Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

FOLIE D'UN SAGE DU MONDE.

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Dieu n'a-t-il pas manifesté la folie de la sagesse de ce monde ?
(1 Corinth. 1, 20.)


 La veuve très-âgée d'un honnête artisan venait de mourir. Nous nous rendîmes, mon Ami et moi, vers André et Claire ses enfants, que nous trouvâmes près du lit de leur mère.

Votre excellente mère s'est endormie, dit mon Ami, en entrant dans l'humble demeure.
Ah ! ce n'est pas, il est vrai, une mort, répondit Claire, en nous recevant. Cette bonne mère s'est en effet endormie sur le sein du SAUVEUR, qu'elle attendait, et qui n'à pas tardé.

Mon Ami. Ce fut avant-hier que je lui parlai, pour la dernière fois. Vous étiez absente, Claire ; mais je pense qu'André vous a dit ce que fût notre conversation.
Claire. Notre mère ne vous dit-elle pas alors, qu'elle était aussi sûre d'aller vers JÉSUS, qu'elle l'était que vous lui parliez ?
Mon Ami. Je lui demandai si elle n'éprouvait pas quelque crainte, au moment d'entrer dans l'éternité, et de se trouver, en personne, devant ce DIEU saint et juste, dont « les yeux sont trop purs pour voir le mal. » Après quelque réflexion, elle me dit : Oui, je vais entrer dans l'éternité, et l'oeil de DIEU me sondera. Mais mon âme a toute sa paix ; car il m'a tout, pardonné. Je suis bien sûre, ajouta-t-elle, que vous êtes près de moi ; hé bien ! je sens en mon coeur, que je suis encore plus sûre que « JÉSUS mon Rédempteur est vivant, et que je verrai sa face.... Oui, moi-même, et non pas un autre ! »

0 ! foi du Chrétien ! c'est ainsi que tu te montres « la subsistance des choses qu'on espère, et la démonstration de celles qui ne sont point vues ! » C'est ainsi que ton témoignage s'élève au-dessus de celui des sens, et donne une existence plus ferme aux promesses de DIEU, qu'à l'objet que les yeux contemplent et que les mains ont touché ! Mes sens peuvent me tromper, dit le fidèle, mais ta Parole, Ô SOUVERAIN ! est infaillible. Que l'incrédule sourit ou qu'il se moque : l'enfant de DIEU n'en possède pas moins ce qu'il a reçu de son Père, et « l'éternelle sagesse est justifiée par ceux qu'elle enseigne. »

André prit alors une vieille Bible, qui était sur une table, près du chevet de sa mère. Voici, dit-il, le présent que notre bonne mère reçut de la sienne dans son enfance. Voyez comme les feuillets en sont usés ! Que de fois ils ont été lus ! Ah ! c'était un bon temps que celui auquel on imprimait. de telles Bibles ! Il y a bientôt cinquante ans que ma bonne mère m'apprit à y lire ; et que de fois elle m'a raconté, comment son père et sa mère la lisaient et l'expliquaient à leurs enfants !

Regarde, Claire ! voici mon nom que notre mère écrivit de sa main à côté de ce passage de l'Ecclésiaste, qui est le, premier du dernier chapitre. Ce fût le jour où je quittai la maison pour voyager. Cette bonne mère, après avoir prié avec moi, m'indiqua ce passage et me dit : Si je ne te revois pas, mon fils, et que j'aille vers DIEU avant que tu reviennes ici, tu te souviendras que ta mère t'a conjuré de consacrer ta vie, dès la jeunesse, à ton SEIGNEUR et SAUVEUR, et de marcher selon ses lois, au milieu du monde.
Ainsi, dis-je à André, « quoique morte, votre mère vous parle encore par ce livre de vie ! - Mais dites-nous, quels ont été ses derniers moments ? A-t-elle vu approcher son départ, ou plutôt son arrivée ; car quitter ce monde, pour le chrétien, c'est entrer au ciel ; et s'en est-elle réjouie ?

André. Ma mère était très-grave, comme vous le savez, et elle usait de peu de paroles. Hier matin, après un long assoupissement, elle ouvrit les yeux et me dit : Encore ici-bas ! J'avais cru que mon Dieu, allait venir.. Amen donc, SEIGNEUR !
Elle reprit alors quelques forces, qu'elle employa à donner de sérieux avertissements à la fille aînée de notre voisin ; puis, pendant le jour, elle se fit lire plusieurs psaumes, dans la Bible, et vers le soir, elle retomba dans un demi-sommeil, qui, ne l'a quittée que ce matin, avant le point du jour.
Mon Ami. C'est alors que son âme est allée vers DIEU ?
Claire. Ah ! il devait y avoir encore pour elle une épreuve ici-bas. Notre mère venait de me faire lire la fin du XVIe chapitre de la première épître de St-Paul aux Corinthiens ; et comme je prononçais les mots : « Or l'aiguillon de la mort c'est le péché, et la puissance du péché c'est la loi, » elle a poussé un cri d'effroi, et a dit avec une grande angoisse : 0 DIEU de mon salut ! me jugerais selon mes oeuvres ! - Puis en pleurant abondamment, elle appelait JÉSUS comme s'il se fût éloigné d'elle.
A-t-elle donc douté de son salut, demandai-je.

Claire. Non, non ; pas un seul instant ; car elle a répété, à deux reprises : DIEU de mon salut ! me cacheras-tu plus longtemps ta face ! JÉSUS ! remporte victoire ; car tu es le rocher de mon âme. - Oui, a-t-elle repris avec calme, c'est en TOI que je m'assure. Je crois en TOI, SAUVEUR béni, FILS bien aimé du PÈRE, et je te remets mon âme que ton sang a lavée.
André. Pour moi, je dois l'avouer, j'ai ressenti un grand trouble, et je me suis demandé s'il se pouvait que la promesse de Dieu fût chancelante ? - Hélas ! je détournais mes yeux de ce que dit le Seigneur, et j'oubliais sa fidélité.
Claire. Notre bonne mère est sortie de cet état d'épreuve avec une joie étonnante. Le jour commençait, et la montagne que nous voyons d'ici, était déjà toute brillante. Ma mère m'a commandé d'ouvrir la fenêtre, et avec un doux sourire, elle nous a dit : Mes enfants, « les rayons du soleil de justice sont plus brillants encore. Voici le beau jour de l'éternité, qui naît pour moi : « JÉSUS est l'ÉTERNEL DIEU, le roi de la gloire, adorez-le à genoux ! Oui ; les anges l'adorent !
Alors nous avons cru qu'elle nous avait quittés, car elle n'a plus rien dit pendant quelques moments. Je la tenais contre mon coeur ; elle a rouvert les yeux et m'a dit, en me regardant : « Maintenant laisse-moi, chère enfant, laisse ta mère aller Vers son DIEU ! Le voici, il vient. Oh ! que le SEIGNEUR est bon ! »
Ces mots ont été la fin de ses paroles, et sa respiration s'est arrêtée presque au même moment.

Oh ! qu'il serait bon à celui qui doute de la puissance de la Foi, d'être témoin du départ d'un enfant de DIEU pour la maison de son Père ! Il se convaincrait alors que la persuasion du fidèle n'est pas de l'enthousiasme, et que son espérance n'est pas imaginaire. il y verrait comme les premières, lueurs du ciel, et il y entendrait des paroles qui n'appartiennent plus à la terre. - Mais le monde repousse ces témoignages, parce qu'ils s'élèvent contre lui.

Claire achevait son récit et nous allions prier ensemble, lorsque nous vîmes un monsieur, richement vêtu, traverser le petit jardin d'André et s'approcher de la maison. - C'est M. N., s'écria Claire tout émue. As-tu quelque ouvrage à lui rendre, André ?
La porte s'ouvrit, et ce monsieur demanda d'une voix haute si l'on n'avait pas une chèvre qui pût fournir du lait à une personne malade.
André voulut s'approcher pour répondre, et nous lui fîmes passage en nous levant. M. N. nous aperçut, et en s'inclinant il nous dit : Je ne vous ai point vus, Messieurs, et je vous prie...

Mais, est-il possible !... Un mort dans ce lit !
André. C'est ma mère. Elle a quitté ce monde, il n'y a que quelques heures.
M. N. J'en suis fâché, je vous assure, car c'était une bonne femme. Mais que ne m'a-t-on fait savoir sa maladie : on eût pu lui fournir de chez moi mille petites choses. Maître André, vous deviez nous avertir.
Claire. Bien obligé., Monsieur. Grâce à Dieu, notre mère n'a manqué de rien.

M. N. Elle vient d'accomplir une belle vie. je crois, en vérité, qu'elle avait près de quatre-vingt-dix ans. Savez-vous, messieurs, que c'est un privilège, qu'un tel âge !
Mon Ami. Surtout, Monsieur, lorsqu'il est couronné de la gloire que donne la foi en Jésus.

M. N. en prenant sa tabatière d'or, qu'il fait tourner entre deux doigts. Oui, oui, c'était une digne femme. Je crois, certes ! qu'elle a été douze ou quinze ans au service de mon père. Ah ! ses gens étaient formés à la moralité la plus stricte... Et, je vous prie., combien de jours a-t-elle été malade ? Ne l'ai-je pas vue à la dernière communion ?
André. Oui, Monsieur ; quoiqu'elle fût déjà très-faible, elle désira cependant célébrer, encore une fois sur la terre, l'amour de DIEU SON SAUVEUR.

M. N. Fort bien ! Ces principes lui faisaient honneur. De quelle maladie est-elle donc morte ; car elle était verte encore, et rien n'annonçait cette fin soudaine.
Mon Ami. Je ne pense pas Monsieur qu'elle ait regretté de résigner la vie, ni que son grand âge ait prévenu son « désir de déloger. »

M. N. avec quelque agitation. Cependant, Monsieur, quelque sublime que puisse être l'immortalité (car chacun sait qu'il doit y en avoir une), il me semble que.... je vous le dirai tout franchement, le plus tard qu'on s'y rend, ce n'est que le mieux.

Ce fut donc ainsi que tu t'exprimas, ô créature de DIEU ! Tu pus dire : Le plus tard que je rencontrerai Celui qui m'a faite, ce ne sera que le mieux ! - Ah ! si la brute, qui paît l'herbe des champs, pouvait sentir et parler, ouvrirait-elle sa gueule pour maudire l'ÉTERNEL, et lui dire : Tiens-toi loin de moi ?
Mais l'homme est ennemi de DIEU, et il le hait en son coeur. Qu'on écoute les voeux mutuels que s'adressent les hommes, et l'on entendra que le plus fréquent et le plus sincère de tous est que cette terre les retienne le plus longtemps possible, et s'il se pouvait, toujours.. - Oh ! quelle joie éclaterait dans leurs familles, si cette bonne nouvelle y était apportée, qu'il n'est plus obligatoire de quitter ce monde, et que jamais on ne sera contraint d'aller vers DIEU !

Affreux bouleversement ! que l'hypocrisie s'efforce en vain de dissimuler. Révolte insigne et réfléchie du coeur ! que mille ruses et mille paroles trompeuses s'étudient à colorer de quelques dehors de dévotion, parce que la décence les ordonne et que de secrètes terreurs les entretiennent. - Oh ! si le monde l'osait, ce serait à son de trompe, sur les places et les carrefours, qu'il publierait qu'il ne craint pas l'ÉTERNEL, et qu'il ne se soucie plus des cieux. -0 SEIGNEUR ! « ils t'ont haï sans cause. »

Le plus tard possible ! reprit mon Ami avec calme, mais en appuyant sur les mots, Cependant, ce n'est pas un inconnu, et ce n'est pas un ennemi, non plus, qui « habite dans l'immortalité! » C'est notre CRÉATEUR, c'est notre DIEU. Pourquoi donc redouter sa bienheureuse présence?

M. N. tira sa montre et bégaya quelques mots d'excuse sur l'impossibilité où il se trouvait de prolonger l'entretien. Il s'arrêta, cependant, sur la porte, et dit à mon Ami : « Je suis entièrement de votre avis, Monsieur; mais j'ai soin d'éviter toute discussion théologique. Une telle dispute devient très-vite une querelle. »
Mais, Monsieur, lui dis-je avec douceur, nous sommes, je m'assure, très-éloignés de toute vaine dispute sur un sujet que la présence de ce mort a seule introduit, et qu'elle rend très-solennel.
Je suis loin de m'y refuser, répondit M. N. en rentrant dans la chambre, et en s'asseyant. Ne pensez pas, Messieurs, que je sois étranger à la Bible. Je la lis aussi ; et peut-être puis-je parler de ce qu'elle renferme.... Mais, que vous dirai-je? je crains le fanatisme religieux; et toute exagération sur une telle matière me semble être l'entrée de mille débats à la fois très-dangereux et interminables,
Mon Ami. Je ne pense pas que j'aie dépassé la sobre mesure de la piété, dans ce que j'ai pu dire sur la paisible espérance d'un chrétien qui part pour l'éternité, « où il lui tarde de voir son RÉDEMPTEUR ! »

M. N. Mais, Monsieur, permettez-moi de vous demander, si ce désir de quitter la vie est dans la nature. - C'est DIEU qui nous a donné cette vie; elle est donc bonne; et il ne nous a pas assigné un séjour embelli de mille charmes et il n'a pas mis en nous ces sentiments variés qui nous attachent doucement, soit à ce domicile, soit à ceux qui l'occupent avec nous, pour que nous le couvrions d'un voile lugubre, et que nous n'ayons d'autre désir que de le fuir à jamais. Non, Monsieur, cela n'est pas naturel ; et ce qui s'éloigne de la nature ne saurait être ni vrai, ni bon.
Mon Ami. Vous m'accorderez, cependant, que le prisonnier, tout soumis qu'il peut être à l'ordre de son roi, qui le retient sous les verrous, ne sera coupable ni de rébellion, ni de fanatisme, s'il se réjouit quand on le tire de sa sombre demeure, pour l'installer dans le palais même de son souverain.

Réflexion si simple et si vraie ! - Mais qui veut la comprendre ? - Ah ! s'il s'agissait d'un héritage terrestre ou d'un titre de noblesse, chacun s'y rendrait attentif, et le souhait de l'obtenir serait réputé sagesse. Mais c'est de « l'héritage des saints dans la lumière, » c'est du « titre et de l'apanage des enfants de Dieu, » que parle l'Évangile, et chacun, ou à peu près, demande avec indolence : Qu'est donc cet héritage, pour que je doive le désirer !

André et Claire paraissaient souffrir beaucoup de cet entretien. Pour moi, je contemplais en mon esprit les deux conditions spirituelles de ce fiche incrédule, et de ces pauvres croyants, et elles s'offrirent, à ma pensée, sous un emblème qui me frappa. Il me semblait qu'ils se trouvaient ensemble sur un même et vaste radeau, qui portait la splendide demeure de l'homme opulent, et, tout près d'elle, la chétive cabane du pauvre. Je voyais dans celle-ci le saint Livre de Dieu ouvert, et les deux disciples du CHRIST tressaillant d'allégresse à sa lecture. Chez le riche, au contraire, je n'apercevais que quelques feuilles du Livre éternel, qui servaient d'enveloppe aux écrits des romanciers et des philosophes, que l'adorateur du mensonge dévorait avec une orgueilleuse complaisance. Le radeau descend incessamment, quoique sans secousse, un fleuve immense, et le courant, à chaque moment plus accéléré, s'incline vers un gouffre. Un noir rocher s'élève sur le bord de l'abîme : le fil de l'eau emporte et fait tournoyer le radeau, qui se brise « comme un vase d'argile » contre la sombre pierre ; et deux longs cris s'élèvent des deux demeures renversées : de celle du riche incrédule, un cri d'horreur et de mort ; de celle des pauvres chrétiens.... un Alléluia !

Telle fut ma rapide pensée, et je me sentis pressé du charitable besoin de secourir mon semblable. Je dis donc à M. N. : Vous avez cependant lu, dans la Bible, que l'éternité est bien près de chacun de nous, et que la gloire et la félicité y seront le partage des enfants de DIEU !

M. N. me regarda fixement, et me dit : Mais qui me fera connaître mon éternité, oui, ce que deviendra mon âme, quand mon corps sera.... comme est celui-ci ?
Hé ! je vous prie, lui répondis-je avec chaleur, qui le fit connaître à cette pauvre femme, qui tant de fois s'est réjouie de la promesse infaillible qu'elle avait de cet héritage, que son âme saisit maintenant ? Où puisa-t-elle cette persuasion victorieuse, qui la fit sourire à l'approche du frisson de la mort ?

M. N. Ah ! l'imagination excitée, l'habitude de certaines émotions, l'impulsion des sentiments d'autrui, et mille autre causes physiologiques, produisirent dans tous les temps et dans toutes les croyances, des ravissements et des extases, qui ne prouvent autre chose, peut-être, que la mobilité de nos nerfs et l'empire des sens sur notre être moral.
Mon Ami. Mais, Monsieur, est-ce bien sérieusement que vous assimilez les convulsions d'un visionnaire aux enseignements de la Souveraine Sagesse, et tes mouvements des nerfs, au témoignage que le SAINT-ESPRIT donne à l'enfant de DIEU, qu'il est aimé de son Père ?

M. N. Je vois, Monsieur, que vous possédez cette conviction ; et peut-être dois-je vous nommer heureux ; mais, enfin, si je ne l'ai pas, moi, me blâmerez-vous parce que je ne l'estime pas aussi haut que vous le faîtes ?

J'allais prendre la parole, et peut-être heurter inutilement l'esprit de ce sage du monde, lorsque je me rappelai cette parole d'un Apôtre : « L'homme animal ne peut comprendre les choses qui sont de l'ESPRIT de DIEU, elles lui paraissent folie, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. » Je repoussai donc toute impatience ; et ne voyant dans cet homme incrédule, que mon infortuné compagnon de voyage sur la terre, que mon semblable, encore égaré dans un chemin que j'avais aussi tenu, je lui parlai de la grâce de DIEU en ces termes :

DIEU est tout bon ; il est plein de miséricorde, et « ses compassions s'élèvent par-dessus toutes ses oeuvres. » Il pardonne les offenses, et il efface nos iniquités : Nul pécheur n'est, à ses yeux, trop criminel : car « où la faute abonde, là surabonde sa gratuité. »

M. N. C'est là ma croyance, Monsieur ; et je hais une religion farouche, dans laquelle on ne me parle de DIEU, que comme d'un être exterminateur, toujours armé de foudres et de vengeances. Je ne puis admettre qu'une seule de ses créatures ait été faite pour le malheur ; ni que tel ou tel peuple, telle ou telle société, possède le privilège d'un salut, qui ne serait pas, et également, le partage de tous.
DIEU est tellement miséricordieux et charitable, continuai-je, qu'il a « donné même son FILS unique et bien-aimé, » pour le salut de créatures telles que nous. Ni son bonheur, cependant, ni sa gloire n'étaient intéressés à ce que nous eussions l'éternelle vie. - Si l'âme, qui vient de quitter ce froid cadavre, au lieu d'entrer dans la lumière des cieux, eût été soumise au châtiment que ses oeuvres terrestres avaient justement mérité, la sublime béatitude de l'Éternel n'en eût pas été atteinte. Et cependant, recherchez à quel prix cette âme a été rachetée.

M. N. regarda quelques moments le visage immobile du cadavre, puis il se passa une main sur le front comme fait un homme inquiet ; enfin il poursuivit ainsi : Sans doute l'oeuvre que JÉSUS-CHRIST a faite, a été admirable. Son exemple et sa morale sont au-dessus de tout éloge ; et le mouvement que la doctrine, toute nouvelle, de la rédemption a imprimé au genre humain, n'a pasété un faible moyen de prouver le perfectionnement qui conduit l'homme à une existence plus complète. À cet égard je suis, je pense, de votre avis, Messieurs !

Notre avis est... la Foi ; répondit mon Ami avec dignité. C'est-à-dire que nous croyons que « JÉSUS-CHRIST est DIEU, au-dessus de toutes choses béni éternellement. Oui, l'ÉTERNEL-DIEU manifesté en chair. »

M. N. en rougissant, et avec un peu de dépit : C'est votre opinion... Ce n'est pas à moi à vous l'ôter ; mais... ce n'est sûrement pas la mienne.
Mon Ami, avec la même dignité et beaucoup de douceur. Notre Foi, Monsieur, n'est point une opinion. Ce que nous croyons, nous le croyons parce que DIEU le dit, et nullement parce que nous l'avons pensé.

M. N. Et où DIEU dit-il que JÉSUS-CHRIST Soit DIEU ?
Mon Ami, en prenant la Sainte-Bible. Dans toute cette Parole de Vérité : d'un bout à l'autre. Il faut certainement ne l'avoir pas ouverte, ou la mépriser, pour ne pas y voir que le SAUVEUR, le SEIGNEUR JÉSUS, est le Roi, l'ÉTERNEL des armées ; le DIEU FORT, et le PÈRE D'ÉTERNITÉ ; qu'il a fondé la terre dès le commencement, et que les cieux sont l'ouvrage de ses mains ; et qu'il est, lui, le Vrai DIEU et la vie éternelle ; le premier et le dernier. » (1)

M. N. Ah !... il serait peut-être facile de prouver le contraire par ce même livre, en prenant, ainsi, quelques paroles isolées...
Mon Ami présenta le Livre de DIEU au philosophe, et lui dit en s'inclinant : Avec tous les égards que je vous dois, Monsieur, mais aussi avec connaissance de cause, je vous défie de le faire.

M. N. fronça le sourcil, et dit à demi-voix Après tout qu'importe ?
Laissez-moi vous dire, reprit mon Ami, que ce n'est pas une chose légère ; car, certainement, si vous ne croyez pas que JÉSUS est DIEU, vous n'avez pas la vie éternelle.
La vie éternelle ! s'écria le philosophe : Qui me la refusera, si j'ai bien vécu ? Mon intégrité n'est-elle pas suffisante pour m'ouvrir le ciel ?

André et sa soeur tressaillirent ; et mon Ami montrant de sa main la Bible, reprit avec vivacité : Et « le sang de l'alliance éternelle, » l'oubliez-vous ? Ou bien n'a-t-il plus de valeur ?

Je ne nie pas, dit M. N. en baissant les yeux et avec un embarras visible, que la mort de Jésus-Christ n'ait été le plus beau sacrifice que la vérité se soit jamais offert à elle-même ; ni que nous devions de la reconnaissance, autant que de l'admiration, à ce héros de patience et de charité, et à ce bienfaiteur magnanime... Mais, je ne crois pas, qu'il soit besoin que j'offre à l'Être Suprême d'autre réparation de mes fautes, si j'en ai commis, que mon propre regret et la droite résolution de les éviter dans la suite.

À ces mots, Claire sortit de la chambre, et André, ouvrant la Bible, posa le doigt sur un passage qu'il montra à mon Ami. - « C'est cela même ! » dit celui-ci ; et M. N. en s'approchant du Livre, demanda ce que c'était.
« Si notre Évangile est encore voilé, lut André d'une voix forte et assurée, il ne l'est que pour ceux qui périssent ; desquels le dieu de ce siècle a aveuglé les entendements, afin que la lumière de l'Évangile de la gloire de CHRIST, lequel est l'image de DIEU, ne leur resplendit point. » (2. Cor. IV. 3.4.)

M. N. rougit ; mais feignant de ne pas sentir le reproche, il répondit : C'est le cas de plusieurs, je n'en doute pas. Mais heureusement n'est-il pas nécessaire de comprendre toutes ces vérités abstruses. Pour moi, je suis parfaitement tranquille.
Quelle est donc votre espérance ? lui dis-je alors, avec un véritable intérêt.

Mon espérance, répondit-il en me remerciant d'un sourire, est dans la justice de ce DIEU qui m'a mis sur la terre ; qui m'a donné mes passions, et aussi ma mesure de sagesse. Si j'ai failli, je ne l'ai fait que sur mon propre terrain ; il est donc impossible que je tombe de ce petit espace, dans l'abîme incommensurable d'une éternité de misères.
Cependant, repris-je avec la même affection, vous avez fait le mal ; et la Vérité de DIEU déclare que « le salaire du péché c'est la malédiction, c'est l'obscurité du dehors, c'est cette condamnation où leur ver ne meurt point et où leur feu ne s'éteint point ! (2)

0 Parole de Dieu ! que tu es puissante ! « Plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants, tu atteins jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, et tu manifestes les pensées et les intentions des coeurs. » Ta vérité force l'homme à découvrir ou sa ruse, ou sa malice, et elle fait sortir de ses ténèbres le sentiment qu'il y nourrissait en silence ! - Oui, quand les arrêts de la Sagesse éternelle rencontrent de front les opinions humaines, il faut, ou que l'homme s'humilie et donne gloire à la bouche de DIEU, ou bien qu'il repousse et renie le témoignage de l'ÉTERNEL.

M. N. douta d'abord de la réalité de ce témoignage, et dit : Je n'ai jamais vu dans la Bible ce que vous venez de dire.
Mon Ami ouvrit le Code immuable de l'immuable Vérité, et montra les déclarations formelles que j'avais produites. Alors l'HOMME SAGE y jeta les yeux, et se levant avec fierté, il prononça cette condamnation contre lui-même : Puisque de telles maximes, et d'aussi épouvantables sentences sont en ce livre-là, je refuse de le recevoir et je nie qu'il soit la Vérité.
Mon Ami ferma le Livre aussitôt. Nous nous levâmes ensemble, et nous nous tînmes debout devant l'incrédule, et en silence. Il comprit notre geste ; et sans nous saluer, il sortit de la maison.

Que je suis contente que notre bonne mère n'ait pu l'entendre ! dit Claire en rentrant avec nous.
Chère mère ! que tu es heureuse d'être hors d'un monde où se disent de telles impiétés !

André. Voilà donc le résultat final de cette belle philosophie dont le monde se vante ! DIEU soit béni de ce que nous l'entendons si rarement !... Le malheureux ! ... il a rejeté la parole de l'ÉTERNEL ! ...

En quoi donc serait-il sage ? » (Jérémie VIII, 9.)

Et cependant, dit mon Ami avec gravité, c'est une âme immortelle ! - Immortelle ! Oh ! que ce mot est solennel ! Quelques jours encore ; quelques agitations de plus, et... pour lui viendra la mort ; oui, cette même mort qui pèse ici sur cette chair refroidie ! - Nous lui avons cependant parlé avec bien de l'amour ! - Oh ! que j'aurais voulu qu'il écoutât, et qu'il reçût cette Parole de vie !... Un tel message, une telle miséricorde, de telles compassions de DIEU, repoussées si durement, si fièrement ! - Où ira-t-il maintenant chercher la paix qu'il n'a pas voulu recevoir des mains de la Grâce ! Dans quelle promesse trouvera-t-il JÉSUS, puisqu'il a fermé l'Évangile !

Tu fus donc glorifié, Ô SAUVEUR débonnaire ! Ta charité, « qui ne se réjouit point de l'injustice » et qui « ne juge et ne condamne point, » fit entendre son gémissement sur cette âme, qui se révoltait contre toi. - Ton disciple, Ô PRINCE DE PAIX ! ne s'irrita point contre le pécheur égaré. Il souffrait en son coeur à cause de ton nom ; mais son soupir s'éleva vers toi comme une fervente prière, qui accompagna l'informé qui la méprisait !
Nous avons « la bonne part, » dis-je alors, avec un sentiment profond de communion spirituelle : oui, la bonne part ! - Qu'elle est riche ! - Mon âme est dans l'adoration ; et je sens, à cette heure, cette victoire que la Foi nous donne sur le monde et sa folie ! -Oui, mes Frères ! la vie est bonne pour nous, car nous la traversons sous le regard de notre DIEU, notre SAUVEUR. Qu'il nous tracé le sentier au travers des sables du désert, ou qu'il nous mène parmi ses riantes prairies, toujours est-ce sa main qui nous guide, est-ce sa voix qui nous console ou nous réjouit !

Vous êtes pauvres, mes bons amis, et vos jours ne s'achèvent qu'après un pesant travail ; mais vous avez appris du SEIGNEUR, que c'est ainsi qu'il vous est bon d'être conduits ; et déjà vous avez pu dire avec l'Apôtre, que vous « pouvez tout en CHRIST qui vous fortifie ; » en ce Christ qui répand sa paix et sa lumière jusque dans le deuil où vous êtes maintenant.
Ah ! répondit André, en joignant les mains et en regardant vers le corps de sa mère, ce ne sont pas de vains mots que ceux qui tant de fois sortirent de cette bouche, lorsqu'elle nous disait - « Les pieds de chevaux sont de terre, et les roues des plus brillants équipages se briseront ; mais l'attente que vous avez en votre DIEU sera la force de votre vie et le repos de vos nuits. »
Aussi, ajouta Claire, avec cet accent qui ne se trouve que sur les lèvres du chrétien, ne voudrions-nous pas quitter cette chambre basse et sombre, pour habiter dans la grande maison de ce riche, si nous devions y penser comme il pense. Non, le SAUVEUR n'est pas où sa Parole est méprisée.

André. Mais il est et sera toujours avec nous. Que nous importe donc aujourd'hui le jugement du monde ? Et quant à l'avenir, demain est à notre DIEU. Il y pourvoira donc lui-même pour ses bien-aimés Il nous a donné son FILS ; il nous donnera certainement toutes choses avec lui. » C'est sa bonne Promesse. Allons, Claire, que notre coeur se fortifie en lui ; car il est notre rocher !
Oh ! qui voudra recevoir, l'instruction que renferment ces paroles ! Qui comprendra que c'est là cette Sagesse de DIEU, que le monde répute folie, mais qui seule demeurera quand le monde et sa gloire auront péri ! Oh ! qui saura discerner la vérité solide et pure de la Foi, d'avec le brillant mensonge dont s'enveloppe d'incrédulité !
Qu'on ouvre donc les yeux, et qu'on s'arrête, quelques moments, à observer ce qui se passe dans les diverses conditions des hommes, et qu'elle est leur issue, suivant qu'elles sont en CHRIST ou qu'elles s'éloignent de lui.

Amenez la pauvreté, avec ses travaux et ses fatigues ; joignez-y même la maladie et la dure affliction. Si vous liez ce faisceau de misères et de douleurs humaines, avec les cordages de la Foi, vous trouverez qu'il est devenu richesse, paix, joie et victoire ; et qu'au lieu de succomber sous un fardeau d'infortune, l'âme du croyant, « ainsi exercée, » ne porte qu'un joug facile, qu'elle se plaît à recevoir de la main d'un Père qui lui prépare ainsi d'ineffables douceurs.

Assemblez, au contraire, l'opulence, les fêtes et les délices ; unissez-leur la force de la vie, et tous les sourires de la prospérité, et placez cet amas de biens et de jouissances sur le plus ferme appui du rang et de la grandeur d'ici-bas : la multitude, à la vue de ce monument de joie, s'étonnera de ses proportions et ne pourra que le convoiter. Mais prenez le burin de l'éternelle Vérité, et sur cette masse de biens terrestres, gravez ces deux mots : LA COLÈRE À VENIR ; et vous verrez aussitôt d'épaisses ténèbres l'envelopper ; et vous entendrez des lamentations et des cris lugubres sortir de son sein ; et pour peu que la terrible sentence pénètre dans l'intérieur du colosse, vous le verrez s'écrouler, et ne laisser sur le terrain qu'il avait couvert, qu'un peu de cendre et de poudre, que le vent du matin dissipera.

Où est donc ici la folie, et où se trouve la sagesse ! - 0 vous ! qui venez de lire ce simple récit, quelles sont vos pensées ? Vous plaisez-vous aux maximes terrestres, et aux axiomes équivoques de la philosophie des salons et des écoles du monde ; ou bien vous approchez-vous humblement de l'Évangile, pour être « enseigné de DIEU ; » pour recevoir, par la Foi, sur votre âme, le sang de JÉSUS, « qui, seul, nous sauve de la colère à venir ? »

Oh ! veuillez y penser ! - Regardez, encore une fois, avec attention, vers la chétive demeure de Claire et d'André ; et sur ce pauvre et mince lit, voyez le corps refroidi d'un enfant de DIEU, dont l'âme a été recueillie dans le sein du RÉDEMPTEUR ; - puis retournez-vous, et arrêtez votre vue sur cet ami du monde, sur ce disciple des philosophes, qui se redresse fièrement, après avoir renié la parole de l'ÉTERNEL.

Comparez ces choses ; et anticipant sur quelques jours seulement, placez-vous à votre lit de mort, et « devant le tribunal de CHRIST, » et concluez prudemment pour vous-même, qu'Il est meilleur d'être sage selon Dieu, sous le mépris du siècle, que d'être sage avec le monde, et fou devant le SEIGNEUR.

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