Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

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LES CAMPS RELIGIEUX ET LA PRÉDICATION DANS L'OUEST.
(Suite)


Une bataille en plein camp-meeting. - Un avis d'Asbury aux perturbateurs. - L'influence des camps sur l'évangélisation de l'Ouest. - Ce qu'en pensait Asbury. - Les côtés fâcheux de cette institution. - La prédication des pionniers. - Son caractère populaire, direct et pratique. - Les remontrances d'Axley. - Une sortie contre les jeunes pasteurs à la mode. - Une admonestation aux ménagères irritables. - Le sérieux, caractère dominant de cette prédication.

« Le camp se composait, raconte-t-il, d'un grand nombre de tentes, et l'on peut dire que pour ce pays c'était une véritable révolution; jamais aussi peut-être ne vit-on pareil assemblage de garnements et de bandits. Ils arrivèrent ivres, armés de poignards, de couteaux, de gourdins et de cravaches, jurant qu'ils disperseraient le camp. Après nous avoir fort incommodés le samedi soir, ils s'assemblèrent de bonne heure le dimanche matin, résolus à amener une mêlée générale. Je devais prêcher à huit heures.
Comme j'étais à la moitié de mon sermon, deux jeunes gens fort bien mis traversèrent l'assemblée munis de grands fouets, et le chapeau sur la tète : ils se placèrent Pu milieu des femmes, se levant et se rasseyant tout à tour, et se mirent à parler et à ricaner. Ils étaient près de l'estrade; je les invitai à cesser et à sortir : ils me répondirent en jurant, m'engagèrent à me mêler de mes propres affaires, et m'assurèrent qu'ils ne sortiraient point. Je m'arrêtai et réclamai l'intervention d'un magistrat. Il y en avait deux présents, mais je vis qu'ils avaient peur. Je les sommai de faire arrêter ces deux jeunes gens, ils répondirent qu'ils ne le pouvaient faire. Je leur dis, en quittant l'estrade, de m'autoriser à les arrêter, et que je l'essayerais au péril de ma vie. Je me dirigeai vers les jeunes gens : ils me crièrent de ne pas approcher; je continuai. Un d'eux essaya de me frapper à la tête avec son fouet; mais je le saisis au milieu du corps et je l'enlevai du banc où il était. Une lutte en règle commença.

L'assemblée était tout en émoi; j'entendais les magistrats crier et sommer les bons citoyens d'aider à rétablir l'ordre. Dans la lutte, je renversai à terre mon prisonnier, qui essaya en vain de se dégager, je lui dis de se tenir en repos, sinon que je lui défoncerais les côtes. La canaille s'était soulevée et se ruait sur nous pour délivrer les prisonniers, car on avait saisi aussi l'autre jeune homme. Un vieil ivrogne de magistrat vint à moi et m'enjoignit de lâcher mon captif. Sur mon refus, il se mit à jurer qu'il me mettrait par terre; je lui dis de se retirer, je priai un de mes amis de tenir mon prisonnier, et, au moment où l'ivrogne se jetait sur moi, je parai son coup de poing, je le saisis par le col et par les cheveux, puis, l'attirant brusquement en avant, je l'étendis à terre et me mis à genoux sur ses reins, lui enjoignant de ne pas remuer sous peine d'être vigoureusement rossé. La mêlée était devenue générale, les bandits étendirent à terre sept magistrats, plusieurs prédicateurs et d'autres encore. Je donnai mon ivrogne à garder et je me mis au premier rang des amis de l'ordre. Je ne tardai pas à me trouver en face du chef des bandits, il me lança trois coups de poing dans l'intention de me renverser. Au troisième coup, par la violence même de son effort, il découvrit sa figure. Je n'eus plus apparemment la force de résister à la tentation, je lui appliquai un coup sur le coin de l'oreille et je l'étendis par terre. À ce moment, les amis de l'ordre se précipitaient par centaines sur les bandits et les terrassaient en grand nombre. La place devint trop chaude pour les assaillants, qui tournèrent le dos et s'enfuirent dans toutes les directions. Nous fîmes une trentaine de prisonniers, qui furent gardés dans une tente jusqu'au lundi matin; ils furent alors traduits devant les magistrats et condamnés au maximum de l'amende. Quant à mon magistrat ivrogne, il fut condamné à une amende de vingt dollars et signalé un tribunal le plus proche, qui le destitua. »

« On comprend aisément ce qu'une mêlée pareille avait dû jeter d'agitation et de désordre dans les esprits. Il semblait impossible de ramener au calme la multitude échauffée par la lutte; aucun prédicateur ne voulait se hasarder à prendre la parole. Cartwright seul, la conscience en repos, parce qu'il croyait avoir rempli un devoir et n'avoir cédé qu'à la nécessité, se sentait surexcité par l'abattement général; il va trouver l'ancien qui présidait et qui était plus découragé que les autres, et il demande à prêcher. La trompette convoque les fidèles, il s'élance sur l'estrade, prend pour texte : « Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Église, » et au bout d'une demi-heure, suivant sa phrase favorite, le pouvoir de Dieu se manifestait dans tout l'auditoire. »

Finley raconte que le pacifique évêque Asbury et son ardent collègue Mac-Kendree assistaient, en 1812, à des assemblées en plein air qui furent signalées par des désordres semblables, et où se fit remarquer par son courage un pasteur du nom de Birkhammer, qui, doué d'une force herculéenne, pouvait saisir d'une main un homme vigoureux et le lancer à dix pas. Grâce à lui, la victoire fut aux amis de l'ordre. Cette explosion de la vie des bois, sous une de ses faces les plus étranges, surprit considérablement Asbury et porta un certain trouble dans ses idées. La lutte finie, il monta pourtant en chaire, et, se tournant vers la partie de l'assemblée qui pouvait représenter encore l'élément du désordre, il lui dit en manière de justification pour ses collègues : « Mes chers amis, vous ferez bien de vous rappeler que tous nos collègues ne sont pas parfaitement sanctifiés; aussi je vous recommande de les laisser tranquilles; je vous préviens que, si vous les excitez et que le démon s'en mêle, vous apprendrez à vos dépens qu'ils sont les plus vaillants et les plus rudes combattants du monde. Je vous exhorte donc, si vous ne pouvez absolument pas être de leurs amis, à rentrer chez vous et à les laisser en paix. »

De pareilles scènes que nous ne justifions pas, bien qu'il nous répugne fort de les juger en nous plaçant au point de vue de la vie civilisée, n'étaient que l'exception. Les prédications, en général, demeuraient dans l'esprit de paix et de mansuétude de la nouvelle alliance, et bien souvent l'Esprit de Dieu se chargea lui-même de terrasser les adversaires. Un jour que les émeutiers, sous la direction d'un mauvais sujet émérite du nom de Fraley, avaient juré d'expulser de la place les prédicateurs et leur monde, et avaient à cet effet ouvert un bal sur les terres même& du camp, on entendit tout à coup un cri perçant qui interrompit danses et chansons; le meneur de l'émeute venait de tomber en proie à une conviction de péché d'une rare intensité. On devine quel désarroi un pareil événement jeta au milieu des danseurs. Fraley se convertit, et employa par la suite son activité et son entrain à amener au salut ses anciens compagnons de débauche.

Les camps religieux ont joué un rôle important dans l'évangélisation de la vallée du Mississippi; ils ont réussi comme toute institution qui naît à son heure et qui répond à de véritables besoins. Ils ont été, pendant de longues années, l'un des plus puissants moyens d'action de l'Église, et par eux des milliers d'âmes ont été atteintes et converties, qui eussent probablement toujours échappé à l'influence des moyens plus réguliers. Les hommes, dont le jugement était le plus sain et dont le caractère était le plus calme, n'en jugèrent pas autrement que les autres, et le sage Asbury n'hésita pas à approuver pleinement cette sorte d'assemblées, qui étaient nées providentiellement pour répondre à une situation sociale exceptionnelle. En 1809, il demandait qu'on en établît dans chaque district. Ce voeu fut réalisé. Les presiding elders (présidents de district) multiplièrent ces sortes d'assemblées à tel point qu'un seul district, celui de Miami, en eut dix-sept dès cette année-là. Après avoir assisté à l'une d'elles, l'évêque écrit : « Je ne puis dire ce que j'éprouve, je suis presque au ciel. Il faut que je prêche en plein air moi aussi ! » Il s'écrie encore : « Je voudrais que nous eussions vingt camps religieux par semaine sur tous les points. Je suis frappé des grands effets qui en résultent. »

Cette institution toutefois avait ses dangers, et le bien qu'elle fit fut souvent mélangé d'abus graves, que des voix toujours plus nombreuses signalèrent à l'attention de l'Église. L'excitation religieuse à laquelle donnèrent lieu ces assemblées populaires ne fut pas toujours saine, et les phénomènes physiques qui l'accompagnèrent se changèrent souvent en une sorte d'épidémie alarmante. Aussi, le moment vint où les camp-meetings tombèrent en discrédit et furent à peu près complètement discontinués. Ils ont repris faveur de nos jours et se tiennent aujourd'hui en grand nombre et dans des conditions singulièrement améliorées. Placés sous la protection des lois, soumis à des règlements que l'État a approuvés, ils se sont transformés en fêtes religieuses qui attirent des multitudes de fidèles et sont presque passées à l'état d'institution nationale.

On comprend quelle influence ils durent exercer sur la prédication des missionnaires de l'Ouest. Le moment est venu d'essayer de caractériser cette prédication. Autant que nous pouvons en juger à distance et par ses effets, elle dut porter à un haut degré l'empreinte de cette société nouvelle qu'elle avait pour mission de ramener à Dieu. Le ministre itinérant était l'enfant du pays; il avait grandi dans la cabane du colon; en montant sur l'estrade du camp religieux, il n'abdiquait pas sa nationalité et ne divorçait pas avec le caractère de sa race. La prédication devait, au contraire, donner un nouveau relief à ce caractère si original et si prime-sautier. Dépouillée de tout formalisme et rejetant toute convention factice, elle gagna en véritable sérieux et ne fut que plus puissante et plus impressive.

Dans l'Ouest plus que partout ailleurs, il fut vrai de dire que les auditeurs font le prédicateur. Au milieu d'une assemblée tumultueuse et bruyante, même lorsqu'elle était le plus sympathique à l'orateur, il fallait à celui-ci certaines qualités d'esprit et d'organe, qui ne sont pas aussi indispensables chez nous. La prédication tournait parfois à la polémique, il fallait donc que le pasteur fût prompt à la répartie, en même temps que bien campé sur son sujet; il devait toujours dans ses prévisions et dans sa préparation, laisser une grande place à l'imprévu. C'est dire qu'il était essentiellement improvisateur.

De là aussi le caractère populaire d'une telle parole. D'après ce que nous avons dit précédemment du degré de culture des premiers évangélistes, on comprend qu'il serait injuste de juger de l'influence de leur prédication par la somme de leurs connaissances. On y eût cherché en vain des aperçus nouveaux ou un style irréprochable. Mais ce qui s'y rencontrait et ce que le peuple inculte des forêts appréciait bien plus, c'était la chaleur, c'était la vie, une vie débordante et vigoureuse. Ces rudes harangues, dont l'inspiration du moment faisait tous les frais, et dont le style ressemblait au torrent des montagnes qui entraîne tout sur son passage, faisaient passer l'âme de l'orateur dans chacun de ses auditeurs. Cette parole fut parfois exagérée et violente; qui songerait à s'en étonner? ces défauts sont de ceux qui accusent une vie jeune et exubérante. Ce que ces hommes des bois attendaient de leurs pasteurs, ce n'étaient pas des périodes oratoires bien ciselées, ni des pensées subtilement nuancées, ni des périphrases habiles, ni des dissertations philosophiques, mais plutôt des faits d'expérience. et surtout cet accent de sincérité qui impose et qui émeut.

Ils ne manquaient jamais de précision dans leur parole. Ils parlaient la langue du peuple et se servaient des expressions les plus usuelles. De cette façon, leur prédication allait toujours à son adresse. Dans le pays où ils vivaient, un homme sait à deux cents pas loger une balle dans l'oeil d'un écureuil ou moucher une chandelle avec sa balle sans l'éteindre. De pareilles gens doivent détester l'ambiguïté et goûter fort la précision. Aussi les vétérans de l'oeuvre donnaient-ils trois conseils à leurs, jeunes collègues, conseils qui mériteraient d'être écoutés même chez nous : « Premièrement, ne commencez que quand vous avez quelque chose à dire; secondement. dites-le; troisièmement, taisez-vous quand vous l'avez dit. »

De la part de ces hommes, dont ils connaissaient la vie austère et sainte, les colons, peu endurants en général, supportaient les répréhensions et les censures les plus sévères. Leur parole était toujours d'une intrépidité sans réticences; elle ne se défendait aucun sujet, et, au besoin, devenait une apostrophe directe et personnelle à des auditeurs incorrigibles. La salle de réunion se transformait parfois en une cour de justice, et la prédication en un réquisitoire impitoyable contre les endurcis. Quelques prédicateurs, particulièrement parmi les plus anciens, jouissaient du privilège de tout dire, et ils en usaient. Il n'était pas rare, par exemple, que James Axley (familièrement connu sous le nom de Vieux Jimmy) se mit, sa prédication achevée, à adresser à ses auditeurs des réprimandes très directes, qui faisaient baisser plus d'une tête coupable. Cette indépendance de parole se manifestait surtout dans la critique des travers et des vices dont les missionnaires avaient le spectacle sous les yeux. Ils tonnaient contre l'ivrognerie, dont ils réussirent à arrêter les progrès dans une société qu'elle eût démoralisée rapidement, contre la profanation du jour du repos qui était universelle, contre la manie de la spéculation, et contre la fièvre du jeu, qui firent d'innombrables victimes. Rien de ce qui pouvait éloigner les âmes de Dieu ne leur paraissait indigne des anathèmes de la chaire chrétienne. Ils étaient surtout impitoyables envers le luxe et la vanité dans les toilettes. Les vétérans, comme Cartwright et AxIey, s'indignaient en voyant la simplicité des premiers jours faire place à la recherche. Ce dernier, particulièrement, ne se lassait pas de censurer ce qu'il appelait la conformité au monde; elle lui déplaisait surtout chez ses collègues, et il savait parfois leur donner très habilement de bonnes leçons à cet égard.

Un jour qu'il prêchait dans une grande assemblée publique, entouré de plusieurs jeunes pasteurs assis sur l'estrade à ses côtés, il aborda son sujet favori d'une façon originale et piquante. Il ouvrit une discussion avec un adversaire imaginaire, qu'il supposait à l'autre bout de la salle et dont il énonçait lui-même les objections en modifiant légèrement sa voix; puis, reprenant sa voix naturelle, il s'efforçait de démolir ses arguments. Après quelques passes d'armes brillantes, il fit parler de la sorte son contradicteur :

- Mais, Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que quelques-uns de vos prédicateurs méthodistes eux-mêmes ne s'habillent à la nouvelle mode, et n'aient un peu l'air et la tournure de nos jeunes dandys.
- Mon ami, reprit le pasteur, que dites-vous là? Ce n'est pas possible. Les prédicateurs méthodistes se font une trop juste idée de leur vocation, ils ont trop de bon sens et ils se respectent trop pour s'avilir eux-mêmes, et avec eux le ministère sacré dont ils sont revêtus, par une aussi grossière inconséquence dans la conduite.
- Vous ne voulez pas me croire, Monsieur le ministre; prenez donc un peu la peine de vous retourner et de regarder avec quelque attention ces jeunes pasteurs, vos collègues, qui sont auprès de vous, sur l'estrade.

Axley se tourna aussitôt avec une expression de profond étonnement et examina des pieds à la tête, pendant quelques minutes, deux ou trois jeunes pasteurs très bien mis qui étaient à ses côtés. Cette inspection très attentive parut mettre ceux-ci mal à l'aise : le prédicateur avait touché juste. Il se retourna ensuite lentement vers son auditoire; puis, le bras étendu et l'oeil fixé du côté de l'interlocuteur imaginaire, il lui dit en abaissant la voix, quoique fort distinctement :

- Si vous le permettez, Monsieur, nous laisserons ce sujet de côté.

L'histoire ne dit pas si la leçon profita aux jeunes pasteurs trop amoureux des nouvelles modes. Que de pages de Cartwright il serait facile de rapprocher de cette anecdote et où l'on verrait percer le même sentiment de réprobation pour le goût du luxe; nos pionniers le considèrent, en effet, comme l'un des dangers qui menacent la prospérité de cette chère Église, qu'ils ont réussi, à force de peines, à implanter dans les solitudes de l'Ouest.

Au nombre de ces hardiesses de la parole, que d'autres appelleraient peut-être des intempérances, il faut indiquer le caractère fréquemment agressif de cette prédication, caractère qui en fait une satire de moeurs perpétuelle. Les petits détails d'un intérieur de fermier viennent parfois en pleine lumière dans ces sermons, qui se donnent pour tâche de ne rien laisser en dehors de leur champ d'inspection. « Ah ! oui, mes bonnes soeurs, s'écrie Axley, dans cette église, vous me paraissez aussi douces et aussi souriantes que des anges. L'une de vous vient m'inviter à dîner chez elle, et je m'y rends. Arrivé chez vous, vous me dites : « Asseyez-vous un moment, frère Axley, « tandis que je prépare le dîner, » et pendant que vous êtes à la cuisine, je vous entends élever la voix, disputer la domestique, distribuer des soufflets à vos enfants qui se mettent à pleurer; en un mot, j'assiste par l'ouïe à une scène d'intérieur qui n'a rien de bien édifiant. Cette bonne soeur, après cela, rentre auprès de moi, de nouveau douce et le sourire sur les lèvres, telle qu'un beau jour d'été; on dirait vraiment qu'elle vient de dire ses prières. Dites-moi, mes bonnes soeurs, est-ce là ce que vous appelez piété et christianisme? »

Cette prédication, réaliste dans le bon sens du mot, savait mettre à profit les occasions, les événements du jour et ces grandes scènes que la nature déroule sous les yeux dans ces contrées nouvelles. C'est ainsi que le terrible tremblement de terre de 1812 qui, pendant quelque temps, dérangea le cours du Mississippi, devint un excellent auxiliaire pour l'oeuvre 'chrétienne et l'occasion d'un réveil.

Tout compté, le caractère dominant de cette prédication nous semble être, malgré quelques apparences contraires, un grand sérieux. Ces hommes simples, en présence de ces grandes assemblées qui se réunissaient pour les entendre, se disaient toujours qu'ils avaient devant eux des âmes à sauver de la colère à venir. Ils se disaient que de la force ou de la faiblesse de leur parole et de leur zèle pouvait dépendre, en quelque mesure, le salut ou la ruine éternelle de ces milliers d'âmes. L'enfer était pour eux une réalité saisissante et qu'ils ramenaient fréquemment dans leurs discours. Ils étaient pins éloquents encore quand ils parlaient du ciel et de ses saintes joies, qui contrastaient si agréablement dans leurs espérances avec cette rude existence de fatigues et de labeurs incessants qu'ils menaient ici-bas.

Mais nous avons tort sans doute, d'essayer de saisir sur le fait la chose du monde la plus insaisissable : la vie. Oui, et c'est là le mot qui résume le mieux cette parole, qui est plus, qu'une parole qui est un combat. La vie, sous ses formes multiples, avec toutes les exubérances de la jeunesse et avec toutes les énergies de la virilité, éclate partout dans l'oeuvre de nos pionniers intrépides.

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