Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÊTES-VOUS DE BONS CITOYENS?

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Villageois, vous avez une patrie, et par conséquent des devoirs à remplir envers elle. Ces devoirs, les connaissez-vous ? et si vous les connaissez, les remplissez-vous avez zèle et dévouement? Êtes-vous, en un mot, de bons citoyens? C'est là une question grave, qui mérite toute votre attention.

Et d'abord, aimez-vous le pays dans lequel Dieu vous a fait naître? S'il était en danger, s'il fallait le défendre contre une injuste agression, seriez-vous prêts à faire pour lui les plus pénibles sacrifices? Tel est le vrai patriotisme : il n'est pas dans les paroles seulement, mais dans les actes ; il prodigue peu les grands mots, mais quand l'intérêt national le commande, il fait de grandes choses.

La France, je le crois, mes chers amis, pourrait compter sur la plupart d'entre vous à l'heure du péril; car l'amour de la patrie ne s'évaporant pas en vaines disputes, est souvent plus ardent au fond d'un obscur hameau que dans les lieux où l'on parle sans cesse de politique. Mais prenez garde de confondre avec le patriotisme la soif de la guerre et celle des conquêtes passions déplorables qui ont exercé trop d'empire sur la masse des Français.

Comprenez bien aussi que l'amour de la patrie ne vous autorise ni à mépriser les nations étrangères ni à les haïr. Ce serait là un patriotisme faux, quoiqu'il soit souvent applaudi. Chaque nation a des qualités et des vertus qui, à tout prendre, valent les nôtres, et chacune aussi peut, comme nous, trouver dans son histoire des sujets d'amers ressentiments. Soyez donc assez sages pour effacer de votre mémoire tout ce qui rouvrirait ces mutuelles blessures, et assez justes pour accorder aux autres les sentiments d'estime que vous réclamez pour vous.
Un peuple qui se vante lui-même et se glorifie à tout propos, n'en obtient pas plus d'égard; il fait douter seulement du mérite qu'il a, et parce qu'il revendique le premier rang, ses voisins prennent plaisir à le rabaisser au dernier.

Je voudrais, mes chers lecteurs, que vous eussiez le loisir de visiter en détail les pays qu'on vous représente comme si inférieurs au vôtre : la Prusse, l'Angleterre, l'Autriche, la Russie même; vous y verriez des choses qui vous frapperaient d'une juste admiration, et vous reviendriez de ces excursions lointaines, plus jaloux d'imiter le bien qui existe chez les autres que de le décrier.

C'est un préjugé de peuplades barbares, malheureusement trop enraciné encore dans nos campagnes, que de regarder les peuples étrangers comme indignes d'entrer en comparaison avec nous, et comme incapables de nous rien enseigner. Tous les peuples sont frères: Dieu veut qu'ils s'aiment, s'instruisent et se perfectionnent les uns par les autres. Ils forment une seule grande famille dont tous les membres doivent, en renonçant à leurs vieilles haines et à leurs injustes préventions, marcher du même pas vers un meilleur avenir. Loin d'exclure ces sentiments d'amour universel, le vrai patriotisme s'appuie sur eux ; car le bien de chaque pays est étroitement lié à celui de l'humanité tout entière.

Cette justice qu'il faut rendre aux autres nations, elle est également due aux différentes classes de nos compatriotes ; et c'est ici un nouveau trait qui caractérise le bon citoyen. Je ne puis m'expliquer comment des hommes, qui se disent les meilleurs amis de la patrie, semblent avoir à coeur d'irriter une classe contre l'autre, les pauvres contre les riches, ceux qui sont gouvernés contre ceux qui gouvernent. Le bien peut-il sortir du mal ? la haine et la discorde enfanteront-elles le dévouement et l'union ?

Mes amis, croyez-en un homme qui n'a aucun intérêt à vous tromper : ces provocations au mépris et à la haine contre un certain nombre de vos concitoyens sont l'effet d'une erreur profonde ou d'un perfide calcul. Quelques-uns s'abusent eux-mêmes, je veux l'admettre, et s'imaginent sincèrement qu'il faut commencer par haïr ses semblables pour finir par les aimer. D'autres ne sont pas de si bonne foi ; ils courent après le désordre pour se faire, dans l'État, une place que l'ordre ne leur donne point. Mais, sincères ou hypocrites, égarés ou menteurs, les hommes qui exposent le pays à être de nouveau, déchiré par la guerre civile ne méritent aucune confiance. Fermez l'oreille à leurs discours; dites-leur que la fin n'est jamais bonne quand les moyens, ne le sont pas.

Il y a là-dessus une observation toute simple à faire. Examinez avec quelque soin les classes d'individus contre lesquelles on s'efforce d'exciter vos ressentiments, et vous y trouverez des hommes droits, honnêtes, charitables, en aussi grand nombre que dans la classe à laquelle vous appartenez. Considérez ensuite quels sont les principes généraux des partis politiques, et vous découvrirez partout au fond quelque chose de vrai et de juste. Pas une classe, pas un parti qui ne soit honorable dans un sens, s'il est blâmable dans un autre. Eh bien ! dites-vous alors que ce mélange de vrai et de faux, de qualités et de vices, est une condition inséparable de l'infirmité humaine, et sans abandonner vos propres opinions, vous respecterez celles d'autrui. Au lieu de haïr vos adversaires, vous supporterez leurs défauts comme vous voulez qu'ils supportent les vôtres. « Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la loi de Christ (Gal., VI, 2.) dit la Parole de Dieu.

Ne prêtez pas non plus trop facilement l'oreille à ceux qui tentent de vous séduire par de merveilleuses promesses, et vous disent comme le serpent : Si vous faites cela, vous serez comme des dieux. Les hommes qui ont sondé les misères de l'humanité promettent peu, tout en demandant beaucoup de la part des citoyens; ceux-là, au contraire, ne demandent presque rien, un coup de main dans la rue, un changement de lois politiques, de nouveaux magistrats, et promettent des miracles. À ce signe vous les reconnaîtrez.

Le bonheur social est plus lent à venir, et se paie plus cher. Il y faut de la piété, des moeurs, l'amour de l'ordre, l'obéissance aux lois, l'union au-dedans, la paix au dehors ; et tout cela fût-il réalisé, notre condition terrestre sera encore mêlée de souffrances. Le paradis sur la terre est la plus vaine des illusions.

Aspirez à un progrès paisible et régulier; mais pour y atteindre, soyez soumis aux lois. Rappelez-vous cette règle que toutes les lois se tiennent, et que si vous vous croyez permis de violer celles qui vous déplaisent, vous autorisez les autres à violer à leur tour celles qui vous protègent. Rappelez-vous encore que des lois imparfaites bien obéies sont préférables à des lois excellentes qui ne le seraient point. Ce n'est donc pas, sinon dans les cas extrêmes, par la force qu'il faut changer les institutions ; car en supposant qu'on les rendît ainsi meilleures, l'esprit de révolte qui aurait prévalu ne leur ferait-il pas souvent perdre plus qu'elles n'auraient gagné par ce changement

Les lois ne se corrigent avec sécurité que par la puissance des idées et des moeurs. Si les améliorations en sont plus tardives, elles en sont aussi plus sûres. Il en est de la fortune publique comme de nôtre fortune personnelle: on y doit chercher un gain médiocre, mais assuré, plutôt qu'un bénéfice considérable, mais incertain.
Et qui donc jugerait trop pénible, à parler vrai, d'attendre avec quelque patience le perfectionnement des lois qui régissent aujourd'hui notre patrie ? Les grandes luttes de nos pères ne nous ont-elles pas donné le droit de prendre un peu de repos? Jouissons des libertés qu'ils nous ont conquises. Laissons venir les temps, sans les hâter, sans les retarder, et préparons-nous, en devenant plus vertueux, à soutenir des institutions plus populaires. L'état social est comme une balance dont les plateaux reprennent toujours leur équilibre, quoi qu'on fasse : d'un côté, sont les moeurs des citoyens, de l'autre, leurs institutions, et plus le poids de la moralité augmente, plus les libertés peuvent s'agrandir.

Habitants du village, défiez-vous. de ceux qui vous parlent sans cesse de vos droits, et jamais de vos devoirs. Le devoir, en politique, c'est le respect des droits d'autrui, des droits du gouvernement, des droits de la société tout entière.

Et si la société, si le gouvernement voyaient leurs droits méconnus, que deviendraient les vôtres ! OÙ il n'y a plus de devoirs, il n'y a plus de droits.

Honorez les magistrats. Qui les abaisse, avilit les lois mêmes dont ils sont les organes et les ministres. Quand on les poursuit de continuels outrages, hommes et choses, tout s'use, décline et tombe à la fois. Le peuple surtout ne sait pas distinguer entre les institutions et ceux qui les exécutent. Respectez donc, si vous voulez affermir l'ordre, les hommes qui sont la loi vivante et agissante. Leur mission est assez pénible dans ces temps d'agitation: prenez à tâche de ne pas l'aggraver.

Acquittez-vous sans murmure des charges que l'État vous impose. Il appelle pour quelques années vos fils sous les drapeaux, ne vous en plaignez point. L'armée est la garantie de l'indépendance nationale et de l'ordre intérieur. Ces biens ne sont-ils pas assez précieux pour mériter le sacrifice qui est demandé ? L'État vous oblige aussi à payer des impôts ; mais c'est par les impôts que vous avez un gouvernement, ses tribunaux, des soldats, des routes, que vous pouvez dormir en paix dans votre maison, et recueillir le fruit de votre labeur. Vous donnez une partie de ce qui est à vous pour conserver tout le reste : cet échange n'est-il pas équitable et sage? Aimeriez-vous mieux n'avoir pas de taxes à payer, et n'avoir, non plus aucune sûreté, ni pour votre femme et vos enfants, ni pour vos biens, ni pour votre propre vie ?

On vient vous dire de toutes les façons possibles que votre argent est mal dépensé, qu'il est dévoré par des oisifs, gaspillé par de malhonnêtes gens, perdu en choses inutiles ou mauvaises. Je ne prétends pas justifier l'emploi de tous les derniers publics, mais écoutez ceci: Les hommes qui crient si haut contre les fonctionnaires de l'État, vous disent-ils en même temps que vous, mes chers lecteurs, si vous faites la contrebande ou la fraude, vous commettez une action immorale, un vol, comme je vous l'ai dit ailleurs? Non, ils ne vous parlent que des fautes réelles ou supposées de ceux qui gouvernent et se taisent sur les vôtres. Concluez de là qu'ils ne sont point vos amis : s'ils l'étaient ils vous diraient la vérité qui peut vous redresser avant celle qui doit vous aigrir.

Règle générale et infaillible : quiconque s'adresse à vos passions, au lieu de parler à votre conscience, et vous cache vos propres défauts en excitant votre colère contre ceux de vos supérieurs, est un méchant homme ; car il tient un langage précisément opposé à celui de la Bible : « Le prince est le serviteur de Dieu pour ton bien, écrivait saint Paul; mais si tu fais le mal, crains, parce qu'il ne porte point vainement l'épée; car il est le serviteur de Dieu, ordonné pour faire justice en punissant celui qui fait mal. C'est pourquoi il faut être soumis, non-seulement à cause de la punition, mais aussi à cause de la conscience. Car c'est aussi pour cela que vous leur payez les tributs parce qu'ils sont les ministres de Dieu, s'employant à rendre la justice (Rom., XIII, 4-6.). »

Les provocations partent quelquefois de bien bas dans les campagnes, et n'en sont pas moins dangereuses. Michel Poitevin en est un frappant exemple. Ce Michel avait rempli quelque temps l'emploi de garçon de bureau, dans une de nos grandes villes, chez un homme dont les opinions politiques étaient fort exaltées. Plus tard, il revint dans son village, on ne sut trop pourquoi ; le bruit courait qu'il avait été chassé de sa place pour des raisons qui l'empêchaient d'en trouver aucune autre ; mais Michel Poitevin expliquait son retour en disant qu'il avait repris goût à la vie champêtre.
Quoi qu'il en soit, il avait rapporté de la ville la passion de la politique. Il en raisonnait et déraisonnait à tout propos.

N'ayant pas de quoi s'abonner à un journal, il avait à force d'instances persuadé. au cabaretier de l'endroit d'en prendre un, le plus exagéré de tous. Chaque jour, il courait lire son journal, en abrégeant son dîner pour allonger sa lecture ; et lorsqu'il se rencontrait avec deux ou trois habitués, il leur en débitait les passages les plus vifs avec des commentaires de sa façon. Le dimanche surtout, quand la taverne était comble, il rassemblait autour de lui un groupe nombreux ; et là d'un ton magistral, il pérorait, gesticulait, s'emportait, lançant des injures à tort et à travers contre les fonctionnaires grands et petits, affirmant que c'étaient des fripons, des traîtres, et qu'on ferait bien de les pendre jusqu'au dernier pour le salut du pays.

Quelques auditeurs paisibles et déjà sur l'âge entendant cela, hochaient la tête, et disaient entre eux : Voilà un étourdi qui finira mal. Mais plusieurs jeunes gens, séduits par son intarissable bavardage, ne juraient que par lui. Michel Poitevin était à leurs yeux l'un des meilleurs citoyens qui aient jamais existé et sans contredit, le plus grand de tout le village.

Averti de ce qui se passait, le maire lui conseilla d'avoir un peu de modération. Quelle mouche t'a donc piqué, Michel? lui disait-il ; et d'où viens que tu cries si fort contre des gens qui ne t'ont fait aucun mal ? Tu ne paies pas, tout compté, cent sous d'impôts, et tu peux faire librement tout ce qui te plaît. Retiens donc ta langue, et va planter paisiblement tes choux. Mais ce n'était pas l'affaire de Michel, et il crut montrer un sublime patriotisme en insultant toutes les autorités devant le maire en personne. À l'en croire, nous vivions sous une intolérable tyrannie, sous un joug de fer, et il était bien à souhaiter qu'il parût enfin des patriotes énergiques pour balayer du pays toute cette maudite engeance de despotes. Le maire répondit à Michel : La tyrannie n'est pas si grande, puisque tu peux dire de pareilles sottises sans être mis au pain et à l'eau entre quatre murs ; prends-y garde cependant, je t'en avertis! Et il lui tourna le dos. Cette discussion augmenta encore l'emportement du tribun villageois. Il se posa comme une victime du pouvoir, et déclara d'une voix fière qu'il était prêt à verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour la patrie. Ses amis admiraient son héroïsme ; ils ne doutaient pas que Michel Poitevin ne fût d'une étoffe à devenir, dans l'occasion, le sauveur de la France.

Les choses en seraient demeurées là peut-être, si le conseil municipal n'eût établi une taxe de quelques centimes additionnels pour la construction d'un chemin vicinal. Cette augmentation fournit à Michel un inépuisable texte d'injures. On voulait, disait-il, ruiner les pauvres paysans; on leur ôtait le morceau de pain qu'ils gagnaient à la sueur de leur front; et pourquoi écrasait-on ainsi le malheureux peuple? On prétendait bien que c'était pour ouvrir une nouvelle route, mais il n'en croyait pas un mot. D'ailleurs, le gouvernement était assez riche pour subvenir à la dépense, s'il y mettait de la bonne volonté; par malheur, l'argent des paysans allait engraisser des ministres, des préfets, des sous-préfets, des maires, et toute la clique des autorités ! Voilà comme parlait Michel Poitevin.

Les jeunes gens se montèrent la tête. Quelques hommes d'un âge plus mûr, mais qui, aveuglés par leur avarice, ne comprenaient pas qu'ils obtiendraient, au prix de quelques centimes additionnels, l'immense avantage d'une bonne voie de communication, se joignirent aux tapageurs. On résolut de faire au percepteur une réception dont il se souviendrait longtemps, et Michel Poitevin fut mis d'une commune voix à la tête du complot.

Au jour fixé, arriva le percepteur qui ne soupçonnait rien. À peine s'est-il présenté à la porte de deux ou trois maisons, qu'il rencontre une troupe de furieux qui lui ordonnent; sous peine d'être assommé, de quitter la commune à l'instant même. Tout surpris de cette injonction, le percepteur leur demande à qui ils en veulent, et leur conseille poliment de rentrer chez eux. Ce sont alors des cris, des menaces, des injures à ne plus s'entendre; on entoure le pauvre homme, et cinquante bâtons levés sur sa tête lui font comprendre qu'il ne serait pas sûr d'aller plus loin. Michel et les autres, le voyant partir, ne se tenaient pas de joie ; ils criaient : Victoire ! victoire ! et pensaient que l'affaire était définitivement vidée.

Mais le percepteur s'était hâté de chercher main forte au chef-lieu du canton. Il revint quelques heures après, accompagné de quatre gendarmes; le maire de la commune en tète. La vue de cette force militaire exaspéra les mutins. Ne cédons pas ! disait Michel; ce serait une honte, une lâcheté; défendons nos droits, agissons en hommes libres qui ne reculent point devant la baïonnette des soldats. Sur ce beau discours on ramassa des pierres et des fourches. Le maire essaya de calmer les esprits ; mais peine inutile, on ne lui répondait que par des menaces de mort.

Les trois sommations ordonnées par la loi furent lues solennellement, et l'attroupement ne s'étant pas dissipé, l'affaire s'engagea. Michel Poitevin, jusque-là le plus hardi de tous, voyant que la chose était sérieuse, alla prudemment se cacher derrière un hangar; quant aux autres, ils soutinrent la lutte avec acharnement. Les gendarmes avaient d'abord essayé de moyens inoffensifs, et ce fut seulement lorsque l'un des leurs, atteint au front d'un coup de pierre, tomba baigné dans son sang, qu'ils firent usage de leurs armes. Deux villageois furent mortellement blessés. Cependant le combat était trop inégal ; les gendarmes, accablés par le nombre, se retirèrent en emportant leur camarade à demi-mort.

Michel Poitevin, sortant alors de sa cachette, voulut pérorer selon sa coutume ; mais il ne fut accueilli que par des huées universelles; et les pauvres mères qui voyaient leurs fils étendus sur le carreau, menacèrent de se jeter sur lui pour le mettre en pièces.

Le lendemain, une compagnie de soldats entra dans le village, la baïonnette au bout du fusil. Toute résistance était impossible. D'ailleurs, les funestes accidents de la veille et les réflexions de la nuit avaient porté conseil. Mais si la population était disposée à se soumettre , l'autorité ne l'était pas à la tenir quitte de sa révolte. Les soldats furent placés en garnisaires dans les maisons pendant huit jours. Les principaux meneurs furent arrêtés et conduits à la ville voisine sous bonne escorte. On chercha partout le premier auteur de l'émeute : il fut introuvable. Michel Poitevin avait délogé sans en avertir personne. les gendarmes se mirent à sa poursuite, et au bout de trois jours, on le découvrit au milieu d'un bois, pâle et défait comme un spectre. Le procès des révoltés s'instruisit rapidement. Michel fut condamné à deux ans de prison, et cinq autres habitants de la commune, convaincus d'avoir pris la plus grande part à cette triste affaire, eurent aussi une lourde peine à subir. Ce n'étaient pas encore les plus malheureux ; on plaignit davantage, et avec raison, ceux qui avaient perdu leurs enfants.

Le village tout entier se ressentit longtemps de cet acte de rébellion. Plusieurs familles, privées de leurs chefs, tombèrent dans l'indigence. Les travaux des champs furent négligés, et le maire disait : Vous voyez, mes amis, ce qu'il en coûte d'écoute; un fou qui donne des injures pour des raisons, et des calomnies pour du patriotisme. Vous n'en avez pas moins payé les centimes additionnels dont vous remercierez plus tard le conseil municipal; et vous avez eu deux morts, outre les garnisaires et les chefs de famille jetés en prison. Que ce triste exemple vous apprenne à obéir aux lois ! Les bons citoyens ne sont pas ceux qui poursuivent les gendarmes à coups de pierre et refusent de payer l'impôt, mais ceux qui enrichissent le pays par leur travail et l'honorent par leurs vertus.

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