La femme du
prédicateur local. -
Conversion d'un incrédule. -
Cartwright au milieu des esclaves. - Sa
conduite avec des pécheresses. -
Son talent de prédicateur. - Une
prédication dans un camp religieux,
d'après un témoin
auriculaire. - Opinion de MM.
Cucheval-Clarigny et Jobson. - Les griefs
de Cartwright contre la civilisation
moderne. - Cartwright docteur. - Il est
élu membre de la députation
de l'Ohio. - Son jubilé. - Sa
mort.
|
« Dans mon district vivait un
prédicateur local, de petite taille, mais
d'ailleurs paisible, aimable et d'un excellent
naturel. Il avait une piété
sincère, et était un bon et utile
prédicateur. Sa femme, au contraire,
possédait toutes les mauvaises
qualités imaginables; elle était
toujours de mauvaise humeur, et ne s'occupait
qu'à gronder et quereller; elle avait
surtout une inimitié violente contre la
piété. Quand son pauvre mari voulait
aller prêcher, elle lui cachait ses habits;
elle ne voulait pas non plus qu'il priât
avant le repas, ni qu'il
célébrât le culte domestique.
S'il essayait de prier, elle faisait autour de lui
tout le tapage possible; elle renversait les
chaises, et, si elle ne parvenait pas à
l'interrompre, elle lui jetait le chat en plein
visage, tandis qu'il priait. Pauvre petit homme !
il y aurait eu là de quoi
désespérer le plus patient. Il avait
invité plusieurs prédicateurs
à venir parler à sa femme pour
essayer de l'apaiser, mais eu vain : elle
s'était irritée comme un vrai
démon et les avait injuriés. J'avoue
que, bien que cet ami m'eût invité
souvent moi-même, je n'avais pas osé
m'aventurer dans cette maison. À la fin
pourtant, je me rendis à ses instances et
l'accompagnai chez lui un soir, dans l'intention d'y
passer la nuit. À
peine entré, je vis que la femme enrageait
de mon arrivée, et que le diable entrait en
elle : je me décidai aussitôt à
faire une grande tentative. Le souper fini, le mari
lui dit avec toute l'affabilité possible
:
- « Allons, ma femme, laissons
là un moment nos petites affaires, et ayons
la prière.
Elle donna alors libre
carrière à son mauvais vouloir, et
s'écria :
- Je ne veux pas être
assommée par vos prières.
J'essayai de la calmer et de lui
faire entendre raison; mais toute la douceur dont
j'usai ne servi qu'à l'irriter davantage;
elle se mit à jurer et à m'insulter.
Je pris alors un visage sévère et lui
dis :
- Madame, si vous étiez ma
femme, je vous guérirais de vos mauvaises
habitudes, je vous en réponds.
Elle se mit à
vociférer contre moi une telle volée
d'injures et de blasphèmes que j'eus de la
peine à me contenir.
- Taisez-vous, lui dis-je, nous
allons prier.
Elle n'en tint aucun
compte.
- Taisez-vous, répliquai-je,
ou je vous mets à la porte.
Cette menace la rendit furieuse;
elle me montra le poing, et jura qu'il faudrait une
autre sorte d'homme que moi pour
la faire sortir. Je la saisis alors par un bras, et
la faisant tournoyer sur elle-même, je la
poussai dehors par la porte de la cabine qui
était ouverte. La porte, destinée
à supporter les agressions des Indiens,
était massive et solide; je la fermai
aussitôt sur elle et la laissai s'arracher
les cheveux, pousser des hurlements et des
jurements comme je n'en ai jamais entendu. Je me
mis alors à prier avec toute mon ardeur
comme je ne l'ai jamais fait; je ne saurais
décrire maintenant toutes les
émotions qui se pressaient en moi en ce
moment; je puis dire seulement que j'étais
décidé à vaincre ou à
mourir. Puis, pendant qu'elle continuait à
écumer de rage et à vociférer
au dehors, je me mis à entonner de toutes
mes forces un cantique, et ma voix couvrit
bientôt la sienne. Les cinq ou six enfants
s'étaient enfuis et blottis sous les lits.
Pauvres petits ! ils étaient à
moitié morts de terreur.
Je continuai à chanter au
dedans et elle continua à crier et à
tempêter au dehors. Le moment vint pourtant
où elle perdit l'haleine et la voix
d'épuisement. N'ayant plus de force, elle se
tut, puis elle se calma, et bientôt frappa
à la porte en disant :
Monsieur Cartwright,
permettez-moi
d'entrer.
- Vous conduirez-vous
convenablement
si je vous ouvre? demandai-je.
- Oh! oui, je vous le promets,
répondit-elle. « Je me tins alors sur
mes gardes pour éviter une surprise, puis
j'ouvris la porte, la saisis par la main, et allai
l'asseoir près du feu. La pauvre femme avait
tant crié et écumé qu'elle
était toute en sueur et pâle comme la
mort. Une fois assise, elle s'écria
:
- Oh ! quelle folle je
suis!
- Oui, répondis-je, vous
êtes bien l'une des plus grandes folles que
j'aie jamais vues. Et maintenant, n'oubliez pas ce
que je vais vous dire : si vous ne vous repentez
pas de tout ce que vous avez fait, vous vous en
irez sûrement à la fin avec le
diable.
Elle ne soufflait pas un mot. Je
tirai les enfants de dessous le lit, et leur dis
:
- Venez, mes petits, votre
mère ne vous battra plus.
Puis j'invitai le mari à
prier; nous priâmes tous les deux. Elle
était aussi tranquille qu'un
agneau.
Et maintenant, mon cher lecteur,
bien que ce soit là l'un des cas les plus
difficiles que j'aie jamais rencontrés, je
dois ajouter, à la gloire de la grâce
de Dieu, que, moins de six mois après cette
lutte avec le diable, cette femme était
très sérieusement convertie à
Dieu; et si jamais transformation fut remarquable,
ce fut bien celle-là. Les enfants, en grandissant,
devinrent pieux; cette famille, heureuse dès
lors, fut aussi utile à la cause de Dieu
qu'elle lui avait été nuisible
précédemment. »
Cartwright, ou l'a vu, avait la
main
remarquablement ferme et l'esprit naturellement
intrépide. On ne peut nier que ces dons
naturels ne lui fussent d'une grande utilité
dans la vie aventureuse qu'il menait et qu'il ne
sut en tirer parti admirablement. On aime toutefois
à rencontrer dans ses récits des
procédés de conversion moins
violents. On se plaît, par exemple, à
le voir conquérir à la
piété, par des voies de conviction
plus régulières et plus douces, un
homme qui l'avait menacé de lui faire un
mauvais parti et qui répandait sur son
compte les bruits les plus injurieux. Cartwright,
apprenant qu'il vient à un camp religieux
qu'il préside, oublie ses griefs personnels,
ne se met pas en peine des motifs qui peuvent
amener son adversaire, et va à sa rencontre
pour lui offrir l'hospitalité. « Nous
avons, lui dit-il, une grande tente destinée
aux prédicateurs et bien fournie de bons
lits; je vous y offre une place; venez avec moi.
» L'autre accepte avec hésitation, tout
confus de ces procédés si nouveaux et
si peu mérités. Cartwright, qui ne
veut pas le prendre par surprise, a soin de lui
dire, en l'introduisant dans la tente : «
Maintenant, Monsieur, mettez-vous à votre aise
comme chez vous,
car
je ne vous cache pas que je compte vous voir
sérieusement converti avant la fin de nos
assemblées. » Cette déclaration
si franche commence à jeter le trouble dans
l'âme de cet incrédule; les
égards dont l'entoure l'homme qu'il avait
odieusement calomnié achèvent
d'ouvrir ses yeux et son coeur, et sous une
prédication puissante du missionnaire, il
s'opère en lui une oeuvre de transformation
spirituelle.
On aime à voir Cartwright,
l'homme fort, se faisant tout à tous pour en
gagner quelques-unes, et, à cet
égard, ses mémoires abondent en pages
touchantes. Les pauvres noirs ont
spécialement toutes ses sympathies, et il
profite de toutes les occasions qui s'offrent
à lui pour défendre leurs
intérêts. Il se trouva une fois dans
le voisinage de deux plantations, sur lesquelles il
y avait plus de cent vingt nègres
excessivement corrompus, et pour qui l'ivrognerie,
la débauche et le vol étaient les
plus vulgaires méfaits. Le
prédicateur, voyant que personne ne
s'occupait de ces pauvres gens, se sent ému
de piété à leur égard
et se demande ce qu'il pourrait faire pour eux. Il
sollicite et obtient la permission de les
réunir. Ils accourent avec curiosité
à une invitation dont ils ne comprennent
guère l'intention. Pendant les quelques
heures qu'il passe avec eux, Cartwright leur ouvre son
coeur affectueux, les
traite
en frères et en enfants, leur parle des
miséricordes infinies de Dieu et de son
pardon, puis il leur retrace leur conduite sous ses
côtés les plus sombres. Les larmes
coulent de tous côtés sous la parole
pénétrante du serviteur de Dieu; la
repentance germe et porte dans toutes ces
âmes ses fruits amers mais salutaires. Cette
réunion familière fut l'origine d'un
grand réveil religieux au milieu de ces
pauvres esclaves, et quelques semaines
après, le pasteur eut la joie d'admettre
dans l'Église soixante et dix de ces
nouveaux convertis.
Si l'Évangile a assuré
aux captifs la liberté spirituelle et s'il
leur a assuré l'émancipation,
même extérieure, il a travaillé
aussi à la suppression de toutes les
servitudes morales qui souillent et
dégradent l'humanité. Le pasteur
chrétien est à sa place auprès
de toutes les âmes avilies, et le disciple ne
se déshonore pas plus que son maître
ne l'a fait en approchant des foyers du vice pour y
apporter la lumière et la paix. Nulle part
le courage chrétien de notre pionnier ne
nous paraît plus à sa place que dans
les circonstances où il s'avance à la
rencontre de toutes ces difformités du corps
social, pour y porter d'abord, d'une main virile,
le fer et le feu de la loi qui condamne, mais pour
y déposer ensuite le baume divin de la
grâce qui apaise et qui guérit. Il
n'est peut-être jamais si
grand que dans cette circonstance où,
à sa prédication, deux pauvres femmes
dégradées et souillées par le
vice sont touchées et convaincues de
péché. Elles viennent ensuite lui
demander ses prières et ses consolations,
malgré certains chrétiens
pusillanimes et inconséquents qui voudraient
les repousser pour ne pas compromettre la
réputation de leur réunion et celle
de leur pasteur. Il faut voir et admirer celui-ci
dans la sainte indignation qu'il laisse
éclater contre ces disciples aux bras
étroits, qui veulent être plus sages
que Jésus, l'ami des péagers et des
femmes de mauvaise vie. Puis avec quelle
mansuétude il offre le salut et montre
l'Agneau de Dieu à ces pauvres âmes;
avec quel courage il brave l'opinion pour ouvrir
les portes de l'Église à ces femmes
auxquelles le Maître a ouvert le
trésor de ses compassions!
Presque tous les faits que nous
avons cités ont montré l'incomparable
puissance de la parole de Cartwright. Mais c'est
surtout dans les grandes assemblées en plein
air qu'il faut voir à l'oeuvre le talent de
notre pionnier, pour en comprendre toute la vigueur
et toute l'originalité. On ne saurait en
avoir la mesure si on ne l'a pas vu aux prises avec
les masses populaires, les électrisant par
l'ascendant de sa foi et les soulevant au
gré de sa volonté énergique.
Nos lecteurs ont déjà pu se convaincre que peu
d'hommes
autant que celui-là ont joui de la
faculté d'imprimer par la parole leur
pensée sur l'âme et sur la conscience
de leurs semblables. Le moment est venu où
nous devons essayer de mettre en lumière
Cartwright comme orateur populaire. On nous saura
gré de laisser la parole à des
témoins dont les impressions auront plus
d'autorité que n'en pourraient avoir nos
commentaires.
Voici d'abord le récit des
impressions d'un auditeur du dehors, dont la parole
nous semble avoir d'autant plus de poids qu'elle
est complètement
désintéressée. Son
récit nous a tellement captivé, que
nous n'avons pas songé à
l'abréger; nos lecteurs n'y perdront rien.
Nous n'avons pas voulu non plus modifier le style
parfois un peu laïque de ce
récit.:
« Immense fut la foule qui se
rassembla au camp religieux de Springfield, le
second dimanche de septembre 1832. Un attrait
puissant avait mis en mouvement, dans les
comtés avoisinants. cette grande masse de
peuple, qui était accourue de plus de cent
milles à la ronde : le nouveau
président du district, récemment
arrivé du Kentucky, orateur d'une grande
réputation, devait se faire entendre en ce
jour. L'éclatant prestige de sa
renommée l'avait devancé; de
là l'empressement avec lequel on accourait
pour entendre un homme que la voix publique
élevait si haut.
« Les clartés du matin
avaient paru à l'Orient, splendides comme un
songe céleste; mais notre héros
n'avait pas fait son apparition. Il était
onze heures, - l'heure sacrée où
détonne toute la grosse artillerie de
l'orthodoxie, et l'on n'avait aucune nouvelle du
prédicateur attendu. Un prédicateur
ordinaire monta en chaire à sa place, et,
très affecté du
désappointement de tout le monde, il y mit
la dernière mesure par un sermon plus que
misérable. La foule, impatiente et
vexée de ce contretemps, commençait
à se disperser, quand survint un incident
qui réveilla la curiosité et rallia
les groupes épars. Un messager venait
d'arriver, porteur d'un billet qu'il remit au
prédicateur malencontreux, qui, tout heureux
de cet incident, l'ouvrit et en communiqua le
contenu à l'assemblée. Voici en quels
termes était conçue cette
singulière missive :
« Mes chers frères. - Le
diable a estropié mon « cheval, ce qui
me mettra dans l'impossibilité «
d'assister avant ce soir à vos
réunions. J'aurais bien pu faire le voyage
à pied; mais je n'aurais jamais eu le
courage d'abandonner mon pauvre Paul, qui n'a
d'ailleurs jamais lui-même abandonné
Pierre. Les chevaux n'ayant pas d'âme
à sauver, je pense qu'il est du devoir des
chrétiens de prendre le plus grand soin de
leur corps.
Veillez et priez, et ne laissez
pas
le diable vous prendre par
surprise et pénétrer dans vos rangs
d'ici à l'heure où s'allument les
flambeaux. À cette heure-là, je serai
à mon poste.
Votre frère, PIERRE CARTWRIGHT. »
La nuit vint; les étoiles
s'allumèrent dans le ciel. Le camp,
véritable village tout composé de
tentes aussi blanches que la neige, s'illumina de
clartés abondantes, qui faisaient briller et
étinceler les arbres de la forêt comme
s'ils eussent été rendus
incandescents par un incendie. C'était un
spectacle vraiment féerique.
Une forme humaine se dressa
lentement dans la chaire, et, tandis que tous les
yeux se fixaient sur l'étranger, il indiqua
un hymne pour ouvrir le culte. On a dit de Burke
qu'un seul éclair de son regard suffisait
pour révéler la puissance de parole
de cet homme extraordinaire. Comme je tiens
à être exact, je dois dire que tel
n'était pas le cas ici; j'avoue que ma
première impression fut ambigüe,
énigmatique, un peu
désagréable même. La figure de
l'orateur était longue, grosse, massive; une
épaisse chevelure noir d'ébène
l'encadrait et complétait cette apparence
presque gigantesque de la physionomie. Ajoutez
à cela des sourcils épais et
proéminents. sous lesquels des yeux petits
et noirs étincelaient comme des diamants un
teint basané comme par l'effet d'un soleil
méridional et des lèvres toujours légèrement
entr'ouvertes sous l'empire d'un fin sourire, et
vous aurez un portrait assez fidèle de
Cartwright, le célèbre
prédicateur des bois.
Bien que je n'aie pas perdu un
mot,
du commencement à l'amen final, je ne
voudrais pas tenter de reproduire la substance ou
la forme de ce sermon. Je connais
différentes sortes de sermons; mais il me
serait impossible de rattacher à aucune de
ces catégories celui que j'entendis ce
jour-là; il était sui
generis.
Il commença d'une voix
pleine, dont les modulations étaient
savamment graduées; sa voix vibra dans la
calme atmosphère du soir en produisant sur
moi quelque chose de l'effet des décharges
successives de la foudre. Les ministres
méthodistes sont renommés pour la
sonorité et l'étendue de leur organe;
mais je doute qu'on trouve une voix qui puisse
soutenir la comparaison avec celle de Cartwright,
soit pour la puissance, soit pour l'harmonie.
L'introduction du discours dura dix minutes
environ, et se composa de pensées
générales qui ne sortaient pas de la
sphère connue où se meuvent
d'habitude les exordes. Mais, au moment même
où il aborda directement son sujet, il
s'opéra en lui une sorte de transformation
que je ne saurais décrire : sa face
s'éclaira, son regard s'enflamma, son geste
devint animé, et je ne puis le comparer
qu'aux rapides éclairs
que jette une torche que l'on agite dans l'air; son
visage prit une expression d'inimitable bonne
humeur, et sa parole se mit à se
précipiter comme un torrent d'étrange
et sauvage éloquence. C'étaient des
traits pétillants d'esprit, destinés
à monter le ridicule des systèmes
auxquels s'attaquait l'impitoyable critique du
prédicateur, et qui les faisaient voler en
éclats aux applaudissements de l'immense
assemblée. C'étaient des anecdotes
d'une nature exceptionnellement gaie, quoique
renfermant toujours un enseignement moral, qui
pleuvaient, comme une grêle serrée,
sur cette foule électrisée, et
provoquaient un rire homérique, comme
l'Ouest seul en connaît.
Au premier moment, ou voyait sur
bien des visages naguère austères et
mélancoliques se succéder les
diverses phases d'une lutte impossible contre une
émotion spontanée et contagieuse;
quelques collègues du prédicateur,
surpris par cette brûlante harangue,
fronçaient le sourcil et prenaient un visage
allongé; ils ne s'étaient pas
attendus bien évidemment à un
succès de ce genre, et je crois qu'ils en
étaient un peu scandalisés. Ils ne
tardèrent pas cependant à être
gagnés eux-mêmes par cette parole
entraînante. Chaque mot, chaque geste avait
une irrésistible puissance comique, et, au
risque de scandaliser le lecteur, je dirai que
jamais pièce de Mather ou de Sheridan n'eut
un pareil succès.
L'orateur avait à dépeindre la folie
du pécheur, et il l'attaqua avec cette arme
meurtrière du ridicule que connaît
tout homme de l'Ouest, mais que personne n'a jamais
su manier comme Cartwright; son esprit caustique se
donna libre carrière en dépeignant
les contradictions de l'impie, des
absurdités et les bassesses dont sa conduite
fourmille, les ressources misérables
auxquelles il a recours. Il mit le
péché au pilori et le flagella au nom
du bon sens. Cette première partie dura une
demi-heure environ : le succès fut immense,
mais d'une nature telle qu'après avoir ri
comme tout Je monde, je commençai à
craindre que la nature toute spéciale de ce
succès ne nuisît
énormément au résultat final
que le prédicateur devait
poursuivre.
Comment, me disais-je,
pourrait-il
maintenant arracher ses auditeurs à ce
tourbillon de joyeuse humeur où il les a
lancés ? S'il continue jusqu'au bout de
cette manière, n'est-il pas à
craindre qu'une fois l'entraînement
passé et la réflexion venue, il ne
s'opère dans les esprits une réaction
qui serait fatale à sa réputation.
Chaque auditeur ne s'en voudra-t-il pas quand il se
dira de sang-froid, une fois la fièvre de
l'excitation passée, qu'on l'a amusé
avec des sujets d'une importance majeure avec des
questions qui touchent à ce qu'il y a de
plus sacré, aux intérêts
éternels de l'âme.
Quoi qu'il en soit, nous
n'aurons
décidément pas un réveil ce
soir; car, notre orateur fût-il un magicien,
je le mets au défi de remonter le courant
des dispositions de la foule, en les rendant
sérieuses.
Ainsi me parlais-je à
moi-même, ci pendant ce temps le
prédicateur adoucissait graduellement sa
manière; sa parole changea d'allure; elle me
fit l'effet de ce vent violent qui
précède les lourdes nuées
porteuses de la fondre et de la tempête Ses
traits avaient perdu cette expression satirique qui
les caractérisait ; sa voix était
devenue ardente; elle fut bientôt
austère et solennelle, et elle ne tarda pas
à vibrer sous l'empire d'une émotion
intense. Ses yeux n'étaient plus
étincelants de clartés
étranges; ils se voilaient de larmes
abondantes, qui jaillissaient des sources vives
d'une émotion sincère. Ma plume se
refuse à décrire 19 révolution
complète, la réaction inouïe qui
s'opéra dans les sentiments de la foule. Le
prédicateur dépeignit les horreurs de
l'enfer, juste punition et conséquence
logique du péché, et il sut mettre
une telle puissance de conviction et une telle
énergie de sentiment dans cette description,
que toutes les physionomies étaient
bouleversées par ce tableau, et que les
regards effrayés se tournaient
instinctivement vers la terre, qui semblait sur le
point de s'ouvrir sous les pieds
des inconvertis pour les engloutir dans
l'abîme sans fond. Des hommes courageux, qui
n'avaient pas pleuré de leur vie,
gémissaient d'une façon lugubre et
désespérée; des femmes de la
haute société, couvertes de soie et
de bijoux, poussaient des cris de détresse
vraiment lamentables.
À ce moment, le
prédicateur changea une fois encore le
thème de son discours; il se mit à
dépeindre les joies d'une mort
chrétienne, la foi qui la transforme,
l'espérance qui l'illumine; il fit assister
ses auditeurs à ces scènes augustes;
il montra l'âme du juste
s'élançant vers les
réalités invisibles sur les ailes
d'un saint enthousiasme, puis les anges venant
à sa rencontre et l'introduisant dans les
demeures célestes. L'orateur se surpassa
encore dans cette description, à laquelle il
donna un caractère grandiose et
émouvant. Son âme était
dominée par un tel enthousiasme et sa parole
avait une telle puissance pour le communiquer,
qu'au moment le plus pathétique du discours,
l'assemblée entière se leva comme un
seul homme et tous les regards se tournèrent
en haut, comme pour saluer la vision glorieuse du
monde à venir que le prédicateur
semblait indiquer de son doigt levé vers le
ciel et contempler de son regard
radieux.
Cartwright, qui avait pour
principe
de ne pas laisser se refroidir les sentiments de
ses auditeurs, invita tous ceux
qu'oppressait le sentiment du péché
à s'approcher de l'estrade à la suite
de la prédication, pour avoir avec lui des
entretiens familiers et pour prier. Cinq cents
personnes environ, la plupart incrédules
jusqu'à cette soirée, se
levèrent Pour répondre à cet
appel.
Ces réunions se
continuèrent pendant deux semaines, et plus
de mille convertis furent ajoutés à
l'Église. Les plus grands succès
oratoires de Cartwright datent de ces
assemblées, et c'est en grande partie
à son éloquence si énergique
et si remarquable que le méthodisme est
redevable de la haute position qu'il occupe dans
l'Illinois.
J'entends le lecteur curieux qui
me
demande quelle est l'université qui a
formé un pareil orateur, quelle est l'alma
mater qui a élevé, un tel
fils.
À cela je réponds que,
comme un grand nombre de prédicateurs de son
Église, Cartwright s'est formé dans
la grande et incomparable université de la
nature, qui a élevé Moïse,
Homère, Platon, Shakespeare, Franklin,
Washington et Patrick Henry. Tous ceux-là et
bien d'autres ont grandi au milieu des montagnes
élevées, des vallées profondes
ou des vagues de l'Océan; ils ont
étudié à la plus glorieuse des
écoles, et la nature même a de sa
propre main écrit leurs
diplômes.
« Cartwright entra à
dix-huit ans dans les rangs de
l'itinérance, ne sachant guère que ce
que la Bible et son recueil d'hymnes lui avaient
enseigné. Année après
aimée, il arpenta ses circuits sauvages des
frontières, employant ses heures de voyage
à lire et à méditer. Il
dévora avec avidité dans ses longues
courses des livres de littérature et de
science. Il étudia de la sorte à fond
les mathématiques, la philosophie, la
théologie, le droit et plusieurs langues
anciennes et modernes. Oh ! croyez-moi, croyez
l'histoire tout entière de l'esprit humain,
il n'y a pas de maître comparable à
l'intelligence du travailleur solitaire avide de
savoir et opiniâtre dans ses recherches,
quand cette intelligence est poussée
à l'action et guidée dans son effort
par une volonté, invincible et vaillante.
»
Nous avons laissé la parole
très longuement à un admirateur de
Cartwright; son témoignage, le mérite
de se présenter sous forme de récit,
ce qui laisse au lecteur toute sa liberté
d'appréciation. On doit reconnaître
tout ce qu'une pareille éloquence a
d'étrange, d'inusité, de choquant
pour des oreilles délicates comme les
nôtres. Nous ne nous sommes pas lassé
de répéter que dans l'Ouest la chaire
chrétienne s'est accordé dès
l'origine des immunités que nous n'avons
guère le droit de lui disputer au nom des
règles qui sont à notre usage. Nous
n'avons pas songé d'ailleurs à
présenter Cartwright
à nos lecteurs comme un modèle de
modération dans la parole, et
d'équilibre dans le jugement; nous avons
plutôt plaidé pour lui le
bénéfice des circonstances
atténuantes.
« Cette nature
énergique, décidée, dit de son
côté M. Cucheval-Clarigny (1),
qui savait
tirer parti des circonstances les plus
défavorables, que les incidents les plus
imprévus trouvaient toujours prête,
devait plaire singulièrement aux populations
remuantes de l'Ouest, aux yeux desquelles la force
ou morale ou physique est un indice certain de
supériorité. La facilité avec
laquelle Cartwright passait et revenait du grave au
gai, sa fécondité en anecdotes et en
paraboles, sa verve sarcastique et ses accès
de fougue, ses excentricités même,
tout contrastait avec les habitudes solennelles et
compassées des prédicateurs
ordinaires, tout charmait et subjuguait la
multitude. C'était surtout un improvisateur
sans pareil; il fallait qu'il se sentît
inspiré par la vue de la foule, par le
spectacle de la nature ou par les circonstances; la
préparation du cabinet ne lui était
pas favorable. La conférence
générale se tint une année
à Boston, et les méthodistes tenaient
à faire bonne figure dans une ville qui
s'intitule l'Athènes de l'Amérique.
Ils désignèrent pour prêcher dans les
églises de Boston la fleur de leurs
prédicateurs, et ils comptaient
particulièrement sur Cartwright. Celui-ci
avait fort à coeur de soutenir non seulement
sa propre réputation et celle de son
Église, mais l'honneur des gens de l'Ouest,
et il se donna une peine extrême pour
préparer deux sermons. Les Bostoniens
trouvèrent qu'il prêchait comme tout
le monde. Mortifié de cet échec, il
abandonna toute préparation, et la
troisième fois, il se donna libre
carrière; il prêcha comme au milieu
des bois : son succès fut immense.
»
Voici enfin le témoignage du
Dr. Jobson de Londres, qui a vu et entendu
Cartwright, à la conférence
générale d'Indianapolis. Ces lignes
nous dépeignent le pionnier, arrivé
à la vieillesse, et portant vaillamment sa
soixante-treizième année.
« Le second de
l'assemblée par l'âge est le docteur
Pierre Cartwright, un homme grand, bien pris et
robuste, dont le regard aussi bien que la parole
respirent une certaine rudesse native
mêlée d'une bonne dose d'humour. Ses
chairs ont quelque chose de l'apparence d'un bloc
de granit à peine ébauché, et
ses traits ont la fermeté et l'aspect massif
d'un chêne noueux et puissant. Il suffit de
le voir pour se sentir en présence d'un
homme intrépide et rompu à la
fatigue.
On se tromperait
étrangement toutefois sur l'expression de sa
physionomie, si on s'imaginait qu'elle n'accuse ni
Lin naturel heureux ni une âme bonne; tout au
contraire, l'expression de ses lèvres et de
ses yeux, la mobilité de ses joues annoncent
une nature sympathique et affectueuse. Sa
tête est forte et repose solidement sur de
larges et massives épaules. Son front est
élevé et ombragé par une
forêt de cheveux grisonnants. La, coloration
de ses yeux est extrêmement foncée;
ils brillent comme deux feux noirs sous des
sourcils incultes et hérissés, et les
deux rides qui en marquent les coins ajoutent
encore à l'expression particulière du
visage. Sa peau nullement fine est fortement
hâlée par le soleil. Sa voix tremble,
lorsqu'il commence à parler, mais elle ne
tarde pas à recouvrer son ancienne
puissance; bientôt elle prend l'ampleur et la
richesse des tons de l'orgue, et retrouve toute
l'étendue et toute la puissance de sa
virilité; l'orateur sait alors en faire
jouer toutes les cordes.
Par moments, pour aiguiser ses
traits et leur donner plus de mordant, il prend un
ton et une physionomie tragiques, et se met
à raconter quelque anecdote de la vie des
bois, qui fait tordre de rire l'assemblée,
tandis qu'il sait conserver lui-même un
sérieux imperturbable. Il tombe alors sur
son antagoniste avec une vigueur
irrésistible et l'accable sous ses sarcasmes impitoyables.
Les opposants
viennent-ils à se multiplier et à
combiner leurs efforts, il lance coup sur coup et
avec une vivacité sans égale des
arguments acérés, et des
pensées éclatantes et brûlantes
comme l'éclair. Puis, d'une voix qui a
quelque chose du mugissement grandiose d'un ouragan
dans les forêts, il éclate en
avertissements solennels et en objurgations
pressantes, avec une force qui accable l'adversaire
et jette dans toutes les âmes un sentiment de
sainte terreur. Il semble s'être donné
pour mission spéciale de poursuivre et de
couvrir de confusion les novateurs qui mettent en
péril les institutions du méthodisme.
Il remplit cette tâche avec toute l'ardeur et
toute l'intrépidité d'un chasseur des
bois, et il ne recule dans ses exécutions ni
devant les évêques, ni devant les
ministres, ni devant le peuple. Ces
exécutions ont quelquefois un
caractère vraiment terrible, et il se montre
à la tribune de la conférence aussi
intrépide et aussi irrésistible que
le lion dans ses domaines.
« Cet homme unique et
véritablement grand a été
élevé au sein des montagnes les plus
sauvages du Kentucky, et a été en son
temps l'un des plus populaires et des plus
puissants des prédicateurs en plein air. Son
nom seul attirait des foules, innombrables au
milieu des bois, pour ces camps religieux dont il
était l'orateur
préféré, et sous cette voix puissante,
harmonieuse, retentissante comme la trompette, qui
tout à tour se répandait en
gémissements ou éclatait comme un
tonnerre, suivant qu'il déplorait la triste
et coupable condition des pécheurs ou qu'il
dénonçait les châtiments qui
allaient fondre sur eux, la multitude baissait la
tête et ondulait comme les hautes herbes des
prairies sous le souffle du vent (2).
»
Cartwright ne pardonna jamais
aux
nouvelles moeurs qui travaillaient à
transformer cette vieille Église des
pionniers qu'il a servie avec tant de
fidélité. S'il ne cachait pas sa
mauvaise humeur contre la civilisation
raffinée de nos jours, c'est qu'il redoutait
l'influence énervante qu'elle exerce trop
souvent sur la piété. S'il satirisait
volontiers le clergé savant d'aujourd'hui,
c'est qu'il ne pouvait s'empêcher de mettre
en parallèle l'impuissance relative de ses
efforts avec la grandeur des victoires
remportées par les pionniers
illettrés. Il était loin d'ailleurs
de mépriser l'instruction, ce
prédicateur qui, par ses seuls efforts,
arriva à suppléer aux lacunes de sa
première éducation et qui cachait,
sous des dehors rudes, un esprit si étendu
et si riche. Peu d'hommes en effet ont su si bien
mettre à profit une longue existence que
notre vieil ami. Mais il est resté
jusqu'à la fin homme de
l'Ouest par une naïveté sans bornes,
une bonhomie cordiale, une bonté
inépuisable, une modestie touchante. Peu
d'hommes autant que lui auraient pu briguer des
honneurs et des postes élevés dans
son église; il les refusa constamment et
préféra à tout autre titre le
nom familier d'oncle Pierre, sous lequel il
était connu dans les cabines du Far-west.
Selon la coutume américaine qui
décerne le doctorat, non pas toujours aux
ministres les plus savants, mais à ceux dont
les services ont été le plus utiles
à l'Église, Cartwright devint
docteur, à son corps défendant. Ce
fut le seul honneur qu'il se laissa imposer, et il
faut avouer que le bonnet doctoral a souvent
couvert des têtes moins dignes que celle de
ce vénérable serviteur de
Jésus-Christ.
Je me trompe cependant :
Cartwright
a accepté d'autres honneurs, et, ce qui peut
étonner au premier abord, des honneurs
politiques. Cette circonstance l'honore trop
d'ailleurs pour que nous la passions sous silence.
Populaire comme il l'était dans l'Ouest, il
aurait pu souvent obtenir les suffrages de ses
concitoyens, s'il les avait brigués; il ne
le fit que lorsque sa conscience lui en fit un
devoir. Il avait quitté le Kentucky en 1826,
pour sortir d'un État à esclaves,
où son âme honnête était
sans cesse révoltée par le spectacle
des turpitudes auxquelles donnait lieu le commerce
de la chair humaine; il lui
était impossible du reste de vivre en bonne
amitié avec les possesseurs d'esclaves.
L'Illinois, où il s'établit et
où il habita jusqu'à sa mort, n'avait
pas admis sur son sol et dans sa constitution
l'institution servile, mais dès ce moment
certains membres de la législature de
l'État voulaient remettre en question la loi
qui interdisait l'esclavage, et usaient de tous les
moyens pour arriver à leurs fins.
Cartwright, dont l'esprit droit se refusait
à admettre les sophismes avec lesquels les
agitateurs essayaient d'introduire le travail
Servile au nom de la liberté, ne craignit
pas de descendre sur le terrain politique «
pour empêcher, nous dit-il, que l'abomination
de la désolation ne
pénétrât là où
elle ne doit pas être. » Par deux fois,
il se fit élire député, et sa
voix contribua à sauver son pays d'adoption
du danger qui le menaçait. Dès que le
péril fut conjuré, il déposa
son mandat politique pour se vouer uniquement aux
devoirs de sa vocation.
Cartwright a vécu assez
longtemps pour assister à la défaite
définitive de l'esclavage, et nul citoyen
des États-Unis n'a salué avec plus de
joie que lui ce grand événement qu'il
a contribué plus que beaucoup d'autres
à préparer, en inculquant aux rudes
colons de l'Ouest une haine vigoureuse contre
l'institution servile.
Le 24 septembre 1869, les
méthodistes de l'Ouest
célébrèrent le
cinquantième anniversaire de l'entrée
en fonctions de Cartwright comme président
de district. La fête réunissait dans
la ville de Lincoln (Illinois) un nombre
considérable d'amis du vieux pionnier, et
parmi eux plusieurs hommes éminents dans
l'Église et dans l'État. On y
entendit une foule de discours et l'on y lut
beaucoup de lettres où revivait le souvenir
de ce grand passé religieux de l'Ouest dont
Cartwright était l'un des derniers
survivants. Lui-même, d'une voix
cassée par l'émotion plus encore que
par l'âge, il prit la parole pour remercier
ses frères de leur sympathie.
« Tous ces honneurs dont vous
me comblez, dit-il, ne m'enorgueillissent pas. Je
me sens profondément humilié devant
Dieu et je me reconnais sincèrement un
serviteur inutile de l'Église. Mais je rends
grâce au Seigneur de ce que la
piété m'a soutenu tout le long de ma
carrière. Je n'ai plus assez de force peur
continuer à travailler comme
prédicateur itinérant
régulier, et il faut que je me décide
à prendre ma retraite. Je me retire donc de
l'oeuvre régulière, mais je ne
cesserai pas de l'aimer, Bien loin de là !
je vous déclare même, à vous
tous, jeunes ou vieux prédicateurs, que, si
j'avais à recommencer ma vie, avec la
connaissance que j'ai des pertes et des croix, des
labeurs et des souffrances qu'a à supporter
un prédicateur
méthodiste, je préférerais
cette existence même à celle de
président des États-Unis. Mais, je
vous l'avoue, malgré mon grand âge, je
suis tout désorienté à la
pensée de renoncer à
l'itinérance. Je ne saurais croupir sur
place. Mais voici, je veux me confier en la
protection de Dieu et en l'affection de son
Église. »
Trois ans après, le 25
septembre 1872, Pierre Cartwright rendait
paisiblement son âme à Dieu, à
l'âge de quatre-vingt-sept ans et
après soixante-huit ans de
ministère.
Son nom vivra longtemps dans les
souvenirs des habitants de la vallée du
Mississippi. L'originalité, tranchons le
mot, l'excentricité de Cartwright est bien
pour quelque chose dans sa popularité.
L'imagination du peuple a été
frappée de cette étrange alliance des
vertus de l'apôtre et des rudesses du colon.
Aussi, si étrange que cela paraisse, il y
dès maintenant dans l'Ouest, à
côté de l'histoire authentique de
Cartwright, telle qu'il l'a écrite
lui-même, une histoire légendaire,
qui, naturellement, renchérit sur les
bizarreries déjà assez fortes de
l'homme. Cette légende, chose curieuse,
avait pris naissance du vivant de Cartwright, et
c'est en vue d'y couper court qu'il se
décida à écrire ses
mémoires.
Au fond de la popularité qui
entoure le nom du vieux pionnier, il y a quelque
chose de mieux que le goût
du peuple pour la singularité. Il y a de la
reconnaissance pour ces vaillants missionnaires
évangéliques qui ont conquis à
l'Évangile, à la moralité et
à la civilisation, ces populations nouvelles
et fort mélangées que la colonisation
a jetées sur l'Ouest.
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