Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'HEUREUSE FAMILLE.

suite

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Julie porta donc à sa grand'maman les salutations et les remerciements de Mme N***, et lui dit aussi qu'elle avait cru voir que cette dame était bien aise d'entendre parler de Dieu et du Sauveur.
Elle ne t'a donc pas demandé de lui faire ses commissions aujourd'hui ? dit André, avec un peu de malice.
Cher enfant ! dit la grand'maman, avec un geste de reproche, ne juge pas, et surtout n'aie point de dépit ni de haine. Dieu est grand en conseil et merveilleux en moyens ; et peut-être cette dame qui, hier au soir, t'a grondé si rudement, sera-t-elle, dès demain, pour toi, une amie qui le sera favorable.

Julie, vivement. C'est la vérité même, bonne grand'maman ; car elle me l'a dit, tout-à-l'heure.
Oui, mon frère, Mme N*** m'a dit, et tu comprends bien que ç'a été sans que je le demandasse, qu'elle était très-réjouie que tu entrasses en apprentissage chez son mari, et qu'elle ferait tout ce qui lui serait possible pour toi et pour ton bien. Ce sont ses propres paroles. Tu vois donc que tu aurais grand tort, de conserver à son égard le moindre sentiment pénible.
La Grand'Mère. Oui, mon fils, tu aurais tort, et de toute manière. Chaque jour nous demandons à Dieu qu'il nous pardonne nos péchés, comme nous pardonnons à ceux qui nous offensent ; comment donc pourrais-tu prier notre Père céleste de bon coeur, si tu gardais en toi quelque levain contre Mme N*** ? N'est-ce pas, André, que tu ne le feras pas, et que tu lui pardonnes du fond du coeur ?

André pour toute réponse embrassa sa grand'maman et sa soeur ; et quelques moments après, il dit, avec sentiment : Que cette dame est bonne, cependant, de vouloir bien s'intéresser ainsi à moi, qu'elle connaît à peine et qui n'ai jamais rien fait pour elle ! Aussi, vous verrez, s'il plaît à Dieu, comme je tâcherai de lui obéir et de lui être agréable ! Je me réjouis d'entrer chez M. N***. C'est demain matin, n'est-ce pas, grand'mère ?

La Grand'Mère. Oui, mon enfant ; mais aujourd'hui nous n'en parlerons pas. - Mais, vous ne m'avez pas récité vos versets de la Bible, ni le cantique de cette semaine ! Allez donc les repasser. Pour moi, je vais lire quelques moments. - Je pense, aussi, mes enfants, que cette après-midi, après l'église, vous irez visiter votre cousin Paul. Il est assez malade depuis hier matin, et c'est aujourd'hui, surtout, que nous devons visiter les affligés. Votre cousin sera content, j'en suis sûre, que vous lui lisiez quelque portion de la Bible, et que vous lui rapportiez ce que vous aurez retenu des sermons d'aujourd'hui. Et nous ne savons pas, mes enfants, si Paul, quoiqu'il soit tout au plus de ton âge, André, ne quittera point bientôt ce monde ! Le Seigneur vient à nous à toute heure. Soyez donc prêts, aussi, chers enfants ; et pour cela, confiez-vous en Jésus, et soyez-lui dociles !

Quelle influence que celle d'une telle aïeule ; oui, d'une telle piété parlant par une telle bouche !
Si rien n'est plus triste, dans une famille que d'y voir un vieillard ne pas aimer Jésus et ne penser qu'à la terre, quelle douce autorité, quelle puissance d'amour y exerce un grand-papa, une grand'maman, qui honore la parole de Dieu, qui est animé, de l'Esprit de Jésus, et qui, détaché du monde et de sa vaine apparence, montre qu'il tend vers le ciel, et par ses sages avis en enseigne le chemin à ses enfants et à leurs enfants ! Heureuse la famille dont les grands-parents sont chrétiens, sont des amis du Sauveur ! Heureux êtes-vous, vieillards ! qui répandez ainsi autour de vos âmes le parfum de la sainteté chrétienne, et qui laisserez après vous le souvenir de vos pieuses leçons et de votre attachement sincère au Fils de Dieu et à son Évangile !

Julie et André, aussi bien que leur père, connaissent ce doux empire. Leur bonne grand'maman est pour eux comme la bouche de Dieu même ; et lorsque cette digne servante du Sauveur les aura quittés, pour aller vers l'Éternel, leurs âmes porteront encore les fruits de ses enseignements, et béniront sa mémoire en marchant après elle au sentier de la foi.

La cloche appelait de nouveau les fidèles au temple. La grand'maman avait déjà mis ses gants et pris son gros psaume, et elle attendait Julie et André qui achevaient d'écrire l'analyse du sermon du matin qu'ils voulaient lire à Paul. Enfin ils eurent fini et l'aïeule et ses petits-enfants revinrent s'asseoir avec respect dans la maison de Dieu, afin d'écouter ce que son ministre devait leur dire de sa part.
L'assemblée était peu nombreuse. Hélas ! les portes de la ville avaient été plus fréquentées que celles du temple du Seigneur. La multitude était sur les chemins, dans les promenades ; peut-être aussi déjà dans les tavernes et les théâtres ; et ce n'était qu'à un bien petit nombre que le message du salut allait être adressé.
Mais dans ces quelques âmes attirées par la grâce du Père, il s'en trouva une qui intéressa puissamment la grand'maman et ses enfants.
M. N*** aussi était revenu à l'église ; et placé en face de la chaire, il avait tout l'extérieur de la plus sincère dévotion.

Ce fut sur le pardon des péchés, et sur le don de la vie éternelle en Jésus-Christ, que parla l'homme de Dieu. Son discours était simple et plein d'onction. Après avoir rappelé, en peu de mots, la condition naturelle de l'homme, et quel est le salaire du péché ; après avoir dit que la sainte et juste loi de Dieu le condamne, et qu'il n'entrera pas au ciel, il exalta, avec adoration, l'amour infini du Seigneur, et insista, de la manière la plus touchante sur cette immense charité du Père, qui a donné son Fils au monde, afin que quiconque croit en Jésus ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.
Alors il développa le plan de la rédemption de l'Eglise. Il montra, par les Écritures, la divinité éternelle du Sauveur, et comment, lui, qui est Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement, est venu du sein du Père jusqu'à l'homme sa créature ; a pris à lui la nature humaine, mais sans péché ; et s'est uni, par un mystère ineffable, à son épouse, l'Eglise, pour la racheter éternellement, par le sacrifice de lui-même, sur la croix.

On sentait, pendant qu'il parlait, que c'était d'un coeur plein de componction et du plus fervent amour, que sortaient ses enseignemens ; et lorsqu'il déplora l'égarement fatal de ceux qui ne reconnaissent pas Jésus comme l'Éternel-Dieu manifesté en chair, et qui s'exposent, par cette incrédulité, à la perte finale de leurs âmes, il fut facile de comprendre qu'il gémissait sur eux, sans les juger, et qu'il les appelait à la repentance par les accents de la charité la plus vivante.
Mais ce fut surtout quand il parla de la justification du pêcheur par la foi en Jésus, qu'il donna gloire à la miséricorde et à la justice de Dieu. Montrant comment l'orgueil de l'homme s'élève contre l'amour du Seigneur ; comment il veut mettre ses oeuvres et ses vertus à la place des oeuvres du Sauveur et de la grâce souveraine du Très-Haut ; comment il nie l'expiation des péchés par le Sang de Jésus, et prétend les racheter lui-même par ses propres mérites ; comment, enfin il dispute à Dieu le droit de pardonner gratuitement, et veut se gagner le salut par ses dévotions, par ses aumônes, par ses sacrifices, ou par sa moralité ; il fit voir, avec force, qu'une telle doctrine est une religion trompeuse, et que l'Évangile la réprouve et la déteste. Puis, s'adressant à un pécheur désireux d'être sauvé, il lui demanda ce qu'il voulait préférer, ou le don de l'amour de Dieu en Jésus, ou bien de refuser ce don, de mépriser le sang du Sauveur, et de se présenter, au dernier jour, devant le Juge des vivants et des morts, en lui disant : Voici mes vertus et mes oeuvres : donne-moi le ciel et sa gloire, car je les ai mérités.

Malheur ! s'écria-t-il alors, avec solennité, oui, malheur à l'homme qui aura négligé. un si grand salut ! Et si le juste n'est sauvé qu'avec peine par le sang de Jésus et par l'Esprit éternel, ô incrédule ! ô homme qui veux te justifier toi-même ! où paraîtras-tu, et quelle sera ton issue, lorsque les livres seront ouverts, et qu'à côté de tes vertus humaines se placeront, comme en bataille contre toi, et tes péchés secrets, et tes souillures cachées, et ton orgueil, et ton incrédulité, et ton superbe dédain de l'Agneau de Dieu et de son précieux sang ?

À ces mots, M. N*** avait baissé la tête, et on le vit essuyer ses larmes. Quand on sortit du temple, il demeura seul ; il revint chez lui tout rempli d'émotions qu'il n'avait jamais connues jusqu'alors, et s'enfermant dans sa chambre, il ouvrit la Bible, qu'il lut avec l'avidité d'un homme qui, rencontrant une source, y étanche une longue soif.
Son émotion n'avait point échappé aux regards de la grand'maman, ni à ceux de Julie. Dieu veuille, dit cette enfant à son aïeule, quand ils furent sortis de l'église, que le cher M. N*** ait été béni ce jour ! As-tu vu, bonne grand'maman, comme il pleurait à la fin du sermon ? Oh ! quelle joie ce serait pour nous, si son âme était aussi convertie !

Il nous faudra prier pour lui, dit André, dans notre culte de ce soir. Ah ! que j'aimerais qu'il devînt chrétien ! Quel bonheur ce serait pour lui, d'abord, et aussi pour moi ! - Mais, dit-il à Julie, en lui prenant la main, n'oublions pas le pauvre Paul. Viens, ma soeur : nous lui raconterons tout cela, et il en sera bien réjoui.

Les enfants s'éloignèrent, et leur grand'maman rentra chez elle : mais ce fut pour s'y prosterner devant le Tout-Bon, et pour lui demander qu'il abaissât son regard tout-puissant sur M. N*** et sur sa femme.

Faites comme elle, vous qui souhaitez l'avancement du règne du Sauveur ; vous qui désirez la conversion d'un père, d'un enfant, d'un ami ! C'est à Celui qui ouvre, et personne ne ferme, c'est à Dieu avant tout que vous devez recourir ; car c'est lui qui change et fléchît, les coeurs, et qui donne aussi les moyens qui convertissent les âmes. Priez donc, priez beaucoup et avec ferveur, vous qui aimez Jésus, et qui dites au Père, avec sincérité : Que ton règne vienne !

La grand'maman achevait son humble et charitable oraison, lorsque quelqu'un frappa à sa porte. Elle l'ouvrit, et ce fut M. N*** lui-même qui se présenta.
Ma chère Dame, dit-il aussitôt, avec émotion, mais simplement et comme un ancien ami, j'ai entendu aujourd'hui deux sermons, et le dernier, surtout, m'a tout ému. Je ne sais ce qui se passe en moi ; mais j'ai senti le besoin de venir vous parler ; oui, de vous ouvrir tout mon coeur. Pouvez-vous m'entendre ?

La bonne grand'maman, toute surprise, tout émue elle-même, offrit son fauteuil à M. N***, et sans rien dire, et comme par instinct, elle alla prendre sa vieille et grosse Bible, qu'elle mit sur le guéridon, près duquel elle s'assit elle-même.
C'était en effet, dit-elle avec douceur, un enseignement bien utile, et en même temps une sommation bien sérieuse, que le sermon de cette après-midi ! Ah ! c'était la vérité ! Il n'y a point d'autre salut pour nous, que par le sacrifice du Sauveur ; que par la pure grâce de Dieu. Non, non ; le pardon des péchés ne se mérite pas ! C'est Dieu seul qui le donne ; et c'est gratuitement.

M. N***. Voilà ce qui m'a tout étonné, et en même temps tout ému ; et quand le ministre m'a demandé, (car j'étais droit devant lui, et j'ai bien compris que c'était à moi qu'il s'adressait ;) quand il m'a demandé, avec tant de sérieux, et en même temps de bonté, si je voulais me sauver par mes vertus, et ainsi mépriser la grâce de Dieu, j'ai cru que j'allais m'évanouir, et je n'ai pu que pleurer. Non, je vous assure, non, je ne veux ni mépriser, ni repousser ce salut et cette grâce de Dieu.... Mais je ne sais ni que penser, ni que faire. Je suis troublé et confus. Je suis dans mon esprit, comme un homme qui se réveillerait au milieu d'un brouillard ; et je vous prie de m'aider, de m'enseigner, de me dire ce que Dieu vent de moi ; car vous êtes ....... chrétienne, vous, Madame ; et moi... hélas je ne suis rien ; rien qu'un incrédule, qu'un pauvre mondain, comme tant d'autres.
La Grand'Maman, avec affection. Cher Monsieur, celui-là n'est plus mort, qui déjà dit qu'il voudrait vivre. Prenez bon courage. Oui, Dieu vous a déjà visité dans sa miséricorde ; car c'est une grande chose, et qui vient de sa grâce, que de sentir le besoin d'un Sauveur. Heureux est le malade qui déjà cherche un médecin !

M. N***. Ah ! je ne l'ai guère cherché ! Je sais bien que, dans ma jeunesse, j'ai été tout aussi rangé, et tout aussi honnête homme, que plusieurs autres. Non, je n'ai pas de reproches sur ma conscience, à cet égard-là. Le peu de bien que j'ai, je l'ai gagné par mon industrie, et j'espère que personne n'a jamais perdu, en travaillant pour moi.
Mais tout cela, et tout le reste avec, ne me semble rien, rien du tout. Je suis un pécheur devant Dieu ; voilà ce qui m'est à présent plus clair que le jour, et c'est ce qui m'inquiète. Vous le dirai-je ? c'est ce qui me fait peur. Oui, je tremble, en y pensant.
La Grand'Maman, avec le plus tendre intérêt. Est-ce... l'incrédulité, que vous vous reprochez surtout ?

M. N***, avec un profond soupir. Je crois que oui !
Ah ! Madame, nous avons passé par de mauvais temps : vous le savez encore mieux que moi, Ce n'est pas avec la Bible qu'on m'a élevé. Hélas ! je crois vraiment qu'elle n'était pas chez mon pauvre père. Et depuis que je suis homme, qu'ai-je pensé, et qu'ai-je fait ? Ma religion ? je n'en ai point eu. À peine suis-je allé à l'église quatre ou cinq fois depuis vingt ans ; et quant au dimanche, je ne l'ai vu venir, en hiver, que pour y travailler tout le Jour, ou pour le passer dans les cafés et le théâtre ; et dans la belle saison, que pour y faire des parties de plaisir, depuis l'aube jusqu'au milieu de la nuit. Quel train que celui-là ! Je l'ai bien un peu réformé, ces derniers temps : mais qu'a-t-il été durant toute ma vie !
La Grand'Maman. Hélas ! il a été ce qu'est celui du monde, aujourd'hui. C'est comme disait Esaïe, le prophète, quand il censurait les habitants de Jérusalem : Ils ont éclos des oeufs de basilic, ils ont tissé des toiles d'araignée. Ils ne connaissent point le chemin de la paix, et ils se sont pervertis en leurs sentiers. (Esaïe LIX.) Et cependant, grâce à Dieu ! il y a bien du mieux déjà ! Ah ! Monsieur, il y a trente ou quarante ans qu'on ne nous eût pas prêché comme on l'a fait aujourd'hui ! Alors on ne s'inquiétait guère que la Bible fût dans toutes les maisons, ni de nous dire que l'homme naît dans le péché, et que le salut est par la grâce, par la foi au sang de Jésus, notre Dieu manifesté en chair. Oui, il y a déjà bien du changement, Monsieur N*** beaucoup, je vous assure.

M. N***. Dieu veuille qu'il s'en fasse en moi ; car j'en ai bon besoin ! Ah ! Madame, je suis un grand pécheur !
La Grand'Maman, en ouvrant la Bible. Écoutez, cher Monsieur, ce qu'un grand pécheur, aussi, disait de lui-même, et de ce qui lui était arrivé : J'étais, dit-il, un blasphémateur, un persécuteur, et un oppresseur, mais j'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance, étant dans l'incrédulité. Or (écoutez bien, cher Monsieur !) or, la grâce (vous l'entendez, la grâce ! ...) de notre Seigneur a surabondé, avec la foi et avec l'amour qui est en Jésus-Christ. Et encore ceci. Faites-y bien attention ! Celle parole est certaine, et digne d'être entièrement reçue, que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver des pécheurs, desquels je suis le premier. Vous l'entendez, n'est-ce pas ! Vous voyez qu'il se regardait comme le premier, comme le plus grand des pécheurs ; et cependant écoutez ce qu'il ajoute : Mais j'ai obtenu grâce, afin que Jésus-Christ montrât en moi, le premier, toute sa clémence, pour servir d'exemple à ceux qui viendront à croire en lui, pour avoir la vie éternelle. (1 Tim. I, 16.) Vous l'avez entendu, Monsieur ! Est-il possible d'ouïr une parole plus consolante, plus encourageante pour vous ?

M. N***. Qui était, je vous prie, ce grand pécheur qui disait cela ?
La Grand'Maman, avec surprise. Eh ! Monsieur ! c'était l'apôtre St-Paul.

M. N***, avec naïveté. L'apôtre St-Paul ! Je ne l'aurais jamais imaginé. Il avait donc été comme moi, un incrédule, un homme sans religion ?
La Grand' Maman. Est-il possible, cher Monsieur, que vous ne connaissiez pas même l'histoire de Saul le persécuteur des chrétiens, et de sa conversion miraculeuse ?

M. N***. Hé ! Madame, d'où la saurais-je ? Je ne m'en suis jamais inquiété, et personne ne m'en parla jamais.
La Grand' Maman. Cependant, il y a une Bible chez vous.

M. N***. Mais à quoi m'a-t-elle servi, puisque jamais je ne l'ai ouverte, ni n'ai permis qu'on me la lût ?
La Grand' Maman. Ah ! Monsieur, commencez donc par là. Lisez, lisez, et surtout, croyez le Livre de Dieu, sa sainte et vivante Parole. On n'est pas converti autrement. C'est la vérité de Dieu qui change le coeur. Je vous en supplie, lisez la Bible !

M. N***. Je l'ai déjà fait aujourd'hui, Madame ; et... c'est cela même qui m'a fait venir ici.
La Grand'Maman. Comment cela, s'il vous plaît ?

M. N***. J'étais si troublé, en revenant, cette après-midi, du temple, que je n'ai voulu parler à qui que ce fût Je me suis enfermé dans ma chambre, et j'ai pris la Bible, que j'ai ouverte, et où j'ai lu la première page que je voyais. C'était dans un psaume ;... oui, dans le cinquante-troisième, où il est dit que les ouvriers d'iniquité n'invoquent pas Dieu et que Dieu les rendra confus ; et comme je lisais et relisais ce psaume, il m'a semblé que mon coeur se fondait, et je me suis senti comme un criminel devant une sentence de mort. C'est ce qui m'a fait venir vers vous, Madame ; car je ne savais à qui demander de la consolation ; et tout ce que vous m'avez dit hier au soir me revenait dans l'esprit. Voilà mon histoire, je vous l'ai toute dite.
La Grand'Maman. Oh ! que Dieu qui est charité, vous bénisse et vous fortifie. cher Monsieur ! C'est ainsi qu'il vous attire à Jésus, et qu'il vous dit de croire en ce bon Sauveur.

M. N*** allait parler, lorsqu'on entendit les enfants qui revenaient de chez leur cousin, et qui entrèrent tout-à-coup en disant : Grand'mère ! Paul est très, très-malade. Mais tout va bien ; car il aime Jésus ?
Julie et André virent alors M. N***, que la porte en s'ouvrant leur avait caché, et ils se turent, tout honteux.
C'est ton bourgeois, André ! Approche, mon enfant, et salue M. N***. C'est comme notre ami qu'il est venu me voir.
André s'inclina avec respect devant M. N***, puis s'approchant de sa grand'maman, il lui dit à l'oreille - Est-il converti ?

M. N*** entendit sa question ; il rougit, et attirant l'enfant auprès de lui, il lui posa, avec bonté, une main sur l'épaule, et lui dit, à voix basse : Pas encore, André ; mais je désire, l'être ; et puisque tu l'es, toi, tu me donneras l'exemple, et tu me montreras comment l'on devient chrétien.
André se tourna en fondant en larmes, et il s'enfuit dans l'autre chambre. Alors Julie, s'approchant de M. N***, prit une de ses mains dans les deux siennes, et avec le respect et l'amour d'une fille pour son père, elle dit : O Monsieur ! on est déjà chrétien, quand on désire l'être. Oui, Monsieur ! c'est Jésus, qui vous a mis cela dans le coeur ! Oh ! que Dieu est bon ! Que Dieu est bon !

0 charité chrétienne ! amour des âmes et de leur salut ! quel charme se trouve en la voix et quelle puissance tu déploies sur nos coeurs ! Oeuvre excellente et impérissable de l'Esprit éternel, tu règnes en souveraine sur nous ; tu nous pénètres, tu nous captives, tu nous entraînes, tu nous rassasies de joie ; et, ravis du bonheur que tu nous donnes, nous n'avons plus devant toi qu'un désir, qui est de t'écouter toujours, de ne te quitter jamais ! La foi de l'enfant de Dieu, toute précieuse qu'elle est, et la sainte espérance de son âme, auront leur plénitude et prendront fin ; mais toi, céleste amour ! vie de Dieu et son image en ses bien-aimés, tu demeures éternellement ; car l'immuable félicité des cieux, c'est toi-même !

M. N*** était très-touché. C'était la première fois, en tout le cours de sa vie, qu'il était le témoin, et surtout l'objet, d'une telle affection. Jamais, non, jamais jusqu'alors, son âme et son salut n'avaient attiré l'attention, et encore moins l'intérêt, de qui que ce fût ; et jamais sa main n'avait été pressée de celle d'un ami qui, en le faisant, lui eût parlé de Jésus et de l'ineffable bonté de Dieu.

Et combien dans notre peuple n'est-il pas d'âmes qui pourraient dire qu'il en est ainsi pour elles ! Que d'hommes faits, que de vieillards, à qui jamais personne ne demanda si leurs âmes connaissent le salut et si elles sont heureuses, heureuses du bonheur qui ne finira pas, du bonheur de Dieu ! Quelques mots de la Bible, peut-être, dans leur enfance, puis une instruction religieuse toujours précipitée, toujours incomplète, et d'ordinaire finie avant que le coeur ait même senti ses péchés et combien moins connu Jésus et désiré sa paix, sont tout ce qu'ils ont obtenu des hommes, pour le plus haut et le plus important de leurs intérêts. Et si ces premières impressions n'ont fait qu'effleurer leurs âmes, si elles se sont effacées, dès la jeunesse, dans les dissipations ou les affaires, ces jeunes gens, ces hommes faits, ces vieillards, ignorants qu'ils sont des choses divines et ne s'en approchant jamais, jamais, non plus, ne se sont réveillés de cet assoupissement fatal, et comme M. N***, ils traversent toute leur vie, sans même qu'un ami leur ait dit Connais-tu Jésus, et seras-tu sauvé ?

Genève ! Genève ! ne sortiras-tu pas enfin de ton insouciance, ah ! nation légère ! de ton incrédulité ! Pères et mères de famille, chefs d'ateliers et de fabriques, et vous tous qui avez quelque autorité, quelque influence, sur ceux qui vous entourent ! ne sentirez-vous pas, enfin, que vos enfants, vos apprentis, vos ouvriers, vos commis, vos serviteurs et vos servantes, ont une âme, une âme à sauver ; et que vivre auprès de cette âme, sans lui montrer le ciel, sans lui parler de Jésus, c'est la mépriser, c'est la tuer ?
Mais, hélas ! c'est la vôtre, oui, c'est votre propre âme que vous méprisez, que vous laissez périr ! Quel soin donc prendriez-vous de celle d'autrui, puisque la vôtre est ainsi délaissée !
Vous ne me condamnez donc pas, ma chère enfant ? dit M. N*** à Julie. Vous ne me dites pas que je suis perdu ?
André était rentré dans la chambre, en s'essuyant les yeux, et. se tenant derrière la chaise de sa grand'mère, il regardait M. N*** avec intention, et ce fut aussi lui qui, à cette question de son bourgeois, s'écria : perdu ! Monsieur N*** ! Perdu ! Hé ! ne savez-vous donc pas que nous avons un Sauveur ?

Il y eut un moment de silence. M. N *** soupira, puis regardant fixement la grand'maman, il lui dit, avec beaucoup de douceur. On m'avait dit, Madame, que vous, qui êtes... des... chrétiens, vous étiez pleins d'orgueil, et que vous condamniez et repoussiez tous ceux qui ne pensent pas comme vous. Je vois maintenant qu'on m'a trompé

S'il fallait, répondit la grand'mère, avec calme et profondeur, oui, s'il fallait pour retirer notre prochain de son incrédulité, et de sa ruine finale, répandre notre sang et donner notre vie, je pense, qu'avec la grâce de Dieu, tout chrétien le ferait sans retard, et qu'il estimerait que mourir ainsi, ce serait mourir heureux. Mais, Monsieur, puisque le chrétien pourrait même donner sa vie pour sauver une âme, il ne doit perdre cette âme par aucun mensonge. Il faut donc qu'il dise à l'incrédule, Tu ne crois pas ; et à l'homme sans religion, Tu méprises Jésus ; et à tout pécheur impénitent, Comment subsisteras-tu au jugement de Dieu ? Se taire alors, cher Monsieur, c'est éteindre la lampe qu'un enfant égaré dans une épaisse nuit tient encore en sa main ; c'est pousser une âme dans le précipice ; c'est haïr son prochain ; c'est le perdre en effet ! Et loin, loin de nous qui connaissons la grâce et la patience de Dieu, une telle dureté pour nos concitoyens ; pour qui que ce soit d'entre les hommes ! Ah ! si, seulement, on voulait nous écouter ! On saurait bientôt, alors, que si nous crions aux pécheurs, Sauvez-vous de la colère à venir ! ce n'est pas pour les y précipiter ; et que quand nous les conjurons de croire en Jésus, et que nous leur disons, avec instances et avec larmes, que Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, ce n'est pas pour les condamner et les maudire, mais afin qu'en croyant aussi ils aient, avec nous, la paix de Dieu et l'assurance de la bienheureuse immortalité.

Je le vois, je le vois ! reprit M. N***, avec effusion. Oui, c'est un mensonge, une basse, une vile calomnie. Non, l'on ne sait pas ce que vous êtes.

La Grand'maman avec douleur. Hélas, on veut l'ignorer encore, et cela parce que Jésus n'est pas encore aimé ! Mais, ... pourquoi gémir ? Espérons de meilleures choses ; car déjà il me semble que la vérité renaît dans notre paroisse, et que plus d'une famille y prend plaisir.
Et vous aussi, cher Monsieur N***, dit la douce Julie, avec l'épanchement d'une tendre fille, et comme en priant, n'est-ce pas, vous aussi, avec Mme N***, vous voulez lire la Bible et aimer Jésus ! Ah ! si vous saviez combien l'on est heureux alors, je suis sûre que dès aujourd'hui vous ne voudriez pas d'autre bonheur. Oui, Monsieur N***, je le sais par moi-même, et je le sens tous les jours plus, connaître Jésus-Christ, l'aimer, et tâcher de lui plaire, c'est déjà comme le ciel ici-bas.

M. N*** pleurait, et enjoignant ses mains, il dit à Julie - Heureuse est la jeune fille qui aime mieux le ciel que la terre, et Dieu plus que les plaisirs !
Oui, dit la jeune chrétienne, en se tournant vers son aïeule, dont elle prit une main, heureux sommes-nous, mon frère et moi, d'avoir eu, par la grâce de Dieu, une mère chrétienne, et de posséder encore un excellent père, qui aime le Sauveur, et une bonne grand'maman qui nous élève avec la Bible, et qui nous montre, chaque jour, comment nous devons servir le Seigneur !


Maintenant, Lecteur ! veuillez réfléchir avec calme et sans prévention, sur ce tableau de quelques scènes domestiques. Remarquez ce que c'est que la foi ; ce que sont les moeurs de ceux qui aiment la Bible, et qui, par conséquent, sont soumis au Fils de Dieu ; puis comparant les principes, les habitudes, le train et les dispositions des incrédules et des moqueurs, avec la paix et l'espérance des chrétiens, voyez si, à votre lit de mort, il ne vous sera pas meilleur d'avoir imité les premiers, et d'avoir eu vos enfants élevés comme le sont André et Julie, plutôt que d'avoir mis de côté le Livre de l'Éternel, ou bien de vous êtes contenté de n'être chrétien qu'au dehors, sans avoir même pensé à cette nouvelle naissance, sans laquelle cependant, dit le Seigneur Jésus, nul ne verra le royaume des cieux.

La fin de toutes choses est près, pour vous, comme pour tout autre mortel ; et après la mort suit le jugement. Lequel des deux vous sera donc préférable, en ce jour-là, ou d'avoir dit, avec les déistes et les impies, que l'Évangile est l'ouvrage des hommes, et que les chrétiens sont déçus ; ou bien, d'avoir lu cet Évangile, de vous y être soumis, et d'avoir connu, dans votre âme, l'efficace du sang du Sauveur et la paix que vous venez de voir dans celte HEUREUSE FAMILLE ?

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