Une bataille
en plein camp-meeting. - Un
avis d'Asbury aux perturbateurs. -
L'influence des camps sur
l'évangélisation de l'Ouest.
- Ce qu'en pensait Asbury. - Les
côtés fâcheux de cette
institution. - La prédication des
pionniers. - Son caractère
populaire, direct et pratique. - Les
remontrances d'Axley. - Une sortie contre
les jeunes pasteurs à la mode. -
Une admonestation aux
ménagères irritables. - Le
sérieux, caractère dominant
de cette prédication.
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« Le camp se composait, raconte-t-il, d'un
grand nombre de tentes, et l'on peut dire que pour
ce pays c'était une véritable
révolution; jamais aussi peut-être ne
vit-on pareil assemblage de garnements et de
bandits. Ils arrivèrent ivres, armés
de poignards, de couteaux, de gourdins et de
cravaches, jurant qu'ils disperseraient le camp.
Après nous avoir fort incommodés le
samedi soir, ils s'assemblèrent de bonne
heure le dimanche matin, résolus à
amener une mêlée
générale. Je devais prêcher
à huit heures.
Comme j'étais à la
moitié de mon sermon, deux jeunes gens fort
bien mis traversèrent l'assemblée
munis de grands fouets, et le chapeau sur la
tète : ils se placèrent Pu milieu des
femmes, se levant et se rasseyant tout à
tour, et se mirent à parler et à
ricaner. Ils étaient près de
l'estrade; je les invitai à cesser et
à sortir : ils me répondirent en
jurant, m'engagèrent à me mêler
de mes propres affaires, et m'assurèrent
qu'ils ne sortiraient point. Je m'arrêtai et
réclamai l'intervention d'un magistrat. Il y
en avait deux présents, mais je vis qu'ils
avaient peur. Je les sommai de faire arrêter
ces deux jeunes gens, ils répondirent qu'ils
ne le pouvaient faire. Je leur dis, en quittant
l'estrade, de m'autoriser à les
arrêter, et que je l'essayerais au
péril de ma vie. Je me dirigeai vers les
jeunes gens : ils me crièrent de ne pas
approcher; je continuai. Un
d'eux essaya de me frapper à la tête
avec son fouet; mais je le saisis au milieu du
corps et je l'enlevai du banc où il
était. Une lutte en règle
commença.
L'assemblée était tout
en émoi; j'entendais les magistrats crier et
sommer les bons citoyens d'aider à
rétablir l'ordre. Dans la lutte, je
renversai à terre mon prisonnier, qui essaya
en vain de se dégager, je lui dis de se
tenir en repos, sinon que je lui défoncerais
les côtes. La canaille s'était
soulevée et se ruait sur nous pour
délivrer les prisonniers, car on avait saisi
aussi l'autre jeune homme. Un vieil ivrogne de
magistrat vint à moi et m'enjoignit de
lâcher mon captif. Sur mon refus, il se mit
à jurer qu'il me mettrait par terre; je lui
dis de se retirer, je priai un de mes amis de tenir
mon prisonnier, et, au moment où l'ivrogne
se jetait sur moi, je parai son coup de poing, je
le saisis par le col et par les cheveux, puis,
l'attirant brusquement en avant, je
l'étendis à terre et me mis à
genoux sur ses reins, lui enjoignant de ne pas
remuer sous peine d'être vigoureusement
rossé. La mêlée était
devenue générale, les bandits
étendirent à terre sept magistrats,
plusieurs prédicateurs et d'autres encore.
Je donnai mon ivrogne à garder et je me mis
au premier rang des amis de l'ordre. Je ne tardai
pas à me trouver en face du chef des
bandits, il me lança trois coups de poing
dans l'intention de me
renverser. Au troisième coup, par la
violence même de son effort, il
découvrit sa figure. Je n'eus plus
apparemment la force de résister à la
tentation, je lui appliquai un coup sur le coin de
l'oreille et je l'étendis par terre.
À ce moment, les amis de l'ordre se
précipitaient par centaines sur les bandits
et les terrassaient en grand nombre. La place
devint trop chaude pour les assaillants, qui
tournèrent le dos et s'enfuirent dans toutes
les directions. Nous fîmes une trentaine de
prisonniers, qui furent gardés dans une
tente jusqu'au lundi matin; ils furent alors
traduits devant les magistrats et condamnés
au maximum de l'amende. Quant à mon
magistrat ivrogne, il fut condamné à
une amende de vingt dollars et signalé un
tribunal le plus proche, qui le destitua.
»
« On comprend aisément
ce qu'une mêlée pareille avait
dû jeter d'agitation et de désordre
dans les esprits. Il semblait impossible de ramener
au calme la multitude échauffée par
la lutte; aucun prédicateur ne voulait se
hasarder à prendre la parole. Cartwright
seul, la conscience en repos, parce qu'il croyait
avoir rempli un devoir et n'avoir
cédé qu'à la
nécessité, se sentait
surexcité par l'abattement
général; il va trouver l'ancien qui
présidait et qui était plus
découragé que les autres, et il
demande à prêcher. La trompette convoque les
fidèles, il s'élance sur l'estrade,
prend pour texte : « Les portes de l'enfer ne
prévaudront pas contre l'Église,
» et au bout d'une demi-heure, suivant sa
phrase favorite, le pouvoir de Dieu se manifestait
dans tout l'auditoire. »
Finley raconte que le pacifique
évêque Asbury et son ardent
collègue Mac-Kendree assistaient, en 1812,
à des assemblées en plein air qui
furent signalées par des désordres
semblables, et où se fit remarquer par son
courage un pasteur du nom de Birkhammer, qui,
doué d'une force herculéenne, pouvait
saisir d'une main un homme vigoureux et le lancer
à dix pas. Grâce à lui, la
victoire fut aux amis de l'ordre. Cette explosion
de la vie des bois, sous une de ses faces les plus
étranges, surprit considérablement
Asbury et porta un certain trouble dans ses
idées. La lutte finie, il monta pourtant en
chaire, et, se tournant vers la partie de
l'assemblée qui pouvait représenter
encore l'élément du désordre,
il lui dit en manière de justification pour
ses collègues : « Mes chers amis, vous
ferez bien de vous rappeler que tous nos
collègues ne sont pas parfaitement
sanctifiés; aussi je vous recommande de les
laisser tranquilles; je vous préviens que,
si vous les excitez et que le démon s'en
mêle, vous apprendrez à vos
dépens qu'ils sont les plus vaillants et les
plus rudes combattants du monde. Je vous exhorte
donc, si vous
ne
pouvez absolument pas être de leurs amis,
à rentrer chez vous et à les laisser
en paix. »
De pareilles scènes que nous
ne justifions pas, bien qu'il nous répugne
fort de les juger en nous plaçant au point
de vue de la vie civilisée, n'étaient
que l'exception. Les prédications, en
général, demeuraient dans l'esprit de
paix et de mansuétude de la nouvelle
alliance, et bien souvent l'Esprit de Dieu se
chargea lui-même de terrasser les
adversaires. Un jour que les émeutiers, sous
la direction d'un mauvais sujet
émérite du nom de Fraley, avaient
juré d'expulser de la place les
prédicateurs et leur monde, et avaient
à cet effet ouvert un bal sur les terres
même& du camp, on entendit tout à
coup un cri perçant qui interrompit danses
et chansons; le meneur de l'émeute venait de
tomber en proie à une conviction de
péché d'une rare intensité. On
devine quel désarroi un pareil
événement jeta au milieu des
danseurs. Fraley se convertit, et employa par la
suite son activité et son entrain à
amener au salut ses anciens compagnons de
débauche.
Les camps religieux ont joué
un rôle important dans
l'évangélisation de la vallée
du Mississippi; ils ont réussi comme toute
institution qui naît à son heure et
qui répond à de véritables
besoins. Ils ont été, pendant de
longues années, l'un des plus puissants moyens
d'action
de l'Église, et par eux des milliers
d'âmes ont été atteintes et
converties, qui eussent probablement toujours
échappé à l'influence des
moyens plus réguliers. Les hommes, dont le
jugement était le plus sain et dont le
caractère était le plus calme, n'en
jugèrent pas autrement que les autres, et le
sage Asbury n'hésita pas à approuver
pleinement cette sorte d'assemblées, qui
étaient nées providentiellement pour
répondre à une situation sociale
exceptionnelle. En 1809, il demandait qu'on en
établît dans chaque district. Ce voeu
fut réalisé. Les presiding elders
(présidents de district)
multiplièrent ces sortes d'assemblées
à tel point qu'un seul district, celui de
Miami, en eut dix-sept dès cette
année-là. Après avoir
assisté à l'une d'elles,
l'évêque écrit : « Je ne
puis dire ce que j'éprouve, je suis presque
au ciel. Il faut que je prêche en plein air
moi aussi ! » Il s'écrie encore :
« Je voudrais que nous eussions vingt camps
religieux par semaine sur tous les points. Je suis
frappé des grands effets qui en
résultent. »
Cette institution toutefois
avait
ses dangers, et le bien qu'elle fit fut souvent
mélangé d'abus graves, que des voix
toujours plus nombreuses signalèrent
à l'attention de l'Église.
L'excitation religieuse à laquelle
donnèrent lieu ces assemblées
populaires ne fut pas toujours saine, et les phénomènes
physiques
qui l'accompagnèrent se
changèrent souvent en une sorte
d'épidémie alarmante. Aussi, le
moment vint où les camp-meetings
tombèrent en discrédit et furent
à peu près complètement
discontinués. Ils ont repris faveur de nos
jours et se tiennent aujourd'hui en grand nombre et
dans des conditions singulièrement
améliorées. Placés sous la
protection des lois, soumis à des
règlements que l'État a
approuvés, ils se sont transformés en
fêtes religieuses qui attirent des multitudes
de fidèles et sont presque passées
à l'état d'institution
nationale.
On comprend quelle influence ils
durent exercer sur la prédication des
missionnaires de l'Ouest. Le moment est venu
d'essayer de caractériser cette
prédication. Autant que nous pouvons en
juger à distance et par ses effets, elle dut
porter à un haut degré l'empreinte de
cette société nouvelle qu'elle avait
pour mission de ramener à Dieu. Le ministre
itinérant était l'enfant du pays; il
avait grandi dans la cabane du colon; en montant
sur l'estrade du camp religieux, il n'abdiquait pas
sa nationalité et ne divorçait pas
avec le caractère de sa race. La
prédication devait, au contraire, donner un
nouveau relief à ce caractère si
original et si prime-sautier.
Dépouillée de tout formalisme et
rejetant toute convention factice, elle gagna en
véritable sérieux et ne fut que plus
puissante et plus impressive.
Dans l'Ouest plus que partout
ailleurs, il fut vrai de dire que les auditeurs
font le prédicateur. Au milieu d'une
assemblée tumultueuse et bruyante,
même lorsqu'elle était le plus
sympathique à l'orateur, il fallait à
celui-ci certaines qualités d'esprit et
d'organe, qui ne sont pas aussi indispensables chez
nous. La prédication tournait parfois
à la polémique, il fallait donc que
le pasteur fût prompt à la
répartie, en même temps que bien
campé sur son sujet; il devait toujours dans
ses prévisions et dans sa
préparation, laisser une grande place
à l'imprévu. C'est dire qu'il
était essentiellement
improvisateur.
De là aussi le
caractère populaire d'une telle parole.
D'après ce que nous avons dit
précédemment du degré de
culture des premiers évangélistes, on
comprend qu'il serait injuste de juger de
l'influence de leur prédication par la somme
de leurs connaissances. On y eût
cherché en vain des aperçus nouveaux
ou un style irréprochable. Mais ce qui s'y
rencontrait et ce que le peuple inculte des
forêts appréciait bien plus,
c'était la chaleur, c'était la vie,
une vie débordante et vigoureuse. Ces rudes
harangues, dont l'inspiration du moment faisait
tous les frais, et dont le style ressemblait au
torrent des montagnes qui entraîne tout sur
son passage, faisaient passer l'âme de
l'orateur dans chacun de ses auditeurs. Cette
parole fut
parfois exagérée et violente; qui
songerait à s'en étonner? ces
défauts sont de ceux qui accusent une vie
jeune et exubérante. Ce que ces hommes des
bois attendaient de leurs pasteurs, ce
n'étaient pas des périodes oratoires
bien ciselées, ni des pensées
subtilement nuancées, ni des
périphrases habiles, ni des dissertations
philosophiques, mais plutôt des faits
d'expérience. et surtout cet accent de
sincérité qui impose et qui
émeut.
Ils ne manquaient jamais de
précision dans leur parole. Ils parlaient la
langue du peuple et se servaient des expressions
les plus usuelles. De cette façon, leur
prédication allait toujours à son
adresse. Dans le pays où ils vivaient, un
homme sait à deux cents pas loger une balle
dans l'oeil d'un écureuil ou moucher une
chandelle avec sa balle sans l'éteindre. De
pareilles gens doivent détester
l'ambiguïté et goûter fort la
précision. Aussi les vétérans
de l'oeuvre donnaient-ils trois conseils à
leurs, jeunes collègues, conseils qui
mériteraient d'être
écoutés même chez nous : «
Premièrement, ne commencez que quand vous
avez quelque chose à dire; secondement.
dites-le; troisièmement, taisez-vous quand
vous l'avez dit. »
De la part de ces hommes, dont
ils
connaissaient la vie austère et sainte, les
colons, peu endurants en général,
supportaient les répréhensions et les censures les
plus
sévères. Leur parole était
toujours d'une intrépidité sans
réticences; elle ne se défendait
aucun sujet, et, au besoin, devenait une apostrophe
directe et personnelle à des auditeurs
incorrigibles. La salle de réunion se
transformait parfois en une cour de justice, et la
prédication en un réquisitoire
impitoyable contre les endurcis. Quelques
prédicateurs, particulièrement parmi
les plus anciens, jouissaient du privilège
de tout dire, et ils en usaient. Il n'était
pas rare, par exemple, que James Axley
(familièrement connu sous le nom de Vieux
Jimmy) se mit, sa prédication
achevée, à adresser à ses
auditeurs des réprimandes très
directes, qui faisaient baisser plus d'une
tête coupable. Cette indépendance de
parole se manifestait surtout dans la critique des
travers et des vices dont les missionnaires avaient
le spectacle sous les yeux. Ils tonnaient contre
l'ivrognerie, dont ils réussirent à
arrêter les progrès dans une
société qu'elle eût
démoralisée rapidement, contre la
profanation du jour du repos qui était
universelle, contre la manie de la
spéculation, et contre la fièvre du
jeu, qui firent d'innombrables victimes. Rien de ce
qui pouvait éloigner les âmes de Dieu
ne leur paraissait indigne des anathèmes de
la chaire chrétienne. Ils étaient
surtout impitoyables envers le luxe et la
vanité dans les toilettes. Les
vétérans, comme Cartwright et AxIey, s'indignaient
en voyant la
simplicité des premiers jours faire place
à la recherche. Ce dernier,
particulièrement, ne se lassait pas de
censurer ce qu'il appelait la conformité au
monde; elle lui déplaisait surtout chez ses
collègues, et il savait parfois leur donner
très habilement de bonnes leçons
à cet égard.
Un jour qu'il prêchait dans
une grande assemblée publique,
entouré de plusieurs jeunes pasteurs assis
sur l'estrade à ses côtés, il
aborda son sujet favori d'une façon
originale et piquante. Il ouvrit une discussion
avec un adversaire imaginaire, qu'il supposait
à l'autre bout de la salle et dont il
énonçait lui-même les
objections en modifiant légèrement sa
voix; puis, reprenant sa voix naturelle, il
s'efforçait de démolir ses arguments.
Après quelques passes d'armes brillantes, il
fit parler de la sorte son contradicteur
:
- Mais, Monsieur le ministre,
vous
ne pouvez pas nier que quelques-uns de vos
prédicateurs méthodistes
eux-mêmes ne s'habillent à la nouvelle
mode, et n'aient un peu l'air et la tournure de nos
jeunes dandys.
- Mon ami, reprit le pasteur,
que
dites-vous là? Ce n'est pas possible. Les
prédicateurs méthodistes se font une
trop juste idée de leur vocation, ils ont
trop de bon sens et ils se respectent trop pour
s'avilir eux-mêmes, et avec eux le ministère sacré
dont ils sont revêtus, par une aussi
grossière inconséquence dans la
conduite.
- Vous ne voulez pas me croire,
Monsieur le ministre; prenez donc un peu la peine
de vous retourner et de regarder avec quelque
attention ces jeunes pasteurs, vos
collègues, qui sont auprès de vous,
sur l'estrade.
Axley se tourna aussitôt avec
une expression de profond étonnement et
examina des pieds à la tête, pendant
quelques minutes, deux ou trois jeunes pasteurs
très bien mis qui étaient à
ses côtés. Cette inspection
très attentive parut mettre ceux-ci mal
à l'aise : le prédicateur avait
touché juste. Il se retourna ensuite
lentement vers son auditoire; puis, le bras
étendu et l'oeil fixé du
côté de l'interlocuteur imaginaire, il
lui dit en abaissant la voix, quoique fort
distinctement :
- Si vous le permettez,
Monsieur,
nous laisserons ce sujet de
côté.
L'histoire ne dit pas si la
leçon profita aux jeunes pasteurs trop
amoureux des nouvelles modes. Que de pages de
Cartwright il serait facile de rapprocher de cette
anecdote et où l'on verrait percer le
même sentiment de réprobation pour le
goût du luxe; nos pionniers le
considèrent, en effet, comme l'un des
dangers qui menacent la prospérité de
cette chère Église, qu'ils ont
réussi, à force de peines, à
implanter dans les solitudes de l'Ouest.
Au nombre de ces hardiesses de
la
parole, que d'autres appelleraient peut-être
des intempérances, il faut indiquer le
caractère fréquemment agressif de
cette prédication, caractère qui en
fait une satire de moeurs perpétuelle. Les
petits détails d'un intérieur de
fermier viennent parfois en pleine lumière
dans ces sermons, qui se donnent pour tâche
de ne rien laisser en dehors de leur champ
d'inspection. « Ah ! oui, mes bonnes soeurs,
s'écrie Axley, dans cette église,
vous me paraissez aussi douces et aussi souriantes
que des anges. L'une de vous vient m'inviter
à dîner chez elle, et je m'y rends.
Arrivé chez vous, vous me dites : «
Asseyez-vous un moment, frère Axley, «
tandis que je prépare le dîner, »
et pendant que vous êtes à la cuisine,
je vous entends élever la voix, disputer la
domestique, distribuer des soufflets à vos
enfants qui se mettent à pleurer; en un mot,
j'assiste par l'ouïe à une scène
d'intérieur qui n'a rien de bien
édifiant. Cette bonne soeur, après
cela, rentre auprès de moi, de nouveau douce
et le sourire sur les lèvres, telle qu'un
beau jour d'été; on dirait vraiment
qu'elle vient de dire ses prières.
Dites-moi, mes bonnes soeurs, est-ce là ce
que vous appelez piété et
christianisme? »
Cette prédication,
réaliste dans le bon sens du mot, savait
mettre à profit les occasions, les événements du
jour
et ces grandes scènes que la nature
déroule sous les yeux dans ces
contrées nouvelles. C'est ainsi que le
terrible tremblement de terre de 1812 qui, pendant
quelque temps, dérangea le cours du
Mississippi, devint un excellent auxiliaire pour
l'oeuvre 'chrétienne et l'occasion d'un
réveil.
Tout compté, le
caractère dominant de cette
prédication nous semble être,
malgré quelques apparences contraires, un
grand sérieux. Ces hommes simples, en
présence de ces grandes assemblées
qui se réunissaient pour les entendre, se
disaient toujours qu'ils avaient devant eux des
âmes à sauver de la colère
à venir. Ils se disaient que de la force ou
de la faiblesse de leur parole et de leur
zèle pouvait dépendre, en quelque
mesure, le salut ou la ruine éternelle de
ces milliers d'âmes. L'enfer était
pour eux une réalité saisissante et
qu'ils ramenaient fréquemment dans leurs
discours. Ils étaient pins éloquents
encore quand ils parlaient du ciel et de ses
saintes joies, qui contrastaient si
agréablement dans leurs espérances
avec cette rude existence de fatigues et de labeurs
incessants qu'ils menaient ici-bas.
Mais nous avons tort sans doute,
d'essayer de saisir sur le fait la chose du monde
la plus insaisissable : la vie. Oui, et c'est
là le mot qui résume le mieux cette
parole, qui est plus, qu'une parole qui est un
combat. La vie,
sous
ses formes multiples, avec toutes les
exubérances de la jeunesse et avec toutes
les énergies de la virilité,
éclate partout dans l'oeuvre de nos
pionniers intrépides.
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