Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'Église triomphante

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DANIEL, chap. VII

Qu'adviendra-t-il de notre pays, des autres, des divers continents ? Qu'adviendra-t-il du peuple juif, de l'Église évangélique, de l'Église catholique, de l'islam ? Qu'adviendra-t-il du monde, de nous-mêmes et de nos enfants ? Ce serait folie de chercher une réponse à ce flot de questions ailleurs que dans la Bible. Il serait présomptueux, d'autre part, de nous représenter la situation de ce monde comme moins mystérieuse et moins insaisissable qu'elle n'est apparue au prophète Daniel - et cela spécialement dans ce chapitre.

Daniel voit d'abord une mer agitée (2). Un mouvement se produit aujourd'hui au travers de tous les peuples du monde. C'est une première constatation à faire. Où va ce grand courant et comment l'interpréter ? Ce courant monte-t-il ou descend-il, avance-t-il ou recule-t-il, va-t-il à droite ou à gauche ? Est-il un réveil ou peut-être un commencement de sommeil ? Cette lutte entre les peuples signifie-t-elle les douleurs de l'enfantement ou l'agonie ? Les tempêtes déchaînées sur la terre sont-elles les tempêtes d'automne ou celles du printemps ? Nous ne le savons pas, et nous ne devons probablement pas le savoir: « Malheur à celui qui pense savoir! » Nous constatons simplement qu'il ne se trouve pas de parole se rapportant mieux à l'état actuel du monde que celle du prophète : « Les quatre vents des cieux se précipitaient sur la grande mer» (2).

De la mer agitée des peuples, nous voyons émerger des formes et des figures. Nous ne savons ni ce qu'elles signifient, ni ce que nous devons en attendre. Ce sont des formes étranges et curieuses, des formes fantastiques. Jusqu'ici nous n'en avons pas vu de semblables et nous pensions, lorsque nous lisions les poèmes des races primitives, qu'il s'agissait de «contes et de légendes de l'antiquité, ou de superstitions du moyen âge dès longtemps disparues». Nous voyons, aujourd'hui, apparaître des figures qui n'existaient pas dans notre conception du monde : Figures étranges de lions et de léopards avec des ailes ou figures d'animaux à dix cornes. Nous voyons ce que nous, hommes cultivés du XXme siècle, n'aurions jamais cru voir. Nous avons vu une guerre mondiale, un bolchévisme mondial et un capitalisme mondial, nous avons vu une crise mondiale, paroxysme de la folie, provenant à la fois de la surproduction et du chômage.
Le mouvement mondial des sans-dieu s'est répandu, aujourd'hui, sur la surface de la terre et nous voyons se dessiner toujours plus nets les contours de l'État totalitaire moderne, qui se met à la place de Dieu. Les bêtes, à mesure qu'elles émergeaient de la mer mugissante, ont dressé la tête l'une après l'autre. Elles se sont approchées, comme des fantômes; les voici toutes proches. Nous ne savons qu'en penser. La description de Daniel nous fait dresser l'oreille lorsqu'il parle de l'ours: « Il avait trois côtes dans la gueule entre ses dents, et on lui disait: Lève-toi, dévore beaucoup de chair» (5). Il est dit du léopard: «Cet animal avait quatre têtes » (6). Ces têtes caractérisent vraisemblablement notre race; elles sont devenues notre orgueil et notre gloire, le symbole de nos peuples. Ce ne sont plus des têtes isolées; elles sont au nombre de quatre. Elles agissent en collaboration. Ce qui ne vient pas à l'esprit de l'une vient à l'esprit de l'autre. Quant aux gueules, elles appartiennent à chaque tête. Ce n'est pas par hasard qu'il est dit de la quatrième bête qu' « elle était redoutable, effrayante et extraordinairement vigoureuse » (7). Dans ce chapitre, il est question deux fois de cet animal qui « avait une bouche et parlait avec arrogance». Ces termes ne sont-ils pas transparents pour notre génération qui a vu se développer la presse mondiale, les possibilités insoupçonnées de la publicité, et la propagande de la radio ?

Ces interprétations particulières peuvent se révéler justes ou fausses, mais il est certain que la vue d'ensemble donnée par Daniel sur la situation actuelle du monde provient d'une révélation qui domine l'histoire : le monde est une mer houleuse hors de laquelle des monstres hérissent leur crinière.

Ce n'est pas là toute la vision de Daniel. Le prophète voit au delà de cette sombre réalité une perspective plus douce. Au-dessus de la mer et des bêtes apparaît un trône « duquel sortait un torrent de feu, et dont les roues étaient comme un feu ardent » (9.) Et sur ce trône environné de feu, Daniel voit un être qu'il nomme mystérieusement «l'Ancien des jours » : « Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête comme de la laine pure » (9). Cette scène étrange prend pou à peu figure d'une audience de tribunal. Autour du trône apparaissent «les dix mille milliers de serviteurs» et, devant « l'Ancien », des myriades de myriades se tiennent debout. « Alors, les juges s'assirent et les livres furent ouverts » (10).

Prêtons l'oreille ! Dieu nous parle comme un Père qui s'adresse avec amour à son fils dans l'épreuve, lui donnant l'assurance qu'il vit encore. N'est-ce pas pour nous effrayer que les bêtes qui surgissent de l'abîme se présentent à nous avec un aspect divin et avec la prétention de s'asseoir sur le trône de Dieu lui-même ? Le prophète arrive et nous dit alors : «Je regardais, à cause des paroles arrogantes proférées par la corne; et je vis que l'animal fut tué, que son corps fut livré au feu pour être brûlé. Quant aux autres animaux, toute puissance leur fut aussi enlevée, mais une prolongation de vie leur fut accordée jusqu'à un temps déterminé » (11 et 12).

« Une prolongation de vie est accordée aux bêtes» et cela uniquement jusqu'au temps fixé par « l'Ancien qui est assis sur le trône ». Le trône de Dieu est dressé sur les peuples et sur les chefs d'État. Ce n'est pas aux peuples, mais à Dieu de décider de la victoire de telle ou telle des bêtes. À la fin des temps, aucune des bêtes ne vaincra, si puissant et si long que soit son règne; le dernier triomphateur sera celui «qui est assis sur le trône». Toutes les bêtes seront à ses pieds «mais une prolongation de vie leur fut accordée jusqu'à un temps déterminé». Seule cette parole de «l'Ancien assis sur le trône», au-dessus des événements du monde, rendra l'Église triomphante.

Tant que nous demeurons en ce temps et en ce monde, le trône de Dieu, dressé au-dessus de la mer et des bêtes, restera un mystère pour nous. Ce que le prophète dit du trône «dressé éternellement » ne saute pas aux yeux. Il n'est pas surprenant que Daniel trouve à peine les mots pour le dire et conclue ainsi ce chapitre : «Quant à moi, Daniel, mes pensées me troublèrent beaucoup. Je changeai de couleur et je conservai le souvenir de ces faits dans mon coeur » (28).

Lorsque nous parlons ici de l'Église triomphante, nous ne devons pas oublier un seul instant que c'est Dieu qui triomphe, non pas les hommes.

L'Église triomphante vit, ici-bas, parla foi et non par la vue. Il s'agit ici des mystères insondables que seule saisit la foi, la foi de ceux qui demandent quotidiennement: « Seigneur, fortifie notre foi ».

Le mystère le plus douloureux que nous révèle ce chapitre sur l'Église triomphante est le fait que Dieu tolère la mer en furie et qu'il permet que mainte petite embarcation, sortie du port pleine d'espoir, soit engloutie. Nous voyons également qu'une prolongation de vie est accordée « aux bêtes », un temps déterminé pour prononcer des paroles arrogantes, pour dévorer, pour fouler aux pieds et, par-dessus tout, pour se glorifier de leurs succès. Dieu permet le triomphe momentané du mal dans le gouvernement du monde. Dieu conduit souvent les bêtes hors de l'abîme, brides abattues, comme si elles n'étaient tenues par aucune main. C'est uniquement au croyant que s'adressent ces paroles du prophète que la foi seule peut saisir : «une prolongation de vie leur fut accordée jusqu'à un temps déterminé». C'est uniquement parce que l'Église a cette foi qu'elle est triomphante.

Sous quelque aspect que nous considérions le monde, nous ne voyons que la mer et les bêtes. Mais, dans l'Écriture sainte, dans la Parole de Dieu, le mystère divin nous est révélé que Dieu est au pouvoir, lors même que tous les diables triompheraient ici-bas. Il y a une candeur qui n'est pas permise au chrétien, celle de fermer les yeux devant les signes des temps. La lecture des journaux est certes aussi un devoir chrétien. Mais nous savons que les journaux ne peuvent jamais nous montrer autre chose que la mer et les bêtes. La Bible, par contre, nous montre de la première à la dernière page «l'Esprit qui se meut au-dessus des eaux», le trône dressé au-dessus de la mer et la main mystérieuse qui tient à la fois toutes les rênes, non seulement celles des grandes bêtes, mais aussi les fils ténus de nos destinées personnelles.

La vision du prophète contient encore un troisième trait. Daniel voit, au milieu de ce monde chaotique, une multitude qui croit réellement au Dieu Tout-Puissant. Il voit cette multitude livrée à la plus féroce des bêtes, la quatrième, dont il est dit: « Elle proférera des paroles contre le Très-Haut, elle opprimera les saints du Très-Haut, et elle formera le dessein de changer les temps et la loi» (25). Nous connaissons l'esprit qui « change les temps et la loi ».

C'est non seulement l'esprit bolchévique, mais le nôtre, c'est, en un mot, l'esprit du siècle. Nous vivons dans un temps où la femme se transforme en homme, l'enfant en adulte, l'adulte en enfant, l'été en hiver, le jour en nuit et la nuit en jour. Nous changeons à notre gré les rythmes fixés par le Créateur.

L'Église sera livrée entre les mains de cette bête pendant «un temps, des temps, et la moitié d'un temps » (25). La volonté sainte de Dieu nous apparaît ici sombre et incompréhensible. Il a souvent semblé que Dieu fût impuissant à venir au secours de son Église. Mais une mère oublierait plutôt son enfant que Dieu n'oublierait les saints. Dieu connaît l'épreuve des croyants à qui l'on dit dans le monde : «Où est ton Dieu ? » Le temps est fixé pendant lequel la bête ose établir son triomphe sur l'Église, comme l'Écriture nous le dit « jusqu'au moment où l'Ancien des jours étant venu, le pouvoir de juger fut donné aux saints du Très-Haut qui entreront en possession du royaume» (22). Le prince de ce monde est déjà jugé, un seul mot peut le faire tomber.

Cette vision du triomphe définitif de Dieu sur toutes les bêtes se condense dans l'apparition soudaine d'un être qui se trouve aux côtés de l'Ancien assis sur le trône. « Je regardais pendant cette vision nocturne et voici, je vis quelqu'un de semblable à un fils d'homme; il s'avança sur les nues des cieux, arriva jusqu'à l'Ancien des jours, et on le fit approcher de lui» (13).

L'Ancien des jours rend le gouvernement à ce fils de l'homme: «Il lui donna la puissance, la gloire et la royauté; et tous les peuples, nations et tribus de toutes langues se mirent à le servir. Sa puissance est éternelle, elle ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit » (14). Ici, l'oeil du prophète s'ouvre sur Jésus-Christ, le Chef de l'Église. Il n'y a qu'un trône éternel, celui dont parle le Christ, dans le chapitre XXV de Matthieu. «Le soir et la nuit vont venir, mais le matin aura le dernier mot.» Lorsqu'au matin du dernier jour « le Fils de l'Homme » viendra sur les nuées du ciel, il marquera la fin de toutes les nuits et de toutes les obscurités. « Toutes les nations seront assemblées devant lui. » Les douleurs qui accablent aujourd'hui l'Église et qui fondent sur la communauté sont les douleurs de l'enfantement du dernier jour où «les justes brilleront comme le soleil dans la maison de mon Père ». Les tempêtes se sont élevées comme les tempêtes de l'arrière-saison, mais, pour le Christ et pour ceux de son royaume, elles signifient les orages du printemps. Notre regard ne voit pas, dans la Parole de Dieu, «le déclin de l'occident», mais l'aube du Royaume de Dieu. «Instruisez-vous d'une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres et qu'il pousse des feuilles, vous savez. que l'été est proche. Vous aussi, de même, quand vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l'Homme est proche, qu'il est à la porte» (MATTH. XXIV). L'Église triomphante est en même temps l'Église qui vient, celle qui « descendra du ciel comme une épouse qui s'est parée pour son époux» (AP. XXI, 2).

Parce que l'Église croit au triomphe de son Seigneur de gloire qui descendra sur les nuées, elle est taxée aujourd'hui de folie et de présomption. Elle envoie ses messagers annoncer la venue du Royaume de Dieu et la venue du Fils de l'Homme, à qui est remise la puissance sur les monstres qui sortent de la mer en furie. L'Église entend les mugissements de la mer démontée. Elle voit l'embarcation danser comme une coquille de noix sur les flots, au péril d'être engloutie et dévorée par les monstres marins; mais elle sait que la victoire finale appartient au Fils de l'Homme. C'est pourquoi elle est triomphante. Il est vrai que la voix du monde retentit avec tant d'arrogance qu'elle couvre le témoignage de l'Église. Mais celle-ci sait que la petite voix qui vient de la crèche de Bethléem, que le râle qui vient de la croix et le cri de victoire du Ressuscité réduiront au silence «la bouche qui parle avec arrogance», «car sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas et son règne ne sera jamais détruit» (14).

C'est la grande vision autour de laquelle gravite le message du prophète Daniel. Elle nous montre trois choses :

1) la mer tumultueuse des peuples et les bêtes qui émergent de la mer;
2) le trône du Très-Haut qui exerce le jugement et le Fils de l'Homme à qui le pouvoir est donné;
3) l'Église persécutée, mais triomphante par la foi.

Ce dernier point pourrait nous donner de l'inquiétude. Mais nous savons que le Fils de l'Homme est en même temps le Chef et le Berger de l'Église. Le berger voit venir le lion, l'ours, le léopard et la quatrième bête, mais il ne fuit pas, «Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là, il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul berger » (JEAN X).

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