Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE PREMIER

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L'OUEST, SON HISTOIRE ET SES HABITANTS

(Suite)


Les colons. - Leurs diverses nationalités. - Les périls de l'émigration à ses débuts. - Un trait de l'enfance de Cartwright. - Le refuge des coquins. - La législation des premiers colons. - Le châtiment des paresseux. - L'état social et ses désagréments. - Le caractère de l'homme de l'Ouest. - L'état moral et religieux de ces populations.

En face de cette population qui décroît et s'éloigne, l'Ouest voit une population nouvelle s'avancer et grandir. Nous voulons parler des colons de diverses nations qui se sont jetés sur ces riches contrées et ont dépossédé les possesseurs primitifs du sol. Ces colons appartiennent à une foule de nationalités diverses; la majorité vient sans doute des États-Unis, mais on compte en outre une foule d'Irlandais et d'Allemands. L'émigration française a été moins nombreuse, mais si l'on ajoute aux émigrants de ce siècle les débris des divers essais malheureux de colonisation entrepris par la France dans le passé, on comprendra que l'élément français soit représenté d'une manière appréciable. Tous ces éléments hétérogènes semblaient peu susceptibles de se fondre et de s'amalgamer dans une unité vivante. Cette fusion a eu lieu pourtant, ou plutôt c'est un phénomène qui se continue et qui s'accomplit à l'heure qu'il est d'une manière saisissante, et dès maintenant on peut dire qu'un grand peuple existe au delà des Alleghanys. Il nous reste à essayer de faire connaître ce peuple dans les grands traits de son caractère. Disons quelques mots d'abord de la colonisation elle-même.

Bien que, comme nous l'avons vu, la pensée de conquérir les contrées occidentales de l'Amérique du Nord sur leurs possesseurs naturels soit fort ancienne, ce ne fut guère qu'à la suite de la révolution qui sépara les États-Unis de leur métropole que commença, d'une manière sérieuse, la colonisation du pays. La république naissante semble avoir voulu prouver sa vitalité par une de ces conquêtes pacifiques qui honorent un peuple et un siècle. Là où les Espagnols et les Français avaient échoué, elle devait jeter les fondements d'un empire durable. On ne s'imagine pas d'ordinaire au milieu de quelles difficultés et de quels périls s'accomplissait cette émigration à la fin du XVIIIe siècle. « Il fallait franchir toute la chaîne des Alleghanys et traverser d'interminables forêts infestées de sauvages. Le Kentucky ne justifiait que trop son nom indien de terre de sang. Il n'était la propriété d'aucune tribu; les sauvages qui habitaient sur les bords de l'Ohio ou du Tennessee le regardaient comme une sorte de terrain neutre, comme une réserve immense où ils venaient poursuivre le gibier, et d'où il fallait écarter tout étranger. Aussi luttaient-ils avec acharnement contre les empiétements des Américains. Il n'y avait encore aucune route à travers les forêts: à peine y trouvait-on d'étroits sentiers impraticables pour les chariots. Les émigrants emportaient tout leur bagage à dos de cheval. Aucune famille ne s'aventurait isolément; on se réunissait en caravanes, et on se procurait une escorte de jeunes gens rompus à la fatigue, connaissant les chemins et habiles tireurs. Il était impossible de faire une marche d'une journée dans la forêt sans rencontrer quelque cadavre scalpé, et de distance en distance un nom sinistre, comme le camp de la défaite, venait rappeler quelque effroyable boucherie (1). »

Citons un trait emprunté aux mémoires de Pierre Cartwright, un des prédicateurs de l'Ouest dont le nom reviendra le plus fréquemment dans ces pages. Son père, vers 1790, émigra au Kentucky, avec une caravane de deux cents familles, qui, bien que défendue par une nombreuse escorte, fut harcelée par les Indiens tout le long de sa route. « La nuit nous surprit une fois, raconte notre auteur, à sept milles de Crab-Orchard, où s'élevait un fort et où nous devions rencontrer le premier établissement civilisé du pays. Nous fîmes halte, et on alla aux voix pour décider si l'on camperait sur le lieu même ou si l'on pousserait jusqu'au fort. On avait vu des Indiens rôder pendant toute la journée autour de notre troupe. Aussi tous furent-ils d'avis de poursuivre, à l'exception toutefois de sept familles qui déclarèrent ne pas vouloir faire un pas de plus. On les laissa, et sans plus de souci ces pauvres gens se livrèrent au sommeil. Pendant la nuit, une troupe d'Indiens se précipita sur eux, et ils furent tous massacrés, hommes, femmes et enfants, à l'exception d'un pauvre homme qui parvint à fuir jusqu'auprès de nous, dans son costume de nuit, et nous apporta la lamentable nouvelle. »

Après les difficultés du voyage, venaient les difficultés de l'établissement, et elles étaient grandes. Outre les ennemis naturels que les premiers colons trouvaient dans les habitants primitifs du sol, ils avaient à lutter contre la démoralisation qui s'introduit si aisément dans une société naissante. Les émigrants n'étaient pas toujours, en effet, de premier choix, et, à côté des hommes qu'attirait la fertilité des terrains ou la nécessité de relever, par des entreprises nouvelles, les ruines de leur fortune, se rencontraient une foule d'aventuriers et de gens désoeuvrés; souvent même des hommes qui avaient lin passé suspect venaient demander un refuge à ces contrées reculées où ils savaient bien que la justice n'irait pas les chercher. Laissons encore sur ce point la parole au témoin oculaire que nous avons entendu:

« Le comté de Logan était surnommé, lorsque mon père y établit sa demeure, le refuge des coquins. C'était en effet le rendez-vous d'une foule de gens accourus de toutes les parties de l'Union pour échapper à la justice, avec laquelle ils avaient eu quelque démêlé; car, bien que les lois existassent pour cette partie du pays comme pour les autres, elles n'étaient pas en vigueur, et il en résultait un état de choses vraiment lamentable. Assassins, voleurs de chevaux, voleurs de grand chemin, faux-monnayeurs foisonnaient; un moment même ils furent en majorité. Les citoyens honnêtes tentaient bien de mettre en exercice les lois à l'égard de ces fripons; mais ceux-ci se venaient mutuellement en aide par de faux témoignages et se moquaient de la loi. Les choses en vinrent à un tel degré de violence de leur part que les honnêtes gens durent s'organiser en parti, et, se charger eux-mêmes, sous le nom de régulateurs, de faire respecter les lois. Il serait difficile d'imaginer un pire état social. Peu de temps après que les régulateurs se furent associés pour leur défense commune et eurent établi leurs règlements, les deux partis ennemis se rencontrèrent à Russelville. Une querelle ne tarda pas à s'allumer, et des injures on en vint à une vraie bataille. La mêlée fut chaude; chacun se servit de ce qui lui tombait sous la main, fusil, pistolet, poignard, coutelas ou gourdin. Plusieurs cadavres jonchèrent le champ du combat, et le nombre des blessés fut grand; la victoire favorisa les coquins, qui demeurèrent maîtres de la place et mirent en fuite les régulateurs. Mals ceux-ci se rallièrent, poursuivirent les coquins et en firent une terrible exécution, sans faire appel à une procédure régulière. Ceux qui échappèrent à ce châtiment sommaire jugèrent prudent de fuir et s'en allèrent OÙ ils purent. »

C'est ainsi que les rudes colons de l'Ouest se rendaient justice à eux-mêmes d'une manière expéditive. Tout, dans la législation qu'ils se donnèrent pour résister aux empiétements de la démoralisation, était de la plus grande simplicité; on trouve pourtant dans ces essais mêmes si imparfaits des traces évidentes des grandes qualités que l'avenir devait développer chez eux. C'est ainsi que, dès les premiers jours de l'émigration, ce peuple de travailleurs prit une mesure excellente pour couper court à l'oisiveté, plaie des sociétés naissantes: celle de ne pas souffrir dans la contrée la présence d'un homme privé de moyens d'existence visibles et honorables. Un jour, dans une portion du pays où cette loi était en vigueur, arriva un jeune homme qui paraissait n'avoir d'autre occupation que de se promener les mains dans les poches et en sifflant quelque chanson. Les anciens de la communauté vinrent bientôt lui faire part des statuts qui, du consentement de tous, régissaient le pays, et le prièrent de vider la place, s'il était décidé à demeurer inactif. Le Jeune aventurier toisa ses interlocuteurs du haut de sa dignité offensée et en ayant l'air de les traiter de vieux radoteurs. Il portait dans sa poche un paquet de cartes graisseuses, sa seule ressource pour gagner sa vie; il voulait initier aux mystères de leur manipulation les jeunes gens du lieu, et de la sorte s'approprier leur argent en corrompant leurs moeurs. À l'expiration du délai qui lui avait été accordé, les anciens lancèrent contre lui un mandat d'arrêt, et, à sa grande stupéfaction, le mirent en prison. Ce ne fut pas tout. Après qu'on lui eut laissé le temps d'y méditer sur les fâcheuses conséquences de l'oisiveté, on l'amena, ainsi que l'exigeait la loi, sur la place du marché, et là le crieur public mit à l'encan le vagabond. Le plus offrant fut le forgeron du village auquel il échut, et qui, après lui avoir mis une chaîne au pied, le conduisit dans sa forge où, pendant trois mois, il lui apprit, depuis l'aube jusqu'au soir, à se servir de l'enclume et du marteau. À l'expiration de cet apprentissage, il fut mis en liberté. L'histoire ne dit pas si la leçon lui profita.

Le plus souvent, il faut bien le dire, le seul tribunal auquel on fît appel était celui de la force, et le seul juge, ce redoutable juge Lynch, qui rendait ses arrêts sous le premier arbre venu, arrêts sans appel et qui s'exécutaient sur l'heure. Ces lois toutes primitives, bien qu'elles reposassent au fond sur les principes de l'équité, se ressentaient de leur origine; elles ne pouvaient qu'être violentes, promulguées qu'elles étaient par une société turbulente et à peine ébauchée, que l'usage continuel des armes et l'habitude des grandes chasses du désert ne prédisposaient que trop à la violence.

La vie des premiers émigrants était loin d'être douce, et il n'y a pas lieu de s'étonner que leur caractère prît une rudesse un peu sauvage au milieu des privations auxquelles ils étaient condamnés, loin de tout centre de civilisation. Laissons encore à Cartwright le soin de nous faire pénétrer au sein de cette existence; le tableau qui suit à bien son intérêt:

« Quand mon père s'établit dans le pays, il n'y existait pas un seul journal, on ne trouvait pas un moulin à quarante milles à la ronde et le pays ne possédait pas une école digne de ce nom. Le dimanche se passait tout entier à la chasse, à la pêche, aux courses de chevaux, aux jeux, aux bals et aux danses. C'était dans les bois qu'il fallait chercher notre nourriture. Nous devions écraser notre blé et notre orge dans un mortier; puis on étendait une peau de daim sur un cerceau, l'on y pratiquait des trous avec les pointes rougies au feu d'une fourchette, et on s'en servait en guise de tamis. Tout cela ne nous empêchait pas de manger notre pain du meilleur appétit du monde. Quant à notre thé, nous le trouvions tout préparé dans les bois: la sauge, le sassafras et d'autres plantes odorantes nous en tenaient lieu. Pour ce qui est du café, je crois bien n'en avoir pas goûté une fois pendant dix ans. Notre sucre n'était autre chose que le suc de l'érable. Et même ces choses-là étaient-elles du luxe en ces temps reculés. Nous produisions notre provision de coton et de lin; nous rouissions et nous teillions nous-mêmes notre lin; nous devions nettoyer à la main notre coton; puis nos mères et nos soeurs devaient carder, filer et tisser l'étoffe dans laquelle elles taillaient nos vêtements. Nous n'avions aucun magasin d'articles de ménage. Heureusement qu'il existait un poste militaire au fort Messick, sur la rive nord de l'Ohio, où le gouvernement avait établi un dépôt de ces articles. Ayant confectionné une grande quantité de poudre, il nous vint à la pensée de préparer une expédition pour nous rendre par eau au fort. La question la plus embarrassante était celle du bateau de transport que nous ne possédions pas; mais l'auteur du projet abattit un énorme peuplier, et en construisit un canot, puis il entreprit de descendre la Rivière-Rouge, puis la rivière Cumberland, pour remonter ensuite l'Ohio jusqu'au fort. Chacun alors apporta son argent ou ses objets d'échange, avec la liste des objets qu'il désirait avoir en retour. L'un demanda un quart de livre de café, un autre un mètre de ruban, celui-ci un couteau de boucher, celui-là un gobelet d'étain. Notre voyageur revint sans accident, et le résultat de sa mission satisfit à peu près tous les intéressés. Pendant bien des semaines, tout le monde fut en liesse; on se félicitait de ce que même le Kentucky était admis à jouir des glorieux avantages de la navigation.

C'étaient là bien certainement les moindres privations auxquelles étaient exposés les émigrants. Il en était de plus pénibles qui réclamaient de leur part une énergie de volonté et une force d'âme peu communes. Bien ne donne à une âme une trempe virile comme ces luttes quotidiennes contre la barbarie et contre les privations et les épreuves multipliées d'une vie isolée. Bien ne devait mieux cimenter l'union et mieux opérer la fusion des éléments hétérogènes que l'émigration poussait dans l'Ouest. Au milieu des épreuves de l'existence commune, chacun oubliait sa nationalité particulière pour se mieux donner à sa patrie d'adoption. Si l'on ajoute à ce baptême de privations et de misères supportées en commun le fait que les colons avaient à conquérir le pays par leurs seules ressources, on comprendra qu'ils durent bien vite s'y attacher comme au sol natal. Ce grand Ouest était l'enfant de leurs sueurs et de leurs fatigues, et sa pensée s'associait toujours dans leur esprit au souvenir d'efforts gigantesques et de dévouements héroïques. Ainsi grandit en peu d'années une nation qui s'assimilait avec une merveilleuse facilité tous les éléments nouveaux que l'émigration, comme un fleuve grossissant, y déversait chaque jour. Dès le commencement, ce peuple eut son originalité, et il fut bientôt possible de déterminer les traits distinctifs de son caractère. Nous ne pouvons ici que rappeler quelques-uns de ces traits qui se rapportent le mieux à notre sujet, et qui faciliteront l'intelligence de nos récits.

L'homme de l'Ouest, comme l'Américain en général, a -un goût inné pour l'éloquence. Lorsqu'il ne possédait pas encore de tribune officiellement reconnue, il y suppléait par une tribune libre. Les citoyens d'un canton se réunissaient fréquemment pour débattre les intérêts de la communauté naissante, et le plus disert était le mieux écouté et celui dont l'avis prévalait. Les grandes assemblées ainsi convoquées réunissaient des hommes dont la nature physique s'était développée un peu au détriment de la vie intellectuelle; ce qui dominait chez eux c'était le bon sens, à l'exclusion de ce qui est délicat et raffiné dans les sentiments; ils ne dérivaient pas leurs connaissances des livres qu'ils ne possédaient qu'en bien petit nombre, mais plutôt des dures nécessités et des incessants labeurs d'une vie où l'activité était fiévreuse et les périls journaliers.

À cette tournure d'esprit pratique, les colons joignaient souvent un esprit ouvert et sur lequel les grands spectacles d'une nature luxuriante ne devaient pas être sans effet. Le sens de l'admiration qui manque à tant de natures gâtées par trop de raffinement, avait toute sa puissance et toute sa naïveté dans ces âmes. La contemplation d'une nature féconde et grandiose leur conservait une certaine élévation de pensée et les rendait accessibles aux émotions religieuses.

En même temps que la tournure d'esprit des émigrants subissait l'influence profonde du milieu où elle se développait, le langage lui-même n'échappait pas à cette transformation bienfaisante. Il devenait pittoresque et imaginé, et s'efforçait d'emprunter aux magnificences de la création quelque chose de leur poésie. Une gaieté de bon aloi venait ajouter un assaisonnement spirituel à cet idiome rajeuni. Même aux plus sombres jours de leur histoire, lorsque la détonation du mousquet ou le sifflement du tomahawk remplissaient leurs oreilles, les colons de l'Ouest ne résistèrent jamais au plaisir de lancer un bon mot.

Nous ne nous étendrons pas longuement sur l'état des populations du bassin du Mississippi au point de vue religieux, attendu que nous aurons fréquemment l'occasion d'en parler. Qu'il nous suffise de dire qu'à l'époque où nous remontons, cet état était déplorable. Éloignés de la société dont ils étaient les enfants perdus et quelquefois le rebut, les colons avaient bien vite oublié le peu qu'ils savaient en fait de vérités religieuses; l'ignorance la plus triste s'unissait bientôt chez eux à l'indifférence la plus complète. La lutte de tous les instants qu'il fallait soutenir contre les résistances d'une nature vierge ou contre les attaques d'indigènes perfides, absorbait à tel point leurs pensées qu'elle ne leur laissait guère de loisirs. Le peu qu'ils en avaient, ils le passaient en amusements frivoles et en réunions mondaines, où les jeux, les danses et les harangues achevaient de dissiper ces âmes déjà distraites.

« Il était impossible, dit M. Cucheval-Clarigny, que cette société naissante demeurât dans un pareil état sans retomber promptement dans la barbarie. Elle n'eût point subi impunément le contact des éléments pervers qui venaient se mêler à elle. Si naturels et si vivaces que soient chez l'homme les instincts du juste et du bien, les notions les plus irrésistibles de la morale ne tardent pas à s'obscurcir et à s'oblitérer dans son esprit, si la religion n'est là pour replacer la créature en face du Créateur, pour lui rappeler son origine et sa dépendance, pour lui remettre sans cesse sous les yeux l'éternelle harmonie du devoir et de la récompense, de l'iniquité et du châtiment. Ce n'était pas seulement à titre de frein social et de barrière contre les passions que la religion était nécessaire à ces populations déshéritées; c'était aussi comme nourriture de l'esprit, qu'elle élève et qu'elle fortifie par l'enseignement de ses sublimes vérités. Ne fallait-il pas, en face de la misère et de la faim, comme en face de grossiers plaisirs, détacher de la terre la pensée des colons, les contraindre et les habituer à la réflexion, et affranchir leur intelligence du matérialisme? Et d'où pouvait venir aux émigrants de l'Ouest cet enseignement indispensable? Perdus au milieu des forêts, isolés les uns des autres, séparés des établissements anciens par de vastes solitudes et plus encore par les périls du voyage, de qui pouvaient-ils attendre la parole divine? Qui se ferait le pasteur de ce troupeau dispersé? Qui entreprendrait de ramener à Dieu, une par une, les brebis abandonnées? Il y avait bien peu à espérer du clergé colonial, qui suffisait à peine à sa tâche. Dans la Nouvelle-Angleterre, l'Église puritaine avait perdu à cette époque tout esprit de prosélytisme; alarmée des divisions qui se produisaient dans son sein, elle s'épuisait en efforts impuissants pour conserver une unité factice. En Virginie et dans les colonies du Sud, le clergé anglican, abondamment pourvu par la libéralité des premiers colons, menait une existence facile, fréquentait les propriétaires des grands domaines, et ne prenait nul souci des petits blancs, qui chaque année quittaient les rives de l'Océan pour s'aventurer au delà des Alleghanys, dans les solitudes de l'Ouest. »

Pour cette oeuvre si nécessaire et si difficile de l'évangélisation de l'Ouest, il fallait donc une Église essentiellement missionnaire. Il était réservé à l'Église à laquelle est attaché le nom de Wesley, et qui venait d'accomplir une transformation admirable au sein des classes populaires de la Grande-Bretagne, d'entreprendre et de mener à bien cette oeuvre gigantesque.

(1) Article de M. Cucheval-Clarigny, dans la Revue des Deux Mondes, du 15 août 1859. 
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