(1) L'Israélite avait
quitté la
voiture, et il y avait été
remplacé par un autre voyageur, qui d'abord
garda le plus complet silence, pendant que de son
côté son voisin dormait
profondément.
N'y aura-t-il donc rien à
dire ? pensait en son coeur le Missionnaire,
qui épiait la moindre occasion d'introduire
une conversation utile.
Que cette voiture est lente ! dit
enfin le voyageur dernier venu.
Ah ! dit le Missionnaire, la
voiture la mieux attelée n'avance pas sur un
mauvais chemin. - Et ne peut-on pas dire qu'il en
est de même de nous ? Toute notre
activité ne profite guère, si nos
motifs ne sont pas purs.
Le
Voyageur. Vous aimez la morale,
Monsieur, à ce qu'il me
parait ?
Le
Missionnaire. J'aime trouver, Monsieur,
dans mon voyage vers l'éternité, ce
que je recherche dans ceux que
je fais sur la terre : une bonne voiture, bien
menée, et un bon chemin.
Le
Voyageur. Puis-je savoir ce que vous
appelez la voiture ?
Le
Missionnaire. C'est l'habitude
religieuse, la religion proprement dite : la
Vérité.
Le
Voyageur. Et les chevaux,
Monsieur ?
Le
Missionnaire. Je pense que ce sont les
dispositions de sincérité et de
zèle que tout coeur pieux doit nourrir, et
qu'il reçoit du Saint-Esprit.
Le
Voyageur. Enfin, Monsieur, je vous
prié, quel est le chemin ?
Le
Missionnaire. Ah ! Monsieur, il n'y
a qu'une seule bonne route, et c'est le chemin qu'a
tenu le Seigneur Jésus. C'est donc là
que doit se trouver toute voiture spirituelle qui
veut arriver au ciel.
Le
Voyageur. Bien obligé !
Monsieur. J'aime votre allégorie, et je
forme pour moi le voeu que ma voiture, mes chevaux
et mon chemin soient aussi bons que ceux que vous
me semblez avoir. Y a-t-il longtemps, Monsieur, que
vous possédez ces avantages ?
Le
Missionnaire. Depuis que j'ai lu la
Bible. Avant cette époque-là ma
religion n'était qu'une forme, mes
dispositions qu'une illusion, et ma route que celle
que tient la multitude.
Le
Voyageur. Et c'est la Bible seule,
dites-vous, qui vous a changé !
Le
Missionnaire. Ne devait-elle pas le
faire ? Ce qui est du ciel n'est-il pas tout
autre que ce qui est de ce monde ? La
lumière vient d'en haut, Monsieur.
Le voyageur se tut assez longtemps. Il
se passa ou trois fois la main sur le front, comme
fait celui qui médite
profondément, et ce fut en concluant,
apparemment, sa recherche, qu'il dit avec
lenteur :
Vos convictions, Monsieur, n'avaient
donc pas été d'abord celles que la
Bible peut produire !... Ah ! ceci
m'intéresse !.... Dites-moi, s'il vous
plaît, ce que vous pensez de
l'éducation des masses. Je m'occupe un peu
de cet important sujet, et votre sentiment, je
présume, ne sera pas
irréfléchi.
Le
Missionnaire. Ce n'est pas un sujet
léger, Monsieur, que celui de
l'éducation. Les peuples étaient tous
des enfants, il y a quarante ou cinquante
années, et ils ne sont aujourd'hui que ce
qu'ils furent faits quand on les enseignait. Si
leur éducation fut du monde, ils ne sont que
des mondains. Si elle fut chrétienne, ils
sont soumis à la Bible.
Le
Voyageur. C'est-à-dire que vous
pensez que si une école, je suppose celle de
tel village que j'ai en vue, est dirigée par
un maître sans piété, cette
génération-là sera
modelée conformément au
maître ; et le contraire, si cet homme
est pieux ?
Le
Missionnaire. Je pense
très-sérieusement, Monsieur, que le
plus grand empire que Satan exerce sur les hommes,
a sa puissance dans la nature des
écoles ; et que c'est là, je
veux dire, dans ces ateliers intellectuels et
moraux, que l'Esprit de ténèbres
assure sa domination par les principes mêmes
qui régissent en général les
collèges, les écoles, les pensionnats
et jusqu'aux instructions domestiques ; puis
ensuite, par les modèles païens, et
toujours païens, qu'il place devant les
enfants, dans ces Romains et ces Grecs qu'il leur
fait sans cesse admirer.
Le
Voyageur. Ce que vous dites devient
toujours plus précis. Vous est-il possible
de toucher du doigt le principe radical de cette
domination mensongère ?
Le
Missionnaire. Deux principes, Monsieur,
et ces deux seuls, se partagent le domaine moral,
ici-bas. L'un, c'est la dignité de
l'homme : c'est le principe naturel ;
c'est le principe païen. L'autre, c'est la
grâce de Dieu : c'est le principe
céleste ; c'est le principe
chrétien. Le premier produit et fomente tout
ce qui constitue et alimente l'orgueil. Le second
humilie, anéantit, l'homme et glorifie Dieu
dans sa créature. Ces deux principes,
provenus de deux sources opposées, tendent
et aboutissent à deux fins contraires l'une
et l'autre.
Le
Voyageur. Je vous écoute. Je vous
suis. Précisez, Monsieur, et appliquez aux
faits, je vous prie.
Le
Missionnaire. Eh bien, Monsieur, c'est
un fait que l'émulation est le mobile
presque unique de l'éducation des peuples.
L'enfant doit savoir, ou bien supposer, qu'il peut
faire quelque chose, et il faut qu'il puisse faire
et qu'il fasse plus que tout autre enfant. C'est
donc un idéal d'orgueil,
d'égoïsme, de propre-justice, comme
parle Dieu, qu'il s'habitue à poursuivre,
à atteindre ; et quand il a mis
derrière lui quelques difficultés ou
des rivaux, il se croit accompli. - Monsieur,
j'estime que tout le travail de cet enfant n'a
été qu'une idolâtrie. Il a vu
du savoir, des éloges, des succès, de
la gloire, et c'est vers cela seul qu'il a
dirigé toute son étude et tout
l'emploi de toute son intelligence, de toutes ses
forces et de toutes ses facultés. Cette
créature de Dieu a donc mis en, oeuvre tout ce que
son Créateur
lui fournissait de pensée, de sentiment ou
d'énergie, mais sans avoir même
l'idée que toutes ces choses appartiennent
à Dieu et doivent se rapporter à lui,
en le servant. - Telle est à mon avis,
Monsieur, l'éducation du monde et de ses
écoles : c'est-à-dire
l'éducation des peuples.
Le
Voyageur. Mais, Monsieur, il y a de la
religion aussi dans ces écoles, du moins
dans les pays chrétiens.
Le
Missionnaire. De la religion !...
Non, Monsieur. Je parle des écoles en
général. Il s'y trouve bien, sans
doute, des catéchismes et des instructions
religieuses mais encore ici l'émulation,
c'est-à-dire l'égoïsme et
l'orgueil préside à cette science qui
n'est, en effet, que de la science. L'enfant prend
son catéchisme, on bien tel autre livre de
religion, même sa Bible, et il faut qu'il
l'apprenne ; et il l'apprend, pour le bien
répéter, pour avoir un éloge,
peut-être même pour remporter un prix
de piété ! Dans tout cela, Dieu
n'est pour rien ; Jésus n'est pour
rien ; le Saint-Esprit n'est pour rien. Aussi,
passée l'heure d'apprendre ou d'entendre
cette religion-là, il n'en est plus
question, et l'esprit et le coeur de l'enfant,
c'est-à-dire de toute l'école, de
toutes les écoles, d'une
génération entière, sont aussi
étrangers à la religion
céleste, à la grâce de Dieu en
Jésus-Christ, que si cette
génération fût née, il y
neuf siècles, à Rome ou à
Lacédémone.
Le
Voyageur. Bien ! bien !
Monsieur ; car je veux vous dire que j'ai
depuis près d'un an le pressentiment de tout
ce que vous avez énoncé... Mais, je
vous prie, parlez-moi de l'autre principe : du
principe céleste.
Le
Missionnaire. Ah ! Monsieur, ce
principe, c'est Dieu : c'est le Dieu de la
grâce en Jésus, mis devant l'enfant
comme son Créateur, qui l'aime, qui le
bénit, et qui demande de lui l'honneur, la
reconnaissance et l'amour, dans toute sa vie en
général, et dans les détails
de cette vie, qui tous appartiennent à ce
Dieu qui ne parle que comme Père et Sauveur.
- Si donc l'enfant a de l'intelligence, ou de la
mémoire, ou quelque aptitude, c'est Dieu qui
les a faites, qui les lui prête, qui les lui
conserve ou qui les augmente. C'est donc pour Dieu
qu'il va les employer, d'abord, en reconnaissant
qu'il les tient de lui ; ensuite, en lui
demandant, avec foi et piété, d'en
bénir l'usage ; et enfin, en ne les
consacrant qu'à des choses bonnes et utiles,
et sur lesquelles peut reposer l'approbation de
Dieu.
Le
Voyageur. Plus donc
d'émulation ! Je le vois, et toujours
plus clairement. C'est le principe
évangélique seul que vous posez pour
base. L'enfant n'est placé que devant Dieu,
et c'est à Dieu seulement qu'il rend compte
en son coeur... Mais, Monsieur, ceci suppose un
enfant pieux, et comme nous disons, converti. Or,
c'est toujours le petit nombre.
Le
Missionnaire. Si l'enfant a
été mis à quatre ans sous
l'influence de l'amour de Jésus, et que
dès lors une mère chrétienne,
une institutrice chrétienne, ou un
régent chrétien, lui ait
inculqué le principe céleste que tout
est de Dieu, par Dieu et pour Dieu, dans sa
grâce, cet enfant, parvenu à six ans,
à huit ans, à dix ans, n'aura pas
même la pensée de s'enorgueillir. Si
son coeur a été touché,
renouvelé, converti, par la
Vérité, eh bien ! le
Saint-Esprit le conduira, comme un agneau de
Jésus, à la suite et selon les paroles du Bon
Berger ; et de toute manière, si cet
enfant est demeuré dans
l'incrédulité, toujours aura-t-il
pour principes de conduite, de tout autres motifs
que l'enfant qui s'est accoutumé à se
glorifier lui-même et à ne vivre que
d'émulation et de rivalité.
Le
Voyageur. Je hâte mes questions, car nous
approchons du village où je dois me
séparer de vous, et à mon grand
regret. Vous dites donc, n'est-ce pas, que vous
exigez, avant tout, qu'un maître
d'école soit chrétien, ce qui veut
dire soumis de coeur à la Bible. Hors de
là, déclarez-vous, point de bonne
éducation ?
Le
Missionnaire. Non, point. Les
collèges d'à présent, et je
pense partout, (sauf quelques rares exceptions) ne
sont, il me semble, que des manufactures de science
mises en mouvement par une vapeur plus puissante
que celle de nos machines, et qui se nomme
l'orgueil, l'émulation, la vaine gloire. Et
la substance ouvrée, c'est la sagesse, c'est
la vertu, c'est l'héroïsme, des
païens, et rien que cela. C'est donc dans de
tels ateliers que se forment et façonnent
toutes les prétentions, les exigences et les
allures de la dignité humaine et de la
propre-justice, et par conséquent de
l'incrédulité quant à
Jésus et de la haine quant au peuple de
Dieu.
Le
Voyageur. Mais, cher Monsieur, permettez que je
vous demande si tout cela n'est chez vous que de
l'observation, que de la théorie ? Il
me semble me trompé-je ? que vous
parlez d'expérience ?
Le
Missionnaire. Vous ne vous trompez
point. J'ai, en effet, pratiqué
moi-même ce que je viens d'indiquer en
principe ; et c'est parce que j'en ai vu, et
pendant plusieurs ans,
le
résultat admirable, oui, Monsieur, vraiment
admirable, que je suis aussi décidé
dans mes conclusions.
Le
Voyageur. Favorisez-moi, je vous prie, de quelque
récit sur vos expériences. Car des
faits, et des faits prolongés, sont ici
l'argument péremptoire.
Le
Missionnaire. Eh bien, Monsieur, je vous
dirai qu'il y a trente ans environ, que
j'étais chargé, dans ma patrie, de la
direction d'une des classes du Grand
Collège, et que ce fut alors, et pendant
trois ans et plus, que je fis l'application des
principes chrétiens d'éducation que
je vous ai présentés.
Quand je fus élu maître de
cette école, j'étais chrétien
et religieux comme l'est tout homme de bonnes
moeurs, et je conduisis alors mes écoliers
selon les principes accoutumés du monde. La
vertu, l'honneur, la bonne renommée, les
éloges, les récompenses, ou bien le
blâme, la honte et les châtiments,
étaient les mobiles que j'employais sur les
intelligences et les volontés diverses de
mes élèves, et les succès
obtenus répondaient à cette
espèce-là de force morale.
Mais je fus converti à la foi
chrétienne, à la croyance
sincère de la Bible, et dès lors les
âmes de mes écoliers prirent à
mes yeux un tout nouveau caractère. Je les
vis dans l'éternité, en
présence de Dieu, en face de sa Parole, et
je compris que l'obligation première qui
m'était imposée, à leur
égard, c'était de les conduire
à Jésus, de leur enseigner la voie du
salut, et que l'instruction scientifique que mes
disciples allaient aussi recevoir de moi, devait
leur être communiquée en vue de Dieu, et toujours
en
rapport
avec la destination finale d'âmes
immortelles, qui rendraient compte à leur
Créateur de l'usage qu'elles auraient fait
de leurs talents.
Ce dernier principe fut donc la base
constante de tous mes enseignements. J'avais
écrit, en grosses lettres, sur la muraille
de l'école, ce passage de la
Sainte-Écriture : À chacun
à qui il aura été beaucoup
confié, il sera beaucoup
redemandé ; et j'accoutumais l'enfant
à se considérer, sans frayeur, Comme
CRÉATURE DE DIEU, en toutes choses, et par
conséquent comme ayant une certaine somme
d'intelligence, de mémoire, de sentiment, de
volonté et de force, qu'il devait faire
valoir consciencieusement, et toujours en
présence du Seigneur, qui ne se
méprenait pas sur l'emploi qu'il en faisait,
et qui serait parfaitement juste dans l'estimation
finale de ce dépôt et de son
usage.
Le
Voyageur. Permettez, cher Monsieur, que je vous
dise ici combien votre récit me touche. Je
vois déjà que la
bénédiction de Dieu reposa sur votre
oeuvre.
Le
Missionnaire. D'une manière
étonnante, je vous assure, et quant à
la moralité des enfants, et quant à
leurs progrès dans l'étude.
Vous le voyez : j'avais aboli
l'émulation humaine, l'égoïsme
et l'orgueil ; et je lui avais
substitué le motif céleste :
l'impulsion pure et seule vraie de la crainte de
Dieu et du désir de lui plaire, comme
à un Père qui nous aime en son Fils,
et qui, en même temps qu'il veut que ses
enfants le servent avec fidélité, a
pitié de leur faiblesse, et surtout ne recueille
pas où il
n'a pas semé et n'amasse pas où il
n'a pas répandu.
Le
Voyageur. Touchant ! Vrai !
Oui ... vrai pour
l'éternité !
Le
Missionnaire. Aussi, Monsieur, cette
VÉRITÉ se justifia-t-elle dans les
enfants qu'elle enseignait. Écoutez-en les
preuves.
Vous savez quelles rivalités se
manifestent d'ordinaire dans les écoles du
monde, et en particulier comment les
écoliers forts, comme on les nomme, se
targuent de leur supériorité et
tiennent à distance les faibles, sur qui
domine leur savoir. Eh bien ! Monsieur, que de fois
n'ai-je pas vu, dans l'École
chrétienne, pendant les heures de
récréation, un écolier fort
retiré dans quelque lieu tranquille de
l'école ou de la cour où se faisaient
les jeux, et enseignant avec patience et
bonté un ou deux écoliers plus
faibles !
Le
Voyageur. Charmant !
Tout-à-fait aimable ! Quel beau fruit
d'humilité et de charité
sincère !
Le
Missionnaire. En voici d'autres,
Monsieur, où la gloire de Dieu se manifesta.
Mon école était fréquemment
visitée par des étrangers, et le
système chrétien que j'y suivais
était le sujet de plusieurs de leurs
questions. Or, un homme lettré et de
distinction étant venu voir l'école,
me demanda, avec beaucoup d'intérêt,
si en effet l'émulation céleste
était comprise des enfants et pouvait
régir leurs coeurs. Je l'invitai à
s'en assurer par lui-même, et je le laissai
faire.
Il circula donc dans l'École,
pendant que je m'entretenais avec d'autres
visiteurs, et quelque temps après il revint
à moi tout ému et en s'essuyant les yeux. -
« C'est admirable ! C'est
étonnant ! me dit-il. Jamais je ne
l'eusse pensé ! » - Et
là-dessus il me raconta que s'étant
approché de l'écolier premier de la
classe, il l'avait félicité sur
l'honorable place qu'il occupait ; mais que
l'enfant lui avait répondu avec
humilité. « Voyez, Monsieur, je ne
mérite aucun éloge. C'est à
Dieu qu'est toute gloire. Si je me relâchais
dans mon devoir, je pécherais devant
lui. » - De là, dit-il, je me suis
rendu vers le dernier de l'école, à
qui j'ai dit, avec quelque
sévérité :
« Vous voilà le dernier. N'en
êtes-vous pas chagrin ? » -
« Je vous assure, m'a répondu cet
enfant avec paix et candeur, que ce n'est pas ma
faute. Je fais tout ce que je puis ; mais Dieu
ne m'a pas encore donné une bonne
mémoire. Mais je la lui demande chaque
jour.
Le
Voyageur. Cela me fait aussi
pleurer ! ..... Quelle
simplicité ! Quel regard vers
Dieu ! Point d'orgueil chez le fort, et point
d'abattement chez le faible !
Le
Missionnaire. Non, plus
d'égoïsme, plus de vaine gloire,
Monsieur ! - Obéir à Dieu suffit
à l'enfant chrétien, et il n'a plus
besoin des éloges du monde. Ce fut ce que
mon école entière me montra, et d'une
manière bien frappante.
Avant que je fusse chrétien, je
m'étais procuré pour mes
élèves des médailles d'argent
élégamment ornées, et
où se lisaient des devises d'approbation.
Les écoliers les plus savants ou les plus
sages portaient, selon la coutume, ces
décorations à leur gilet, et leur
vanité n'en était pas peu
flattée.
Après ma conversion, je n'abolis
pas d'abord ces médailles, vu que je ne
pensais pas que les enfants
pussent encore s'en passer. Mais ce fut bien Dieu
qui les retira, et voici à quelle
occasion.
Un des étrangers qui visitaient
l'École lui avant adressé de grands
éloges sur son bon ordre et sur ses
progrès, je m'attachai, dans l'instruction
religieuse du jour, à détruire
l'impression que ces louanges avaient pu faire, et
je montrai, pour cela, aux enfants, comment le
chrétien doit tout faire pour plaire
à Dieu, mais jamais rien pour la vaine
gloire.
Dès le lendemain je vis combien
cette instruction avait été
bénie. Le Premier de la classe s'approcha de
moi, ayant ses deux mains pleines des
médailles de l'École, et en les
déposant sur mon bureau, il me dit avec la
plus grande simplicité :
« Monsieur, ce que vous nous avez dit
depuis longtemps, et hier surtout, nous a fait
sentir que nous n'avons plus besoin de ces marques
d'approbation. C'est celle de Dieu seulement qu'il
nous faut avoir. Nous vous prions donc de vouloir
bien reprendre ces médailles. » -
Je les reçus avec une véritable
adoration, devant Dieu : je confirmai le
sentiment de mes chers élèves ;
et quelques jours après cette circonstance,
une collecte s'étant faite pour
l'érection d'un temple, dans une commune
romaine amenée à la foi
chrétienne, mes écoliers me
demandèrent qu'il leur fût permis de
faire offrande de la valeur des médailles.
J'y consentis avec joie. Les médailles
furent donc vendues, et le produit en fut
porté au collecteur par une
députation de l'École.
Le
Voyageur. Oh ! Monsieur, que les
peuples seraient bientôt heureux, si de tels
principes dirigeaient les collèges et les
écoles ! Je suis tout ému, et ce n'est, je
vous le
répète, qu'avec le plus grand regret
que je me sépare pour le moment de
vous.
Le
Missionnaire. C'est notre Dieu,
Monsieur, qui nous a fait comprendre ces choses.
Suivez, en petit enfant, ses directions, et vous
verrez sa bénédiction sur
l'éducation des masses. Oui, Monsieur,
donnez aux collèges, et aux écoles,
des maîtres et des directeurs soumis à
Christ : faites-le dans les villages d'abord,
puis dans les villes ensuite, et la
génération fléchie au joug de
la Bible, saura ce qu'est l'humilité de
l'homme devant Dieu, et elle déploiera ses
talents et ses forces avec d'autant plus
d'énergie et de succès, qu'alors,
Monsieur, de bons chevaux, mis à une bonne
voiture, s'avanceront avec une force toujours
renouvelée, sur un chemin toujours meilleur
et toujours plus sûr.
Merci ! merci !
Monsieur, dit
le voyageur, en prenant les mains du Missionnaire.
Je vais ruminer tout cela. Je vous dis adieu...
Mais c'est à Dieu ! reprit-il, en
séparant les deux mots, et en montrant le
ciel de son doigt.
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