M. Sébastien, marchand drapier,
s'approche de son voisin, M. Christian libraire,
qui lit le journal l'ESPÉRANCE.
M.
Sébastien. Que trouvez-vous de,
si, bon, mon voisin, dans ce journal, que vous avez
l'air tout joyeux en le lisant ?
M
Christian. Ce journal, est
chrétien, cher Monsieur, ce qui n'est pas
ordinaire de nos jours ; et ce qu'il dit
m'édifie.
M.
Sébastien. Vous
édifie !... C'est donc un sermon que le
gazetier vous y donne ?
M
Christian. Non ; mais il me dit que
si le Dimanche est profané chez nous, il
n'en est pas de même en tout pays ; par
exemple, n'est-il pas admirable de voir tous les
banquiers, les négociants, les marchands, et
jusqu'aux médecins et aux apothicaires, de Londres,
d'Edimbourgh, de Glascow et d'autres grandes villes
de l'Angleterre et de l'Écosse, se
réunir, par centaines, et déclarer
dans leurs adresses au Parlement,
« qu'ils se refusent
décidément à toute profanation
du Jour du Seigneur ? »
M.
Sébastien. Que voulez-vous
dire ? Est-ce du théâtre,
peut-être, qu'ils renoncent pour le
Dimanche ?
M
Christian. Au
théâtre !!... Ah ! vous
imaginez-vous que dans ces pays-là le
théâtre s'ouvre le Dimanche ?
Certes, il y a trop de religion dans le peuple et
dans ses conducteurs, pour qu'un tel mépris
du commandement de Dieu s'y voie.
M.
Sébastien. Ah ! avec cette
rigidité, qui condamne tous les plaisirs, on
en viendrait bientôt à ne bâtir
que des couvents.
M
Christian. Les banquiers et les
négociants d'Angleterre ne sont pas plus des
moines que nous, et cependant ils gardent le Jour
du Seigneur, et cela, parce qu'ils craignent
Dieu.
M.
Sébastien. Voulez-vous donc dire
que ce jour-là leurs comptoirs et leurs
magasins sont absolument
fermés ?
M. Christian. Eh ! vous
imaginez-vous qu'il y ait nulle part un seul
banquier, un seul marchand, chrétien, qui,
le Dimanche, ouvre ses livres ou fasse quelque
vente ?
M.
Sébastien. Chrétien,
dites-vous ?... Je ne suis donc pas
chrétien, moi, parce que, le Dimanche matin,
je règle quelques comptes ou termine un
marché ?
M
Christian. Non, cette oeuvre-là
n'est pas chrétienne. Non, celui qui fait
cela ne garde pas le Sabbat,
c'est-à-dire le repos de l'Éternel.
Non, mon voisin, ce n'est pas être
chrétien que faire son oeuvre le Dimanche.
En cela Dieu est méprisé, et nul
chrétien ne méprise Dieu.
M.
Sébastien. Quelle
exagération ! je vous assure. Alors
donc, à votre dire, ceux qui, le Dimanche,
font une fête, une partie de plaisir, ou
peut-être même un bon repas, ne sont
pas chrétiens !... Dans ce
cas-là, vous faites le procès de bien
des gens.
M
Christian. Moi, cher voisin, je ne juge
ni ne condamne personne ; mais comme je crois
la Bible, je dis que la Bible juge et condamne
toute profanation du Dimanche ; et je ne doute
pas qu'au grand jour du jugement de Dieu, il sera
trouvé que les ventes et les achats, les
fêtes publiques, les parties de plaisir, et
les théâtres, et les danses, et les
jeux, et les dissipations du Jour du Seigneur,
n'auront été que le résultat
de l'irréligion, de
l'incrédulité et du mépris
ouvert au commandement du Seigneur.
M.
Sébastien. Vous condamnez donc,
aussi, les exercices ou les inspections d'armes du
Dimanche ?
M
Christian. Encore une fois je ne
condamne personne : Dieu seul est juge. Mais
je suis assuré que Dieu demandera compte des
exercices oui des fêtes militaires à
ceux qui les ordonnent ou qui les autorisent. Oui,
je crois que ces choses-là sont une
profanation positive du Repos de
l'Éternel.
M.
Sébastien. En ce cas vous avez
tout le peuple contre vous.
M
Christian. Contre moi !... Je ne
suis pour rien là-dedans. Moi et ma famille,
nous gardons le Dimanche. Ce jour-là nous
est cher autant que sacré, et c'est, notre plaisir
et
notre
plus doux bonheur d'y servir Dieu et publiquement,
et dans la maison : mais quant aux profanes et
aux moqueurs, nous ne les jugeons pas. Nous prions
pour eux et nous les avertissons, s'ils veulent
nous écouter. Après tout, ils ont la
Bible... et ils mourront. C'est à eux, donc,
à y penser.
M.
Sébastien. Mais, cher voisin, si
avant l'heure du sermon, ou bien après, le
soir, je fais quelques petites affaires, on si je
prends d'honnêtes délassements,
suis-je un profane en cela ?
M
Christian. Dieu dit :
« Si tu retires ton pied du Sabbat, pour
ne pas faire ta volonté ce jour-là,
et si tu appelles le Sabbat tes délices, et
honorable ce qui est saint à
l'Éternel, et que tu l'honores en ne suivant
point tes voies et en n'usant pas de beaucoup de
paroles : alors tu jouiras des délices
de l'Éternel. »
(Ésaïe
LVIII, 13,
14.)
Ne contestez donc pas avec Dieu,
Monsieur Sébastien. Son commandement est
devant vous : gardez-le.
M.
Sébastien. un peu honteux. Mais,
... que vous dirai-je ?... Cela me semble un
joug, un fardeau.
M
Christian. Comprenez d'où cela
vient, cher voisin : Votre coeur n'est pas
soumis à Jésus. Non, vous n'aimez pas
le Sauveur ; et c'est pour cela que son
commandement vous est à charge.
M.
Sébastien. Moi !... Je suis
tout aussi chrétien que qui que ce soit. Je
ne fais tort à personne et je vis
honnêtement : que voulez-vous de
plus ?
M
Christian. Que vous aimiez le Seigneur
Jésus Oui, cher voisin, que vous l'aimiez
« de tout votre coeur et de toute votre
âme, » car il est notre Dieu et
Sauveur, et la Sainte-Écriture dit que
« si quelqu'un n'aime
pas le Seigneur Jésus, il est
anathème, » c'est-à-dire
sous la condamnation qui vient de Dieu.
(1
Cor. XVI, 22.)
M.
Sébastien, avec embarras. Mais,
... qui vous a dit que je ne l'aime
pas ?
M
Christian. Hé ! cher
Monsieur, ce sont vos oeuvres. Le Seigneur
Jésus nous dit : « Celui qui
a mes commandements et qui les garde, c'est
celui-là qui m'aime. »
(Jean
XIV, 21.) Vous ne l'aimez donc
pas, puisque vous mettez de côté son
ordonnance.
M.
Sébastien. Mais est-ce que
Jésus-Christ a aussi ordonné de
sanctifier le Dimanche ?
M. Christian prend sur le comptoir de
son magasin le traité LES DEUX DIMANCHES, et
il le présente à M. Sébastien.
Tenez, voisin, lisez ceci, et vous y verrez, je
pense, que c'est bien le Seigneur Jésus qui
dit à chacun de ses disciples :
« SOUVIENS-TOI DU JOUR DU
REPOS. »
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