« Parce
que la sentence contre les actions mauvaises ne
s'exécute pas incontinent, dit la
Sainte-Écriture, le coeur de l'homme se
remplit de méchanceté. Le
pécheur fait mal une fois, et Dieu lui donne
du délai... Mais l'homme impénitent
s'endurcit et il s'amasse ainsi un trésor de
colère. Il a méprisé les
richesses de la patience et de la longue attente de
l'Éternel, et il a refusé de voir que
la bonté de Dieu le conviait à la
repentance ;... le jour de la
rétribution s'approche et il lui sera. rendu
selon ses oeuvres. »
En voici une preuve effrayante.
Il y a quelques années que je me
trouvais sur un cimetière, au moment
où deux robustes fossoyeurs creusaient cet
insatiable sillon de la mort, qui, comblé tous les
jours,
tous les jours se rouvre pour dévorer
encore.
Les débris des
générations, déjà tant
de fois remués, se mêlaient à
de nouveaux débris, et la gueule du
sépulcre en était entourée. De
longs et forts ossements gisaient à
côté des os fragiles d'un faible
enfant, qui, au premier matin de la vie,
était venu se coucher, tout mouillé
des larmes de sa mère, dans le même
sol où son aïeul était
naguère descendu avec ses cheveux
blancs ; et les dents acérées du
hoyau s'enfonçaient du même coup, dans
le crâne humilié d'un maître
autrefois superbe, et dans celui d'un valet qui
n'avait connu que la crainte et les dédains,
Ni leur voix ni leur plainte ne se faisaient plus
entendre, et le fer les brisait l'un et l'autre
comme des têts inutiles et
rejetés.
Je contemplais cette scène si
éloquente, et promenant mes regards sur
cette plaine où les corps de mes
contemporains étaient semés chaque
jour, je me demandais si ce ne serait pas
bientôt que ce même sol se refermerait
sur moi. Puis reportant les yeux sur lés
fossoyeurs, je me dis : Qu'ils doivent
être sérieux dans leurs pensées
et attentifs à leurs voies, ceux qui remuent
ainsi la poussière des
générations, et qui entendent
à toute heure les gémissements et les
sanglots de la plus poignante douleur que le coeur
de l'homme puisse endurer ! Oh ! qu'il
doit leur être désirable d'ouïr
la voix fidèle de ce Sauveur tout-puissant
qui a prononcé que « la terre
rendra ses morts et que la victoire du
sépulcre doit être un jour
anéantie. ! »
Je m'avançai donc vers les
ouvriers, et je me disposais à leur
communiquer mes sentiments, lors, que l'un deux, en
faisant
rouler
un crâne avec son pied, dit à son
camarade, assez haut pour que je l'entendisse et en
me regardant en-dessous : « Pour
celui-ci, il est bien mort ; et il ne se
relèvera pas de sitôt, si jamais il le
fait. »
Je regardai fixement cet
incrédule, ce moqueur, et je reconnus en lui
le père d'une malheureuse femme à qui
j'avais tendu quelques secours de
charité.
« Thomas ! lui dis-je en
m'approchant, le blasphème que vous venez de
proférer, et je pense aussi pour que je
l'entendisse, est-il sorti de votre coeur, ou
seulement de votre
bouche ? »
« Ah ! Monsieur,
répondit ce mécréant, en
baissant la tête, je n'en sais pas tant que
vous, et pour moi il me semble que ces gros et ces
petits morceaux auront bien de la peine à se
rejoindre, et que quand on est mort, ... on est
bien mort. »
« C'est-à-dire,
repris-je, que le Seigneur Jésus, le Fils de
Dieu, a menti lorsqu'il a dit qu'il est la
résurrection et la vie, et lorsqu'il a
déclaré que tous ceux lui sont dans
les sépulcres, en ressortiront pour
être jugés selon leurs
oeuvres ! »
« Cela peut arriver,
répliqua l'incrédule, en haussant les
épaules ; mais pour moi je n'y compte
guère. »
Je lui eusse parlé plus longtemps
si je n'eusse aperçu que son camarade et lui
souriaient avec ironie. Je me retirai donc, sans
prononcer un mot de plus, de peur d'exposer les
choses saintes au mépris outrageux des
profanes, et de jeter les précieuses perles
de la vérité sous les pieds immondes
des ennemis de Jésus.
Quatre ans après cette
époque, comme je me promenais dans mon jardin,
j'y
vis entrer un homme vêtu comme un ouvrier et
qui marchait pesamment appuyé sur un
bâton.
C'était le moqueur du
cimetière. Mais dans quel triste état
paraissait-il ! Son visage et tout son corps
étaient bouffis. Ses yeux, presque
éteints, semblaient égarés, et
de sa bouche livide et pendante découlait
une bave qu'il ne pouvait retenir.
Je le fis asseoir, et il demeura
longtemps sans pouvoir calmer l'asthme qui
l'oppressait. Enfin, il put m'écouter, et je
lui demandai ce qui l'amenait auprès de moi.
Mais ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que je
recueillis, de ses mots inarticulés, que sa
fille l'envoyait vers moi pour que je lui parlasse
de religion, parce que, disait-il, il était
très-malade et qu'il avait besoin
d'être consolé.
« Avez-vous donc peur du
jugement de Dieu ? lui dis-je en plaignant son
infortune. Craignez-vous la mort et la
colère à
venir ? »
II me fit entendre que non ; mais
par plusieurs questions je m'assurai qu'il
était dans la même
incrédulité qu'il m'avait si
fièrement montrée au
cimetière. J'essayai donc de lui faire
comprendre ce que Dieu dit sur la vie à
venir et sur la promesse de grâce qui est en
Jésus. Je lui parlais lentement, par
degrés et avec patience, et
j'espérais que cette instruction
était reçue, du moins à
quelque égard, vu qu'il me regardait avec
l'expression d'un homme attentif et
intéressé.
Mais lorsque, au bout d'une longue
explication de ce que le Seigneur Jésus a
fait pour le salut de son peuple, je demandai
à Thomas s'il m'avait compris, il me
répondit, d'un air
hébété : « Je
n'ai plus de mémoire et je
ne sais plus ce qu'on me dit. De quoi m'avez-vous
parlé ? »
Je repris donc, avec plus de lenteur
encore, et dans toute la simplicité
possible, l'exposition de la vérité
de l'Éternel : mais cet homme, devenu stupide, par un
jugement de son
Créateur qu'il avait outragé, demeura
la bouche béante et le regard fixe, sans
donner aucun signe d'intelligence. IL
N'ÉTAIT PLUS TEMPS pour cette âme,
même d'entendre les mots de la
Bonne-Nouvelle ; et les dernières
paroles que je reçus de cet
infortuné, lorsqu'il me quitta, furent
celles-ci : « Je crois que
bientôt je serai mort, et qu'ainsi tout sera
fini pour moi. »
Peu de temps après, en effet,
tout fut fini pour lui, quant à ce monde. Ce
malheureux, hélas ! tomba dans le
sépulcre comme la bête qui ne sait pas
même qu'elle est vivante et qui meurt
entièrement. Mais que devint l'âme de
celui qui s'était raillé de la parole
de l'Éternel ! !
Peut-être le corps de cet
incrédule fut-il recouvert de la pesante
terre, par celui même qui, avec lui, se
jouait naguère de la mort et de
l'éternité. Peut-être encore
celui-ci, loin de recevoir instruction de cet
effrayant jugement d'un Dieu qui ne peut être
moqué impunément,
répéta-t-il, en appuyant son pied sur
le tertre funèbre de son compagnon :
« Thomas ! tu ne te relèveras
pas de sitôt, si jamais tu le
fais. »
Du moins pour cet homme-là, s'il
chemine parmi les vivants et si dans son esprit il
n'est pas devenu comme la brute, il est temps
encore de s'humilier et de croire au
témoignage que Dieu a rendu de son Fils.
Oui, il est temps encore pour lui, de prêter
l'oreille à
cette déclaration de
Jésus-Christ : « Je
suis la résurrection et la vie. Celui qui
croit en moi, vivra, quand même il serait
mort ; et quiconque vit et, croit en moi ne
mourra point pour toujours. »
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