Premiers
projets de missions parmi les
Indiens. - Conversion de John Stewart. -
Sa mission auprès des Indiens du
Delaware et du Sandusky. - L'Église
commence une oeuvre
régulière parmi les
Guyandottes. - L'oeuvre de James Finley. -
Son oeuvre de civilisation et
d'évangélisation. -
Conversion du chef Between the logs. -
Miss Harriet Stubbs. - Une
conférence avec les Indiens. - Une
mission chez les Têtes plates. -
Difficultés créées
à l'évangélisation
des Indiens par les injustices des blancs.
- Avenir de cette race.
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Les Indiens de l'Amérique du Nord
ont eu les prémices de l'oeuvre des missions
protestantes. John Eliot au dix-septième
siècle, David Brainerd au
dix-huitième, ont frayé la voie
à d'autres humbles et fidèles
messagers de la Bonne Nouvelle, qui ont accompli
une oeuvre bénie au milieu de ces tribus
errantes. 'Malheureusement il est dans la
destinée d'une pareille oeuvre de laisser
peu de traces après elle, ceux qui en
étaient les objets s'éloignant et se
fondant à mesure que la civilisation les a
atteints.
L'Église méthodiste
s'est sentie de bonne heure appelée à
évangéliser les Indiens; dès
les premières années de son
établissement en Amérique, elle en
compta un certain nombre parmi ses membres. En
1788, le journal de Coke indique qu'il était
sérieusement question de fonder une mission
parmi eux. « Nous avons établi, dit-il,
notre agence de publications sur un bon pied. Les
profits qu'elle nous apportera seront
employés, en partie à achever notre
collège, et en partie à
établir une mission et des écoles au
milieu des Indiens. Par la
bénédiction de Dieu, nous sommes
déterminés à faire tous nos
efforts pour introduire l'Évangile parmi les
Indiens. »
Ce ne fut pourtant que
vingt-cinq
années plus tard que l'Église
organisa une mission régulière au
milieu de ces enfants du désert. Toute son
attention s'était portée pendant
cette première période sur ces
populations nouvelles, que le courant toujours
grossissant de l'émigration jetait sur
l'Ouest et qu'il fallait sauver de la barbarie et
de l'impiété. L'attitude belliqueuse
des indigènes, longtemps en guerre ouverte
contre les envahisseurs de leurs domaines, devait
faire ajourner à des temps meilleurs la
réalisation de ces projets. Pendant ce
temps, les Indiens acquéraient de nouveaux
titres à la sollicitude des missionnaires de
l'Ouest par les actes mêmes
d'hostilité dont ils se rendaient coupables
envers eux.
Ce fut en 1815 que Dieu suscita
l'homme qui devait inaugurer cette oeuvre
d'évangélisation et ouvrir la voie
à une entreprise missionnaire
régulière. Il s'appelait John
Stewart. C'est une étrange histoire que la
sienne. Il appartenait à la race noire et
par conséquent aux couches les plus humbles
de la société américaine. Il
avait contracté dans sa jeunesse des
habitudes d'intempérance, trop
répandues chez les hommes de sa race, et son
visage naturellement ouvert et intelligent avait
pris une expression hébétée et
presque hideuse. Un jour qu'il lui était
arrivé de faire des libations trop
abondantes, l'ennui de la vie s'empara de lui, et
il résolut de mettre fin à une
existence naturellement misérable et que ses
débauches n'amélioraient pas. Comme
il s'acheminait vers l'Ohio pour accomplir son
funeste dessein, il passa près d'un lieu de
culte, à Marietta, et son attention fut
attirée par la voix d'un prédicateur
itinérant, Marcus Lindsey, un Irlandais de
naissance, devenu prédicateur dans l'Ouest.
Le pauvre nègre entra et se tint debout
près de la porte, écoutant de toutes
ses oreilles les choses étranges et tout
à fait nouvelles pour lui que disait le
prédicateur. Celui-ci décrivit
l'état misérable du pécheur
exposé à la mort et à l'enfer;
puis il montra les compassions infinies du Sauveur
et son amour pour les plus dépravés.
Cette parole alla au coeur de
Stewart; ce fut un message de miséricorde
pour cette pauvre âme que le
péché avait avilie et ruinée.
Non seulement il ne donna pas suite à ses
projets de suicide, mais il rentra chez lui
décidé à commencer une vie
nouvelle. Sa conversion data de ce jour, et elle
fut complète. L'Église ne tarda pas
à lui ouvrir ses portes, et, dans ce milieu
nouveau et sous l'action de l'Esprit de Dieu, se
développèrent chez lui des
qualités de coeur et d'esprit qu'on ne lui
avait pas connues jusqu'alors. Cet enfant de
l'Afrique ne savait pas grand'chose, à peine
un peu lire et un peu écrire; en revanche,
comme beaucoup de nègres, il chantait
admirablement. À peine converti, il se
demanda de quelle manière il pourrait se
rendre utile. Cette pensée le poursuivait au
point de l'empêcher de dormir. Pendant trois
nuits consécutives, il crut entendre une
voix qui lui disait : « Va-t'en vers le
nord-ouest et porte aux tribus indiennes
l'Évangile de ton Sauveur. »
Stewart était pauvre; il
n'avait pour amis que les méthodistes, qui
le considéraient bien comme un frère,
mais que se refusaient à voir en lui
l'étoffe d'un missionnaire. L'accueil
glacial qui répondit à ses ouvertures
sur ce sujet ne le découragea pourtant pas,
et, convaincu que Dieu l'appelait, il partit,
n'ayant pour tout bagage que sa Bible et son livre
de
cantiques,
et ne sachant, par rapport au but de son voyage,
que ceci, que Dieu l'envoyait vers les pays
situés au nord-ouest. Après de
longues fatigues, il parvint au milieu d'une tribu
d'Indiens Delaware, sur les bords du Muskingum.
Comme il ignorait absolument leur langage, il se
mit, à leur grande surprise, à
chanter, à prier et à prêcher
dans sa langue natale, qu'ils ne comprenaient pas
davantage. Les Indiens arrêtaient sur ce noir
étranger leurs grands yeux
étonnés, sans paraître
toutefois bien émus par ses exhortations et
par ses larmes.
Celui-ci continua sa route
jusqu'à un nouveau campement, situé
sur la rivière Sandusky. Lorsqu'il fit son
apparition au milieu d'eux, ces Indiens
célébraient une fête avec
danses et orgies. La couleur de sa peau lui valut
un accueil empressé, et on lui fit apporter
une coupe remplie d'eau-de-vie pour qu'il
participât à la fête commune;
mais il connaissait trop bien les effets de cette
maudite boisson pour ne pas la repousser vivement.
Cela indisposa les Indiens, qui
manifestèrent bientôt leurs mauvais
sentiments. Stewart, se voyant dans
l'impossibilité de leur expliquer sa
conduite, se mit à chanter un de ses
cantiques bien-aimés. Ce chant si nouveau
produisit une étrange impression sur toute
la multitude; les danses furent interrompues, et la
colère s'éteignit
dans les coeurs. Lorsqu'il eut fini, il tomba
à genoux et se mit à prier avec
ferveur pour le salut de ces pauvres gens. Pendant
qu'il priait, Lin vieux chef, qui connaissait
l'anglais, s'approcha, et se mit à
interpréter mot après mot la
prière de l'étranger. Il traduisit de
la même manière l'exhortation qui
suivit. L'émotion gagnait tous les coeurs,
et assurément une grande oeuvre eût
été faite parmi ces pauvres gens, si
le chef suprême de la tribu, irrité et
jaloux de cette influence rivale, ne fût
survenu violemment, en menaçant de son
tomahawk l'importun prédicateur. Jhon dut
couper court à son exhortation, et s'en
aller plus loin, le coeur gros de
chagrin.
Notre étrange infatigable
missionnaire, loin de se décourager,
résolut de faire une troisième
tentative. Les Indiens auprès desquels il
s'établit ne paraissaient pas mieux
disposés que les autres, tout
préoccupés qu'ils étaient par
une fête nationale. Après avoir
été longtemps éconduit, il
obtint la faveur de prendre la parole devant la
foule réunie, au moyen d'un
interprète qu'il avait su trouver. On lui
fixa l'heure et le lieu de sa réunion; mais
quelle ne fut pas sa déception, au moment
venu, de ne se trouver en présence que d'un
vieil Indien et d'une vieille femme ! Il leur
prêcha néanmoins avec tout le
zèle dont il était capable.
Bientôt la curiosité s'éveilla
autour de lui. Lui-même se
familiarisa avec la langue et les moeurs du pays.
Un mouvement religieux intéressant fut le
résultat de ses travaux.
Cette entreprise si extravagante
aux
yeux de la sagesse vulgaire, ne pouvait que
paraître admirable aux yeux de la foi. Elle
suffit pour attirer les regards de l'Église
missionnaire de l'Ouest, sur ces tribus qu'elle
avait trop laissées en dehors du cercle de
son action. Ce que n'avaient osé
entreprendre ni des comités religieux ni des
synodes de pasteurs, un humble chrétien
nègre l'avait entrepris.
L'évêque Mac-Kendree vit dans ce fait
une direction providentielle, il se consacra de
tout coeur à cette oeuvre chrétienne,
et il résolut d'envoyer plusieurs
missionnaires sur les traces du pieux
éclaireur Stewart, qui continuait à
pénétrer jusqu'au coeur des diverses
tribus. A la conférence de Steubenville, en
1818, l'évêque exposa ce qu'il savait
de l'oeuvre commencée parmi les Indiens
Guyandottes, dans le Haut-Sandusky, puis il adressa
vocation à deux de ses prédicateurs,
pour aller prêcher aux adultes et faire
l'école aux enfants. Comme on n'avait alors
ni comité missionnaire ni caisse de secours,
il y avait à se demander où l'on
prendrait les fonds nécessaires pour
créer cette mission. Selon leur habitude,
les prédicateurs firent une collecte entre
eux, et ces hommes, dont plusieurs ignoraient avec
quelles
ressources ou avec quels expédients ils
allaient retourner chez eux, donnèrent
quinze dollars pour la mission naissante. Les deux
prédicateurs désignés
partirent, munis de cette faible somme et confiants
en Dieu pour le reste.
Les deux frères Finley, dont
l'aîné surtout nous est connu par ses
Mémoires, furent au nombre de ces premiers
envoyés. Bien que la voie eût
été tracée par leur
intrépide devancier, leur
établissement au milieu des tribus indiennes
fut loin d'être facile. Des
préjugés, qui n'existaient pas contre
un missionnaire de couleur, naissaient en foule
contre le représentant de cette race
blanche, que les diverses tribus s'accordaient
à détester et qu'elles accusaient
d'avoir profané leur antique patrie. Ces
préjugés, James Finley nous raconte
comment il réussit à les faire tomber
l'un après l'autre, et comment les chefs de
tribus et le peuple en vinrent à lui
témoigner une confiance absolue. Dans leur
affection pour lui, ils le surnommèrent le
père de leur nation. La tribu des Ours,
ayant perdu son chef, lui conféra cette
dignité; sa femme était
entourée de la même
considération qu'une femme de chef.
L'influence qu'il acquit, il la mit au service de
l'oeuvre de moralisation et de relèvement
qu'il poursuivait; il obtint l'adoucissement
graduel des lois inhumaines et
des coutumes barbares que les
Peaux-Rouges considéraient comme
l'héritage sacré de leurs aïeux;
il s'attaqua avec autant de succès aux vices
que la civilisation avait laissés, comme un
impur limon, sur ces enfants du désert qui
la maudissaient; le commerce des boissons
spiritueuses fut énergiquement combattu, et
l'exemple donné par les nouveaux convertis
fit plus pour sa suppression que toutes les mesures
restrictives. Quelques-uns, des chefs les plus
vénérés de la nation firent
profession de christianisme; plusieurs devinrent
même pasteurs auxiliaires, et leurs noms
étranges et pittoresques figurent dignement
dans l'histoire de cette mission à
côté de ceux de John Stewart et des
deux frères Finley.
James Finley fut l'instrument
béni de la conversion de milliers d'Indiens,
qu'il introduisit dans l'Église
méthodiste. Dans son Autobiographie, il fait
passer devant nous plusieurs physionomies indiennes
fort attachantes, qui prouvent quelles
conquêtes l'Évangile a su remporter au
milieu de ces descendants des anciens possesseurs
du sol américain.
L'un des Indiens convertis par
James
Finley était un chef qui portait un nom
étrange, qu'il tenait sans doute, selon la
coutume indienne, de quelque incident de sa vie ou
de quelque trait de son caractère; on
l'appelait Entre-les-poutres (en
anglais : Between-the-logs). Ce chef appartenait
à la tribu des Ours et avait conquis la
haute position qu'il occupait par l'énergie
qu'il avait déployée dans la
défense de sa nation. Peu avant sa
conversion, il était parti un jour à
pied de chez lui et était allé,
malgré la longueur et les périls de
la route, jusqu'à Washington, pour
défendre la cause de ses compatriotes devant
le gouvernement des États-Unis. Le
secrétaire d'État lui ayant fait
remarquer que sa conduite était
irrégulière et qu'il ne convenait pas
de venir ainsi en ambassade, sans se mettre en
rapport préalable avec les consuls et les
autres agents du gouvernement, le chef indien
répondit fièrement: « Je le
savais, mais j'ai pensé que les chemins sont
libres, et je suis venu. » Dès qu'il
eut été converti, il consacra son
intelligence à la cause chrétienne.
Il devint un serviteur actif de
Jésus-Christ, et un prédicateur d'une
originalité saisissante et d'une grande
puissance; il fut chargé de la direction
d'une école pour ses compatriotes et vint
plaider leurs intérêts dans le sein
des conférences annuelles des pasteurs
méthodistes de l'Ohio. Une fois même,
il alla jusqu'à New-York, où, dans
des assemblées de missions, il parla avec
énergie et éloquence des besoins de
ses frères.
Des accessions de ce genre, et
elles
se multiplièrent
rapidement, - ne pouvaient que faire gagner du
terrain à l'oeuvre
évangélique. Le dévouement
admirable des missionnaires fut pour beaucoup aussi
dans ces succès. Intelligentes et sensibles,
les tribus indigènes comprirent les mobiles
qui faisaient agir ces hommes. Ce qui les touchait
surtout, c'était le zèle des femmes
chrétiennes qui les accompagnaient. Une
jeune fille d'un grand mérite, Miss Harriett
Sttubbs, appartenant à une des
premières familles de la magistrature de
l'Ohio, ne craignit pas de renoncer aux avantages
de la vie civilisée pour aller se consacrer,
dans la compagnie de la famille d'un missionnaire,
à l'instruction des Indiens. Aussi ceux-ci
la prirent-ils bientôt en affection, et elle
devint pour ainsi dire l'idole de la tribu, qui la
considérait comme une messagère venue
du pays des esprits pour enseigner aux pauvres
Indiens le chemin du ciel. On ne l'appelait que
« notre gentil petit oiseau rouge. » Il
est impossible d'apprécier tout le bien
qu'elle fit par sa piété simple et
aimable.
À la suite de la conversion
de quelques-uns des principaux chefs, il y eut un
mouvement dans toute la tribu; on se mit de tous
côtés à étudier les
sujets religieux. Finley nous raconte qu'un soir
son ami, le chef dont nous avons parlé'. le
fit inviter à venir en toute hâte chez
lui. Il s'y rendit et trouva rassemblés les
principaux chefs de la tribu, païens et
chrétiens; il s'agissait de mettre en
présence les deux croyances. Après
qu'on eut mangé du miel et fumé,
préliminaires indispensables selon la
coutume nationale, un chef, appelé du nom
énergique et peu rassurant d'Yeux-sanglants
prit la parole et fit une apologie habile des
vieilles moeurs et des antiques croyances. La
conférence fut très sérieuse,
et se prolongea jusqu'à neuf heures le
lendemain matin. Le missionnaire raconte qu'il a
rarement entendu des discours aussi bien
pensés et aussi bien dits, que dans cette
nuit mémorable. Lorsque la séance se
leva, le parti païen avoua, avec une franchise
qui lui faisait honneur, qu'il avait
été complètement battu. Cette
victoire fut décisive.
Voici un autre fait qui montre
quelle ardeur les Indiens mettaient à
embrasser le christianisme. Une de leurs tribus les
Têtes-plates, cantonnée au milieu des
Montagnes-Rocheuses, vit arriver un jour un
voyageur qui venait dans ces lointaines
régions, dans des vues purement
commerciales. Cet homme, sans être
précisément pieux, avait quelques
notions du christianisme, dont il fit part
incidemment dans ses conversations. Ce qu'il put
dire aux Indiens au sujet de Jésus-Christ et
de la Bible éveilla leur
intérêt à un tel point, qu'ils
se mirent à questionner l'étranger
sur ces choses si nouvelles pour
eux. Celui-ci fut vite au bout de sa science, et,
fort embarrassé pour leur enseigner ce qu'il
ignorait lui-même, il leur dit que, du
côté du soleil levant, vivaient en
grand nombre des hommes capables de leur fournir
tous les renseignements qu'ils désiraient.
Le conseil de la nation fut convoqué et
quatre hommes furent délégués
pour aller aux informations sur Jésus-Christ
et sa Parole. Ces députés
traversèrent plusieurs centaines de milles,
et arrivèrent à Saint-Louis,
où ils trouvèrent un accueil plein
d'affabilité. Ils repartirent, porteurs de
bonnes nouvelles, mais deux seulement
rentrèrent dans leurs foyers : les deux
autres périrent de fatigue en
route.
La publicité qui fut
donnée à ce fait intéressant
réveilla les sympathies des chrétiens
en faveur des tribus de l'Ouest; plusieurs
missionnaires furent envoyés, vers ces
peuplades, et bientôt les contrées
situées au delà du Mississippi
assistèrent à un mouvement religieux
considérable. Les nouveaux convertis
renoncèrent généralement
à leur existence nomade, et
acceptèrent les habitudes de la vie
civilisée. On ne peut que déplorer
que le gouvernement américain, après
avoir « garanti, à eux et à
leurs enfants, à perpétuité,
» le sol de leur habitation, les en a
dépossédés, sans
témoigner plus d'égards aux tribus
civilisées et chrétiennes qu'aux
tribus encore indisciplinées et nomades.
La position tout à fait
instable et précaire faite aux Indiens, sans
cesse refoulés par la civilisation, a
complètement ruiné plusieurs
églises qui florissant au milieu d'eux; car,
bien que les missionnaires n'aient pas
hésité à les suivre dans leurs
lointaines migrations, ils n'ont pas pu
empêcher que les injustices dont ils ont
été les victimes n'aient produit chez
eux des sentiments de mécontentement et de
défiance. Toutefois, ils sont à
l'oeuvre, et, loin de se décourager, ils
persévèrent dans leur travail et des
succès solides, sinon brillants, viennent
récompenser leur foi.
Comme nous l'avons dit au
commencement de cette étude, c'est un destin
mélancolique que celui de ce peuple
exproprié par la brutale main de la
civilisation. Il n'y a aujourd'hui qu'une opinion
parmi les savants au sujet de son avenir. La voici,
exprimée avec une énergie triste, par
M. Charles Lavollée « Repoussé
par l'invasion européenne, abruti par les
spiritueux que lui apporteront les blancs, l'Indien
remontera vers le nord, il fuira jusqu'à ce
qu'il se trouve acculé aux glaces
éternelles du pôle; là,
après avoir jeté ses inutiles filets,
et lancé dans le vide sa dernière
flèche, n'espérant plus que dans
l'hospitalité promise par le Grand-Esprit,
il se couchera sur la neige, qui l'aura
bientôt couvert de son linceul, et, avec lui,
toute une race aura disparu à jamais de la
surface de la terre. »
Cette conclusion n'est pas la
nôtre. Nous croyons fermement que le temps de
la colonisation brutale et sanglante est
passé pour les États-Unis, et que, en
présence d'un peuple désormais
impuissant et désarmé, ils sauront
comprendre qu'il y a quelque chose de mieux
à faire que de l'exterminer, et qu'il n'est
pas impossible de se l'assimiler. Les principes
chrétiens ont assez remporté de
victoires des deux côtés, chez les
vainqueurs et chez les vaincus, pour que ces
espérances nous paraissent autre chose que
de vaines utopies.
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