Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'Église dispensatrice des mystères de Dieu

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DANIEL, chap. II

Lorsque les tyrans ont de mauvais rêves, Dieu est à l'oeuvre. Tandis que Joseph languissait dans sa geôle égyptienne, Dieu le libéra en envoyant un songe troublant à Pharaon. Nous lisons également au début de ce deuxième chapitre du livre de Daniel: «La seconde année du règne de Nébucadnetsar, Nébucadnetsar eut des songes. Il avait l'esprit agité et ne pouvait dormir» (1). Lorsque Dieu effraye Nébucadnetsar par des songes, l'heure de Daniel est venue; car Daniel vit à la cour du roi en qualité de « dispensateur des secrets de Dieu ».

Ce roi troublé nous semble bien proche, lorsqu'il se présente à nous avec cette plainte désespérée: «J'ai fait un songe et mon esprit est tourmenté par le désir de comprendre ce songe» (3). Après avoir demandé quel était le contenu du songe qui lui a échappé, il ajoute: «Ce fut un songe horrible». Combien nous sommes près d'éprouver les mêmes angoisses! N'est-ce pas exactement notre état d'esprit en face des événements mondiaux, dont nous avons été les témoins dans les dernières décades ? Le passé le plus proche est-il autre chose à nos yeux qu'un cauchemar ? Nous avons vu un monde dans lequel les événements se pourchassaient, tantôt clairs comme le jour, tantôt inconsistants comme un rêve. Il est impossible de saisir le chaos des événements et de l'ordonner en un tout logique. Nous avons eu un songe, nous aussi, notre esprit est troublé et nous voudrions en saisir le sens. Mais «le songe nous a échappé ».

Peu importe quand et où Nébucadnetsar a vécu et fait ce songe. Nous contemplons son visage par delà les âges. Nébucadnetsar est l'un des nôtres. Il pourrait, ce matin, prendre place à côté de toi. Oui, toi et moi, nous sommes ce roi. Ce que Nébucadnetsar fait dans son désarroi correspond à ce que nous faisons nous-mêmes. Il appelle à son aide les Chaldéens, les sages, l'élite intellectuelle de son peuple et de son temps. « Il fit appeler tous les magiciens, les astrologues, les enchanteurs et les Chaldéens pour lui rappeler son songe » (2). Mais ils ne peuvent lui prêter secours. Ils sont, eux-mêmes, aussi perplexes que lui et ils doivent en convenir: «Ce que le roi demande nous dépasse; il n'y a personne qui puisse répondre au roi, excepté les dieux, dont la demeure n'est point parmi les mortels » (11).

Depuis combien de temps déjà faisons-nous appel aux Chaldéens, aux sages, aux puissants, aux professionnels et aux experts! Où donc est l'élite de la nation ? Elle s'avère impuissante. Attendre l'aide des sages et des intelligents et désirer leur secours serait une folie égale à celle du roi Nébucadnetsar lorsqu'il fait appel aux Chaldéens.

Ce chapitre relate une époque sinistre. Ici encore nous ne pouvons que répéter en tremblant: Oui, il en a été de même chez nous. N'avons-nous pas précisément vu et vécu ceci, dans les décades précédentes ? Le roi rendu perplexe s'impatiente et fait des menaces. Lorsque les experts se récusent, Nébucadnetsar a recours à la force. Il menace l'élite d'un massacre. C'est exactement la marche que les événements ont suivie et la voie qu'ils continueront à suivre.

Qu'il s'agisse des révolutions d'en-haut ou d'en-bas, de celles de droite ou de gauche, le dernier argument humain est symbolisé par le poing. Lorsque les Chaldéens échouent et que la raison humaine demeure impuissante, alors le règne de la violence commence. Or nous voyons ici que le recours à la violence est toujours le symptôme d'une dernière impuissance et d'un total effondrement. Quand éclate l'incapacité de l'intelligence humaine, l'heure de la police secrète est venue. Lorsque les Chaldéens se récusent, surgit le bourreau Arjoc, «Arjoc, chef des gardes du roi» (14). Ne pensons pas à ce qui se passe au delà des Alpes ni au delà du Rhin ! Chez nous, chez moi et chez toi, les Chaldéens se sont récusés. Nous, toi et moi, nos Confédérés de droite et de gauche, nous sommes au bout de notre latin. Nous sommes parvenus à l'extrême limite, là où commence le règne de la violence.

Or l'homme appelé Daniel « l'un des prisonniers de Juda » (25) vit à la cour du roi. Il voit venir l'heure fatale. Mais, là où les Chaldéens se sont récusés, cet homme a reçu la mission de voir et de montrer un chemin, non celui de la chair et de la violence, mais celui dont il est dit : « Ton chemin était dans la mer, et ton sentier dans les grandes eaux, mais cependant on n'apercevait pas ton pied» (Ps. 77).

Daniel est poussé à prier. Il implore Dieu pour qu'Il lui accorde une parole claire à apporter au roi irrité. Daniel ne prie pas seul. Il s'unit dans la prière aux trois hommes qui invoquent le même Dieu. « Daniel alla ensuite dans sa maison, et il informa de cette affaire Hanania, Misaël et Azaria, ses compagnons, les engageant à implorer la miséricorde du Dieu des cieux... » (17).

En réponse à la prière, Daniel a une vision pendant la nuit. Cette vision lui donne un message à présenter au roi le matin suivant. Il a peine à contenir sa joie. Précisément là où la sagesse humaine fait défaut, surgit la sagesse divine. Il en est un qui possède la lumière, alors que, nous autres humains, ne discernons que ténèbres.

Cette certitude que Daniel communique ce matin-là à ses compagnons de prière, avant de se présenter devant le roi, s'énonce en paroles saisissantes : «Béni soit le nom de Dieu, d'éternité en éternité; car c'est à lui qu'appartiennent la sagesse et la force ! C'est lui qui change les temps et les circonstances, qui dépose les rois et qui les élève ; qui donne la sagesse aux sages et la science aux intelligents. C'est lui qui révèle les choses profondes et cachées. Il connaît ce qui est dans les ténèbres, et la lumière réside avec lui» (20-22).

C'est pourquoi Daniel se rend auprès du roi et rend son témoignage; un témoignage qui pourrait lui coûter la vie et que nous serions tentés de qualifier de téméraire. Seulement il ne s'agit pas ici de courage humain ni d'héroïsme, mais bien d'un chemin tracé et préparé par Dieu, celui qu'un homme suit dans la faiblesse. L'obéissance de la foi est plus que de la vaillance, parce qu'elle est un don de Dieu. Tout est don : la personne de Daniel, aussi bien que ce qu'il possède.

Il lui est donné de tenir devant le roi un langage clair et sans déguisement. Daniel commence par dire au roi que personne parmi les Chaldéens n'a été capable de révéler l'énigme « car cela n'est pas en leur pouvoir » (27). Daniel les prend sous sa protection. Le roi leur a demandé l'impossible. «Mais il y a un Dieu dans les cieux » (28) qui a donné à Daniel cet impossible. Que le roi détourne ses regards de Daniel pour les porter sur le dispensateur de ce don! C'est pourquoi il déclare : «Ce n'est pas qu'il y ait en moi plus de sagesse que chez les autres hommes... » (30) mais ce qui était impossible aux hommes est rendu possible par la miséricorde de Dieu.

Le songe qu'il peut maintenant décrire au roi est surprenant: «Une statue immense, haute et d'une splendeur extraordinaire, se dressait devant toi et son aspect était terrible » « La tête de cette statue est d'or fin; sa poitrine et ses bras d'argent; son ventre et ses reins d'airain; ses jambes, de fer; et ses pieds, en partie de fer et en partie d'argile. Tu regardais la statue quand une pierre se détacha sans le secours d'aucune main... » (32-34). «La pierre frappa les pieds de fer et d'argile, et elle les brisa. Alors le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or furent brisés en même temps et, pareils à la balle qui s'envole de l'aire au temps de la moisson, ils furent emportés par le vent » (35). Daniel peut, il est vrai, dire au roi : « C'est toi qui es la tête d'or» (38). Faible consolation, puis qu'il ajoute aussitôt : «La pierre brisera tout, même la tête d'or ! »

On s'est creusé la tête pour savoir quels étaient ces empires mondiaux. Il est certain qu'il s'agit de puissances réelles, mais leurs noms importent peu. Cette statue dépeint toutes les puissances politiques et les ruses sataniques qui éclatent toujours à nouveau. La vision de Nébucadnetsar est le pur miroir des peuples. Il reflète l'image des nations telles qu'elles nous sont apparues au siècle précédent et dans les dernières décades. Nous avons vu des pays, des peuples et des races qui ressemblaient à la tête d'or. Souvent nous avons nous-mêmes chanté : «Voici l'âge d'or, les roses fleurissent ». Mais les roses se sont effeuillées et le vent les a emportées! Ainsi la tête d'or fin sur des pieds d'argile fut brisée par une pierre. Nous avons vu et voyons encore des pays, des peuples et des races qui sont de fer et de pierre, chanter et dire: «Le Dieu qui fit le fer ne voulut point d'esclaves » (1*). Mais la pierre qui se détache sans le secours d'aucune main brise aussi la race de fer. Qu'ils soient d'argile ou de fer, d'airain, d'argent ou d'or, tous s'élèvent sur des pieds d'argile et, après avoir été frappé par la pierre, aucun d'eux ne pourra se relever.

Nous avons vu cette pierre se détacher et nous avons entendu son roulement à travers les peuples du monde entier. Nous l'avons vue, mais non seulement en spectateurs. Chacun de nous a eu son petit royaume. La pierre a passé également sur nos royaumes privés, ceux d'or et ceux d'argent, ceux de fer et d'argile. Nos dispositions, nos domaines privés, nos capitaux et nos placements - l'or et l'argile, peu importe -, tous n'ont-ils pas été ébranlés par la pierre qui roule à travers les décades ? Ici il ne s'agit plus seulement d'un rêve. Cette pierre du jugement divin roule à travers notre époque. C'est la connaissance claire et nette qui découle, ici, du message prophétique de Daniel. À cette lumière nous reconnaissons la gravité du temps présent, la signification de l'époque actuelle.

Mais, Dieu soit loué ! ce n'est pas là toute la révélation qui fut donnée au prophète. La pierre du jugement divin a un but. Elle ne roule pas aveuglément et accidentellement à travers les âges et n'exécute pas machinalement son oeuvre de destruction. La pierre a un but qui lui est assigné. Si même notre oeil ne voit pas la main qui la détache, elle est cependant dirigée. La pierre du jugement divin n'anéantit pas les royaumes de ce monde pour le plaisir de détruire, mais pour faire place au royaume éternel. De même si nos petits royaumes d'argent, d'or ou d'argile sont détruits, si dur que cela nous paraisse, aux yeux de Dieu cela signifie faire place nette pour le royaume de Dieu. Dans l'oeuvre de destruction de cette pierre se montre la jalousie de Dieu. «Car, moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux.» La chute de cette pierre est semblable à celle d'une avalanche : Le tonnerre remplit d'effroi hommes et bêtes. Mais cependant le tonnerre, où qu'on l'entende, est un signe de la disparition de l'hiver, un signe précurseur de la victoire sur la glace et sur la neige, un avant-coureur du printemps, même si la terre est encore profondément enfouie sous «la neige éternelle».

Oui, la pierre qui « se détache sans le secours d'aucune main » fraye la route à la domination éternelle de Dieu, si bien que Daniel en conclut que cette pierre elle-même est le royaume de Dieu. Ce n'est pas sans raison qu'il a vu dans cette vision comment la pierre qui avait frappé la statue « devient une grande montagne et remplit toute la terre » (35). La pierre que Daniel voit, dans sa vision prophétique, rouler sur les peuples pour les détruire, reçoit subitement la mission de reconstruire. Jésus-Christ, la pierre de l'angle, paraît ici dans le champ de vision de la prophétie. Il est «la montagne qui remplit toute la terre ». À qui penserions-nous, sinon à Christ, lorsque nous entendons le prophète exprimer une parole que ni la chair ni le sang n'ont pu lui révéler et autour de laquelle gravite tout ce chapitre ? «Au temps où régneront ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, un royaume dont la domination ne passera jamais à un autre peuple; il brisera et anéantira tous les autres royaumes et lui-même subsistera éternellement» (44).

Il n'est pas donné à Daniel de voir comment la pierre de destruction devient une montagne «qui remplit le monde entier ». Il y a une lacune dans le songe. Cette lacune est comblée par le message du Nouveau Testament. Là, nous saisissons comment, d'après la détermination mystérieuse de Dieu, la pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle. En Jésus-Christ, la destruction opérée par la pierre trouve sa limite et son but. Le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois, s'est laissé briser par la pierre du jugement divin si totalement que, le soir du Vendredi-Saint, la pierre recouvre le sépulcre. Mais, ô merveille ! la pierre de destruction s'est brisée à Jésus-Christ, comme par le brisement d'une avalanche. Depuis le matin de Pâques, le mystère divin nous est révélé: il y a en ce monde un lieu où nous sont accordées aide et protection contre le roulement destructeur de cette pierre. C'est le lieu où se dresse la croix de celui qui prend le jugement sur ses épaules.

La croix seule est ce lieu de refuge. La pierre de Daniel roule partout ailleurs en ce monde et les yeux pleins d'effroi, nous contemplons aujourd'hui son oeuvre destructrice. C'est encore le temps où toutes les créatures soupirent. Mais nous savons par la foi qu'arrivée à la croix, la pierre ne peut pas rouler plus loin. Dans l'espérance, nous saluons l'aube du jour qui paraîtra à la fin des temps. Alors toutes les pierres seront soulevées et les morts ressusciteront. Et enfin s'accomplira ce qu'il a été donné au prophète de voir : «La pierre qui frappa la statue devint une grande montagne qui remplit toute la terre ».

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(1*) Premier vers d'une chanson d'étudiants, de Th. Körner, bien connue en terre germanique. 
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