Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE PARTIE.



I. SUFFIT-IL DE PROCLAMER LES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN?

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Commençons par honorer ceux de nos pères qui ont proclamé ces droits immortels! Rendons hommage à leur mémoire ! Ils ont élevé une solide barrière contre le despotisme, de quelque prestige qu'il puisse s'entourer; contre le règne des privilèges, contre le régime des grâces, c'est-à-dire des injustices! Désormais il ne sera plus possible de méconnaître et d'outrager les libertés dont Dieu fait présent à tout homme, la dignité naturelle du citoyen, le droit commun à tous les enfants de la même patrie, l'autorité de la justice originaire et l'empire de la loi primitive. L'individu est pleinement assuré de sa vie morale et politique, en possession de ses titres à l'indépendance de la conscience et au respect de l'honneur. L'égalité devant la patrie, si elle n'est pas encore réalisée partout et en tous sens, est du moins reconnue comme un droit inaliénable, comme une propriété imprescriptible, comme là qualité propre et sacrée du citoyen.

La déclaration de ces droits était nécessaire, et reste acquise aux nations. Mais suffit-elle au bonheur d'un peuple, au bonheur des citoyens? Vous allez voir qu'elle demande un complément indispensable.

En effet, que faut-il pour qu'un droit puisse s'exercer? Ne faut-il pas, du côté de ceux sur qui il doit être exercé, l'accomplissement d'un devoir?

Si vous ne respectez pas mon droit, si vous cherchez à en gêner l'usage, mon droit devient nul. Si je ne songe pas à vous aider dans l'usage de votre droit, si je me moque de vos justes prétentions, si je vous empêche d'aller et de venir à votre gré, de faire une franche profession de vos opinions et de vos croyances, si je néglige ou m'abstiens d'accomplir le devoir qui correspond à votre droit, ce droit, si légitime qu'il soit, devient illusoire et vain. Ainsi, ne faut-il pas accompagner la déclaration des droits d'une déclaration des devoirs? Oui, il le faut pour bien des raisons, et je n'en citerai qu'une seule.

Nous sommes tous, cela est incontestable, beaucoup plus disposés à appliquer nos droits qu'à remplir nos devoirs, à faire valoir nos titres personnels qu'à respecter les titres d'autrui. Cette disposition tient à notre égoïsme naturel, égoïsme que nul homme de bon sens ne songe à nier. Qu'arriverait-il donc, si les membres d'une société étaient tous uniquement occupés d'exercer leurs droits? si, loin de se faire de mutuelles concessions, ils ne pensaient qu'à se montrer impérieux et exigeants les tins envers les autres? En naîtrait-il cette paix, privée et publique, le but à la fois et le signe d'une bonne constitution sociale? Non, c'est la guerre qui en résulterait infailliblement, et de toutes les guerres la plus horrible et la plus odieuse!

Que si chacun de nous est naturellement porté à proclamer, à imposer ses droits, il est nécessaire de rappeler chacun à ses devoirs, c'est-à-dire, au respect des droits d'autrui. oui, nous avons tous besoin d'un contrepoids et d'un appui, dans la pratique de nos libertés : d'un contrepoids, sans lequel nous tombons du côté où nous penchons ordinairement, du côté de nos exigences personnelles; d'un appui, sans lequel nous inclinons à mépriser les légitimes prétentions des autres, le droit du prochain, Sans cet appui, sans ce contrepoids, nulle garantie solide, nulle durée, ni pour nos droits, ni pour les droits d'autrui. Nul ordre durable : puisque, si je ne rougis pas d'abuser de mes droits, mon voisin ne craindra pas d'outrepasser les siens : je le blesse, il me blessera, et personne ne sera plus protégé, et rien ne sera plus respecté.

Aujourd'hui donc, comme nous n'avons plus à redouter que la tyrannie d'un seul ou de plusieurs nous ravisse nos droits naturels, ce qu'il importe, c'est de faire en sorte qu'une déclaration des devoirs contre-balance et soutienne en même temps la déclaration des droits. Je dis contre-balance : car, dès qu'il n'y aura plus d'équilibre, ou plutôt, dès que les devoirs ne l'emporteront plus, en nous et dans la patrie, sur les droits; dès lors, soyons-en certains, il n'y aura plus qu'une suite de calamités civiles. Je dis soutienne ensuite, parce; que tout ce qui n'est pas mesuré et limité, en fait d'oeuvres et d'institutions humaines, manque de fondement et de force.

Ce qui importe aujourd'hui, c'est de nous souvenir de nos devoirs! Les droits se souviendront d'eux-mêmes et très spontanément : notre coeur les oubliera d'autant moins qu'il est plus disposé à oublier ses obligations.

Évidemment, pour guérir, pour sauver la société, c'est cette déclaration des devoirs qu'il est urgent de répandre.
Or, qui la répandra le plus promptement et le mieux? De celui qui nous parlera au nom des hommes, ou de celui qui nous parlera au nom de Dieu ?

Puisque tous les hommes sont plus ou moins égoïstes, ils semblent mal reçus et peu fondés à nous prêcher le devoir. Cette prédication, pour être persuasive et efficace, doit être faite par un Être infiniment dévoué, c'est-à-dire par Dieu même. C'est Dieu qui nous a conféré nos droits, c'est donc Dieu qui est particulièrement autorisé à nous prescrire des devoirs. Comme il nous a tout donné, il est aussi en droit de nous demander quelque chose. Et ce qu'il nous demande, n'est-ce pas de respecter les justes prétentions de nos semblables, d'aimer le prochain ? C'est lui qui vient nous prescrire nos devoirs, de par son sublime privilège d'autour du monde et de créateur des hommes.
De sorte que cette déclaration de devoirs n'est, en réalité, qu'une déclaration des droits de Dieu.

Compléter la déclaration des droits de l'homme par la déclaration des droits de Dieu, voilà ce qui suffit. Au contraire, proclamer les droits de l'homme, à l'exclusion des droits de Dieu, voilà ce qui ne suffit pas. Cette dernière proclamation, au lieu de ramener la paix en nous et hors de nous, n'aurait visiblement d'autre effet que l'anarchie des âmes et des États, que la haine sociale et un bouleversement universel. Aussi celui-là seul sera notre bienfaiteur, notre sauveur, qui saura faire revivre le culte du devoir, le respect des droits de Dieu' qui saura faire triompher, dans la vie des individus et dans la vie publique, le sentiment d'obligation et de reconnaissance sur la passion de jouir et de commander, ou le désintéressement sur l'égoïsme. Une constitution purement politique pourra-t-elle opérer ce miracle et nous procurer un tel bienfait? Un législateur purement humain sera-t-il capable de nous rendre un service pareil?


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Il. SUFFIT-IL DE DÉCRÉTER LA LIBERTÉ !


Rien de plus précieux, rien de plus séduisant que la liberté. Toutes les nations qui ont paru avec éclat sur la scène de l'histoire, tous les individus qui ont cherché à vivre honorablement, plaçaient la liberté au premier rang des biens terrestres. Ils ne voulaient dépendre que d'eux-mêmes, ne se gouverner que par eux-mêmes, ne grandir que pour eux-mêmes. Être aux pieds d'un tyran, aux ordres d'une caste, à la merci d'un privilège quelconque, être dans la servitude enfin, voilà ce qui répugne le plus à tout coeur noble, à tout esprit élevé; et voilà pourquoi nous devons garder avec vigilance le dépôt de la liberté civile et politique.

Il y a plus : puisque la liberté est chose si précieuse, ne faut-il pas faire en sorte que chacun la possède? Sans doute. Mais, pour que chacun la possède, suffit-il que nos législateurs la décrètent? Suffit-il qu'ils déclarent à la face du public, par les voies les plus solennelles. Chaque homme, quelle que soit sa condition, est libre, et chaque citoyen doit être son propre maître ? Ce décret suffit-il? Parce que tous sont libres, en théorie et en droit, sur le papier, tous le sont-ils en réalité et de fait, en chair et os?
Non, évidemment : car nous sommes organisés de telle façon que nous pouvons être à la fois libres comme citoyens, et esclaves comme hommes !

Nous sommes esclaves comme hommes, quand nous servons, non pas la justice, non pas la sainte volonté de Dieu, mais nos passions personnelles et notre égoïsme. Nous sommes non-libres, nous sommes de misérables serfs, lorsque nous obéissons aux caprices d'un penchant, aux convoitises des sens, aux calculs de la cupidité, aux emportements de l'orgueil, et de la haine, de la vengeance ou de la colère; lorsque nous nous livrons complaisamment aux impulsions fatales d'un désir coupable ou d'un vice grossier. Nous sommes esclaves, lorsque nous ne savons ni nous contenir, ni nous abstenir, ni nous posséder, ni nous gouverner. Nous sommes esclaves, quand nous sommes incapables de suivre les bonnes inspirations, celles qui mènent au désintéressement et au dévouement, à l'amour et à la charité, à la paix et à l'inaltérable sérénité du coeur.

Sommes-nous libres, chaque fois que nous prétendons dominer et tyranniser les autres, les forcer de penser et d'agir absolument comme nous pensons et agissons; chaque fois que nous refusons de nous soumettre aux lois reconnues par nos concitoyens et peut-être votées ou faites par nous-mêmes; chaque fois que nous insultons les autorités de notre pays, élues ou sanctionnées par notre propre suffrage? Sommes-nous libres, alors que nous nous refusons à respecter, à protéger la liberté de nos concitoyens; ou que nous nous efforçons de la confisquer à notre profit, sous prétexte de la défendre et de la mieux assurer ? En tous ces cas si fréquents, nous ne sommes qu'instruments dociles des plus aveugles passions. Loin de commander, de résister à nos mauvais désirs, nous avons subi, et peut-être célébré avec joie leur funeste et pesant empire. Nous nous appelons fièrement des hommes libres, mais nous sommes réellement le contraire, nous sommes des esclaves.

L'histoire de l'humanité en fait foi : plus un homme est vraiment libre, mieux il respecte la liberté d'autrui, la loi qui protège les libertés générales et le droit commun! Moins une âme haute veut dépendre du monde et des hommes, plus elle se plaît à dépendre volontairement de Dieu et de sa conscience, de son meilleur moi! indépendance d'un côté, soumission de l'autre. Qui refuse de servir Dieu, servira nécessairement les passions qui préparent des souffrances, le mal qui engendre des malheurs ! Telle est la condition de notre nature. Il faut obéir à quelqu'un, relever de quelqu'un, car nul n'est tout-puissant, nul n'est souverain absolu. La vraie liberté consiste à choisir le bon maître à servir la bonne cause, à s'incliner avec amour devant le créateur des cieux et de la terre. Il ne peut y avoir aucune honte à suivre un pareil chef. Il y a bonheur et bénédiction, pour les individus et les peuples, dans une voie si sage et si simple, dans une voie si féconde en oeuvres de charité et d'utilité.

Concluons-en que décréter la liberté à elle seule, au lieu d'affranchir d'abord ceux que l'on appelle à sa jouissance, ne suffit point pour sauver une société. C'est allumer de nouvelles passions, tandis qu'il fallait éteindre auparavant les anciennes passions, en les remplaçant par l'amour dévoué de Dieu et des hommes. Concluons que le véritable libérateur du monde, qui commence par améliorer ceux qu'il veut affranchir, procède mieux, et sait mieux émanciper. Mettre un instrument de cette importance entre des mains qui ignorent quel usage il en faut faire, ne vaut pas l'enseignement préalable de l'usage même de la liberté. Si nous voulons, par conséquent, que chaque citoyen soit aussi une personne libre, montrons-lui que l'on ne le peut devenir qu'à la condition d'être moral et religieux, respectueux envers les bonnes lois et les bonnes moeurs, soumis à la bienfaisante volonté du Législateur invisible. Apprenons-lui à aimer la liberté légale, sage, progressive, celle qui ne prétend pas s'imposer aux autres, mais qui veut les servir avec désintéressement, avec sympathie. Habituons-le à regarder ses passions, son égoïsme, comme un tombeau, non seulement pour sa propre liberté, mais pour le repos de sa patrie; à considérer l'obéissance aux éternels desseins du Tout-Puissant, la piété, comme l'unique élément et l'indispensable condition de la liberté! Si une liberté sans piété est insuffisante et même malfaisante, une liberté réglée et soutenue par la piété peut seule suffire et devenir salutaire.


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III. SUFFIT-IL DE DÉCRÉTER L'ÉGALITÉ ?


Ainsi que la liberté, l'égalité est une des plus brillantes conquêtes du monde moderne, et une conquête dont rien désormais ne nous pourra dépouiller. Une seule et même loi, un seul et même droit pour tous les citoyens, pauvres ou riches, célèbres ou inconnus : voilà ce qui domine les codes des sociétés nouvelles, ou sert de base à leurs institutions. Cette égalité-là, il est juste de la proclamer et de l'appliquer de plus en plus ; car elle est la justice même, l'équité même.

Mais de même que la véritable liberté n'est pas la faculté de faire tout ce qu'on veut et comme on veut, ainsi l'égalité véritable n'est pas un brutal nivellement de tous les genres d'inégalités et de diversités. Le bon sens qui ne diffère pas de la justice, le bon sens que Dieu nous a donné pour nous diriger dans les affaires de la vie, n'exige-t-il pas que l'on distingue les inégalités illégitimes et pernicieuses des inégalités légitimes, naturelles ou personnelles, de ces inégalités impossibles à détruire, parce qu'elles ont été établies par l'auteur même de la nature? Reconnaissons donc deux sortes d'égalité : l'une, chimérique et subversive, c'est l'égalité qui repousse toute autre différence que celles de l'âge et du sexe, et qui voudrait prescrire à chacun la même portion d'aliments, le même genre d'existence ou de travail, peut-être le même costume et la même taille; - l'autre, réelle, désirable et bienfaisante, c'est-à-dire celle qui 'accepte, à côté de l'unité de loi et de l'identité de droit, la diversité des individus et des familles, la variété des forces et des moyens, la dissemblance des carrières et des travaux, la disproportion des biens et des fortunes.

Pourquoi faut-il maintenir cette seconde espèce d'égalité, autant qu'il faut condamner la première? Parce qu'il est impossible qu'une société subsiste sans certaines inégalités; parce que Dieu, en remplissant le monde et l'humanité de variétés et de contrastes, a voulu manifestement que l'inégalité fût un des éléments de la création.

Quelques exemples feront presque toucher au doigt cette importante, mais simple vérité.

Pour qu'une nation soit gouvernée, et il n'y a point de société sans gouvernement, ne faut-il pas des magistrats, des administrateurs, des fonctionnaires de plusieurs ordres? Ces magistrats ne doivent-ils pas être investis d'une autorité déterminée, dit droit d'ordonner, de commander à ceux d'entre leurs concitoyens qui ne sont pas revêtus des mêmes fonctions? Voilà donc une longue série de supériorités ou d'inégalités. Que si nous déclarons qu'en vertu du principe d'égalité nous n'obéirons pas à ces magistrats; qu'étant nos égaux, ils n'ont point de privilège, point d'empire sur nous; qu'enfin tous les hommes Sont également capables, et de se gouverner, et de régir l'État : où en sera la patrie ? ou en sera la paix qu'elle désire si ardemment? que deviendra la société?

Dans une famille, il y a le père et la mère; Dieu et la nature veulent qu'ils disposent du sort des enfants mineurs. Si ces enfants, entendant mal le principe d'égalité, se rient des ordres de leurs parents et s'estiment aussi habiles qu'eux, et aussi sages : qu'en arrivera-t-il de cette famille?

Partout vous rencontrez des hommes mieux doués, plus adroits, plus savants que beaucoup de leurs semblables; partout aussi quelques hommes qui s'élèvent au-dessus des autres par leurs vertus, leurs mérites, leur zèle pour Dieu et pour l'humanité, par leur désintéressement ou par leur piété.

Ces hommes-là, peut-être malgré eux, se distinguent de tout ce qui les entoure, et exercent une heureuse influence sur leurs voisins. Vous appuyant sur un faux principe d'égalité; vous venez les attaquer et les repousser. Nous ne voulons plus de ces distinctions-là, dites-vous. Ces hommes se retirent; mais en mettant un terme à leur influence, vous privez la patrie de ce qui faisait sa lumière et sa prospérité, son repos et sa gloire. Où donc conduirez-vous, la patrie? En méconnaissant les services rendus, en méprisant les titres justement acquis, en condamnant l'action légitime de la bienfaisance et du génie, de l'expérience et du dévouement, vous croyiez mettre en pratique le principe de l'égalité : vous vous trompiez, vous cédiez à un déplorable mouvement de jalousie ou d'envie, vous vous rendiez coupables d'une ingratitude puérile ou révoltante.

Vous le voyez donc, il ne suffit pas de décréter l'égalité civile et politique: il importe d'y joindre l'ambition d'une égalité plus haute, de l'égalité devant Dieu.

Qu'entendons-nous par cet amour de l'égalité devant Dieu? Rien autre chose que le besoin d'être, autant qu'il se peut, agréable à Dieu; par conséquent, le besoin de rivaliser dans l'accomplissement du devoir.

Or, comment pouvons-nous aspirer à cette égalité spirituelle? Dieu lui-même ne cesse de nous le dire : par la modestie et l'humilité, par la justice et la charité.

Celui-là sera le premier devant Dieu, qui aura voulu être le dernier devant le monde. Celui-là régnera qui n'aura cherché qu'à servir. Celui-là sera couronné de gloire, qui se sera abaissé volontairement et joyeusement renoncé.

Ne faisons pas aux autres ce que nous désirons qu'ils ne nous fassent pas! Dans ce conseil réside aussi le secret de la vraie égalité: le pratiquer, c'est nécessairement respecter tout ce qui est respectable; c'est regarder comme instituées par Dieu les autorités et les supériorités, soit naturelles, soit sociales. En effet, si vous étiez du nombre de ces autorités, de ces supériorités, vous ne voudriez pas qu'on vous méconnût et qu'on vous empêchât de remplir vos fonctions.

Alors nus ne serons pas équitables et justes seulement envers les inégalités avouées par la justice, envers la personne et le bien des autres, envers leur dignité, leur mérite , leur vocation; nous ne serons pas moins charitables et dévoués. Dieu ne veut-il pas que nous aidions nos supérieurs à s'acquitter clé leur devoir, ceux-ci à exercer la magistrature, ceux-là à diriger les diverses branches de l'administration, d'autres à se livrer à des professions utiles ou honorables, à édifier leurs semblables, à les guérir, à les secourir, à les servir de telle ou telle façon ? Dieu ne veut-il pas que nous ayons pour ces inégalités, non-seulement de la tolérance, mais de la bienveillance; non de l'indulgence uniquement, mais une sympathie agissante ? Notre bonheur, le bonheur public, dépend de ce concours fraternel et de cette touchante harmonie.

C'est donc l'acquisition de cette vertu-là qui importe aux citoyens libres. Là où elle ne domine pas, soyez-en persuadés, l'égalité n'est plus qu'une exigence appuyée sur un droit, à la vérité, mais toujours près de dégénérer en un principe de trouble et de discorde, et de plus en plus incompatible avec les meilleurs éléments d'union et de progrès.

Oh ! si nous pouvions nous pénétrer de cette vérité que l'on n'est l'égal d'un homme libre qu'en s'efforçant d'être l'homme le plus vertueux, un fidèle observateur des lois divines, le disciple le plus obéissant de la conscience droite et de la justice éternelle; si nous parvenions tous à comprendre que la vraie et durable égalité consiste d'abord à se tenir tous agenouillés devant un seul maître, à s'incliner tous volontairement devant ceux que ce maître invisible a chargés de le représenter, qu'il a choisis naturellement ou civilement pour nous commander : oh! alors, nous n'aurions qu'un coeur et qu'une âme, qu'une volonté et qu'une conscience ; alors, nous aurions concorde, paix et félicité!
Mais ce sentiment peut-il être allumé en nous et nourri par la simple proclamation de l'égalité civile et politique ? Il faut pour cela une autre influence, bien autrement pénétrante. Il faut la vive conviction de notre commune faiblesse, et celle du besoin universel de la miséricorde divine.

Celui qui saura nous donner cette conviction sérieusement , nous rendra un service inestimable : il. complétera l'oeuvre inachevée de nos constitutions sociales; il nous portera, nous poussera à la conquête de l'égalité morale et spirituelle, de l'union devant la justice divine, conquête nécessaire à l'utile influence de l'égalité devant la loi humaine, de l'unité du droit civil.

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