginer ; savoir, son Fils unique avec toute sa justice et sa sainteté. Il veut à l'instant même te pardonner tous tes péchés. Tu n'as qu'à croire. - Crois-tu cela ?
La Paysanne. Je ne puis faire autrement ; je suis obligée de croire, dit-elle à haute voix et les yeux baignés de pleurs.

Tu es heureuse, dit le pasteur, de ne pouvoir faire autrement.. Va-t-en en paix ; tes péchés te sont pardonnés. Je ne puis pas encore partir, répliqua-t-elle ; je suis aussi heureuse que si j'étais au ciel. Si vous me le permettez, je resterai encore un peu chez vous, jamais je n'ai éprouvé un tel bonheur. »

Elle resta jusqu'au soir, et emporta avec elle la paix du Seigneur, qui surpasse toute intelligence. À trois jours de là, elle retourna auprès de Boos, toute triste et couverte de larmes. « Hélas ! » lui dit-elle, « j'ai perdu la paix ; c'en est fait, je suis perdue. »
Boos. - Et pourquoi donc ?
La Paysanne. - Mon mari est un ivrogne ; j'ai beaucoup d'enfants ; je suis aubergiste, accablée d'affaires et d'embarras. Il m'est impossible d'y tenir.

Boos se mit à rire, et dit : Je suis bien sûr que ta foi était était sincère quand, il y a trois jours, tu me disais que tu croyais à ton pardon ; sans cela elle ne serait pas si vivement attaquée. Prends courage. Si la foi en Jésus ne pouvait se concilier avec tous les états, le Seigneur n'aurait jamais ordonné de prêcher l'Évangile à toutes les créatures ; il aurait dû dire expressément :
« Vous ne prêcherez ni aux brasseurs de bière, ni aux aubergistes, ni aux femmes qui ont le malheur d'avoir des maris ivrognes et beaucoup d'enfants ou d'hôtes : gardez-vous d'annoncer l'Évangile à ces gens-là ; ils ne pourront pas y croire ; ils n'ont pas le temps de songer au bonheur éternel. »
Mais Jésus n'a pas tenu un pareil langage. Courage donc, et dites à votre ennemi spirituel : Arrière de moi, Satan !

La Paysanne. - Je dois donc me remettre à l'oeuvre ; je croyais que vraiment cela ne me serait plus possible.

Elle sortit ayant retrouvé la paix. Le Seigneur la fortifia dans la foi et la rendit propre à répandre autour d'elle la précieuse connaissance de Christ : ses filles, ses soeurs, sa domestique et quelques voisins furent amenés, par son moyen, à croire à la gratuité du salut. Son mari mourut en 1814 ; elle aurait pu dès-lors quitter son auberge et vivre dans la retraite. « Mais non, se dit-elle, voilà cinq ans que je vis heureuse ici ; mes enfants sont encore jeunes ; je les élèverai chrétiennement, Dieu me tiendra lieu d'époux et il sera leur père.
Peu après elle fut l'objet de la haine du monde. Point d'Abel sans Caïn : être chrétien et être haï sans cause, c'est ce qu'on a toujours vu.

« Je fis un jour une visite à un fondeur, » raconte Boos, » et lui portai le Saint-Sacrement, qu'il saisit des deux mains avec une grande avidité, témoignant la plus vive joie de ce qu'il pouvait encore recevoir le corps de Christ. Si nous possédons Jésus, lui, dis-je, nous ne mourrons pas ; car il dit lui-même : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi vivra, lors même qu'il serait déjà mort (Jean, XI, 25).
C'est là ce que je crois, ajouta le fondeur ; mais j'ai commis plus de péchés que je n'ai fondu de cuillers en ma vie. - Heureux es-tu, lui dis-je, de sentir et de confesser tes péchés. Car Christ, l'Agneau de Dieu, est puissant pour les effacer tous, et même quand ils seraient plus nombreux que le sable de la mer, Christ agit envers nous comme fit le brave Samaritain envers l'homme blessé à mort par les brigands ; il nous relève, il panse nos blessures et prend soin de nous durant tout le chemin ; bien plus, il nous porte dans l'hôtellerie et nous remet sous la garde de pasteurs fidèles ; enfin, il revient lui-même nous chercher pour nous introduire dans le ciel. »

Le fondeur était tout en larmes et disait : Oui, certainement, je suis bien l'homme tombé entre les mains des meurtriers et tout couvert de blessures ; mais j'espère que Dieu a pitié de moi.
- Montre-moi tes blessures, lui dis-je ; j'y verserai le baume que Jésus veut que J'y répande. L'artisan se mit à exposer ses misères et déclara de nouveau que le Seigneur lui avait tout pardonné.

Je le visitai huit jours de suite, bien moins pour lui porter quelque consolation que pour aller en chercher moi-même auprès de son lit. Car ce brave chrétien adressait les paroles les plus édifiantes à sa femme, à ses enfants, à sa soeur, à ses voisins : chacun se pressait autour de sa couche. Lorsque des tentations l'assaillaient (ce qui arrive toujours au fidèle qui a goûté des joies spirituelles très-vives), c'était à mon tour à le relever et à le consoler.

Les trois derniers jours de sa vie furent pleins de paix. Tous ceux qui furent témoins de sa mort, s'écrièrent - ah ! que je meure de la mort du pieux fondeur ! »

Il y avait à Gallneukirch un meunier, nommé Selp, qui lisait avec le plus grand soin les Écritures, Boos le trouvant un jour occupé à cette lecture, lui dit : Entends-tu bien ce que tu lis ?
- Voici, répondit Selp, voici un passage qui exigerait un Philippe pour me l'expliquer.
- Quel est-il ?
- Celui-ci, Galates III, 10-11 : « Tous ceux qui s'attachent aux oeuvres de la loi, sont sous la malédiction, puisqu'il est écrit : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire ; et que nul ne soit justifié devant Dieu par la loi, cela paraît, parce qu'il est dit - Le juste vivra parla foi. »
- C'est précisément là, dit Boos, qu'est signalée la grande hérésie de la propre justice.
- Comment entendez-vous ce passage, dit Selp ?
- Je vais te le dire ; mais je te préviens que tu ne dois pas te scandaliser ni me taxer d'hérétique.
- Eh ! je ne suis pas un fou.
- Eh bien ! écoute-moi. Il n'est aucun homme qui accomplisse la loi de Dieu ; tu es dans ce cas-là, aussi bien que qui que ce soit. Par conséquent, personne ne peut être justifié par la loi ; mais tous sont placés sous la malédiction écrite dans la loi contre ses violateurs. Si nous voulons donc éviter la condamnation, nous devons croire en Christ ; et, par cette foi-là, nous sommes affranchis de la malédiction et justifiés devant Dieu. La loi, par ses menaces, par ses exigences et par la malédiction qu'elle prononce contre nous, nous conduit à Christ et au trône de la grâce. »

Selp accueillit avec joie cette doctrine du salut. Dans ce moment-là, sa belle-soeur, accompagnée de ses enfants et de quelques voisins, entra dans la chambre. Le meunier qui aurait voulu pouvoir faire participer tout le monde à la joie qu'il puisait dans sa très-sainte foi, pria Boos de répéter l'explication de ce passage, afin que ces personnes pussent aussi en recevoir les mêmes bénédictions. Le pasteur se rendit aussitôt à sa demande, et ses paroles furent bénies pour toutes ces âmes ; elles crurent à l'efficace du sang de Christ. Dès-lors, tous les habitants du moulin se nourrirent de la parole de vie, et Boos s'y rendit chaque dimanche pour se réjouir avec eux à la clarté de ce céleste flambeau. Telle était la puissance de la Parole. Des âmes, long-temps travaillées ou cherchant en elles-mêmes une sainteté qui ne peut venir que du ciel, saisissaient avec avidité le message de la paix présenté dans sa pureté évangélique.
L'oeuvre de Dieu n'était pas la même chez tous : les uns ne parvenaient à la possession de la paix qu'après de violentes luttes ; d'autres passaient par des sentiers moins rudes, et obtenaient goutte à goutte, mais sans interruption, les eaux rafraîchissantes de la grâce ; d'autres enfin, arrivaient tout à coup à l'assurance de leur salut. Jésus se manifestait soudainement à elles, et les remplissait de son ineffable communion.
Mais la foi a ses chutes. Souvent telle âme qui avait goûté la joie la plus pure au pied de la croix de Christ, retombait dans un abattement profond : sa paix disparaissait ; le doute s'emparait d'elle, et y ramenait les craintes et les luttes les plus pénibles. Boos, comme un berger fidèle, offrait à ses brebis le breuvage de l'Évangile : c'est à Christ qu'il s'adressait, à Christ toujours compatissant envers les siens.

.
(1) La plupart des hommes ne s'imaginent pas commettre un péché en ne croyant pas que Dieu peut et veut bien pardonner. À leurs yeux c'est avoir de l'humilité que de ne pas croire à son pardon, et par conséquent ils taxent d'orgueil une croyance simple et ferme à un salut gratuit. Ils ignorent qu'ils outragent Dieu en ne croyant pas son témoignage, et que le fidèle rend hommage à la véracité du Seigneur, Il est nécessaire de leur montrer que le plus grand péché dont l'homme se rende coupable, c'est de faire Dieu menteur, c'est-à-dire de ne pas croire sa parole.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant