Ce Didier, qui avait douze ans, était
fils d'un aubergiste de village.
Cet aubergiste était un homme
sans religion, un buveur et un jureur, le camarade
et l'ami de tous les moqueurs de
l'endroit.
La Sainte-Bible n'était pas
dans sa maison. Jamais il ne priait; jamais il
n'allait à l'église; et le dimanche
était pour lui comme tout autre jour. Il
vendait, achetait, buvait, jouait et se querellait
ce jour-là, tout comme s'il n'y eût
jamais eu de Quatrième Commandement, et que
jamais Dieu n'eût prononcé, « que
les ivrognes, les menteurs, les impurs et les
profanes n'hériteront pas le royaume des
cieux. » (1 Cor. VI, 10.)
Il n'est pas nécessaire de
dire qu'un tel méchant n'avait pas conduit
sa maison dans la crainte du Seigneur.
Il était veuf. Sa femme
était morte de chagrin, et Didier
était son seul enfant.
Didier avait bien été
envoyé à l'école, du vivant de
sa mère, et il y avait appris à lire.
Mais dès que sa mère fut morte, son
père le garda à la maison, disant
qu'il l'instruirait lui-même; ce dont il ne
s'inquiéta jamais.
Didier grandit sans rien
apprendre
de plus, si ce n'est un peu d'écriture pour
tenir note des vivres que prenaient les chalands.
Du reste il était employé dans le
cabaret, ou à porter le vin, on à
laver les verres et les assiettes, ou bien à
relever les quilles des joueurs.
On peut penser ce qu'entendait
ce
malheureux enfant ! Ce n'était que
jurements, blasphèmes, paroles
malhonnêtes, propos impies ou iniques, tant
que durait le jour ; et Didier trouvait son plaisir
à les répéter et à rire
avec les profanes qui les
proféraient.
Qu'en arriva-t-il ? Didier
n'avait
pas encore douze ans, qu'il était
déjà regardé comme le plus
mauvais sujet du pays.
C'était un menteur, un
paresseux, un joueur, un voleur, en un mot un
vaurien, dans toute la force du terme.
Vous l'auriez entendu
répondre avec audace à son
père, lui rire au nez et refuser
d'obéir à ses ordres.
Il avait bien été
corrigé quelques bonnes fois; mais
finalement il s'était moqué et des
réprimandes et des coups; il avait
même pris le parti de s'absenter de la
maison, quand il savait que quelque châtiment
l'y attendait.
Aussi était-il la honte du
village, où il n'était connu que sous
le nom du vagabond.
L'aubergiste sentit enfin que
son
fils, s'il continuait à suivre un tel train,
finirait par la potence, et il songea
sérieusement à le retirer de son
désordre.
Mais comment s'y prit-il? Il lui
signifia d'abord que, s'il ne travaillait pas, il
serait battu, et qu'il n'aurait rien à
manger. Didier se moqua de la menace, et il vola la
nourriture qu'on lui refusait.
Le père s'aperçut du
vol, et Didier fut puni par deux jours de prison
dans le caveau, où il ne reçut qu'un
morceau de vieux pain, et un pot d'eau toute pure.
Cette punition parut faire
quelque
effet sur le vagabond. Il se conduisit moins mal
pendant environ une semaine; mais le jeudi suivant
il s'échappa de la maison, de grand matin,
et courut à la ville, où il y avait
une revue; et il s'y tint tout le jour parmi les
polissons et les joueurs.
L'aubergiste attendait son fils
sur
la route. Il le saisit par le bras au détour
du chemin, et il le battit tellement, que le
malheureux coupable resta sur la terre, sans
pouvoir gagner la maison, où le vieux
Gérard, le vannier du village, le ramena, ou
plutôt le porta.
Toute la semaine suivante, le
vagabond fut ou au lit, ou sur un banc, devant la
maison : tant il avait été meurtri
par la correction du jeudi soir.
Le pauvre Didier, avons-nous
dit,
n'avait point de mère. Ah! c'est un bien
grand malheur pour des enfants, lorsque Dieu leur
retire leur mère ! Il n'y avait donc
personne dans l'auberge qui cherchât à
attendrir le coeur du père, ni à
ramener Didier à de meilleurs
sentiments.
Tout ce qu'on faisait,
c'était de lui dire, en se moquant de lui,
qu'il payait cher ses vagabondages, et qu'il
n'avait que ce qu'il avait mérité.
Cependant, à
côté de l'auberge, demeurait une
honnête et pieuse femme, nommée
Madeleine. Son mari était marchand forain,
et elle demeurait toute l'année au village,
où elle gagnait quelque peu d'argent en
faisant des dentelles.
Cette chrétienne avait une
fille de l'âge de Didier, et qui se nommait
Jeannette.
Mais comme cette fille avait
été élevée autrement
que le fils de l'aubergiste!
Dès sa plus tendre enfance,
ses parents lui avaient appris à
connaître, et à servir Dieu, comme la
Sainte Bible l'enseigne. Elle avait
été habituée à la
prière et aux dévotions de la
famille, aussi bien qu'à celles de
l'église.
Quand la petite Jeannette
faisait
quelque chose de mal, sa bonne maman avait bien
soin de lui rappeler qu'elle l'avait fait devant
Dieu, et que, par-là, elle avait
désobéi au saint commandement du
Sauveur, qui veut que les enfants soient soumis
à leurs parents, et qu'ils soient doux,
laborieux et véridiques.
Quelquefois Jeannette avait
été corrigée. Mais ses parents
l'avaient châtiée devant Dieu; non
point par colère, ni par dépit, mais
avec pitié, et pour obéir à
l'ordre de l'Éternel qui dit: «
N'écarte point du jeune enfant la correction. Quand
tu
l'auras frappé de la verge, il n'en mourra
pas, et tu délivreras son âme de la
mort. Il (Prov. XXIII, 13, 14.)
De telles corrections avaient
été bénies de Celui qui les a
ordonnées; et Jeannette, au sortir de
l'enfance, était la jeune fille la plus
soumise, la plus laborieuse, et surtout la plus
pieuse de toutes celles de son village.
Jamais on ne l'avait vue avec
ces
petites filles légères,
dissipées et moqueuses, dont on entend la
voix et les cris dans les rues et les chemins, et
qui ne pensent pas que la modestie et la retenue
soient entre leurs premiers devoirs.
Jeannette vivait paisiblement
avec
ses parents, et ne quittait pas sa mère,
à qui cette chère enfant rendait tous
les soins possibles.
C'était elle qui tenait les
meubles en ordre, qui nettoyait les ustensiles, qui
apportait l'eau et le bois, qui allait chez le
boulanger et chez les divers marchands.
C'était aussi Jeannette qui faisait toutes
les commissions de sa mère; qui allait
montrer les dentelles dans les maisons, et qui
rapportait au logis ou bien les commandes
d'ouvrage, ou bien l'argent des petites ventes
qu'elle avait faites.
Dans tout cela, Jeannette
montrait
la plus grande intelligence, et une
fidélité parfaite. Ce qu'elle faisait
était toujours fait promptement et avec
droiture.
D'où venaient toutes ces
qualités à un enfant si jeune ? De la
bénédiction de Dieu qui reposait sur
cette pieuse fille. La Sainte-Écriture dit
que « toutes choses prospéraient entre
les mains de Joseph, parce que l'Éternel
était avec lui. »(Gen. XXXIX,
3.)
Il en était de même de
Jeannette ; aussi sa conduite et sa vie
étaient-elles bien différentes de
celles du vagabond, qui était, selon le
langage de l'Écriture, « comme la mer
en tourmente, quand elle ne peut s'apaiser, et que
ses eaux jettent au-dehors de la bourbe et du
limon. » (Esaïe LVII, 20.)
Voyez donc bien, vous qui lisez
cette utile histoire, quelle grande
différence « il y a entre le juste et
le méchant; entre celui qui sert Dieu, et
celui qui ne l'a point servi. » (Malachie III,
18). Comparez l'éducation de Didier avec
celle de Jeannette, et jugez droitement. Laquelle
des deux fut la meilleure ? Celle où
Jésus, le Sauveur, n'était pas
même nommé, ou bien celle où
l'enfant avait été
élevé sous le joug du Fils de
Dieu?
Madeleine était justement
chez elle le premier jour auquel
Didier put sortir de la maison, après le
terrible châtiment qu'il avait reçu le
jour de la revue.
Le malheureux vagabond, pâle
et défait, s'était assis au soleil,
sur le banc qui était près de la
porte de l'auberge.
Madeleine l'aperçut, et
sortit pour lui parler. Elle vint donc s'asseoir
près de lui, et, avec une grande douceur,
elle lui demanda comment il se trouvait.
Didier ne voulut rien lui
répondre. Il fit la moue et détourna
la tête.
Madeleine ne se rebuta pas, et
par
plusieurs questions, elle l'engagea enfin à
lui avouer qu'il était malade des coups
qu'il avait reçus de son
père.
La bonne voisine essaya alors de
lui
faire comprendre combien il avait tort de
s'échapper de la maison, et quel grand
péché c'était dans un enfant,
que de se rebeller contre son
père.
- Mon père me hait, dit le
pauvre Didier, d'une voix sombre : il m'a toujours
haï, et il veut me tuer. Mais je me sauverai,
et j'irai...
Madeleine fit tout ce qu'elle
put
pour le calmer, et pour lui ôter la funeste
idée qu'il était haï de son
père; mais ses sages avis furent vains, et
Didier se levant brusquement,
rentra dans la maison, sans même la
remercier.
Cependant Didier reprit ses
forces;
mais il les recouvra pour le mal ; et le premier
usage qu'il en fit, fut d'aller, avec quelques
autres fainéants, piller le verger d'un
fermier du voisinage.
Cette criminelle expédition
eut lieu un vendredi soir. Didier sortit de la
maison par la fenêtre de son cabinet, qui
ouvrait dans la cour de l'étable, au-dessus
du fumier. Il passa la moitié de la nuit
à ce vol, et il rentra dans la chambre par
le même chemin, après avoir
caché sa part des fruits sous des fagots
amoncelés dans la cour.
Mais le lendemain, de grand
matin,
l'aubergiste ayant besoin de la place où
était le bois, vint avec son domestique
remuer les fagots, et les transporter
ailleurs.
Comme il levait lui-même les
derniers, il trouva le sac de pommes et de poires
que Didier y avait caché dans la
nuit.
- Qu'est-ce que c'est que cela?
cria
le père, avec d'épouvantables
jurements. Encore quelque coquinerie de mon
vaurien, de mon damné de fils ! Où
est ce drôle-là ?
Le vagabond n'était pas
encore habillé. Il s'approcha de sa
fenêtre, et levant tout doucement la
tête, il vit à travers la vitre son
père, qui avait saisi son gros fouet de
poste, et qui, d'une main montrait le sac au
domestique, et de l'autre agitait le terrible
instrument.
Didier comprit qu'il allait
être fustigé sans miséricorde,
et il se mit à crier, en ouvrant la
fenêtre : - Mon père ! mon
père! pardonne-moi, pardonne-moi encore
cette fois. Je t'en prie, pose ton
fouet!
Madeleine qui se trouvait dans
son
petit pré, de l'autre côté de
la haie, avait entendu les menaces du père,
et elle entendit aussi les supplications de
Didier.
- Mon voisin, dit-elle à
l'aubergiste, en s'avançant vers la haie,
croyez-moi : n'usez plus de cette horrible
sévérité. Vous voyez qu'elle
n'a servi qu'à faire de votre fils un
méchant.
- Mêlez-vous de votre sage
fille, madame ma voisine, répondit
l'aubergiste. Je sais, moi, comment on dresse les
chiens; et mon coquin de fils ne vaut pas mieux que
mon dogue Sifflard.
Madeleine insista, et parvint
enfin,
à force de bonnes paroles, à obtenir
que Didier ne serait pas fouetté ce jour-là,
et que son père se contenterait de
l'enfermer au caveau.
- À la bonne heure, voisine,
dit l'aubergiste. Mais je ne le fais que pour vous
montrer que je suis un homme doux et traitable. Va
donc, Pierre, dit-il au valet, va mettre ce vaurien
dans la cave. Tu lui donneras une miche et une
cruche d'eau.
Mais je t'avertis, Didier,
ajouta-t-il en criant du côté de la
fenêtre de son fils, qu'il n'y aura ni
voisin, ni voisine, qui fasse, et qu'à ta
première équipée, je jouerai
cet air de chasse sur ton dos.
En disant cela, il fit claquer
le
fouet comme font un postillon, et Didier trembla
dans tout son corps.
Pour cette fois Didier fut
corrigé, pensera-t-on, ou bien il
n'était qu'un fou.
La Sainte-Écriture dit que
« le chien revient a ce qu'il a vomi, et que
la truie, après avoir été
lavée, est retournée se vautrer dans
le bourbier. » (2 Pierre II 22.)
Didier aussi revint à sa
folie, et voici comment.
Un samedi soir, comme il
était occupé à relever les
quilles de quelques joueurs, il vit de loin la
troupe de ses camarades de pillage qui traversait
la prairie.
Un d'eux se détacha de la
bande, et, courant du côté de l'auberge,
il fit signe à Didier de venir les
joindre.
Là-dessus Didier, prenant son
mouchoir, fit semblant de saigner du nez, et quitta
le jeu de quilles; puis, par un détour du
chemin, il joignit ses compagnons
d'iniquité, qui l'engagèrent à
les suivre, le lendemain de bonne heure, à
la fête d'un village voisin, où il
devait y avoir des sauteurs, une ménagerie
et des marionnettes.
La pensée du fouet de poste
vint bien se mêler au projet du vagabond;
mais telle est la puissance du péché
dans un coeur qui s'en est rendu l'esclave, que
rien, ni châtiment, ni souffrance, ne peut
retenir le méchant que l'Éternel
abandonne à sa
méchanceté.
Le lendemain donc, dès la
pointe du jour, le vagabond avait
déjà rejoint ses camarades, avec
lesquels il se rendit au village où la
fête avait lieu.
On demandera pourquoi cette
fête se donnait ainsi le jour du
Seigneur.
Nous répondrons que ce
village appartenait à un pays dont les
magistrats oubliaient la majesté de Dieu, et
la sainteté de ses commandements; qu'il n'y
avait presque plus de vraie pitié dans ce
pays-là, et que le saint jour de Dieu y
était tombé dans le mépris; ce qui est, sûrement,
le
plus grand des malheurs pour un État. Car si
les magistrats ne craignent pas Dieu, comment le
peuple, qui suit leur exemple, le
craindra-t-il?
Mais, quoique le saint jour du
Seigneur fût de la sorte profané par
le monde, qui ne connaît point et qui ne sert
point Jésus, il ne l'était pas par
les enfants de Dieu qui se trouvaient encore dans
ce pays-là?
Ni Madeleine et Jeannette, ni le
vieux vannier Gérard et sa servante n'eurent
même l'idée d'aller à cette
fête mondaine. Au contraire, en voyant leurs
pauvres voisins se préparer, dès le
matin, pour s'y rendre, ils sentirent d'autant plus
que le bonheur dont un vrai chrétien jouit,
est bien plus pur, bien plus doux et plus solide
que ne l'est la joie insensée de ceux qui
méprisent Dieu et sa sainte
Parole.
Le vagabond employa tout son
jour
à toutes sortes de polissonneries et de
méchancetés : il trompa et vola de
petits marchands, pour avoir de quoi manger : il
escroqua de l'argent à une jeune fille, qui
l'avait prié de lui changer une pièce
de trente sous, contre de la menue monnaie; il joua
et il tricha tant qu'il put; en un mot, il
vécut en scélérat
consommé.
Le soir vint. La fête
était presque finie, et beaucoup de gens
l'avaient déjà quittée. Un des
camarades du vagabond lui dit :
Ne reviens-tu pas ? C'est tard. - Tout à
l'heure, lui répondit Didier. Il faut que je
regagne mon enjeu; car je joue de guignon depuis
plus d'une heure, et je perds tout.
Un quart d'heure, même une
demi-heure se passa, et le camarade
impatienté retourna seul.
Didier jouait toujours avec une
vraie fureur. Il jurait, il blasphémait, et
il perdait encore.
Enfin, vers les neuf heures, il
se
rappela tout-à-coup les menaces de son
père et le terrible fouet de
poste.
Il sortit donc de la grange
où il jouait, et se mit à courir de
toutes ses forces vers le village, où il
n'arriva qu'à neuf heures et demie. Tout y
était tranquille, et Didier n'aperçut
de la lumière qu'à la cure et
à l'auberge.
Il est impossible de s'imaginer
de
quelle crainte le malheureux et coupable enfant fut
saisi, en approchant de la maison où le
fouet l'attendait. Il s'arrêta devant la
porte, et prêta l'oreille. Son père
parlait avec emportement, et jurait par l'enfer et
par le ciel, qu'il casserait le manche de son fouet
sur le dos de son vaurien de fils, au moment
où ce misérable-là rentrerait.
Didier eut peur d'ouvrir. Il mit
bien la main sur le loquet, mais il n'osa pas le
hausser. Ayant donc fait le tour de la maison, il
monta sur le fumier qui était sous la
fenêtre de son cabinet, dans lequel il
s'introduisit, en s'aidant d'une perche qu'il
trouva sous sa main. Il y demeura sans bouger, et
même sans respirer à son
aise.
Cependant le père continuait
à crier, et l'orage de sa colère
devenait toujours plus fort. Didier tremblait de la
tête aux pieds, et ne savait que devenir; car
il comprenait bien que, tôt ou tard, son
père le découvrirait, et que les
coups ne lui seraient pas
épargnés.
« Ce que le méchant
craint lui arrivera, » dit la
Sainte-Écriture. (Prov. X, 24.) Didier
n'était pas dans son cabinet depuis dix
minutes, qu'il entendit son père qui, en
ouvrant la porte du bas de l'escalier, disait en
jurant : Mais ce coquin est capable d'être
rentré chez lui par la fenêtre.
Voyons.
Didier crut mourir de peur, et,
s'élançant à la fenêtre,
il sauta sur le fumier, traversa le jardin, et
franchit la haie avant que son père
eût achevé de monter.
Il se trouva donc dans le petit
pré de Madeleine, à
la fenêtre basse de laquelle on voyait encore
de la lumière. Didier, tout étourdi
et troublé de sa fuite, s'approcha de cette
fenêtre pour y frapper, et pour demander
quelque secours à la bonne
voisine.
C'était l'heure ou Madeleine
lisait la Sainte-Bible, et faisait la prière
du soir, avec sa fille Jeannette et la servante du
vieux Gérard.
Le Livre de Dieu était ouvert
sur la table, devant Madeleine; et au moment
où Didier s'approcha de la fenêtre,
elle parlait sur ce qu'elle venait de
lire.
Didier n'entendit pas ce qu'elle
disait, mais il se sentit comme saisi de respect,
et il ne heurta pas.
Madeleine et ses deux compagnes
firent ensuite leur prière, en se
prosternant devant Dieu; après quoi elles
s'embrassèrent tendrement, et sortirent de
la chambre.
Didier se trouva seul devant la
fenêtre. Il était tout ému et
comme étonné. Enfin il revint
à lui et se demanda ce qu'il devait
faire.
La nuit était noire et
profonde. On n'entendait aucun bruit, et les portes
et les fenêtres étaient bien
fermées. Le vagabond repassa donc la haie,
et s'approcha tout doucement de
la maison de son père, pour voir s'il
pourrait rentrer dans son cabinet.
Mais le contrevent de la
fenêtre était fermé : tout
était partout bien clos et dans le silence.
Il n'y avait pas moyen, cette fois-là, de
pénétrer dans l'appartement, et
Didier n'eut d'autre parti à prendre, que de
s'arranger sur un tas de feuilles sèches qui
était sous l'appentis, et d'en faire son
lit, de moitié avec Sifflard.
Il y dormit un peu, mais d'un
sommeil agité, et les étoiles
brillaient encore au ciel lorsqu'il se
réveilla.
La première chose qu'il fit,
fuit de sortir du jardin et de s'éloigner du
village; car il redoutait son père encore
plus que la veille, et il tremblait de le
rencontrer.
C'était le jour du
marché de la ville, et Didier savait que son
père devait y mener un porc. Il se tint donc
an bord du pré, derrière la haie,
vers le grand chemin, et tapis comme un renard dans
un fossé, il attendit que son père
passât.
Le soleil se levait au moment
où le bruit d'un char fit espérer
à Didier que c'était celui de son
père. Il regarda au travers des branches de
la haie, et il vit en effet le char bleu de
l'auberge sortir du village et s'avancer sur le
chemin de la ville.
Mais ce n'était pas le
père de Didier qui le conduisait :
c'était le domestique.
Le char passa, et Didier tout
consterné resta immobile dans son gîte
sans savoir quel parti prendre.
Il commençait à avoir
faim, et il n'avait rien dans ses poches, pas
même un reste de pain sec. D'ailleurs il
comprenait bien qu'il lui faudrait enfin rentrer au
logis, et que ce ne serait pas impunément
qu'il s'y présenterait.
Dans cette inquiétude il
s'achemina machinalement jusqu'à la
barrière des prairies, vers la grande route,
et il s'accouda sur la traverse de bois,
rêvant à ce qu'il avait à
faire.
Il y avait peu de moments qu'il
y
était, lorsque Jeannette, la fille de la
pieuse Madeleine, vint à passer.
Cette brave et laborieuse enfant
tenait un râteau sur son épaule, et se
rendait aux prairies, pour y ramasser le foin que
les chars pouvaient y avoir perdu, en les
traversant.
Jeannette fut un peu surprise de
voir Didier à cette place; elle eut
même quelque crainte de se trouver ainsi
seule avec le vagabond. Mais elle ne montra pas ce
qu'elle éprouvait, et lui dit :
- Vous êtes déjà
là, Monsieur Didier? C'est bien
matin.
Didier.
Oui, que j'y
suis, et cela ne regarde personne.
Jeannette.
Je ne dis pas
que vous fassiez mal, Monsieur Didier; seulement je
ne croyais pas vous rencontrer ici.
Didier.
Et où
vas-tu, toi, Jeannette, avec ton râteau ?
Peut-on savoir ce que tu veux faire si bon matin
?
Jeannette.
Je vais
ramasser le foin perdu. Vous savez qu'on a
rentré beaucoup d'herbe samedi dernier, et
ma mère m'envoie recueillir ce qui sera
tombé des chars.
Didier.
Mais ce foin
est-il à vous ?
Jeannette.
Ma
mère dit que ce foin qui tombe en chemin,
est comme l'épi laissé par le
moissonneur, et qui, d'après la
Sainte-Bible, appartient aux pauvres du
pays.
Didier se tut un moment, puis il
ajouta avec plus de douceur : Tu lis donc la Bible,
toi, Jeannette ?
Jeannette.
C'est bien
sûr que je la lis, et tous les jours; mais
surtout le saint Dimanche.
Didier.
Et que voit-on
dans ce gros livre?
Jeannette.
Ne
l'avez-vous jamais lu, Monsieur Didier? Ne
savez-vous donc pas lire?
Didier.
Mieux que toi
!... mais je ne lis pas toutes sortes de
livres.
Jeannette.
Monsieur
Didier, la Sainte-Bible n'est pas toutes sortes de
livres. C'est le saint Livre de
l'Éternel-Dieu, qui a fait le ciel et la
terre; et c'est la vérité.
Didier.
Eh bien! qu'y
a-t-il donc dans un si gros livre ?
Jeannette.
Il y a
l'histoire du monde, depuis qu'il a
été créé par
l'Éternel. Il y a l'histoire du
déluge qui a couvert tout le monde, jusque
par-dessus les plus hautes montagnes. Il y a aussi
l'histoire du patriarche Abraham et celle d'Isaac,
et puis l'histoire de Joseph vendu en
Égypte; celle du méchant Pharaon, qui
fût noyé dans une mer. Il y a encore
l'histoire de Moïse et du mont Sinaï, et
surtout celle du roi-prophète David et de
Salomon son fils; et puis, pardessus tout, il a
l'histoire du Fils de Dieu, qui est
Jésus-Christ notre Sauveur; et bien, bien
d'autres choses.
Didier.
Et qu'est-ce que
toutes ces histoires vous apprennent ?
Jeannette.
Elles nous
apprennent ce que Dieu est, et ce qu'il a fait pour
nous, ses créatures ; et surtout, elles nous
apprennent que nous sommes des pécheurs et
que Jésus, le Fils de Dieu, est le Sauveur
de notre âme et de notre corps.
Didier.
Suis-je donc
perdu, moi, pour qu'il faille que quelqu'un me
sauve ?
Jeannette.
Mais,
Monsieur Didier, vous moquez-vous de moi ? Vous
n'êtes pas un ange, Monsieur Didier, et tous
les hommes sont des pécheurs.
Didier.
Qu'appelles-tu
pécheur ?
Jeannette.
Mais un
pécheur est celui qui ne craint pas Dieu,
qui ment, qui vole, qui désobéit
à ses parents, qui va avec les buveurs et
les joueurs, et qui se moque du saint jour du
repos.
Didier.
Ah! cela est un
pécheur! Dans ce cas, y en a une bonne
troupe dans le pays; et peut-être en
êtes-vous aussi, mademoiselle Jeannette
?
Jeannette.
Je le sais
bien, Monsieur Didier. Sûrement que je suis
aussi pécheresse que qui que ce soit.
Mais.... je sais, par la Sainte-Bible, tout ce que
le bon Dieu a fait pour moi.
Didier.
Et qu'est-ce que
Dieu a fait pour toi, de plus que pour moi? Je
serais curieux de le savoir.
Jeannette.
Je ne dis pas
qu'il ne l'ait pas fait pour vous, Monsieur Didier.
Je crois bien qu'il l'a fait pour tous ceux qui le
lui demandent.
Didier.
Eh bien!
qu'est-ce donc qu'il a fait de si bon ?
Jeannette.
Il m'a
sauvée de l'enfer, Monsieur Didier, par son
bien-aimé Fils Jésus, qui est mort
sur la croix, et qui a répandu son
précieux sang pour laver les
péchés de mon âme. Voilà
ce que ce bon Dieu a fait; et je le sais, parce que
la Sainte Parole de Dieu le dit.
Didier.
L'a-t-il fait
aussi pour moi, Mademoiselle Jeannette ?
Jeannette.
Vous n'avez
qu'à lire la Sainte-Bible, Monsieur Didier,
et vous verrez bientôt que le Fils de Dieu a
fait cela pour de misérables pécheurs
tels que nous, et même pour le premier de
tous les pécheurs. Mais il faut que j'aille
à mon ouvrage; ma mère m'attend pour
aller au marché, et le soleil est
déjà haut. Adieu donc, Monsieur
Didier.
Didier
ne répondit rien. Il était tout
préoccupé de ce que Jeannette venait
de lui dire, et il ruminait dans son esprit ses
dernières réponses.
- C'est pourtant vrai, se
disait-il,
tout en marchant le long du
sentier, à quoi sert la vie que je
mène ! Je suis plus malheureux qu'un chien.
Tant que le jour dure, je suis chagrin et de
mauvaise humeur. Il n'y a pas dans le village
jusqu'à un petit enfant qui ne me
méprise, et qui ne m'insulte. Si je suis
à la maison, c'est pour y être ou
grondé, ou meurtri de coups; si je vais avec
mes camarades, c'est pour jurer, pour mentir, pour
voler, et pour faire tout le mal possible. Quelle
vie que celle-là!... Tandis que cette
Jeannette, qui est de mon âge, a l'air si
heureuse ! ... Il n'y avait qu'à voir, hier
au soir, quel visage elle montrait pendant que sa
mère lui expliquait cette Bible qu'elles
aiment tant.... Mais, ajouta-t-il, si je la lisais
aussi!.... Oui, je veux aller chez le vieux
Gérard... Il m'a offert, il y a quelques
jours, de m'en prêter une.... Voyons ce que
cela donnera.
À ces mots, Didier courut, en
faisant le tour du village, jusqu'à la
cabane du vieux vannier, qui demeurait
derrière l'église. Il eut bien un peu
peur de rencontrer son père, mais enfin il
ne l'aperçut pas, et il arriva chez
Gérard.
Le vannier était devant sa
demeure, et faisait un panier.
- Te voilà, vagabond, dit-il à
Didier. Quand te convertiras-tu ?
- C'est pour cela que je viens,
répondit Didier, en baissant la tête.
Je viens vous demander la Bible que vous m'avez
offerte.
- Toi, la Bible! reprit
Gérard, tout en sifflant un petit air, Le
more changerait-il sa peau et le léopard ses
taches ? (Jérém. XIII,
23.)
Didier.
Je vous assure
cependant que je ne viens que pour cela.
Le
vannier. Et d'où t'est venue
cette idée, pauvre Didier? L'avais-tu
déjà hier dans la nuit, quand tu
sautais de ta fenêtre sur le fumier, et que
tu errais, comme un loup du soir, dans le
pré de Madeleine?
Didier.
Vous m'avez donc
vu?
Le
vannier. Si je t'ai vu ! Et je te
réponds bien que je ne t'eusse pas
laissé faire tes mauvais tours.
Didier.
Mon père
l'a-t-il su?
Le
vannier. Il l'a su hier, avant qu'il se
couchât; et ce matin il l'a vu
derrière la haie.
Didier
fut
confus. Il était comme un voleur
pris sur le fait, et la rougeur lui couvrait le
visage.
- Te voilà tout honteux, mon
camarade, lui dit Gérard, en le regardant
à travers les brins de son panier. Cette fois-ci tu
ne
diras
pas que non, et tu connais le fouet de
poste.
Didier s'assit sur une pierre et
se
mit à pleurer.
- Que je suis malheureux!
s'écria-t-il. Que je voudrais mourir
!
Le
vannier. Oui, cela pourrait te convenir,
s'il n'y avait point de Bible; mais qu'aimes-tu
mieux, Didier, quelques étrivières
ici-bas, ou bien la colère de Dieu, toute
l'éternité ? Mais enfin, voyons s'il
n'y a pas moyen d'arranger tout cela. Qu'as-tu fait
ce matin, depuis la pointe du jour?
Didier
raconta sa conversation avec Jeannette, et finit en
disant au vannier : - Cher M.
Gérard, je vous assure que cette fois-ci,
c'est tout de bon que je veux changer de
conduite.
Le
vannier. Est-ce la faim qui te fait dire
cela, mon garçon ? Car tu dois avoir le
ventre creux depuis hier.
Didier.
Oui, j'ai bien
faim; mais ce n'est ni la faim, ni le fouet qui me
font dire que je veux changer de vie. J'y suis
décidé : je suis plus
misérable qu'une bête des
champs.
Le
vannier alla prendre une jatte de lait
et un bon morceau de pain, qu'il donna à
Didier, en lui disant : - Tiens,
Didier, mange de bon coeur ceci que Dieu te donne,
et puisque tu veux changer de vie, commence par
remercier ce bon Dieu pour cette nourriture qu'il
t'accorde.
Didier joignit bien les mains
avant
de prendre la jatte et le pain, mais il ne sut que
dire. Il n'avait jamais prié avant ses
repas, et il ne savait pas comment on le
faisait.
Gérard vit son embarras, et
en ôtant son bonnet, il dit à haute
voix:
- Bon Dieu du ciel! qui prends
soin
même de ce pauvre méchant, veuille lui
donner, avec cette nourriture, le pain de vie qui
est en Jésus.
- Je veux bien! dit Didier; car
il
ne sut pas dire Amen ! Puis il mangea de bon
appétit.
Pendant qu'il déjeunait, le
vieux Gérard lui parla de Dieu et des choses
du ciel.
- Tu es à peu près
comme un païen, mon pauvre Didier, lui
disait-il. Si le saint sacrement du baptême
n'était pas sur toi, tu ne serais pas
différent de l'enfant d'un idolâtre.
À peine sais-tu que tu as une âme
à sauver.
Didier.
Mais, cher
Gérard, de quoi se faut-il donc sauver
?
Le
vannier. De la colère à
venir, mon fils; de cette
terrible colère, de laquelle Dieu punira
justement tout péché, au jour qu'il a
déterminé pour cela.
Didier.
Cela est-il bien
sûr ? Croyez-vous vraiment que Dieu punira
les méchants ?
Le
vannier. Oui, j'en suis sûr; car
la Bible dit:
« L'heure viendra à
laquelle tous ceux qui sont dans les
sépulcres entendront la voix du Fils de
l'homme, qui est le Seigneur Jésus, et ils
en sortiront, ceux qui auront fait le bien, en
résurrection de vie ; et ceux qui auront
fait le mal, en résurrection de
condamnation. » (Jean V, 28, 29.)
Didier.
Et sera-ce bien
affreux que d'être ainsi condamné
?
Le
vannier. « Le méchant est
réservé pour le jour de la ruine,
pour le jour que les fureurs seront
envoyées. » (Job. XXI, 30.) et le Roi
lui dira : « Retire-toi de moi, maudit, et va
au feu éternel qui est préparé
au diable et à ses anges. » (Matth.
XXV, 11.) Voilà ce que tu peux lire dans le
Livre de Dieu. Et ce livre, Didier,....
m'entends-tu bien ? ce livre est la
vérité.
Didier.
Cela fait
trembler; car enfin, Monsieur Gérard, il n'y
aura pas moyen d'échapper!
Le
vannier. « Quand le méchant
s'enfuirait à l'autre bout
de la mer, ou qu'il descendrait dans les cavernes
du sépulcre, là même l'oeil de
Dieu le verrait, et la main droite de
l'Éternel le saisirait. » (Ps. CXXXIX,
9, 10.) C'est encore Dieu qui l'a dit.
Didier baissa les yeux et resta
dans
le silence. Enfin il dit :
- Je voudrais bien changer de vie; car je ne
suis pas heureux, et j'ai peur de
mourir.
Le
vannier. Ah! pauvre garçon, tu
m'as déjà dit cela, il y a quelque
temps, quand tu étais malade au lit,
après que ton père t'eût si
joliment étrillé. Je crains bien
encore, Didier, que le fouet de poste ne soit ton
maître de sagesse.
Didier.
Voilà!
vous ne me croyez plus; et c'est bien juste, car je
n'ai fait que mentir depuis que je suis au monde;
mais je sais bien, moi, que ce n'est pas le fouet
qui me fait dire que je voudrais changer de
vie.
Le
vannier. Est-ce bien sûr,
camarade? Là, ta main sur la conscience,
dis-moi si, vraiment, tu as envie de
t'amender.
Didier.
Je ne sais pas
ce que signifie le mot amender, mais je puis dire,
pour certain, que tout à l'heure, quand mon
père m'aura fouetté, et
peut-être estropié,
j'aurai le même désir, parce que je
sens que je l'ai dans le coeur.
Le
vannier. Et depuis quand cela t'est-il
venu?
Didier.
Déjà l'autre jour, quand la bonne
voisine Madeleine me parla sur le banc devant la
maison; je ne voulus pas avoir l'air d'être
touché, mais ce qu'elle me dit me fit
impression, et j'y ai souvent
pensé.
Mais hier au soir, surtout,
quand je
l'aie vue ainsi lire tranquillement la Bible, et
ensuite prier avec Jeannette et votre servante,
cela m'a travaillé l'esprit. Je n'ai fait
qu'y penser sur mon lit de feuilles; et ce matin
encore j'y rêvais quand j'ai rencontré
Jeannette, dont la conversation m'a
tout-à-fait déterminé.
Croyez-moi donc, cher Monsieur Gérard, quand
je vous dis que je veux changer de conduite. Oui,
en vérité, j'en ai bien
envie.
Le vannier tendit la main à
Didier et lui dit:
- Eh bien! mon brave ami, je te
crois. Tiens, voilà ma main que je te donne
en signe de confiance. Puisque c'est comme cela,
puisque Dieu te retourne vers lui, ce ne sera pas
moi qui te retiendrai. Va, sois tranquille; tu me
trouveras maintenant comme ton ami, et je te le
dis, cher Didier, comme ton vrai père.
Attends-moi ici : occupe-toi
à m'écorcer cet osier, pendant que je
vais chez ton père. Je ne m'arrêterai
pas.
Il sembla à Didier qu'un
rocher lui était ôté de dessus
le coeur. Il se mit à travailler en
sifflant, ce qu'il n'avait pas fait depuis plus
d'une année.
Le vieux Gérard revint. Il
était content, et du plus loin qu'il vit
Didier, il lui dit :
- On a caché le fouet; tu
peux revenir, et n'aie peur de rien: ton
père te recevra de bon coeur.
Didier sauta au cou de son vieux
ami, et, tout en pleurant, il le remercia de sa
grande bonté.
- De plus, dit le vannier, j'ai
obtenu de ton père que tu viennes ici, chez
moi, chaque jour, deux heures le matin et deux
heures l'après-midi, pour que je t'enseigne
mon métier; et que le dimanche tu ne serves
plus à l'auberge. As-tu compris, Didier?
Dis, cela ne te fait-il point peur?
Didier l'embrassa de nouveau,
plein
de joie, et lui dit - Papa Gérard,
viendrai-je cette après-midi?
- Sans doute, mon garçon; je
t'attendrai à une heure précise: Va
seulement chez ton père, et tâche de
lui obéir. S'il te gronde, rappelle-toi que
tu l'as mérité, et humilie-toi.
Didier partit en courant.
Gérard le rappela, et lui cria : - Dis-donc,
Didier ! comment t'appellera-t-on à
présent : Sera-ce le vagabond ou le
laborieux?
Didier lui répondit : - vous
verrez cela dans quelques jours ; et il
disparut.
Eh bien ! ce fut le laborieux
qu'on
l'appela. Oui, ce pauvre Didier fut tellement
changé, par la bénédiction que
Dieu mit sur les avis et les sages leçons du
vieux vannier, que déjà, au bout d'un
mois, on ne le reconnaissait plus.
Chaque jour il devint de plus en
plus assidu à son travail, propre et
rangé sur sa personne, doux dans son
langage, et régulier dans le service de la
maison.
Comment put se faire un tel
changement? Par l'emploi du moyen que Dieu a
lui-même établi, et dont il
bénit l'usage, c'est-à-dire par la
Sainte-Bible.
Le vieux vannier la lisait
chaque
jour avec Didier, et lui en faisait apprendre
quelques versets, que Didier récitait le
lendemain.
Tout en travaillant, Gérard
questionnait Didier, et lui expliquait les
Écritures. Le dimanche, surtout, s'occupait
de lui particulièrement, et lui parlait plus
au long de l'amour du Père céleste,
qui a donné Jésus
pour Sauveur aux malheureux pécheurs, et aux
enfants, aussi bien qu'aux personnes
âgées.
Gérard priait souvent
à haute voix avec son fils Didier, et il
était très-fidèle à le
reprendre de ses fautes; mais il le faisait
toujours d'après la Sainte Bible, et en lui
montrant dans ce Livre de vie l'exemple de tel ou
tel enfant de Dieu, qui avait fait le bien
opposé au mal que faisait encore
Didier.
La bonne Madeleine
s'intéressa aussi beaucoup à Didier.
Elle le reçu assez souvent à son
culte du soir, et elle lui prêta de petits
traités, écrits pour les enfants,
dans lesquels Didier vit toujours plus que le vice
est maudit de Dieu, et que le Sauveur Jésus
est l'ami, le véritable ami de tous ceux qui
croient en lui, et qui se chargent de son
joug.
Ce fut ainsi que la
vérité de Dieu, la sainte et
puissante Parole de l'Éternel, changea le
coeur de celui que l'exemple des impies avait rendu
le plus méchant et le plus corrompu des
enfants.
Didier avait été
surnommé le vagabond, quand il se joignait
aux vagabonds; mais dès que la Sainte Bible
fut connue de ce méchant, il abandonna ses
vicieux et pervers amis, il repoussa leurs
invitations, et il refusa de les suivre.
Les méchants
s'étonnèrent de son changement. Ils
se moquèrent de lui et l'insultèrent
devant tout le village; mais les bons, les enfants
de Dieu, les vrais disciples de
Jésus-Christ, accueillirent Didier comme
leur ami, et chacun d'eux en le voyant passer
disait :
- Voilà celui qui, lorsqu'il
méprisait la Bible, était un vagabond
déhonté, mais qui, maintenant qu'il
la lit et qu'il aime la Parole de Dieu, est un
honnête et laborieux jeune homme. Oh ! quel
beau changement la grâce du Seigneur a fait
dans le pauvre vagabond!
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