Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA FOI.

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Louis s'était montré docile aux avis de son père. Il avait tout-à-fait renoncé aux livres qui ne renfermaient rien d'utile; et surtout il avait donné plus de temps à la lecture de la Parole de Dieu, qu'il lisait habituellement dans sa chambre, soit le matin, avant de commencer ses études, soit le soir, avant que de se coucher.

Cette lecture attentive du Livre de Dieu avait produit chez Louis le désir sincère d'en bien connaître le sens; et un jour qu'il se promenait avec son père, il le pria de lui dire ce qu'était précisément la Foi.
- Tu me demandes ce qu'est la Foi, lui dit son père et pourquoi me fais-tu cette question ?

Louis fit ce que font souvent les enfants qui manquent de simplicité, ou qui ont de l'orgueil; il ne répondit pas clairement, de peur d'avoir à rougir devant son père. Comme si un fils devait jamais craindre de dire à son père tout ce qu'il pense, et surtout lorsqu'il s'agit des choses qui appartiennent au salut!
- Tu ne me réponds pas nettement, Louis! reprit le père. Crains-tu de m'ouvrir ton coeur?

Louis sentit qu'il avait eu tort, et repoussant tout orgueil, il répondit Je désire, cher papa, que vous me disiez ce que c'est précisément que la Foi, afin que je sache si je l'ai.
Heureux est l'enfant qui a ce bon désir, et qui recherche en son coeur s'il a en effet cette Foi, sans laquelle, dit la Sainte Écriture « il est impossible de plaire à Dieu! »
- Je suis bien réjoui, cher Louis, répondit le père, de t'entendre exprimer cet excellent désir. Viens avec moi sous ce berceau ; nous y serons tranquilles, et tu m'écouteras tout à ton aise : d'autant plus que voici déjà quelques gouttes de pluie, qui nous annoncent une ondée.

Ils étaient à peine assis, qu'un brillant arc-en-ciel parut devant eux sur une vaste nuée, et courba dans l'air son majestueux ruban de pourpre, d'or, d'émeraude et d'azur.
- Regardez, papa, que c'est beau ! s'écria Louis. Ah! en voici un second; mais il est plus faible, et les couleurs en sont renversées. Ne le voyez-vous pas ? Dans celui-ci le rouge et l'orangé sont là où dans l'autre se trouvent le bleu et le violet. Oh! mais comme il pleut vers la montagne ! Quelle masse d'eau! Regardez, papa, on voit les saules qui se plient sous le poids de ces torrents du ciel.
Le père. Crains-tu que le déluge ne revienne ?
Louis. Oh! non, puisque Dieu a promis qu'il ne l'enverrait plus sur la terre, et qu'il a même dit qu'il en donnait pour signe cet arc-en-ciel que nous voyons. Mais, je vous prie, cher papa, dites-moi ce que c'est que ces belles couleurs, et pourquoi elles s'arrangent ainsi en rond, au lieu de s'étendre, comme sur une grande muraille ?
Le père. Tu ne pourrais me comprendre, mon enfant, si je t'expliquais, autant qu'on le connaît, la manière dont ce brillant phénomène a lieu; tout ce que je puis te dire, c'est que la lumière du soleil, qui, tu le vois, frappe cette nuée, se brise dans les gouttes de la pluie, et s'y divise en ces riches couleurs qui charment tes yeux.

Louis remercia son papa, et leur entretien sur la Foi allait commencer, lorsqu'un domestique vint dire au père qu'un étranger demandait à le voir.
- Vous n'oublierez pas ma question, dit Louis à l'oreille de son papa; et celui-ci lui promit qu'il ne tarderait pas à reprendre une conversation qui lui faisait le plus grand plaisir.

Ce bon père reçut et entretient quelques moments l'étranger, et quand celui-ci fut parti, il redescendit au jardin pour répondre à la demande de Louis.
Comme il passait dans une chambre basse, il entendit cet enfant qui disait à sa plus jeune soeur, en lui montrant l'arc-en-ciel qui se peignait encore faiblement sur un nuage : - Sais-tu, Cécile, ce que c'est que ces belles couleurs qu'on voit là ?

Cécile. C'est l'arc-en-ciel. Qui est-ce qui ne le sait pas.
Louis. Je te demande si tu sais comment cela se fait ainsi dans l'air?
Cécile, avec insouciance. Non, je ne le sais pas; ni toi non plus, je pense ?
Louis. Oui, je le sais, et je vais te le dire. C'est la lumière du soleil qui se brise dans les gouttes de la pluie qui tombe de ce gros nuage noir.
Cécile, en haussant les épaules. Bah! tu me fais un conte. Qui voudrait s'imaginer cela? Pour moi je n'en crois rien.
Louis, avec fermeté. Papa l'a dit; et tu comprends qu'il le sait mieux que nous.
Cécile, en se rapprochant de son frère, et en regardant fixement le nuage. Ah! puisque papa l'a dit, c'est une chose bien sûre. Mais je ne l'aurais jamais imaginé. Eh bien! voilà, je le sais maintenant.

Le papa se montra, Cécile vint l'embrasser, et il emmena Louis avec lui, pour reprendre l'entretien sur la Foi; ce qu'il fit en lui disant : - Je viens d'entendre ce que tu as répondu à ta petite soeur : penses-tu qu'elle t'ait cru ?
Louis. Je ne puis dire qu'elle m'ait cru, moi, mais elle a cru certainement ce que je lui ai rapporté de ce que vous m'aviez dit sur l'arc-en-ciel.
Le père. Et pourquoi a-t-elle cru ce que j'avais dit ?
Louis. Cher papa! vous demandez pourquoi Cécile a cru ce que vous dites! Serait-ce possible qu'elle ne le crût pas ?
Le père. Il faut donc qu'elle soit bien sûre de deux choses : l'une , que je ne puis me tromper; et l'autre, que je ne trompe pas.
Louis. Mais, cher papa, ne savez-vous pas très bien tout ce que vous nous racontez, et ce que vous nous expliquez ? Et qui oserait penser que vous ayez jamais dit autre chose que la pure vérité?
Le père. Mais il me semble aussi, Louis, que ta soeur t'a cru, tout aussi bien qu'elle m'a cru moi, car elle n'a pas douté que tu ne lui rapportasses ce que j'avais dit sur l'arc-en-ciel.
Louis. Ce que Cécile sait bien aussi que, grâces à Dieu, je ne mens plus; non, jamais, je vous assure.
Le père. Es-tu certain que Cécile ait cette confiance à ton égard?
Louis. Je vais vous en donner une preuve. Hier, je revenais de chez mon oncle, qui m'avait donné quelques pastilles, lorsque je rencontrai Cécile et mon frère Arthur. Ils me demandèrent d'où je venais, et je le leur dis; puis j'ajoutai :
Ouvrez la bouche et fermez les yeux, et je vous donnerai quelque chose de bon. Arthur refusa, en disant qu'il craignait d'être attrapé; mais Cécile ferma les yeux, en disant: Pour moi, je crois Louis, parce qu'il dit toujours la vérité; et elle demeura la bouche béante, jusqu'à ce que j'y eusse mis deux pastilles, qu'elle croqua à belles dents.
Le père. Tu vois, mon enfant, que la véracité est une bonne chose, et je pense qu'Arthur te rendra bientôt sa confiance, s'il voit que tu as horreur du mensonge. Mais je te ferai encore une question : Pourquoi Cécile a-t-elle pu s'exposer à recevoir ainsi, dans sa bouche, tout ce qu'il t'eût plu d'y mettre ?
Louis. Vous le voyez, cher papa; c'est que je lui avais dit que je voulais lui donner quelque chose de bon, et qu'elle a cru que je ne mentais pas.
Le père. Eh bien ! voyons, cher enfant : Supposons que je dusse t'envoyer à cette heure chez ton oncle, et à cheval. Tu sais que Brillant est quelquefois impatient de partir, et qu'il t'a causé plus d'un souci, pendant que tu te mets bien en selle, et que tu arranges la bride et le filet. Dans ce moment, tandis que tu es ainsi tout occupé du cheval, qui serre un peu les oreilles, qui mord le frein, et qui frappe du pied....
Louis. Pardon, papa! mais je vous assure que je n'ai pas envie, alors, de regarder ce qui se fait derrière moi.
Le père. Précisément; lorsque tu ne t'inquiètes que de ce que tu vois, je te dis : Louis, j'ai mis dans ta poche une orange, que tu donneras de ma part à ton cousin César. Tu me réponds : C'est bien, papa! et tu pars au galop. Tu n'as ni vu ni touché l'orange : cependant je pense que tu ne doutes pas qu'elle ne soit dans ta poche.
Louis. Je ne crois pas que j'en fusse plus certain, si ma main l'eût reçue de la vôtre.
Le père. Fort bien. Tu arrives donc chez ton oncle. César accourt à La rencontre, et, en portant ta main à ta poche, tu lui dis : « Voici une orange que ton oncle t'envoie. » Mais point d'orange: tes deux poches sont vides, et tu n'y trouves rien. Que diras-tu ? Que penseras-tu dans ton esprit?
Louis, après un moment de réflexion. Je crois, cher papa, que si la chose arrivait ainsi, je dirais à César, que j'ai perdu l'orange en galopant, et que je lui en donnerai une autre.

Le père, en frappant avec affection sur l'épaule de Louis. C'est cela, mon fils! et tu as répondu de toi-même à ta propre question. C'est là de la Foi.
Louis. Quoi! bon papa ? De croire que vous ne m'avez pas trompé ?
Le père. De croire un témoignage, une déclaration ou une promesse, lorsqu'on est sûr que celui qui a parlé est véridique, et lors-même que l'apparence des choses semble dire le contraire.
Louis. Je ne comprends pas bien cela. Ayez la bonté de me l'expliquer, je vous prie.
Le père. Tu m'as déjà fourni trois ou quatre bons exemples de cette même chose. D'abord, quand je t'ai demandé, à la vue de cette grosse pluie, si tu craignais que le déluge ne revînt, tu m'as dit positivement que cela ne se pouvait, puisque Dieu a déclaré le contraire. En répondant ainsi, tu ne considérais pas l'apparence des choses que tu voyais, puisque le ciel était noir et orageux, et que la pluie tombait par torrents sur la montagne.
Louis. Ah! je comprends : je n'ai fait attention, dans ce moment-là, qu'à la parole que l'Éternel a prononcée, et je l'ai crue préférablement à ce que je voyais devant moi.
Le père. Ensuite, lorsque je t'ai répondu que je ne pouvais t'expliquer comment se forme l'arc-en-ciel, tu as reçu ce que je t'en ai dit, quoique tu ne le comprisses pas. De même ta petite soeur a cru qu'il en est ainsi, sur le simple témoignage que tu en as donné, comme de ma part.
Louis. Oui, oui, je vois toujours mieux que Cécile et moi nous avons cru ce qui sortait de votre bouche, sans nous arrêter à vouloir prouver que vous aviez raison, c'est-à-dire, n'est-ce pas, que nous vous avons cru sur parole?
Le père. Précisément. De plus, et c'est ici que nous allons voir la Foi d'un petit enfant dans toute sa simplicité, lorsque tu as dit à Cécile : Ouvre la bouche, et ferme les yeux.

Louis, vivement. Et aussi. Nets les mains derrière le dos.
Le père. Encore mieux! Quand donc tu l'as amenée,
1° à fermer les yeux qui devaient l'avertir du danger;
2° à cacher ses mains, qui auraient pu le repousser;
3'°et surtout, à tenir la bouche béante, pour y recevoir même un poison, tu as vu la Foi la plus implicite, C'est-à-dire la plus entière, à ce que tu lui disais.
Louis. Et tout cela, papa, parce qu'elle ne se défiait pas de moi. C'est pourtant vrai! Il fallait qu'elle eût bien de la confiance en ma parole!
Le père. Enfin, Louis, lorsque tu m'as répondu, à l'occasion de l'orange, que tu penserais plutôt qu'elle s'est perdue en chemin, que de supposer, un instant, que j'eusse pu te tromper, tu as encore montré de la Foi à mon égard, puisque, quoique tu n'eusses ni vu, ni touché le fruit, quand tu as trouvé tes poches vides, tu y a mis, si je puis dire, ma parole, à la place de l'orange, et tu n'as point hésité à dire : Je suis perdu; car je l'avais.
Louis. Je le vois, papa ! La Foi est donc de croire ce que quelqu'un dit, seulement parce qu'il le dit, et parce qu'on a confiance en lui; lors même qu'il semblerait que ce qu'il dit, n'est pas.
Le père. Tu te rappelles, je pense, ce que le patriarche Abraham dit à ses serviteurs, lorsqu'il allait monter, avec son cher Isaac, la montagne où il devait égorger ce fils unique, pour le brûler ensuite sur un autel, jusqu'à ce qu'il fût en cendres ?
Louis. Attendez, cher papa. Ne leur dit-il pas de demeurer au pied du mont avec l'âne, jusqu'à ce que lui et l'enfant redescendissent vers eux, après avoir adoré Dieu sur la montagne ?
Le père. C'est cela même. Et penses-tu qu'Abraham fût un menteur?
Louis. Un menteur! En quoi, je vous prie?
Le père. Il savait qu'il allait immoler et brûler Isaac, et cependant il disait à ses serviteurs qu'il redescendrait vers eux avec ce jeune homme. N'était-ce pas les tromper?
Louis. C'est singulier! jamais je n'avais fait attention à cela. En effet, il semble qu'Abraham dit une chose qu'il ne pensait pas. Expliquez-moi cela, papa; car je n'aime pas supposer que ce saint homme ait fait un mensonge.
Le père. Écoute bien, et comprends aujourd'hui ce que c'est que la Foi. Tu sais que Dieu avait promis à Abraham que, de la race de ce même fils Isaac, sortirait le Sauveur de l'Église. Abraham avait cru sincèrement cette promesse de Dieu. Il était donc absolument sûr que son fils Isaac aurait des enfants, et des petits-enfants, et que de l'un de ses descendants sortirait, selon la chair, le Messie promis dès le commencement du monde. Or voici que Dieu donne à Abraham l'ordre de lui offrir Isaac en holocauste, c'est-à-dire de le tuer, et de le brûler sur un autel. Comment cet ordre peut-il s'accorder avec la promesse que Dieu a faite, quant à cet Isaac?
Louis. Je vous assure, cher papa, que je ne le vois pas; et déjà cette histoire m'a plus d'une fois embarrassé. Car enfin, il me semble que Dieu n'a donné cet ordre que pour badiner, comme nous disons entre nous enfants ; et qu'il ne voulait pas réellement qu'Abraham le crût.
Le père. Abraham ne le comprit point ainsi, mon fils; et ton opinion était très-mauvaise. Dieu est vérité ; et ce qu'il commande, il le veut en effet. Aussi remarque ce qu'il est dit d'Abraham dans l'Épître de St-Paul aux Hébreux, au chapitre XI.
Louis. Attendez, papa! je l'ai appris dimanche dernier, et je vais m'en souvenir.... Voici « Par la foi, Abraham étant éprouvé, offrit Isaac. Celui qui avait reçu les promesses, offrit même son fils unique, ce fils à l'égard duquel il avait été dit : En Isaac te sera appelée semence. Ayant estimé que Dieu le pouvait même ressusciter des morts. Aussi le recouvra-t-il par une espèce de résurrection.»
Le père. Eh bien! comprends-tu quelle fut la persuasion d'Abraham ?
Louis. Ah ! je le vois, maintenant. Il pensa qu'après qu'il l'aurait sacrifié et brûlé. sur l'autel, Dieu le ressusciterait, puisqu'il était impossible que la promesse que Dieu lui avait faite, ne s'accomplît pas. Oh! papa! que cela est beau! Comme Abraham crut Dieu!
Le père. Tu le vois, cher fils. Certain qu'il était que Dieu lui avait fait la promesse, quant à Isaac, et, sachant que Dieu ne peut ni se tromper, ni tromper qui que ce soit, il se dit en lui-même : « Dieu m'a promis que de la race d'Isaac naîtra le Rédempteur. Aujourd'hui Dieu m'ordonne de faire mourir Isaac: Dieu veut donc le ressusciter, après que je l'aurai offert en holocauste; car ce qu'a dit Dieu ne manquera pas d'arriver : il faut donc qu'Isaac soit ressuscité; et c'est dans cette ferme assurance que je vais obéir. »
Louis. Ceci est tout nouveau pour moi, cher papa c'est comme si je lisais cette histoire pour la première fois. Et, cependant, que de fois ne l'ai-je pas lue et relue ! Je comprends à présent : la Foi est donc la ferme croyance, oui, une croyance du coeur, à tout ce que Dieu dit, quoi que ce soit qu'il dise ou promette.
Le père. Oui, mon fils. Ainsi, par exemple, si un homme est dans un bateau, et que Dieu lui dise : « Sors du bateau et marche sans crainte sur les eaux » ; cet homme, s'il croit Dieu, ne fera pas plus difficulté de mettre les pieds sur l'onde, que s'il les posait sur un rocher.
Louis. Ah ! c'est ce qui arriva à l'apôtre Pierre, sur le lac de Génésareth. Oui, je comprends très-bien.
Le père. Comme aussi, si des pêcheurs ont jeté leurs filets pendant toute une nuit, dans une certaine place, sans y prendre même un poisson; quoiqu'ils soient convaincus qu'il n'y a rien dans cette eau-là, si Dieu leur dit : « Jetez le filet de nouveau, et vous prendrez plus de poissons que vous n'en pourrez tirer à vous, » ils doivent jeter joyeusement le filet, et se féliciter d'avance de leur bonne capture.
Louis. C'est encore l'histoire des disciples du Seigneur, lorsqu'il leur apparut, après sa résurrection, sur le bord du même lac.
Le père. Je pourrais te rappeler mille autres récits des Saints Livres, par exemple tous ceux qui sont indiqués dans ce même onzième chapitre de l'Épître aux Hébreux, dont tu viens de citer un passage; et dans chacune de ces histoires tu verrais, comme tu le verras en les lisant avec plus de soin, que la Foi consiste à croire franchement et de coeur ce que Dieu dit, et tout ce qu'il dit, sans s'inquiéter si cela s'accorde ou non avec nos propres idées, ni même avec ce que nos yeux voient, et ce que nos oreilles entendent.

Louis, après être resté quelques moments en silence. Dites-moi, bon papa, comment cela se rapporte-t-il à la Foi qu'il faut avoir pour être sauvé ?
Le père. Il n'y a pas deux espèces de Foi, mon enfant ; il n'y en a qu'une seule, qui toujours est de croire de coeur, c'est-à-dire sincèrement et avec confiance, tout ce que Dieu dit et promet.
Louis. Mais j'ai voulu parler de notre Seigneur Jésus-Christ. Comment cette même Foi a-t-elle lieu à son égard ?
Le père. Dis-moi, Louis, si en traversant la ville, un jour de marché, nous voyons un attroupement au milieu de la grande place, et dans le centre de cette troupe de gens, un homme, tout ordinaire dans son extérieur, et n'ayant rien qui le fit remarquer, et que nous étant approchés, nous l'entendissions dire à haute voix : - Je suis le Fils de Dieu : je suis descendu du ciel. Avant qu'Abraham fût, je suis. Je suis la lumière du monde et la vie éternelle. Celui qui croit que je suis venu du Père, ne mourra jamais ;.... Il et d'autres paroles de ce genre, que penserais-tu de cet homme ?
Louis. Je dirais que c'est un fou, qu'il faut enfermer et guérir.
Le père. Tu dirais donc ce qui se répétait dans les rues et les places de la grande ville de Jérusalem, lorsqu'un homme, aussi sans apparence, disait précisément les mêmes paroles que je viens de prononcer.
Louis. Et qui était cet homme-là ?
Le père. C'était Jésus, le fils de Marie, femme du charpentier Joseph. Il était vêtu fort modestement. Il était apparemment de la taille de ses concitoyens, et sa personne n'avait rien qui la rendît remarquable aux yeux des hommes. C'était cet homme-là qui disait, soit dans le parvis du temple, soit dans d'autres lieux publics, et en présence d'une foule de gens de toute espèce : « Je suis le Fils de Dieu » et sur cette déclaration le peuple levait les pierres des rues pour l'assommer.
Louis. Mais c'est qu'aussi, papa, il serait bien difficile de s'imaginer qu'un simple bourgeois fût plus qu'un homme, et surtout qu'il fût le Fils même de Dieu!
Le père. Et que dirais-tu donc, si pendant que ce simple bourgeois, comme tu l'appelles, parlait de la sorte, une brigade de gendarmes vint le saisir, le conduisît au tribunal criminel, qu'il y fût sur-le-champ jugé et condamné à mort, et qu'on lui tranchât la tête sur l'échafaud ? Croirais-tu mieux les dernières paroles qu'il aurait dites, et devant les juges, et en allant au supplice et sur le gibet ?

Louis, en baissant la fêle et d'une voix émue. Je comprends, papa ; c'est ainsi qu'on a fait au Seigneur Jésus. Il disait en effet : « Je suis le Fils de Dieu, » et c'est pour cela même qu'il a été saisi, condamné, et supplicié... Hélas, cher papa, je vois bien que si j'eusse été dans ce temps-là à Jérusalem, j'aurais peut-être crié avec la multitude : Ôte, ôte ! crucifie ! parce que je n'aurais jugé des choses que sur l'apparence, et selon ma propre idée.
Le père. Mais, cher enfant, ce n'est pas ainsi que tu penses et juges maintenant, quant au fils de Marie ?
Louis. Dieu m'en garde ! Ah ! c'est bien le contraire; et je ne suis pas plus sûr que je suis votre fils, que je ne suis certain que Jésus est le fils de Dieu, le Christ, le Sauveur.
Le père. D'où peux-tu croire cela, Louis? Car tu n'as pas plus raison de le croire aujourd'hui, que tu n'aurais eu de le penser, si tu eusses vu et entendu celui qu'on appelait « le Galiléen. »
Louis. Je ne peux vous dire d'où cette persuasion m'est venue : mais je suis sûr que je le crois, tout aussi certainement que je le lis dans la Bible.
Le père. Du moins peux-tu voir que cette croyance ne t'est pas venue de toi-même, puisque tu sens que tu eusses dit tout l'opposé de ce que tu confesses maintenant, si tu eusses vu Jésus de tes yeux.
Louis. Cependant, papa, il me serait impossible de croire autrement. Oui, je suis parfaitement sûr que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, le Sauveur promis au monde, dès le commencement.
Le père. Quoi ! tu crois cela de cet homme qui fut condamné au supplice, qui portait sa potence, et qui fut cloué au bois, entre deux autres hommes qui étaient sous la même sentence de mort ?
Louis. Oui, papa; je sens que, même en voyant Jésus ainsi traité, je crois, et je dis qu'il est le Fils de Dieu, et Dieu même, manifesté en chair.
Le père. Eh bien ! mon fils, si cela se trouve ainsi dans ton coeur, certainement cette croyance ne t'est venue ni de toi-même, ni de moi, ni de qui que ce soit sur la terre, et tu as cru ce que Dieu dit, sans regarder ni à l'apparence des choses, ni à tes propres idées; puisque rien n'est plus opposé à ce qui se voit et fait dans le monde, que de dire et de croire, qu'un homme, et un homme condamné au supplice, est aussi le Fils de Dieu : qu'il est Dieu-même, manifesté au monde.
Louis. C'est bien vrai, cher papa : cela me frappe dans ce moment; et je suis comme étonné de croire, et du fond du coeur, ce que j'aurais appelé une folie, si je l'eusse vu de mes yeux. Comment cela s'est-il fait, je vous prie ?
Le père. Tout homme, qu'il soit encore enfant, ou qu'il soit plus âgé, oui, tout homme qui croit de coeur que Jésus est le Fils de Dieu et le Christ, le Sauveur promis depuis le commencement du monde, a reçu cette croyance de Dieu lui-même; et cette croyance est la Foi.

Louis, surpris. La Foi ! Est-ce possible ? Alors papa, tout le monde a la Foi ; car il n'y a que les Juifs, dans ce pays-ci, qui nient que Jésus soit le Fils de Dieu !
Le père. Dis-moi, Louis, m'as-tu seulement dit, il y a quelques moments, que Dieu a déclaré qu'il n'y aura plus de déluge, ou bien l'as-tu cru, et le crois-tu sincèrement?
Louis. Je comprends pourquoi vous demandez cela. Vous voulez dire, n'est-ce pas, qu'il y a beaucoup de gens qui disent que Jésus est le Fils de Dieu, mais que le dire n'est pas le croire ?
Le père. De plus, remarque que plusieurs entendent par le mot de Fils de Dieu, tout autre chose que ce que dit Dieu; car ils considèrent Jésus-Christ comme une créature de Dieu, d'un rang supérieur à toutes les autres, mais non pas tel qu'il est, savoir le Fils éternel du Père, Dieu même, au-dessus de toutes choses, bien éternellement.
Louis. Est-ce que ces personnes-là ont aussi la Foi ?
Le père. Point du tout : elles sont au contraire les plus grands ennemis de cette Foi, qu'elles renient et blasphèment.
Louis. Je suis donc bien heureux de croire que Jésus-Christ est réellement le Fils de Dieu, venu du ciel même et du sein du Père, pour sauver nos âmes?
Le père. Cher enfant ! si cette croyance est réellement dans ton coeur, tu as reçu de Dieu ce qu'il appelle, « le don ineffable, » et tu as dès à présent la vie éternelle.
Louis. Qu'est-ce que vous dites, cher et bon papa ? J'ai dès à présent la vie éternelle!
Le père. Ce n'est pas moi qui le dis : c'est Dieu lui-même; car il déclare que quiconque croit que Jésus est le Fils de Dieu, le Christ-Sauveur, a la vie éternelle.

Louis garde le silence, et paraît réfléchir attentivement.

Le père. Que cherches-tu dans ton esprit, mon fils?
Louis. J'avais toujours cru qu'avant de pouvoir être sûr qu'on a la Foi, il fallait avoir vu un grand changement dans sa conduite.
Le père. Ce changement dont tu parles, qui est la sainteté de la vie, se trouve toujours dans un coeur où se trouve la Foi : c'est-à-dire que personne n'a la Foi, sans avoir aussi le désir sincère d'être saint comme Dieu, et de lui ressembler en toutes choses: mais de même qu'Abraham crut la promesse de Dieu avant que de faire le sacrifice d'Isaac, de même aussi tu dois croire, de tout ton coeur, ce que Dieu dit de Jésus, et la promesse de la vie éternelle qu'il fait à tout croyant, avant que de pouvoir lui obéir de coeur, dans ce qu'il te demande.
Louis. C'est donc comme la sève de l'arbre, n'est-ce pas, papa, qui est dans le tronc et les branches, avant que de produire les fruits à l'extrémité des rameaux ?
Le père. C'est la même chose, mon cher enfant; car de même que tu diras d'un arbre fruitier, qui ne produit point de fruits, qu'il lui manque la sève qui lui est propre, et qu'il n'est bon, comme dit Dieu, qu'à être coupé et jeté au feu, de même aussi faut-il dire de celui qui se vante d'avoir la Foi, mais qui ne porte pas le fruit de sainteté, qu'il lui manque ce qu'il dit avoir; puisque, s'il avait la Foi, il aurait certainement aussi les fruits que le Saint-Esprit fait produire à tous ceux qui croient de coeur au Nom du Fils de Dieu.
Louis. Mais pensez-vous, cher papa, que si, en m'examinant bien, et jusqu'au fond du coeur, je trouve en moi la Foi à ce que Dieu dit sur son Fils Jésus, et qu'ainsi je croie sincèrement que Jésus est venu de Dieu, et qu'il est le seul Sauveur donné aux hommes, je puisse m'imaginer, ou plutôt je puisse être sûr que j'ai la vie éternelle?
Le père. Le témoignage de Dieu est bien clair, Louis. Dieu dit que quiconque croit de coeur au Nom du Fils de Dieu, doit savoir qu'il a la vie éternelle; et le Sauveur dit de lui-même : « En vérité, en vérité, celui qui croit en moi, a la vie. »
Louis. Ce que vous me dites, cher papa, me fait un plaisir que je ne puis vous exprimer; et je commence à voir, que, puisque je crois de tout mon coeur en Jésus-Christ, je dois oser m'approcher de Dieu, comme d'un père, quoique je trouve encore en moi tant de mauvaises choses, tant de défauts, et même tant de méchanceté.
Le père. Si tu devais L'approcher de Dieu par ta propre sainteté, tu serais un insensé, même d'essayer de le faire; car tu n'es qu'un pauvre et faible pécheur; mais si tu t'approches de Dieu par sa grâce, c'est-à-dire par un pardon complet qu'il t'accorde en Jésus, rien ne doit t'arrêter; et quelque pécheur que tu le sentes, tu ne dois pas plus douter de l'amour de Dieu pour toi, qu'Abraham ne douta qu'Isaac serait la tige d'où sortirait, selon la chair, le Messie.
Louis. Ainsi donc, papa, quand je veux prier Dieu, je dois être assuré que, puisque je crois de coeur à notre Sauveur Jésus-Christ, je suis le bienvenu, si je puis dire, auprès de Dieu, et qu'il reçoit ma prière, malgré tout ce que je vois en moi de mauvais ?
Le père. Dis plutôt, cher enfant, malgré tout ce que Dieu voit; car si toi qui juges comme un pécheur, tu te trouves méchant, comment penses-tu que Dieu te voie, lui qui est lumière et sainteté ?
Louis. Mais, papa, est-il un seul homme qui paraisse pur devant Dieu ?
Le père. Non, mon enfant : le plus saint aux yeux dit monde est encore plein de souillures aux yeux de Dieu. Aussi nul homme ne peut-il s'approcher de Dieu autrement que par sa grâce, en Jésus-Christ le Sauveur.
Louis. Ah ! Je comprends à présent ! L'homme étant toujours un pécheur, quelque honnête homme qu'il soit dans le monde, il ne peut jamais s'approcher de Dieu par sa propre conduite, comme s'il était assez saint de lui-même. Il faut donc, si du moins il veut s'avancer jusqu'à Dieu, qu'il ait reçu sa grâce ; et comme cette grâce ou pardon n'est donné que par le Sauveur, il faut qu'il ait reçu le Sauveur, pour qu'il puisse être accueilli de Dieu ... papa ! il me vient une pensée : Jésus est donc la Porte du ciel ?
Le père. Hé ! ne te rappelles-tu pas qu'il se nomme ainsi lui-même, lorsqu'il dit : « Je suis la Porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ? »
Louis. Eh bien ! je croyais que cela m'était venu tout-à-coup ; et je vois que c'était un ressouvenir ; mais je le comprends tout autrement aujourd'hui, et je vous assure que cela m'encouragera beaucoup à prier, parce que je n'aurai plus peur de Dieu.,
Le père. Avais-tu vraiment peur de Dieu, quand tu priais ?
Louis. Bien souvent je n'osais pas le faire, à cause de tout ce que je vois en moi de contraire à ce que Dieu demande.
Le père. Tu étais donc comme la pauvre Nanette?
Louis. Qui était-elle, je vous prie; et que fit-elle ?
Le père. Je vais te le raconter, et tu verras combien son histoire ressemble à la tienne.

Un de mes amis, homme fort riche, qui habitait un très-beau château, dans sa terre, eut son fils aîné très-malade, et tout près de la mort. Il plut à Dieu de garder la vie de l'enfant, et le père célébra la convalescence de son fils par des bienfaits qu'il répandit sur les pauvres paysans de son voisinage, et par une fête splendide, à laquelle il voulut voir tous ceux qui avaient rendu quelque service dans la maison, pendant la maladie du fils.
Parmi ses conviés se trouvait une servante de ferme, nommée Nanette. Le valet-de-chambre, qui portait les invitations, se présenta dans la cuisine de la ferme, et il remit respectueusement à Nanette le message de son seigneur, comme si cette paysanne eût été une dame de qualité : car il n'y avait point de différence entre les conviés : tous étaient également honorés et fêtés.

Nanette fut confuse de cette invitation ; et le soir elle dit à sa maîtresse, qu'elle était résolue de ne pas s'y rendre. Celle-ci lui fit sentir qu'elle manquerait au respect qu'elle devait à leur bienfaiteur, et Nanette changea d'avis. Mais ce ne fut pas sans émotion qu'elle vit approcher, d'abord le jour, puis enfin l'heure, du festin; et il lui fallut partir.

Tu peux penser qu'elle avait mis ses habits les plus propres. Mais toute la parure d'une pauvre servante était peu de chose au prix de celles des grandes dames qui se rendaient au château, dans de brillants équipages, et qui, en passant près de Nanette, ne faisaient guère attention ni à ses souliers neufs et bien noircis, ni au large ruban rouge qui entourait son chapeau de paille.

Cependant Nanette avançait vers le château; elle avait déjà passé la loge du portier du parc, et elle s'approchait de la maison avec assez d'assurance, lorsqu'à un détour du sentier elle se trouva tout-à-coup en face du gazon sur lequel étaient dressées les tables du festin, et où se promenaient une multitude de gens, tous plus richement parés les uns que les autres.

Dans ce moment le maître du château se trouvait assez près de Nanette, et il l'aperçut rougir et se déconcerter. Il pensa bien que cette servante n'osait pas avancer pour se mêler à une telle compagnie, et ayant appelé un de ses valets, il l'envoya vers la paysanne pour lui donner courage.
Le valet, couvert d'une riche livrée, s'approcha de Nanette, et lui demanda poliment, pourquoi elle se tenait à l'écart. Nanette lui répondit, en balbutiant : - Comment voulez-vous que j'aille m'asseoir à la table de Monseigneur votre maître, dans cet accoutrement ? Je ne suis pas assez propre pour me présenter devant lui, et je vais me retirer. - Mais, lui dit le serviteur du père de famille, n'avez-vous pas reçu l'invitation de Monseigneur ? - Oui-dà, dit Nanette, en la tirant de sa poche : la voici ! - Qu'y a-t-il d'écrit sur cette carte ? demanda le valet. Qu'y lisez-vous ?

Nanette lut l'invitation conçue dans la forme ordinaire. - Y est-il parlé de l'habillement ? demanda encore le valet. - C'est bien vrai, dit Nanette, j'ai mal fait de regarder ma robe; puisque Monseigneur m'invite d'aussi bon coeur, je dois le croire, et profiter de sa bonté envers moi.

Là-dessus elle suivit le serviteur jusque vers son maître, qui était un homme affable et très-pieux, et qui lui dit : Nanette, j'avais aperçu votre embarras, et j'ai désiré faire à votre égard ce que notre Dieu et Sauveur fait sans cesse pour nous : maintenant j'espère que vous ne craignez plus de vous voir ici. Non, Monseigneur, répondit la paysanne avec une liberté respectueuse; puisque c'est par votre grâce que je suis auprès de vous, je jouirai de cet honneur, du même coeur que vous me l'accordez.

Louis. Oh! Papa! je vous prie de m'écrire cette histoire sur mon album, afin que je la relise souvent. Vous aviez bien raison de dire que c'était ma propre histoire. Oui, je le vois très-clairement, j'ai fait, et bien souvent, la même chose devant Dieu : je n'osais m'approcher de son trône à cause de mes pauvres habits de paysan; et j'oubliais ainsi que je n'y ai été convié, et que je n'y suis admis, que par le grand amour qu'il a pour un pauvre pécheur tel que moi.
Le père. Comprends, cher enfant, et retiens bien dans ton coeur pour toute ta vie ceci; savoir, que tu ne peux trop croire Dieu, et que moins tu regardes à toi, à ce que tu peux faire, ou à ce que tu sens, plus aussi tu jouis de la promesse de Dieu, qui se montre toute seule, et dans toute sa force et sa fermeté.
Louis. C'est clair : je le vois. Oui, du moment que Nanette cessa de regarder à ses beaux souliers, et à son large ruban, et qu'elle ne considéra que l'invitation de cet homme riche, elle se trouva libre et à son aise, et elle put jouir de la fête. Dieu veuille que je fasse de même, et que je croie toujours simplement, et sans hésiter, tout ce qu'il nous dit et promet!
Le père. Que le Saint-Esprit le fasse en toi, cher enfant! Tu vois ce qu'est la Foi : elle consiste à croire de coeur tout le témoignage que Dieu a rendu de son Fils, et toutes les promesses de Dieu. C'est à toi maintenant à t'examiner avec soin, afin de t'assurer qu'en effet tu crois de coeur en Jésus. Si tu as cette Foi, mon cher Louis, ne crains point de parler à Dieu comme à ton Père, et de lui demander, librement, pour l'amour de Jésus, le Saint-Esprit, qui te conduira sûrement dans le chemin de la sainteté et de la vie.

Louis était touché. Après avoir remercié tendrement son bon père, il se retira aussitôt dans sa chambre, où il pria, de tout son coeur, le Seigneur de bénir ce qu'il venait d'entendre; et nous savons, et nous pouvons le témoigner, que ce jeune homme marche maintenant, par la Foi, sur le sentier de la sanctification.



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