Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CHRÉTIEN NE MEURT PAS

suite

GLORIEUSE ENTRÉE D'UNE SERVANTE DE CHRIST DANS L'ÉTERNITÉ BIENHEUREUSE.

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Notre vie est cachée avec Christ, en Dieu.
(Coloss. III, 3.)


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I. LA FOI.

Lorsque Marthe, la soeur de Lazare, se lamentait, devant le Seigneur Jésus, sur la mort de son frère, notre Sauveur lui dit : Celui qui croit en moi, ne mourra jamais. (Jean XI, 26.) C'est la réalisation de cette réponse que renferme le récit qu'on va lire. Il n'est que le simple et sincère narré de ce qui s'est vu dans la vie d'une humble chrétienne ; mais la grâce et la fidélité de Dieu s'y manifestent avec tant d'éclat, qu'il ne peut qu'être en consolation puissante à toute âme pieuse qui le lira devant le Seigneur.

C'est donc celui qui croit en Jésus, qui ne doit pas mourir. L'incrédule mourra, le faux chrétien mourra, mais le croyant, le chrétien véritable, ne mourra pas. La foi, c'est-à-dire la croyance du coeur en Jésus, est donc la condition indispensable de ce bonheur. - Qu'est donc cette croyance ? Qu'est-ce qu'avoir la foi en Jésus ?

La chrétienne dont nous parlons, et que nous nommerons Jeanne, nous le dira. Elle avait été instruite, dans sa première jeunesse, selon le catéchisme de son église, et sa première communion s'était faite avec l'approbation de son pasteur et de ses parents. Ceux-ci étaient des gens religieux, et Jeanne menait dans sa famille une vie honnête et entourée de l'estime qu'obtient la probité.

Ainsi se passa la jeunesse de cette femme. L'accomplissement de ses devoirs domestiques, son assiduité aux assemblées du culte, des lectures assez fréquentes de la Bible et de quelques livres de dévotion, et la régularité de ses moeurs, en un mot tout ce qui se nomme intègre et honorable dans le monde, formait la conduite de Jeanne, qui ne se doutait pas même que la vraie religion lui fût encore inconnue et que sa piété ne fût qu'une illusion.
Elle l'apprit, cependant, lorsque, ayant été appelée, comme domestique, dans une ville étrangère, elle y dut rencontrer des disciples vivants du Seigneur Jésus, et qu'ensuite elle y entendit la prédication d'un ministre de cette grâce du Père, dont Jeanne n'avait pas encore. entendu la voix dans son âme.

Les impressions que les enseignements et les exemples de la dame qu'elle servait avaient produites en elles, venaient de réveiller et de disposer son coeur. Elle s'était donc aperçue déjà que sa religion n'était pas celle qui sauve, et ce fut dans un service de la semaine, dans une des méditations familières que le Ministre qu'elle écoutait adressait, le soir, à un petit nombre de disciples, que cette conviction s'affermit en elle et l'éclaira tout-à-fait.
C'était sur l'oeuvre parfaite du Sauveur que le Ministre parlait ; et après avoir montré que puisque le Sauveur a sauvé son Église éternellement par son sacrifice, il n'était point mort pour ceux qui, finalement et au dernier jour, seront condamnés et perdus, il fit cette question ; « À quoi donc connaîtrai-je si je suis un de ceux pour qui Jésus a été sacrifié ? »

« Ce ne sera pas, dit-il, en m'imaginant que j'en suis un ; mais ce sera si Dieu lui-même me le dit.
Beaucoup de gens, ajouta-t-il, se croient eux-mêmes sur ce point si important, et toute leur religion consiste en ce qu'ils se persuadent que Jésus les a sauvés. Mais chacun, cependant, peut comprendre, que si un pauvre mendiant se persuade qu'il sera l'héritier d'un certain seigneur, ce n'est pas une raison pour qu'il le soit en effet. De même, si une âme se persuade qu'elle sera sauvée, ce n'est pas à dire que sa persuasion soit fondée. Tant que Dieu ne le lui aura pas dit lui-même, et à elle-même aussi, la croyance de cette personne-là, et toute sa religion, quelque bonne opinion qu'elle en ait, n'est qu'une illusion, qu'une idée qu'elle s'est formée, mais qui n'aura point de valeur, ni au lit de mort, ni surtout au jugement de Dieu. »

Ces derniers mots frappèrent tellement Jeanne, qu'elle n'entendit plus la suite du discours. Elle fut troublée, agitée, inquiète, dès ce soir-là ; et une amie, à qui elle confia son ennui, lui conseilla d'en aller parler avec le pasteur dont les réflexions l'avaient frappée ; et ce conseil fut suivi.

L'entretien qu'elle eut donc, peu de jours après, avec ce pasteur, lui apporta la délivrance de Dieu. Ce fut la Parole même de l'Évangile qui la lui procura. Elle vit clairement que le don de Dieu, c'est la vie éternelle, que le Père nous a donnée en Jésus. Elle comprit alors que le Sauveur a vraiment racheté, par son sang, tous ceux des hommes pour lesquels il s'est livré en sacrifice, et que l'Écriture appelle l'Eglise de Dieu ; et ce fut aussi ce même jour-là qu'elle reconnut et sentit, dans son coeur, une confiance entière en ce que Jésus a fait pour son peuple.

Elle crut donc réellement au Sauveur. Jusqu'alors elle avait regardé sa religion comme étant son appui devant Dieu, et la raison pour laquelle il lui pardonnait ses péchés ; et, en particulier, elle avait pensé qu'elle serait sauvée, parce qu'elle s'était habituée à le croire ; mais non point parce que Dieu le lui avait dit.
Dès ce jour-là, au contraire, elle vit que la foi ne se reposait que sur ce que Dieu dit et promet ; et comme elle trouva dans son âme une sincère croyance en la nature divine et en l'oeuvre du Sauveur, qu'elle adorait comme le Fils éternel du Père, et dans le sacrifice duquel elle voyait l'expiation de tous ses péchés, elle crut aussi la déclaration de Dieu qui dit, que « quiconque croit au Nom du Fils de Dieu, doit savoir qu'il a la vie éternelle. »

Je vois maintenant, dit-elle au Ministre du Seigneur, que mon salut m'a été donné, tout entier, par notre Père céleste, et que c'est son Fils, notre Sauveur, qui l'a accompli. Je n'ai donc plus la pensée que ma religion entre en compte, pour quoi que ce soit, dans ce rachat de mon âme. Dieu m'a aimée par grâce en Jésus, avant que je fusse encore créée ; et ç'a été aussi, comme dit l'Écriture, avant que je fusse dans ce monde, et quand j'étais sans force, (car alors je ne pouvais rien faire, ) que Jésus m'a vue de loin, qu'il a eu pitié de moi et qu'il m'a sauvée, en s'offrant pour moi en sacrifice. Oui, ajouta-t-elle, sans effort et comme en parlant d'une chose toute simple, je comprends clairement que l'amour de Dieu est infini, et que puisqu'il a eu pour moi tant de charité, il faut maintenant que je ne vive plus que pour lui. Il me l'a dit, à présent : je suis donc sûre que je suis son enfant. Maintenant, donc, il faut que je pense à lui obéir en toute chose, en gardant de tout mon coeur ses saints commandements, pour lui montrer ainsi mon amour et ma sincère gratitude.

Cette foi était en effet dans le coeur de Jeanne et ce qui le prouva, ce fut sa conduite dès ce même temps. « Celui qui demeure en Christ, dit la Parole, doit vivre comme Jésus-Christ lui-même a vécu ; et ceux-là, dit-elle encore, sont enfants de Dieu, lesquels sont conduits par l'Esprit de Dieu ; car la foi sans les oeuvres est morte en elle-même est-il aussi écrit ; mais en ceci se manifeste la foi que Dieu donne aux élus, c'est qu'elle est sainte et que l'amour pour Dieu, la soumission à sa volonté, la patience dans l'épreuve, la charité à l'égard du prochain, la fraternité non feinte envers l'Eglise de Jésus, et le renoncement à soi-même et aux convoitises du monde, en sont les effets visibles et les excellents fruits.

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II. L'ÉPREUVE.

 

Jeanne dut le démontrer. Elle dut se voir « exposée, comme dit St-Jacques, à diverses épreuves, et chez elle la patience dut avoir son oeuvre complète ; » car ce fut pendant plusieurs années que « sa foi, selon l'expression d'un autre Apôtre, fut essayée dans le feu et le creuset de tentations multipliées. »

Un triste et fâcheux mariage, qu'elle contracta peut-être sans avoir assez consulté la Parole de Dieu, fut pour elle le commencement des chagrins les plus pénibles. Celui qu'elle avait aimé d'abord comme un disciple de Jésus, et chez qui elle avait cru discerner l'enseignement de l'Esprit-Saint, elle dut, hélas ! après quelque temps d'illusion, le voir tel qu'il était, c'est-à-dire un coeur encore étranger à l'amour dit Sauveur.

Ce premier et profond chagrin fut comme l'entrée de tous ceux qui suivirent. Beaucoup d'égarements et de chutes se manifestèrent chez celui qui ne s'était pas soumis à Jésus. La servante de Dieu multiplia en vain ses avertissements, ses supplications et tous les procédés de la douceur et d'un long support : tout échoua contre un coeur que la crainte du Seigneur ne gouvernait pas. La pauvreté se fit sentir. Le petit gain de Jeanne ne pouvait suffire à une dépense que le travail de son mari ne soutenait plus, et Jeanne fut contrainte, pour vivre elle-même, et pour alimenter son mari devenu malade, d'entrer de nouveau en service et d'y travailler avec persévérance et même au-dessus de ses forces.
Elle le fit, dans la persuasion que c'était le chemin que Dieu lui dressait devant les pas ; et ce fut pendant les années de son service, et en même temps de la douleur, sans cesse renouvelée, que lui causait la conduite de son mari, que son âme se réfugia toujours plus intimement vers le Sauveur, et qu'elle se mûrit dans la communion du Saint-Esprit, par une lecture toujours plus abondante de la Parole de son Dieu.

Cependant une nouvelle épreuve se joignait aux premières. Jeanne commençait à ressentir les atteintes d'une maladie menaçante et cruelle, et il fallait qu'elle entrevit un combat prolongé : car son mal était de nature, s'il ne pouvait être surmonté, à la faire passer par des tourments extrêmes et qui, peut-être, devraient durer pendant plusieurs ans.

Ah ! ce fut dans ces longues angoisses, et dans cette lutte prolongée, que la foi de la servante du Seigneur fut mise à l'épreuve. Pendant que le corps est fort et en santé, il est encore facile à l'enfant de Dieu de dire à son Père que la volonté se fasse ! Mais lorsque le Jardin de Gethsémané appelle le fidèle à y suivre son Sauveur jusque dans son agonie ; lorsque Dieu semble faire à son enfant, comme dit un prophète, « une plaie d'ennemi, » et que, comme disait Job, des nuits de travail sont assignées : que s'il est couché, le malade dit : quand me lèverai-je ; quand la nuit aura-t-elle achevé sa mesure, et le point du jour finira-t-il mes inquiétudes ; » c'est alors qu'il reconnaît si vraiment son âme est soumise à Dieu ; si sa foi en Jésus saisit les consolations de sa présence et de sa grâce, et si c'est bien l'enseignement du Saint-Esprit que son coeur préfère, même au milieu de la peine et sous le poids d'une croix presque accablante.
Jeanne passait par cette discipline du Seigneur.

« Les jours de l'affliction, comme disait Job, l'avaient prévenue ; sa délivrance était passée comme une nuée, et déjà elle voyait que Dieu l'amenait à la mort : à la maison assignée à tous les vivants. » Elle avait dû quitter son service et se retirer dans une chambre, qu'une main bienfaisante lui avait préparée, et où elle se vit bientôt retenue dans un lit de souffrance qu'elle ne put que rarement quitter.

« Oui, disait-elle au pasteur qui la visitait, j'ai de grands maux, et mon pauvre corps y succombe et s'en va ; mais le Seigneur les a tous pesés et mesurés, et il ne me laissa jamais seule. Il se tient près de moi, et sa Parole me nourrit et me console chaque jour. Lui aussi a souffert, et bien plus que moi, et il est si fidèle, que dès que je le prie, il me répond et me soulage. Non, il ne me donnera pas une épreuve plus pesante que ma force n'est grande ; et d'ailleurs, quelle qu'elle soit, elle ne sera jamais bien longue ; car nous ne sommes ici-bas qu'en passage, et la fin de notre course s'approche à chaque instant. Qu'il plaise seulement à notre Sauveur de me donner son Esprit, selon sa promesse, afin que je ne me plaigne pas, mais que je lui sois soumise, en toute patience, jusqu'à la fin du combat. »

Il sembla pendant quelques semaines que le mal s'était arrêté, et Jeanne put espérer que le Seigneur avait relevé sa main, Mais ce relâche ne la séduisit point, et pendant les jours où ses douleurs cessèrent, son coeur ne devint point léger et sa communion de prières avec Dieu n'en fut point affaiblie. C'était la piété qui l'unissait au Sauveur, quand l'affliction pesait sur elle, et cette piété demeurait la même, lorsque l'angoisse de son corps avait cessé. Aimer Jésus et ne vivre qu'en sa présence était le besoin de son coeur, et l'Esprit de consolation qui le lui enseignait dans la nuit de l'épreuve, ne se retirait pas d'elle lorsqu'un peu de lumière revenait éclairer son âme.

« Il est mon Dieu, disait-elle, et je suis sa servante. Qu'il fasse à mon égard tout ce qui lui semblera bon ! S'il me guérit, ce sera pour que je le serve encore ici-bas, et sa grâce m'en fournira le moyen ; et s'il en a ordonné autrement, que sa sainte volonté s'accomplisse ! Il ne me laissera pas dans la tentation, et sa charitable compassion ne se détournera pas de moi. N'a-t-il pas promis à ses enfants d'être avec eux, même au milieu des grosses eaux de l'affliction, et si St-Paul disait : Je puis tout en Christ qui me fortifie ; ne pourrai-je pas aussi recevoir du Seigneur la même force ? Je me repose sur lui et j'espère en sa fidélité. Il m'a rachetée, et Dieu qui nous a donné son Fils, nous dit aussi qu'il nous donnera toutes choses avec lui. »

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III. L'ISSUE.

« Ceux qui se confient au Seigneur, est-il écrit, ne seront pas confus. » Jeanne se reposait sincèrement sur son Dieu, et son Dieu s'est montré puissant dans la délivrance de son enfant.

Après un soulagement de courte durée, le mal empira soudain, et il fut bientôt évident que le Sauveur ne tarderait pas à venir pour son enfant. Jeanne le comprit, et elle en fut saintement réjouie. Ce fut dès lors que sa foi se montra dans toute sa réalité, et qu'il fut manifesté que cette foi était en effet, comme dit un apôtre, « une subsistance des choses espérées et une démonstration des choses encore invisibles. »

La fin de cette vie se hâtait pour Jeanne, et elle se plaisait à le voir et à le dire, comme le voyageur, sur une mer orageuse, se plaît à penser que la terre est près, et s'égaie, et reprend ses forces, quand il voit briller dans la nuit le fanal qui indique le port.
Quelle différence entre les sentiments de cette chrétienne sincère, et ceux qu'une illusion religieuse eût pu produire en elle, si l'Esprit-Saint n'eût pas été avec son âme ! On peut encore rencontrer une certaine tranquillité dans la mort des gens pieux selon ce monde : mais toute cette espèce de résignation se borne à ne plus résister, parce qu'enfin il faut mourir, et à espérer un état heureux dans l'avenir, parce que Dieu est trop bon, pensent-ils, pour ne pas récompenser la vertu.

Où est Jésus ; où est l'efficace de son sang ; où est la puissance de sa résurrection ; et où sont aussi les promesses du Père et les consolations de l'Esprit de vie et d'adoption, dans une telle mort, dans ce départ forcé du monde et de ses liens ?
Venez voir mourir une chrétienne, et vous y apprendrez une tout autre leçon. Entrez dans l'humble et pauvre demeure de cet enfant de Dieu, et ne perdez pas une des paroles qu'elle va dire ; et comme son âme les prononce sur le bord même de l'éternité et en la présence du Souverain Juge, écoutez-les donc avec respect et les serrez bien avant dans votre coeur !

Le jour du ciel, l'immortalité bienheureuse, allait donc s'ouvrir et commencer pour l'âme de Jeanne, et ce ne fut pas pour elle une surprise. Ce qu'elle avait cru sur le témoignage de Dieu, et ce qu'elle avait attendu avec patience, elle savait et elle sentait qu'elle allait le voir, le contempler et le saisir.
Alors, selon la promesse du Seigneur, qui est le Berger des brebis, l'âme de cet enfant de Dieu ne fut point laissée. Elle « marchait par la vallée de l'ombre de la mort, mais elle n'y craignit aucun mal, parce que son Sauveur y fut avec elle, et que son bâton et sa houlette l'y soutinrent et l'y consolèrent. »

Quelques enfants de Dieu étaient auprès d'elle. Son pasteur était alors en voyage : mais Celui qui paît Israël était présent, et Jeanne demeurait sous son regard. Elle demanda qu'on lui lût quelque portion de la Parole, car elle pouvait encore l'entendre, quoique déjà ses yeux fussent ternis par le voile de la mort. On lui lut la prière du Sauveur à son Père, dans le XVIle chapitre de St-Jean, et quand elle fut terminée, elle s'écria, comme en forçant sa voix au travers de la mort : « Oh ! quelle paix parfaite ! quel bonheur ! Que Dieu est grand et glorieux ! Bénissons, bénissons l'Éternel !...

Que Dieu est grand et glorieux ! répéta-t-elle à plusieurs reprises. Oh ! quel bonheur ineffable ! Oh ! quel parfait bonheur !... je n'aurais jamais cru que ce fût si beau ! Oh ! que c'est beau ! Je ne croyais pas que la mort fût si belle !.... Non, n'ayez pas peur de la mort. Elle n'est qu'une ombre pour le chrétien ! Ce n'est qu'un passage !... Oh ! que le coeur de l'homme est incrédule ! Pourquoi ne pas croire Dieu ! Que Dieu est grand ! Que Dieu est bon ! Qu'il est doux de l'aimer ! (Chants de Sion, 158 ; ) oui, qu'il est doux de l'aimer ! Ah ! l'on ne se repent jamais de lui avoir donné son coeur ! Je l'ai su une fois ; mais jamais comme à présent. Que sa gloire est magnifique ! Dites, dites avec moi : Qu'il est doux de l'aimer !... »
Après quelque repos, elle s'écria, comme dans une extase : « C'est une nouvelle vie devant moi !... Je le vois !... je l'entends !... Suis-je encore en ce monde ? »

On lui lut alors les premiers versets du Psaume XXXIV.... « Des épreuves ! des détresses ! s'écria-t-elle. C'est dans son amour que le Seigneur les envoie.... Elles nous apprennent à l'aimer ! .... C'est une vallée de larmes que nous traversons mais Jésus l'a traversée avant nous. »

Quelqu'un entra, et Jeanne dit à cette personne, et avec compassion : « J'espère que vous possédez aussi ce grand bonheur. Si vous ne l'avez pas, faites tout pour le posséder.... Oh ! que je voudrais que tout le monde possédât ce bonheur ! Ineffable ! ineffable ! »

« Où est notre soeur ? » demanda-t-elle, en nommant celle qui depuis plusieurs mois l'entourait de ses soins. Dans ce moment, répondit-on, elle est à l'assemblée des Missions évangéliques. « Que Dieu la bénisse ! dit-elle. Pour moi, je vais dans une bien plus belle assemblée. Quels chants de gloire ! Que Dieu est grand ! Oh ! que Dieu est grand ! »

Un pasteur qu'on avait fait demander arriva, et, sur le désir de Jeanne, il lut d'abord le XLIIe psaume, puis le XVe chapitre de la première Épître aux Corinthiens. Votre âme, lui dit-il en suite, est-elle revêtue de la robe de Christ ? - « Grâce à Dieu, certainement ! répondit-elle. Je vais vers Jésus, et il me tarde d'être avec lui ! Seigneur Jésus, viens bientôt ! Oh ! qu'il me tarde qu'il vienne ! »

« Chantez un cantique ! dit-elle avec un grand désir. Chantez. « Nous n'avons point de cité permanente, tant qu'ici-bas le Seigneur nous retient. » (Chants de Sion, 190.. ) On le chanta. Elle le suivit avec intérêt, puis elle s'assoupit pendant quelques moments, au bout desquels, reprenant un peu de force, elle demanda qu'on chantât encore le cantique : « Non, ce n'est pas mourir, que d'aller vers son Dieu. » (Chants de Sion, 233.) Elle fit quelque effort pour le chanter elle-même ; mais elle ne le put, et à chaque verset elle répétait : « Oh ! que c'est beau ! Que Dieu est grand et glorieux ! »

Enfin on lui lut encore le cantique : « Je vais enfin quitter la terre ; je vais enfin entrer aux cieux ! » (Cant. 197.) Et comme on lisait ces mots : « Ne pleurez pas sur moi, mes frères ! Soyez joyeux de mon départ, » elle s'écria : « Je le crois bien !... Ah ! ne vous avisez pas de pleurer !... C'est trop beau ! Je suis trop heureuse ! Bénissez Dieu !.... »

Alors s'adressant à une personne de la maison de son pasteur, elle lui dit, avec effusion de coeur : « Dites à mon cher pasteur que je m'en vais vers Dieu avec joie, dans une parfaite paix, car mon Sauveur m'y attend ! Dites-lui que j'aurais bien voulu le revoir, pour lui témoigner ma reconnaissance. Il a été mon père !... Je l'aime comme une fille... » Elle se tut quelques moments, Puis elle reprit : « Quand mon père et ma mère m'auraient abandonnée, toutefois l'Éternel me recueillera ! ... Oh ! quelle miséricorde de Dieu, envers moi, pécheresse indigne. »
Non, reprit une des personnes présentes, mais étrangère à Jeanne et à ceux qui l'entouraient, vous n'êtes plus indigne. Quand on a si bien vécu, on peut avoir une belle mort, aussi.

« Quoi ! moi ! répliqua aussitôt la chrétienne, et avec une indignation prononcée, je ne suis pas indigne !... Je l'ai toujours été et je le serai toujours. C'est par grâce, oui, par grâce ! répéta-t-elle avec un accent profond de gratitude. C'est le sang de Jésus qui est toute ma dignité !... Qui oserait se vanter d'avoir bien vécu ? Lequel d'entre les pécheurs, comme sont tous les hommes, parlerait ainsi ?.... Que la grâce, et rien que la grâce de Dieu, soit exaltée ! Oh ! que chacun la recherche pendant qu'il en est temps ! »

Le Seigneur était tout près : il allait venir, et son enfant recevait encore de lui la force de le glorifier, en quelque sorte, sur le seuil même de la cité céleste. Son esprit était lucide et recueilli. Toutes ses paroles, à la fois graves et triomphantes, étaient comme des voix qui déjà venaient du ciel : car son corps était refroidi et ses yeux fermés.

« Quel bonheur parfait, ineffable ! prononça-t-il encore avec une grande douceur. - Ah ! il faut la voir cette gloire ineffable ! Il faut la sentir, comme, je la sens !... Quelle félicité ! Non ! n'ayez pas peur de la mort !... Je vous le dis : c'est la porte des cieux ! »

Elle se tut alors, et elle demeura dans ce silence jusqu'au moment où, en faisant un dernier effort, elle dit encore : « 0 mort ! où est ton aiguillon ! 0 sépulcre, où est ta victoire !!... » Et quelques instants après, elle cessa de soupirer ici-bas, tandis que son âme, lavée au sang précieux de l'Agneau, entrait dans le sanctuaire éternel, et continuait ses ravissements dans la demeure même de Dieu, et en présence de ce bien-aimé Sauveur qu'elle avait adoré et servi sur la terre.

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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