Sur une de ces routes qui suivent les
gorges des Pyrénées, deux
Cantonniers, un père avec son fils,
s'occupaient à nettoyer le fossé du
chemin, et courbés sur leur ouvrage, ils ne
pensaient guère qu'à le poursuivre.
Mais Dieu qui a dit dans sa Parole :
« Je me suis fait trouver
à ceux qui ne me cherchaient pas,
(Esaïe LXV,
1.) leur préparait de
meilleures choses que le gain de leur
journée, et que le repos qui devait la
terminer.
Un voyageur s'était
approché d'eux. C'était un homme d'un
certain âge, et d'un extérieur
à la fois grave et serein. Il leur souhaite,
avec cordialité, le bonjour, et
aussitôt s'engage l'entretien qu'on va
lire.
Le
Voyageur. Voilà une belle route,
et surtout elle est bien entretenue.
Le
Père. Aussi, Monsieur, a-t-elle
coûté de l'argent et de la peine, je
vous assure.
Le
Voyageur. Et aussi en coûtera-t-elle
toujours ; car ces
côtes rapides, à ce qu'il me semble,
sont exposées aux ravines et aux
éboulements.
Le
Père. Dans la montagne, c'est toujours ainsi.
La meilleure route s'y dégrade
bientôt.
Le
Fils,
gaîment. Et c'est tant mieux pour
les cantonniers, je pense ; car s'il n'y avait
rien à réparer, il n'y aurait rien
à faire.
Le
Voyageur. Cependant, jeune homme, je suis
sûr que vous seriez bien aise d'être
sur un chemin que je connais, moi, et qui est
toujours bon ; comme aussi, il ne se
dégrade jamais.
Le
Père,
en souriant. Et dans quel pays, s'il
vous plaît, se voit cette
route-là ?
Le
Voyageur. Dans tout pays, à peu
près. Mais il faut en connaître le nom
et savoir la trouver.
Le
Fils. Et comment s'appelle-t-elle
donc ?
Le
Voyageur. C'est le Chemin du Ciel. Le
connaissez-vous, mes amis ?
Le
Père,
avec gravité. Ah ! Monsieur,
je vous comprends maintenant. Vous avez bien raison
de dire que ce chemin-là est le plus
sûr et le meilleur de tous. Mais il n'y a pas
beaucoup de gens qui le connaissent et qui le
suivent.
Le
Voyageur. Asseyons-nous, s'il vous plaît,
ici, sur ce gazon, et si vous le désirez, je
vous dirai comment ce beau et bon chemin peut
être trouvé.
Les ouvriers témoignèrent
le plaisir qu'ils avaient à écouter,
et le voyageur poursuivit l'entretien.
Lecteur ! écoutez-le,
puisque c'est du Ciel qu'il s'agit. Si
c'était de la découverte de quelque
riche trésor, qui vous appartînt,
qu'il fût ici question, vous liriez avec soin
ce qui va suivre. Hé bien ! ne
lirez-vous pas aussi avec plaisir ce qui se
rapporte au salut de votre
âme. Voire âme ne vaut-elle pas plus,
et beaucoup plus, que beaucoup d'or, même que
tout l'or du monde ; car, dit le Sauveur, si
un homme gagnait et possédait tout le monde,
et qu'il vint à perdre son âme,
à quoi lui servirait toute cette richesse,
et que donnerait-il pour compenser la perte de son
âme !
(Matth.
XVI, 26.)
Le
Voyageur. Je ne sais pas, mes amis, si jamais vous
avez pensé que vous n'êtes que des
pécheurs, de pauvres et indignes
pécheurs, devant Dieu ?
Le
Fils, avec
beaucoup de douceur. Si vous connaissiez
mon père, Monsieur, vous ne diriez
sûrement pas cela, car je vous
assure...
Le
Père,
gravement. Il ne s'agit pas de cela,
Paulin. Ce que dit Monsieur est parfaitement vrai.
L'on n'est que des pécheurs devant Dieu. Qui
est l'homme qui ne pèche pas, et même
chaque jour plusieurs fois ?
Le
Voyageur. Hé ! sans
doute : si nous sommes d'honnêtes gens
aux yeux des hommes, et que chacun de nous ait
rempli les devoirs de sa condition, que de mal,
cependant, n'avons-nous pas fait, soit en secret et
dans notre coeur, par nos pensées et par nos
penchants, soit au dehors, par nos paroles et par
toute notre conduite ! Dites-moi, Paulin,
croyez-vous que vous soyez sans
péché ?
Paulin,
en
baissant la tête. Ah ! pour
cela, non. mais je disais que mon
père...
Le
Voyageur. Est un bon père et un
homme intègre, et je le crois
tout-à-fait. Mais, mon ami, ni votre
père, ni moi, qui suis, je présume,
de son âge nous n'avons pas fait tout ce que
Dieu nous avait commandé. Par exemple, Dieu
nous disait dans sa sainte Parole, que voici et que
je vais vous lire,
« d'aimer Dieu de tout notre coeur, de
toute notre âme et de toute notre
pensée, et notre prochain comme
nous-mêmes. » (Matth. XXII, 37.) Et
combien de choses, cependant, n'avons-nous pas
aimées plus, et beaucoup plus, que
Dieu ; et combien de fois ne nous sommes-nous
pas aimés nous-mêmes, plus que notre
prochain ?
Le
Père. D'ailleurs, on manque toujours à
quelque chose, quelque attention qu'on fasse
à se bien conduire.
Le
Voyageur. Hé ! sans
doute ! Tantôt c'est une mauvaise
imagination, c'est une convoitise criminelle qu'on
nourrit dans son coeur ; tantôt c'est un
mensonge, une fausseté, qu'on se permet de
dire ; tantôt c'est de l'ivrognerie, de
la gourmandise, qu'on satisfait ; tantôt
c'est de la colère, de l'inimitié,
même de la vengeance, qu'on garde en
soi ; ou bien c'est de la paresse, de
l'avarice, c'est de la dureté envers les
pauvres ou les malheureux, que l'on entretient
secrètement ; et tout cela sans parler
de l'indévotion, de l'oubli presque total de
Dieu et qui fait qu'on passe ses journées
sans penser au Créateur, et sans chercher
à lui plaire ; et sans parler, enfin,
de l'incrédulité, par laquelle ou
rejette, dans son âme, le salut que le
Seigneur nous a apporté du Ciel. - En
voilà bien assez, n'est-ce pas, mes
amis ?
Le
Père. Et ce n'est pas trop, Monsieur ;
car il y a bien, oui, bien du mal, dans notre coeur
et dans nos paroles.
Le
Voyageur. Bienheureux est celui qui le
voit ! Plus heureux encore est celui qui en a
regret, et qui en cherche le pardon ! Paulin,
croyez-vous aussi que vous ne soyez qu'un pauvre
pécheur
Paulin,
avec
ouverture de coeur. Oui, Monsieur, je le
crois, tout comme vous le dites.
Le
Voyageur. C'est Dieu même qui le
dit, mon ami, et je n'ai fait que vous lire et
répéter quelque chose de sa
Parole ; et comme cette même Parole qui
est la Sainte-Écriture, déclare que
le péché mérite la
condamnation, savez-vous, Paulin, ce que vous
deviendriez, si vous mouriez
maintenant ?
Le
Père. Ah ! qui le sait, ce
qu'on deviendrait ? Voilà, on
espère bien qu'on ne serait pas perdu...
Mais, cependant, qui pourrait dire, sans se
tromper, qu'il serait sauvé ? Il n'est
pas un homme, même le plus saint sur la
terre, qui osât le dire.
Le
Voyageur. Dites-moi, Paulin, si je
comptais tous les péchés que j'ai
faits depuis que je suis dans ce monde, pensez-vous
que leur nombre fût plus petit ou plus grand
que celui des vôtres ?
Paulin,
avec
quelque embarras. Ah ! Monsieur, je
n'ose en rien dire. Chacun sait ce qu'il a fait de
bien et de mal.
Le
Voyageur. C'est pourquoi, comme chaque
jour, malheureusement, nous péchons, et plus
d'une fois, il est clair que puisque j'ai
vécu beaucoup plus de jours que vous, j'ai
aussi péché bien plus souvent que
vous. Cela est évident, Paulin, et vous
devez le comprendre. - Hé bien ! mon
ami, quoique je sois, ainsi, beaucoup plus coupable
que vous, d'où vient que je suis tranquille
devant Dieu, quant à mon salut, et que vous,
vous ne l'êtes pas ?
Voyez, Paulin, comparons nos
péchés à des dettes d'argent
que nous aurions faites.. Vous, vous devez cent
francs, je suppose, tandis que moi j'en dois cent
mille. Et cependant, quoique ma dette soit si
grande, je n'ai
aucune
peur de la prison ; tandis que vous, avec
votre dette si faible au prix de la mienne, vous
avez peur d'être saisi et
incarcéré. D'où cela vient-il,
je vous prie ? Pourquoi suis-je tranquille,
moi, tandis que vous, qui êtes bien moins
endetté que moi, vous avez si peur de la
prison ?
Le
Père,
avec beaucoup d'intérêt. J'avoue, Monsieur que je ne
vois pas
encore pourquoi ; car enfin, si vous devez
autant, il vous faut pour tout autant aller aussi
en prison, à moins toutefois que vous ne
payiez.
Le
Voyageur. Mais, dans ma supposition, ni
moi, ni votre fils, nous n'avons même le
premier sou, nous sommes l'un et l'autre
ruinés et sans la moindre ressource ;
et cependant, je le répète, je n'ai
pas peur de la prison.
Le
Père. Alors je n'y comprends rien, je
l'avoue
Le
Voyageur. Hé bien !
écoutez la fin de l'histoire. Voilà
que tandis que j'étais avec Paulin, à
gémir sur mes dettes, et que je lui disais
qu'il nous faudrait aller en prison, vu que notre
créancier était intraitable, un homme
très-riche, et reconnu pour le plus
bienfaisant du pays, a passé devant nous,
et, en nous regardant avec pitié, il nous a
dit seulement ces deux mots : « Ne
vous affligez plus : je vais payer toutes vos
dettes. »
Paulin et moi, nous l'avons bien
entendu ; et nous savons aussi que c'est un
homme intègre, et dont la parole est
parfaitement sûre. Mais voilà que
Paulin, au lieu de croire ce qu'a dit ce
bienfaiteur, n'y fait aucune attention ;
tandis que moi, tout au contraire, je
l'écoute, je le crois, et je m'y repose dans mon
coeur, et
entièrement. Qu'en résulte-t-il,
Paulin ?
Paulin. Ah !
c'est tout simple ! Vous,
Monsieur, vous croyez que cet homme riche paiera
toute votre dette, tandis que moi je ne le crois
pas.
Le
Voyageur. Et pensez-vous qu'une fois que
j'ai cru véritablement que ma dette va
être toute payée, j'en aie encore
beaucoup de souci ?
Paulin.
Bien au
contraire, Monsieur ; puisqu'elle sera
payée, vous en êtes
déchargé, et vous savez que vous ne
devez plus rien.
Le
Voyageur. C'est-à-dire, mon ami,
qu'en croyant simplement ce que m'a dit notre
bienfaiteur, je suis entré, quant à
ma dette, dans un chemin de paix, puisque je suis
tranquille à son sujet.
Le
Père. Oui, Monsieur ; mais,
cependant, il vous faudra rendre cet argent
à ce brave homme qui vous l'a
prêté ; et comment, alors,
allez-vous faire ?
Le
Voyageur. Oh ! c'est que ce
bienfaiteur nous a dit qu'il nous donnait
gratuitement toute la somme, et pour
toujours.
Le
Père. Dans ce cas-là, c'est bien
payé, et bien acquitté ; et
c'est tout de bon que vous êtes
libre.
Le
Voyageur. Hé bien ! donc, si
Dieu, dans son immense amour, fait pour nous,
pécheurs, ce que cet homme riche et
généreux aurait fait quant à
nos dettes, ne sera-ce pas aussi tout de bon que
nous serons libres ?
Paulin.
Ah ! je
saisis, à présent. C'est du pardon de
nos péchés que vous avez voulu
parler, dans cette histoire.
Le
Voyageur. Hé ! oui. Nos
péchés sont des dettes de notre âme, devant la
loi sainte et juste de Dieu ; et Dieu a dit
que ces dettes nous jetaient en prison,
c'est-à-dire en enfer. Dieu a dit :
« Maudit soit quiconque a
péché ; » et la
malédiction de Dieu, c'est l'enfer.
Le
Père. Oui, sans doute, pour celui
qui ne répare pas ses fautes, et qui ne les
efface pas par une conduite meilleure. Mais si l'on
se repent du mal qu'on a fait, et qu'on fasse
ensuite son devoir, je pense bien que Dieu
pardonnera.
Le
Voyageur. Non, non, mon ami ! Pas
comme cela. Non, jamais. D'abord, vous sentez que
tout le chagrin que j'aurais d'avoir fait ma dette
de cent mille francs, n'en paierait pas un seul
centime. Ce n'est ni avec des regrets, ni avec des
larmes, qu'on anéantit la dette qu'on a
faite. Et, d'un autre côté, si j'ai
fait cette dette jusqu'à hier, et que depuis
aujourd'hui je n'en fasse plus aucune, la dette que
je ne fais pas aujourd'hui, n'acquitte pas celle
que j'ai déjà faite jusqu'à
hier. il en est ainsi de nos péchés.
Si j'ai regret ou peur des péchés que
j'ai commis, tout l'ennui qu'ils me causent ne les
anéantit pas. Comme aussi supposé que
je ne pèche pas aujourd'hui, ma bonne
conduite de ce jour ne détruit pas la
mauvaise conduite que j'ai tenue
précédemment.
Paulin,
vivement. Alors donc, dès qu'on a
fait seulement un péché, c'est tout
fini ! Il faut qu'on soit
maudit !
Le
Voyageur,
avec lenteur et gravité. À
moins, Paulin, que Dieu, qui est notre juge, ne
nous ait donné un Sauveur, et que ce Sauveur
ne nous ait, en effet, sauvés de la
malédiction. Comprenez-vous, Paulin ?
Le
Père,
vivement. Voila, voilà
l'affaire ! Je commence à voir plus
clair ici qu'auparavant. Continuez, Monsieur, s'il
vous plaît ; car cela fait du
bien.
Le
Voyageur. il est évident que si
« Dieu, qui est riche en
miséricorde, » a eu pour l'homme
pécheur un amour tel qu'il lui ait
donné un Sauveur, et que si ce Sauveur m'a
sauvé moi, oui, moi-même, je dois
d'abord en ressentir une grande paix, puis en
retirer une joie d'autant plus grande, qu'il s'agit
d'un pardon éternel ; oui, du salut
céleste.
Or, mes amis, c'est une parole certaine,
et digne d'être entièrement
reçue, que Jésus-Christ est venu dans
le monde pour sauver les pécheurs. Dieu a
tant aimé le monde, oui, mes amis, toute
espèce de nation, et les Français
aussi bien que tout autre peuple, qu'il nous a
donné son Fils unique. Et je ne pense pas
que vous l'ignoriez, puisque même vous avez
été baptisés, au nom du
Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
Paulin.
Nous croyons
tous en Jésus-Christ, dans ce pays-ci,
Monsieur.
Le
Voyageur. C'est pourquoi, mes amis, vous
devez croire aussi tout ce qu'il a fait. Car
à quoi sert de croire que vous avez un ami,
si vous ne croyez pas ce qu'il a bien voulut faire
pour vous !
Le
Père. Mais, Monsieur, nous
croyons bien aussi tout ce que notre Dieu a
fait.
Le
Voyageur. Oh ! point du tout, et
jugez-en vous-même. Lorsque le bienfaiteur
dont j'ai parlé, m'aurait dit :
Maintenant c'est fait : j'ai payé toute
votre dette, et c'est un don ; si j'eusse dit
à Paulin :
C'est à présent qu'il
s'agit de faire des économies pour que je
paie ;
eussé-je cru ce qu'aurait fait cet
ami ?
Le
Père. Hé ! non sans
doute.
Le
Voyageur. Et vous, quand vous avez dit
que le pécheur, afin d'effacer ses
péchés, devait faire ceci et cela,
avez-vous cru ce qu'a fait le
Sauveur ?
Le
Père. Mais notre Dieu nous a-t-il en effet
rachetés tout-à-fait, et pour
toujours ? Je croyais, moi, qu'il nous avait
ouvert le chemin du salut par sa mort sur la
croix.
Le
Voyageur. Il nous dit de
lui-même : « Qu'il est, lui,
le chemin, la vérité et la
vie » ; et la Sainte-Écriture
déclare partout, que le Fils de Dieu a
racheté son peuple d'une rédemption
éternelle ; qu'il a fait par
lui-même la purification des
péchés de l'Église ; que
son sang a été répandu pour la
rémission des péchés de
plusieurs ; qu'il a été
livré pour les offenses des siens, et qu'il
est ressuscité pour leur
justification ; et qu'ainsi le Sauveur, qui
est un sauveur parfait, par un seul sacrifice, a
rendu pour toujours accomplis ceux pour qui ce
sacrifice a eu lieu. Voilà ce que dit la
Sainte-Écriture. Ce n'est donc pas d'un
demi-salut qu'elle parle, comme si Jésus eu
eût fait une partie, et qu'il fallût
ensuite que l'homme le
complétât ; mais c'est d'une
rédemption totale, et
terminée.
Le
Père. Oui, comme quand une
caution paie toute la dette d'un ami. Cela ne se
fait pas à moitié. Ici, c'est tout ou
rien.
Le
Voyageur. Oui, tout ou rien. C'est ainsi
qu'est Jésus le Sauveur, parce qu'il est
Dieu. Si Dieu n'est pas tout, il n'est donc pas
Dieu. De même, si Jésus n'est pas tout
quand il sauve, il n'est donc pas sauveur. Si donc
je disais que pour que mon âme soit rachetée
de ses péchés, il me faut seulement
lever le doigt, ce serait dire que ce qu'a fait
Jésus n'a pas suffi. Ce serait donc nier
qu'il soit un sauveur. Ce serait prétendre
que son sacrifice sur la croix a été
imparfait : ce serait dire, enfin, que son
sang ne purifie pas de tout péché. Ne
le voyez-vous pas ?
Paulin.
Oui, Monsieur,
je commence à le voir. Mais, puisque vous
avez la bonté de vous arrêter ainsi
avec nous, laissez-moi vous demander comment on
peut savoir qu'on est sauvé : oui, que
c'est une chose faite, et qu'ainsi l'on n'ira pas
en en fer.
Le
Père,
vivement. Hé mon garçon,
ne vois-tu pas que Dieu nous a sauvés ;
c'est donc une chose faite, et non pas à
faire ?
Paulin.
Faite !....
Faite !.... Mais, non, mon père. Je ne
sais pas, moi, si c'est fait... pour moi.
Le
Voyageur. Cependant, Paulin, Dieu,
après avoir dit « qu'il a
donné son Fils unique, qu'il ne l'a point
épargné, mais qu'il l'a livré
à la mort », déclare que
« c'est afin que quiconque croit en lui
ne périsse pas ; mais qu'il ait la vie
éternelle. » Voilà ce que
Dieu a dit : C'est sa promesse : et vous
savez, Paulin, que Dieu est
vérité.
Paulin,
comme
en cherchant dans son esprit. Que
faut-il donc que je croie, pour que j'aie,
dès à présent, le pardon de
tous mes péchés ?
Le
Voyageur. Que fallait-il que je crusse,
pour que j'eusse la paix, sur ma dette de cent
mille francs ?
Paulin.
Hé !
ce que cet homme riche vous avait dit.
Le
Voyageur. Hé bien ! si Dieu
dit que celui qui croit en
Jésus-Christ sera sauvé, que vous
faut-il donc faire pour que vous soyez
sauvé ?
Paulin.
Il me faut
croire en Jésus-Christ : c'est
très-clair. Mais j'y ai toujours cru, et
cependant...
Le
Voyageur. Cependant, vous n'avez pas cru que vous
fussiez sauvé, n'est-ce pas ? C'est
que, Paulin, comme je l'ai dit à votre
père, vous n'avez pas cru ce qu'a fait le
Sauveur.
Paulin.
Il me faut donc
croire ce qu'il a fait ?
Le
Voyageur. Oui, croyez-le, et
certainement vous aurez la paix avec Dieu, parce
que vous aurez votre pardon. Ainsi donc, mon ami,
répondez, s'il vous plaît, à
mes questions. Dieu dit, dans sa Parole, que vous
êtes un pauvre pécheur :
croyez-vous cela ?
Paulin.
Oui, Monsieur,
je le crois en vérité, et plus
maintenant qu'auparavant, parce que je comprends
mieux ce qu'est le péché.
Le
Voyageur. Et croyez-vous aussi que le
péché mérite la
malédiction de Dieu ?
Paulin.
Vous m'avez
montré que Dieu le dit ; je dois donc
le croire aussi.
Le
Voyageur. Mais peut-être avez-vous
l'idée que vous puissiez ôter et
effacer vos péchés par
vous-même ?
Paulin.
Je l'ai, bien
toujours cru ainsi ; mais je viens de
comprendre que Dieu dit le contraire : je ne
dois donc plus le croire.
Le
Voyageur. Et que croyez-vous du Sauveur ?
D'abord êtes-vous assuré qu'il y en
ait un ?
Le
Père. Ah ! Monsieur, il
serait un païen, ou un Juif, s'il ne le
croyait pas.
Le
Voyageur. Aussi je lui demande à
dessein, s'il croit qu'il y ait un Sauveur.
Paulin.
C'est bien
certain qu'il y en a un, et je le crois
vraiment.
Le
Voyageur. Est-ce à un Sauveur que
vous croyez, ou bien seulement à un
aide ?
Paulin.
Vous nous avez
dit que notre Dieu nous a rachetés par son
précieux sang, sur la croix : il faut
donc croire qu'il l'a fait, puisque c'est
vrai.
Le
Voyageur. Et puisque Dieu dit que
quiconque a cette croyance en Jésus,
reçoit gratuitement le pardon de ses
péchés, que faut-il que nous
croyions, quant à nos
péchés ?
Le
Père. Hé ! Monsieur,
qu'on serait heureux, s'il en était
ainsi ! Quelle bonne nouvelle que
celle-là !
Le
Voyageur. Paulin, vous ne m'avez pas
répondu. Je vous ai demandé ce que
vous devez croire quant à votre salut.
Est-il à faire, ou bien a-t-il
été fait ?
Paulin. Je vois bien
que si le Sauveur l'a fait,
il n'est pas à faire. Mais, cependant, ne
dois-je pas faire de mon côté tout ce
que Dieu, nous commande ?
Le
Voyageur. Paulin, dites-moi pourquoi
vous aimez et vous honorez cet
homme-ci ?
Paulin,
avec
surprise et chaleur. Mais, Monsieur,
c'est mon père ; ne dois-je donc pas
l'aimer ?
Le
Voyageur. Et l'aimez-vous, et aussi lui
obéissez-vous, afin que vous deveniez son
fils ; ou bien parce que vous l'êtes
déjà, et par
reconnaissance ?
Paulin.
Je serais un
mauvais fils, si je n'aimais pas mon père,
ou si je lui désobéissais.
Le
Voyageur. Hé bien ! donc,
cher Paulin, comprenez que le pauvre
pécheur, à qui Dieu a remis ses
péchés, aime Dieu par reconnaissance,
comme un fils aime son
père, et que ce chrétien
véritable désire garder les
commandements de son Père céleste,
non pas afin de gagner son pardon, mais afin de
témoigner à Dieu l'amour qu'il lui
doit, pour le salut que son Dieu lui a
donné.
Le
Père,
avec satisfaction. Je vois
l'affaire ; oui, je vois toute l'affaire,
à présent. C'est Jésus-Christ
qui nous a rachetés par la croix, et cela
par son sang. Ç'a été
là son amour pour nous ; et c'est pour
lui montrer qu'à notre tour nous l'aimons,
que nous devons garder ses commandements. Hé
bien ! c'est juste, et en même temps
cela donne du contentement. Oui, cela me soulage le
coeur.
Le
Voyageur. Vous voyez donc, mes amis, que
j'ai bien fait de vous parler de ce chemin, le
meilleur de tous, et le plus sûr de
tous ; savoir, du Seigneur Jésus,
Pensez-y donc, et parlez-en souvent ensemble. Ce
chemin-là est bien la bonne route, puisque
c'est celui de Dieu même ; et c'est bien
aussi le meilleur de tous, puisque c'est celui qui
mène au ciel ; comme aussi c'est le
plus sûr ; car il est tel, que le
voyageur qui y marche n'a rien à craindre ni
de la mort, ni de l'enfer. C'est en paix qu'il le
parcourt, car Dieu même lui a donné sa
paix, quand Il lui a pardonné ses
péchés ; c'est avec joie qu'il
le poursuit, car l'Esprit-Saint l'y soutient, l'y
fortifie et l'y console, et c'est saintement qu'il
y avance, parce qu'il aime le Sauveur qui l'y
accompagne, et qui lui montre, chaque jour de plus
près, le ciel où il sera reçu
et où son âme se reposera dans le sein
de son Dieu.
Là-dessus, le voyageur prit
congé de ses deux amis ; mais ce fut en
leur donnant le livre de Dieu, l'Évangile du
Seigneur Jésus, qu'il leur avait lu, et il le fit
en leur
recommandant d'y chercher, chaque jour, avec soin,
plus de connaissance du chemin céleste, et
d'y puiser, comme à une source d'eau
vivante, la vraie sagesse et la vraie
sainteté.
Lecteur !
réfléchissez sur cette anecdote. Ce
ne fut pas par hasard, mais bien par la bonne
volonté de Dieu, que le voyageur et ces deux
ouvriers se rencontrèrent. Ce n'est pas par
hasard, non plus, que vous avez dû lire ce
récit. Voyez donc si vous aussi vous croyez,
soit à votre état de
péché et de condamnation devant Dieu,
soit à ce salut gratuit qui vient du
Seigneur Jésus à toute âme qui
croit en lui. Et si cette affaire, qui est la plus
importante de toutes, ne vous semble pas encore
bien claire, relisez une, deux, et même
plusieurs fois, ce récit, et lisez-le comme
quelqu'un qui désire le comprendre. Veuille
le Seigneur lui-même vous assister dans cette
étude !
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