Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Le ministère de l'Eglise

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DANIEL, chap. V

Ici, nous sommes en pleine nuit. La lueur lointaine d'une étoile brillait encore sur le roi Nébucadnetsar. Sur son fils Belsatsar, c'est la nuit sans étoile, irrémédiablement noire. Mais sur ces ténèbres, l'appel d'En-Haut retentit : « Lève-toi, sois éclairé, car la lumière arrive et la gloire de l'Éternel se lève sur toi».

Dans ce cinquième chapitre du livre de Daniel, nous sommes non seulement dans la nuit, mais dans les ténèbres. L'obscurité est telle que nous pouvons nous demander si nous reverrons jamais le jour. Mais nous ne pouvons l'affirmer sans ajouter aussitôt : «Voici, les ténèbres couvrent la terre et l'obscurité le peuple, mais sur toi l'Éternel se lève, sur toi sa gloire apparaît ».

N'oubliez pas la lumière ! «La lumière luit dans les ténèbres. » Mais «les ténèbres ne l'ont point reçue ». Il y a des ténèbres, qui «ne reçoivent pas ». Et il s'agit ici de ces ténèbres-là. Ces ténèbres sont si profondes que seule l'Écriture peut en révéler de pareilles. Mais, pour l'Église, cela signifie qu'au delà de toutes les impossibilités humaines, quelqu'un habite une lumière inaccessible ! Parce qu'ici règnent la nuit et les ténèbres, l'Église doit croire. Là où une telle perdition se manifeste, la main de l'homme ne peut que chercher, en tâtonnant, la main du Sauveur. Voilà pourquoi il est impossible de lire ce chapitre sans regarder continuellement à Jésus-Christ. Chaque mot et chaque syllabe vont au-devant du Sauveur, au-devant de Noël, de Vendredi-Saint et de Pâques, de l'Ascension et de Pentecôte.
Le Christ est annoncé ici.

Dès le début du chapitre, nous sommes plongés dans la nuit, et un tableau de dépravation profonde se déroule à nos yeux. « Le roi Belsatsar, un dernier rejeton de la dynastie de Nébucadnetsar, donna un festin à ses grands, au nombre de mille, et il but du vin en leur présence» (1). Avec Belsatsar et ses mille grands, s'enivrent également leurs « femmes et leurs concubines». À travers cette cour royale, nous jetons un coup d'oeil sur le monde, tel qu'il était au moment suprême qui précède le déclin. Le mal s'est développé cyniquement. Il n'y a plus de retenue. Le péché est au point où la maturité offre des signes de putréfaction. Et maintenant, il suffira d'un rien pour qu'arrive le saut dans le vide. Pendant ce festin de Belsatsar - qui n'est pas un personnage quelconque, mais le représentant d'un peuple, qui, comme lui, est mûr pour le jugement - il règne une atmosphère d'orage, comme aux jours de Sodome et Gomorrhe, comme au temps de Noé, où «ils mangeaient, buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants jusqu'à ce que le déluge vînt et les emportât tous». Nous avons souvent l'impression qu'un vent pestilentiel souffle de nos jours. À l'époque de Belsatsar, le déluge fit irruption. À la mort de Nébucadnetsar, nous voyons les constructions érigées par lui pendant quarante-trois années, puissance et gloire de Babylone, qui commencent à s'écrouler. «Le sable du désert s'étend comme un linceul sur les ruines. »

Mais nous n'en sommes pas encore là. La longanimité et la patience de Dieu retiennent encore ce monde de mort. Il est suspendu comme à des fils ténus. C'est encore pour Belsatsar l'heure du salut. Il lui reste la promesse faite aux péagers et aux pécheurs. L'appel à la repentance et à la conversion lui est encore adressé. «Comme Jésus était à table dans la maison de Lévi, beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie se mirent aussi à table avec lui et avec ses disciples. Les scribes et les pharisiens virent cela et ils dirent à ses disciples : Pourquoi mange-t-il et boit-il avec les publicains et les gens de mauvaise vie? Jésus, prenant la parole, leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. »

Le Christ ne s'arrête pas au seuil de la salle du trône - large de dix-sept mètres et longue de cinquante-deux mètres, aux parois blanchies à la chaux, comme l'attestent les fouilles de la Babylone disparue, salle dans laquelle Belsatsar prit son dernier festin avec ses mille grands - le Christ entre dans la salle. L'Évangile des péagers et des pécheurs s'adresse également à cette salle de fête. Le fait que Jésus ne s'arrête pas sur le seuil des salles de Belsatsar nous est montré aujourd'hui - d'une manière moins frappante mais pourtant visible - par un petit ruban bleu à la boutonnière d'un jeune homme qui se sait appelé par le Christ à livrer combat contre le fléau de l'alcool et les pièges des femmes; ou par une salutiste qui se tient au coin de la rue.

Je garderai toujours le souvenir d'un soir de Pentecôte à Hambourg. Nous nous rendions au bord de la mer lorsque nous vîmes, en passant dans le quartier du port, des soldats de l'Armée du Salut (hommes et femmes) pénétrer dans les salles de Belsatsar comme des pompiers qui vont chercher des sinistrés. Ce fut pour nous une preuve que le Christ est plus grand que la perdition de Belsatsar. De même, le Christ ne s'arrête pas lorsque, vers minuit, les salles de festin commencent à se vider et qu'un esclave de Belsatsar rentre chez lui en titubant. On rencontre parfois, dans la cure d'âme, des femmes ou des mères qui, depuis des années, des décennies, se tiennent aux côtés d'un Belsatsar et, chaque matin, élèvent l'étendard de la foi. La couronne de vie est promise à la foi qui persévère. Belsatsar nous est donné afin qu'au travers de lui notre foi grandisse et que la gloire du Sauveur soit manifestée.

Mais « le grand festin » de Belsatsar ne peut en aucune sorte se terminer dans le vin, les femmes et les chants. Un Belsatsar ne pouvait continuer sa fête par des moyens aussi communs. Une attraction, qui stimule le système nerveux, devait être offerte aux hôtes et marquer le point culminant du banquet. Belsatsar fait apporter les vases précieux que son père (chapitre I, verset 1) avait, en son temps, enlevés du temple de Jérusalem comme butin de guerre. Ces coupes passent à la ronde parmi les mille grands, les femmes et les concubines; des remarques impies accompagnent cet acte ignoble.

Ce sacrilège aurait dû provoquer le châtiment de Dieu. Mais Dieu attend. Il peut attendre. Chacun de ces êtres frivoles peut absorber la boisson infâme et aucun d'entre eux n'est frappé, sur le coup, d'apoplexie.

La longanimité et la patience de Dieu sont grandes.

Mais nous devons immédiatement ajouter: Dieu attend, non seulement là où l'ivresse insensée et l'hallucination ont balayé toutes limites, mais là aussi dans les lieux décents où son nom est pris en vain. Les vases de Dieu peuvent être souillés avant même que Nébucadnetsar ne les ravisse du Temple et avant même que les serviteurs de Belsatsar ne les placent sur la table du festin. Dieu doit user d'autant de patience avec ceux qui se rendent au temple qu'avec ceux qui se rendent au festin. Même les mains du prêtre ne sont pas pures. Les mains qui saisissent les ustensiles des temples et les lèvres qui se portent au bord des coupes sacrées ne peuvent être que des mains et des lèvres impures.

L'accès à la table de communion est ouvert même à la troupe de Belsatsar, sinon, quel pasteur pourrait distribuer le pain, quel ancien d'Église pourrait tenir la coupe, quel sacristain pourrait verser le vin et quel membre d'Église pourrait approcher de la table de communion ? Il n'y a point de chrétien qui, un jour ou l'autre, ne se soit assis à la table de Belsatsar. Le pardon de Dieu s'étend même bien au delà de Belsatsar, jusqu'à cette sombre nuit dans laquelle Judas eut libre accès à la Sainte Cène et entendit un dernier appel à la Vie. Le bon Berger cherche ses brebis dans l'abîme le plus profond.

Mais, tandis que « le grand festin» a atteint son point culminant, Dieu intervient et présente un numéro inédit au programme du festin de Belsatsar. «En ce moment, on vit paraître les doigts d'une main d'homme, et ils écrivirent, en face du candélabre, sur la chaux de la muraille du palais royal» (5). Dieu dans sa bonté présente un signe avertisseur. Maintenant encore, Dieu veut avertir; avertir et non pas détruire. Il est encore temps pour Belsatsar de voir et d'observer les signes de Dieu, annonçant que l'heure a sonné pour lui et pour sa race. C'est encore le temps de la grâce pour le palais de Babylone. Dans la parabole, le maître sort encore à la onzième heure pour louer des ouvriers dans sa vigne. Dans l'économie de Dieu, il y a la grâce de la onzième heure, la grâce du brigand sur la croix. Cette grâce est offerte à Belsatsar, à ses mille grands, à ses femmes et à ses concubines, à toute sa race. C'est à cette fin que les doigts apparaissent sur la muraille du palais royal. «L'un des malfaiteurs crucifiés l'injuriait, disant: N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous ! Mais l'autre le reprenait, et disait : Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation ? Pour nous, c'est justice, car nous recevons ce qu'ont mérité nos crimes; mais celui-ci n'a rien fait de mal. Et il dit à Jésus : Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne. Jésus lui répondit : Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. »

Cette grâce est accordée au roi et à sa génération, par cette main, sur la paroi de la salle du festin. Belsatsar, arrête-toi ! le temps presse ! Il est passé onze heures et l'aiguille avance sur le cadran !

Quel fut l'effet produit ? « Alors Belsatsar changea de couleur et ses pensées le troublèrent ; les jointures de ses reins se relâchèrent et ses genoux se heurtèrent l'un contre l'autre » (6). Plus tard, lorsque les savants de la cour ne purent donner l'interprétation du signe au roi, il nous est dit encore: «Sur quoi Belsatsar fut très effrayé, il changea de couleur, et ses grands furent consternés» (9). L'effet produit par le signe est la frayeur, une frayeur à bon marché, rien de plus. Mais Dieu ne veut pas effrayer Belsatsar. Il attend autre chose de lui, quelque chose de plus grand et de plus magnifique, Dieu veut conduire Belsatsar à la repentance, à la conversion et à la vie éternelle. Mais Belsatsar ne veut pas la repentance. Il veut s'en tirer à meilleur compte, il veut seulement être effrayé, ainsi que sa génération. Fanfaron, Belsatsar entend encore jouer son rôle de roi qui consiste à distribuer «la pourpre et les colliers en or» et à conférer les dignités, les ordres et les charges (16). Il a toujours encore les mains pleines et il n'a pas encore remarqué qu'il serait temps de tendre une main de suppliant. Celui qui veut toujours distribuer n'est pas encore mûr pour recevoir.
Belsatsar est endurci.

La bonté de Dieu ne connaît pas de limites. Elle surpasse tout ce que nous, hommes, pouvons imaginer. Mais cependant, au delà de notre connaissance, il y a une limite à la bonté de Dieu. Car, à la longue, Dieu ne permet pas qu'on se moque de lui. Le jour vient où Dieu dit : «C'est assez». Il nous est dit, dans une parabole : «Pendant qu'elles allaient acheter de l'huile, l'époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas».
Il y a un moment mystérieux où la porte se ferme.

Mais, en vérité, avant que la porte du palais se referme à tout jamais sur Belsatsar et sur sa génération, elle s'ouvre encore une fois. La longanimité et la patience de Dieu sont presque scandaleusement inouïes. La reine-mère entre dans la salle. Jusqu'ici elle n'a pas encore pris part au banquet. Elle a fait ce qu'une mère fait lorsque son fils s'adonne à la boisson et aux pièges des femmes. Elle veille.

Elle apparaît comme un ange au milieu de la consternation générale. Elle est véritablement un ange, une messagère de Dieu qui offre une suprême fois sa grâce.
Elle rappelle à Belsatsar un homme qu'il a oublié depuis longtemps, « du temps de ton père, on trouva chez cet homme des lumières, de l'intelligence et une sagesse semblable à la sagesse des dieux» (11). Cet homme oublié, c'est Daniel. Et Daniel vit, même s'il est oublié. Daniel représente l'Église de Dieu à la cour de Belsatsar. Daniel peut attendre, jusqu'au jour de la grande frayeur: à ce moment-là on l'appellera. Belsatsar se déclare prêt à entendre l'homme Daniel. Mais il veut le rendre maniable et, dans sa grande condescendance, lui décerner «la pourpre et le collier d'or».

Dans les premiers jours du mois d'août 1914, Belsatsar a de même recherché Daniel, lorsque, pendant une brève période, les églises se remplirent jusqu'à la dernière place. Mais ce ne fut pas un jour de repentance et de vie, ce fut une faiblesse de nerfs passagère.

Maintenant Daniel remplit sa charge. Il repousse la main généreuse de Belsatsar par ces mots « Garde tes dons, et accorde à d'autres tes présents» (17). «Tu n'as pas humilié ton coeur quoique tu fusses instruit de tout cela, que tu susses ce qu'il lui advint et que tu visses que Dieu ne permet pas qu'on se moque de lui. C'est pourquoi, non à cause de tes péchés, mais à cause de ton endurcissement, Dieu a compté les années de ton règne et y a mis fin. Tu as été pesé dans la balance, tu as été trouvé trop léger, et Dieu t'a rejeté. Ton royaume sera supprimé. « Mene, tekel, U-pharsim», telle est la signification de cette parole tracée sur la muraille.» (22-28.)

Soudain, la nuit descend sur Belsatsar et sur sa génération. C'est la nuit des « ténèbres extrêmes » dans laquelle, selon le témoignage de l'Écriture «il y aura des pleurs et des grincements de dents », la nuit dont il est dit: «Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée ». C'est la nuit que nous ne pouvons pas un instant considérer en face sans regarder au crucifié.
«Cette même nuit, Belsatsar, roi des Chaldéens, fut tué » (30).

Nous venons de fêter Pentecôte et nous avons lu: « Après avoir entendu ce discours, ils eurent le coeur vivement touché, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres Hommes frères, que ferons-nous ? Pierre leur dit Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appelle. Et par plusieurs autres paroles, il les conjurait et les exhortait, disant. Sauvez-vous de cette génération perverse. »

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