Parcours féminins
Préface
A une époque où le mariage, avec
ce qui le concerne, est bafoué à plus
d'un titre, c'est faire oeuvre utile et salvatrice
que de mettre en garde la jeunesse contre les
assauts répétés de la
société contre cette union
instituée par Dieu, et ce dès le
début de l'humanité.
Ce roman peut être
considéré comme une étude
psychologique des moeurs et des coeurs. La trame de
l'histoire peut en effet correspondre à bien
des situations, souvent malheureuses, que l'on
rencontre dans nos villages et nos cités
modernes.
Si « Parcours
féminins » s'adresse d'une
manière pressante et particulière aux
jeunes filles, il n'en reste pas moins
bénéfique pour tout autre lecteur qui
désire connaître la volonté de
Dieu dans sa vie. Et pour être
enseigné sur celle-ci, il n'y a qu'un
chemin, celui qui consiste à ouvrir la
Bible. Cette histoire romancée renvoie donc,
depuis certains endroits et par un système
d'indices, à une seconde partie qui se
trouve à la suite. Cette dernière,
intitulée « Guide pour la
piété, le mariage et la vie
conjugale » peut d'ailleurs être
lue à part comme un aide-mémoire en
ce qui concerne la foi en Christ et la vie qui en
découle.
Ce roman n'aurait pas vu le jour
sans, premièrement, le livre de Madame
Gasparin sur lequel il s'est construit, mais aussi
sans l'aide précieuse et heureuse de
Jean-Michel et Béatrice Ravé et leurs
enfants, que je tiens tous à remercier
vivement pour leur dévouement et leurs
conseils. Je manquerais si je n'exprimais pas
également ma reconnaissance à
Jean-Frédéric Sandoz, ainsi
qu'à Albert et Isabelle Hofmann. Je n'oublie
pas non plus tous ceux et celles qui prient dans
l'ombre, inconnus des hommes, mais bien connus de
Dieu.
Cher lecteur, qui que tu sois,
où que tu sois, quelle que soit ta
condition, puisses-tu trouver la vraie vie en
Jésus et t'y engager pleinement. C'est
à ce bonheur que ce livre veut t'inviter.
Jedahia
PREMIER ENTRETIEN
Il existe, dans la province du Hainaut, en
Belgique, un village appelé Erquelinnes. Il
se situe en bordure de la frontière
française, et c'est là que se plante
le décor de ces récits de vies qui
prendront des orientations bien différentes.
A cette époque, M. et Mme
Vivien, Daniel et Anne-Laure, après avoir
passé une année à Erquelinnes,
furent obligés de partir presque subitement,
pour se rendre en Suisse où M. Vivien avait
trouvé un poste de médecin dans un
centre de recherche.
La nouvelle de ce départ
attrista quelques voisins et habitants du village,
enfin pas tous, d'autres au contraire se
réjouissaient d'un tel départ. Ce
couple était chrétien, et si d'un
côté il pouvait être de ceux que
l'on aime fréquenter, il n'en reste pas
moins que plusieurs ne supportaient pas certaines
de leurs paroles, surtout quand elles concernaient
ce « Jésus ».
Mme Vivien, âgée de 40
ans, il est vrai, n'était pas sans
défauts, mais elle avouait ses torts avec
tant de bonne foi qu'il était difficile de
se fâcher avec elle et de lui garder
rancune.
Elle avait grand plaisir à
visiter les gens, les vieillards ou les malades de
l'hôpital de Lobbes. Elle se rendait chez des
gens en difficultés pour leur porter
tantôt un peu de soupe, tantôt un
vêtement, et lorsqu'elle les y trouvait
disposés, elle leur lisait deux ou trois
versets de la Bible.
Pendant ces quelques mois, elle
s'était particulièrement
attachée à quatre jeunes filles. Elle
les réunissait chaque dimanche, leur
expliquait un chapitre de la Bible,
s'efforçait, en les questionnant, de savoir
si elles avaient saisi la bonne nouvelle du salut
que nous annonce la Parole de Dieu et demandait au
Seigneur, en priant avec elles, de bénir ces
conversations.
Les jeunes filles dont nous parlons
avaient diversement profité des soins
d'Anne-Laure. L'une d'entre elles, Melissa, se
sentait vraiment touchée d'amour pour son
Sauveur. Longtemps elle était restée
assez froide, ne comprenant pas trop en quoi
consistait la méchanceté de son
coeur, de ce coeur qui pourtant ne trouvait aucune
joie à s'occuper de Dieu, de ce coeur qui se
livrait à mille mouvements d'impatience, de
vanité et d'envie. Lorsque sa conscience lui
disait : « Melissa, tu as menti; Melissa, tu
t'es mise en colère; Melissa, tu laisses la
Bible dans un coin sans l'ouvrir ! » Melissa
répondait : « Tout le monde en fait
autant ! », et elle se hâtait de penser
à autre chose.
Mais quand Anne-Laure, la Bible
à la main, expliqua aux jeunes filles que
c'était à cause de ce mépris
pour les ordres de Dieu, à cause de cet
amour des vêtements aguichants, à
cause de ces mouvements d'humeur, à cause de
ces mensonges, à cause de ces « petits
péchés » que le Seigneur
Jésus avait été cloué
sur la croix, quand elle leur apprit que si ce bon
Sauveur n'avait pas souffert à leur place,
rien n'aurait pu les arracher à la
condamnation de Dieu, quand elle leur dit que
Jésus les avait connues, aimées avant
que le monde fût fait, qu'Il venait le
premier à elles, qu'Il les appelait chacune
en particulier, qu'Il leur offrait le salut, la
force de l'accepter, le secours dont elles avaient
besoin pour commencer une nouvelle vie, alors
Melissa sentit son coeur s'ébranler. Il lui
sembla que des écailles tombaient de ses
yeux; elle vit le triste état de son
âme, et elle en pleura; elle vit presque en
même temps la main du Sauveur qui venait la
relever; avec l'aide du Saint Esprit, elle crut de
tout son coeur que Christ l'avait sauvée, et
elle se donna à Lui.
Zoé, très
intelligente, cernait assez bien le message de
l'évangile. Son esprit avait vite compris
que nos désobéissances à la
volonté de Dieu se comptent par milliers, et
que nous sommes condamnés par notre propre
conduite 1. Son esprit avait aussi
compris que le Fils de Dieu est mort à la
place de ceux qui croient en lui; qu'il a pris sur
lui le châtiment qui devait les atteindre
sûrement et leur a donné sa justice,
afin de pouvoir paraître devant Dieu sans la
crainte d'être jugés 2. Mais ces
vérités, dont Zoé pouvait se
rendre compte, ne pénétraient pas
jusqu'à son coeur. Un grand fond d'orgueil
l'empêchait de s'humilier pour tout recevoir
de Jésus, de sorte que sa science
évangélique « l'enflait »
au lieu de «
l'édifier ».
Quant à Justine, la
troisième des jeunes amies d'Anne-Laure,
d'une nature légère, elle avait,
comme on dit, bon coeur et mauvaise tête.
Douée d'une imagination ardente, d'un
caractère bienveillant et gai, elle recevait
avec joie et semblait s'approprier les
enseignements de la Bible, jusqu'au moment
où une tentation de vanité,
d'impatience, de déraison venant la
surprendre. Tout était alors oublié,
quitte à se repentir après pour
recommencer à la première occasion.
La semence levait vite, laissant espérer un
beau résultat, mais le soleil en
brûlait promptement les espérances, si
bien qu'elle n'arrivait jamais à
maturité.
Patricia, la dernière des
quatre jeunes filles, causait des soucis à
Anne-Laure. Elle se rendait avec assez de
régularité aux entretiens du
dimanche, mais on voyait là un acte de
complaisance, rien de plus. C'était juste
parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire
le dimanche. Alors, plutôt que de s'ennuyer,
elle venait surtout pour voir ses amies. Mais une
fois chez Mme. Vivien, elle y bâillait
démesurément, ne pensait guère
qu'à s'en aller le plus vite possible,
répondait en répétant à
peu de chose près ce qu'avaient dit les
autres, ne sortait de cette froideur que pour se
révolter contre telle ou telle parole de la
Bible, et s'écriait souvent, en parlant des
conseils d'Anne-Laure, que tout cela était
bon pour les vieilles gens, qu'il faut s'amuser
dans la jeunesse, et que, pourvu que l'on ne fasse
pas de mal aux autres, tout va bien dans ce monde
et dans l'autre.
Anne-Laure ne devait plus passer que
deux semaines à Erquelinnes. L'avenir de ses
jeunes amies l'inquiétait. Elle pensait avec
raison que, durant son absence, les jeunes filles
se marieraient et deviendraient mères de
famille. Elle-même appréciait tout le
bonheur, toute la force que donne une union
chrétienne; bien souvent, hélas! elle
avait eu l'occasion de voir quels déboires
entraîne un mariage où le Seigneur
Jésus n'est pas impliqué. Non
contente de prier pour la bénédiction
de ses protégées, elle résolut
de profiter des moments qui lui restaient pour leur
exposer quelques principes indispensables, suivant
son opinion, à la sainteté du mariage
et au bonheur des époux.
- Mes amies, je vais vous quitter.
Nous ne nous reverrons peut-être plus, et
dans les années qui viennent vous serez
peut-être appelées à vous
marier.
Les jeunes filles sourirent en coin.
- C'est très sérieux,
reprit Anne-Laure. Je désire m'entretenir
avec vous de cet important sujet en présence
du Seigneur. Mes amies, je crois qu'en
général, la vie conjugale est la vie
qui nous convient. Dieu a dit, dans la
Genèse: « Il n'est pas bon que l'homme
soit seul, je lui ferai une aide semblable à
lui. » 3 Ainsi, le choix d'un mari
n'est pas chose à prendre à la
légère. Nous avons souvent, nous, les
femmes, des coeurs sensibles mais aussi faibles
devant ce qui concerne les relations avec le sexe
opposé. Nous nous laissons trop facilement
mener par nos sentiments là où il
faut tout le secours de Dieu pour ne pas commettre
l'irréparable. Du choix que nous faisons
dans ce domaine dépendra toute notre vie.
- Pour moi, s'écria
Zoé, avec cette franchise à laquelle
l'amitié d'Anne-Laure les avait toutes
habituées, pour moi, je ne veux pas me
marier. On a trop de peine en ménage. Dans
ce village, on ne rencontre pas beaucoup de jeunes
hommes séduisants, avec une belle situation,
qui voudraient de nous. Et devenir la femme d'un
pauvre type, vivre en me serrant la ceinture, en
regardant sur tout, travailler du matin au soir
pour nourrir des marmots ... non,
merci !
- Cela ne vaut pas
l'indépendance, n'est-ce pas, Zoé ?
reprit Anne-Laure. Tu préfères agir
selon ta volonté que d'obéir à
un mari; rester seule dans l'aisance plutôt
que de vivre dans la simplicité avec un
époux et des enfants. Zoé, tant que
tu seras jeune, tant que les garçons te
regarderont avec envie, tu te persuaderas qu'il
n'est besoin de rien d'autre que cette fausse
liberté; mais quand l'âge viendra,
quand tu n'auras plus trop d'orgueil à
placer dans ton physique, tu rencontreras alors des
compagnons comme « Solitude »
et « Indifférence de la part
des autres », sans compter que le triste
« Mépris » se tient
toujours à l'affût pour les jeunes
filles qui s'engagent dans un tel chemin.
- Anne-Laure, demanda timidement
Melissa à son tour, est-il possible de
servir aussi fidèlement Dieu dans le mariage
que dans le célibat ?
- Et pourquoi pas ? Dieu, qui
dès le commencement a fondé l'union
conjugale, nous aurait-il préparé
lui-même un genre de vie 4 dans lequel nous ne
saurions obéir qu'imparfaitement à sa
volonté ? Le mariage que Dieu a
lui-même institué serait-il une
entrave à une vie selon sa
volonté ? Qu'en penses-tu Melissa
?
- Oh! Non, je ne crois pas que Dieu
ait fait cela. Cependant, il me semble qu'une femme
non mariée peut se consacrer plus
complètement aux oeuvres chrétiennes.
Elle peut mieux se dévouer au soin des
pauvres et des malades qu'une femme assujettie
à un époux, à une famille qui
lui demandent son énergie et tous ses
moments.
- D'abord, Melissa, dit Anne-Laure,
souvenons-nous d'une chose trop souvent
oubliée: c'est que ce mari, c'est que ces
enfants, auxquels tu fais allusion, ont des
âmes; c'est que ces âmes
méritent aussi bien notre sollicitude et nos
soins que les âmes des pauvres et des malades
dont tu parles; c'est que Dieu ne nous a pas
placées pour rien auprès d'eux, et
que nous avons pour tâche première de
travailler à leur sanctification et à
leur bonheur. Et puis, disons-le, pour qui le veut,
il y a toujours dans toutes les vies, dans celle de
femme mariée comme dans les autres, des
instants à donner aux malheureux. Ah! Si
chaque femme s'appliquait, avant tout, à
vivre saintement avec son mari, à
élever ses enfants dans la crainte de Dieu;
si elle donnait fidèlement les moments de
son loisir aux nécessiteux, le monde serait
bientôt couvert de chrétiens, et il se
trouverait que chacune de nous, dans son humble
foyer, dans sa modeste condition, aurait, comme le
missionnaire ou le pasteur, efficacement
travaillé à l'avancement du royaume
de Dieu. Quelle grande et belle mission que celle
d'une femme mariée !
- Pardon, reprit Melissa en
rougissant beaucoup, mais comment expliquez-vous ce
passage de l'apôtre Paul ?
Et Melissa, ouvrant sa Bible, lut
à haute voix les versets suivants: «
Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre
du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant
reçu du Seigneur miséricorde pour
être fidèle. Voici donc ce que
j'estime bon, à cause des temps difficiles
qui s'approchent, il est bon à un homme
d'être ainsi. Es-tu lié à une
femme, ne cherche pas à rompre ce lien;
n'es-tu pas lié à une femme, ne
cherche pas une femme. Si tu t'es marié, tu
n'as point péché; et si la vierge
s'est mariée, elle n'a point
péché; mais ces personnes auront des
tribulations dans la chair, et je voudrais vous les
épargner. Voici ce que je dis,
frères, c'est que le temps est court; que
désormais ceux qui ont des femmes soient
comme n'en ayant pas, ceux qui pleurent comme ne
pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme
ne se réjouissant pas, ceux qui
achètent comme ne possédant pas, et
ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car
la figure de ce monde passe. Or, je voudrais que
vous fussiez sans inquiétude. Celui qui
n'est pas marié s'inquiète des choses
du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur; et
celui qui est marié s'inquiète des
choses du monde, des moyens de plaire à sa
femme. Il y a de même une différence
entre la femme et la vierge: celle qui n'est pas
mariée s'inquiète des choses du
Seigneur, afin d'être sainte de corps et
d'esprit; et celle qui est mariée
s'inquiète des choses du monde, des moyens
de plaire à son mari. Je dis cela dans votre
intérêt; ce n'est pas pour vous
prendre au piège, c'est pour vous porter
à ce qui est bienséant et propre
à vous attacher au Seigneur sans
distraction. Si quelqu'un regarde comme
déshonorant pour sa fille de dépasser
l'âge nubile, et comme nécessaire de
la marier, qu'il fasse ce qu'il veut, il ne
pèche point; qu'on se marie. Mais celui qui
a pris une ferme résolution, sans contrainte
et avec l'exercice de sa propre volonté, et
qui a décidé en son coeur de garder
sa fille vierge, celui-là fait bien. Ainsi,
celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne
la marie pas fait mieux » (1 Corinthiens
7 :25-38).
- Reprends un peu plus haut dans le
chapitre, ma chère Melissa, remarque au
verset sixième de ce chapitre : « Je
dis cela par condescendance, je n'en fais pas un
ordre »; au douzième, ceux-ci: «
Aux autres, ce n'est pas le Seigneur, c'est moi qui
dis »; au vingt-cinquième, le premier
verset que tu as lu: « Pour ce qui est des
vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur. »
Que nous apprennent de telles
déclarations? Que ces conseils viennent d'un
homme entièrement consacré, de
l'apôtre Paul qui a reçu le don de
célibat pour être entièrement
au service de Dieu. Il y a donc une distinction
à faire entre ces conseils sur le
célibat et le reste de la Bible sur ce
sujet. L'apôtre Paul nous avertit, et ne nous
avertit pas pour rien puisque cela est
consigné dans les Saintes Écritures.
D'un côté, il est meilleur de servir
Dieu sans se marier, en se donnant
complètement à Dieu, sans avoir les
travaux et les soucis d'une famille, mais il est
impératif, dans ce cas, d'avoir
été appelé à cela, sans
quoi nous courrons au devant de grandes
déceptions et parfois même de tristes
chutes. D'un autre côté, il est
préférable de se marier si nous
n'avons pas reçu de Dieu cet appel, ce don
pour rester pur pour le Seigneur. Et dans le
mariage, qui est alors le plan de Dieu à
notre égard, nous trouverons toutes les
occasions de glorifier Dieu dans notre vie
quotidienne, mais aussi toutes les joies et les
bénédictions divines pour être
entrées dans ce que Dieu avait en
réserve pour nous.
Gardons-nous, ma chère
Melissa, de vouloir faire mieux que ce que Dieu a
prévu pour nous. Demandons à Dieu de
nous montrer la mesure de foi qui est nôtre,
et n'essayons pas de la dépasser.
Rêver à une vie d'abnégation et
de dévouement est une chose, marcher dans le
plan de Dieu à notre égard en est une
autre ! Si Dieu nous appelle à un genre
de vie différent de celui des autres femmes,
oh! alors, engageons-nous dans cette voie avec une
soumission joyeuse; mais ne nous écartons
pas de la ligne unie et simple sans une indication
toute particulière du Seigneur.
- Eh! Sans doute! s'écria
Justine avec vivacité, le mariage est fait
pour nous, c'est clair. Quant à moi, je vais
avoir vingt ans, et si je trouve une occasion
convenable, un jeune homme qui m'aime, qui a du
coeur, je n'hésiterai pas.
- Doucement, doucement, reprit en
riant Anne-Laure. Se marier pour avoir un homme
quel qu'il soit, n'est pas ce que je veux dire.
Mieux vaut cent fois rester célibataire que
d'épouser le premier venu. Le mariage n'est
pas une simple affaire, mes chères amies,
comme si vous alliez faire vos courses. Lorsque je
vous parle de « mariage », j'entends le
mariage dans sa pureté 5, le mariage tel que Dieu le
forma, quand au jardin d'Eden il unit Adam et Eve;
je n'entends pas l'association de deux êtres
légers, indifférents à leur
salut, qui ne se rassemblent que pour satisfaire
des besoins sentimentaux, sexuels,
matériels.
Il y a mariage et mariage.
Aujourd'hui, cette union, voulue par Dieu, est
corrompue, hideuse. Elle ne ressemble pas plus
à l'institution de Dieu, que le jour ne
ressemble à la nuit. L'homme en a fait une
parodie. Le mariage est devenu comme une coquille
creuse dont beaucoup n'ont plus qu'une triste
opinion. On donne, on reprend ce qu'il y a de plus
précieux, de plus intime. On souille son
corps, son esprit, son âme 6 pour ensuite repartir de
plus belle à l'assaut d'autres aventures
scabreuses. Voilà ce qu'est devenue l'union
conjugale, parmi tous ceux dont les coeurs n'ont
pas été saisis par la bonne nouvelle
du salut par grâce.
- Ah ! s'écria Zoé, il
n'y a pas besoin d'aller loin pour faire un tel
constat ! Jean Firmin, dont les accès de
violence font que sa femme est souvent
maquillée d'un cocard; Joseph Charlet, qui
trompe sa femme deux ou trois fois la semaine et
qui tempête, jure, brise tout en rentrant
chez lui; Mathilde Duron qui court après
tous les apprentis de son mari. Et tout ce beau
monde se retrouve à l'église !
- Ce sont là des exemples,
interrompit Anne-Laure, qu'il aurait
été plus aimable de ne pas chercher
parmi les voisins, mais qui nous prouvent que, chez
les chrétiens qui n'ont de Christ que le
nom, pas plus que chez les incrédules, le
mariage n'est ce qu'il doit être.
La brutalité,
l'infidélité, la vanité, la
convoitise des hommes et des femmes font les
mauvais ménages. A la place de ces vices, on
verrait bientôt régner la douceur,
l'ordre, le bon accord, si, au lieu de mettre
l'évangile dans leur tête, hommes et
femmes le mettaient dans leur coeur.
Mais dites-le-moi vous-mêmes,
à quoi faut-il regarder quand on se marie
?
- Au mari qu'on prend,
répondit timidement Melissa.
- Sans doute. Avant tout cependant,
il faut regarder à soi-même. Oui, mes
chères jeunes filles, il faut savoir si l'on
comprend bien ce que c'est que le mariage. Il faut
savoir si l'on y entre légèrement,
comme dans un état où l'on ne doit
rencontrer que plaisir et qu'indépendance,
ou bien si l'on s'en approche avec sérieux,
si l'on mesure l'étendue des obligations
qu'il impose, si l'on pressent que pour les
accomplir, le secours du Seigneur sera constamment
nécessaire. Si vous vous nourrissez de
fausses idées sur le mariage, ne vous mariez
pas; vous ne seriez nullement aptes à
remplir les devoirs de la vie conjugale; pas plus
à aimer un mari 7, à servir avec lui
le Seigneur, qu'à élever des enfants.
Et puis, vous choisiriez mal. L'une accepterait le
premier étourdi qui répondrait
à ses frivoles désirs; l'autre
chercherait quelque homme riche qui satisferait les
besoins de son orgueil ; celle-ci se laisserait
séduire par des paroles flatteuses; chacune
prendrait un mari pour ses passions, et les
mariages de péché avec
péché n'enfantent que du
désordre et de l'amertume.
Comprenez-vous tout ce qu'a de
sérieux l'acte qui vous donne à un
autre ? Se donner sentimentalement et physiquement
à un homme n'est pas une simple question
d'envie. L'amour n'est pas seulement une question
de sentiments, c'est aussi de l'obéissance
à la volonté de Dieu. Mettez votre
coeur devant Dieu, et alors, vous examinerez la
décision à prendre, vous choisirez
l'homme que Dieu a en réserve pour vous
8.
Cet homme, mes chères amies,
ne le cherchez ni parmi les jeunes gens avides de
plaisir, ni parmi ceux qui vivent dans
l'indifférence religieuse, ni parmi les
êtres immoraux qui s'efforceront
peut-être de vous entraîner à
l'oubli de votre foi. Cet homme, si vous le voulez
tel qu'il puisse vous rendre heureuses, cet homme
sera un véritable chrétien 9, cet homme sera un
compagnon fidèle avec lequel vous pourrez
lire la Bible et prier d'un même coeur. Vous
le rencontrerez difficilement, mais Dieu qui est
puissant le mettra sur votre chemin, s'il veut que
vous embrassiez la carrière de femme
mariée; et s'il ne le fait point, restez
dans le célibat : il n'y a pas de
bénédiction dans l'union
formée avec un incrédule, avec un
tiède, avec un mauvais mari.
- Oui, mais, demanda Justine, ne
peut-on espérer gagner à
l'Évangile un mari qui nous aime
?
- Pour faire des conversions 10, Justine, il faut
posséder soi-même une conviction
ferme, et ne pas faire des compromis au sujet de sa
foi dès le début, n'est-ce pas
?
- Je le crois.
- Eh bien, Justine ! Que penses-tu
du commandement divin très clair qui nous
invite à ne pas nous mettre sous le
même joug avec les incrédules ?
Crois-tu qu'une jeune fille, sachant un homme
étranger à sa foi, devrait s'unir
à lui ? Devrait-elle accepter de lui
obéir ? Est-ce que tu trouves que cette
jeune fille manifesterait dans cette
décision une foi sincère, une foi
capable de transporter des montagnes ?
- Oh ! Non ! murmura
Justine.
- De quel droit, Justine, crois-tu
qu'on pourrait parler à un mari de
fidélité envers Dieu, quand, par
l'acte le plus grave de la vie, on lui aurait
donné l'exemple d'une complète
désobéissance aux prescriptions du
Seigneur ? Quel respect un époux
concevrait-il pour des croyances qui n'ont pas su
garder notre coeur contre une telle tentation
?
- Oui, mais, Anne-Laure,
l'apôtre Paul dit bien: « Si quelque
femme a un mari infidèle et qu'il consente
à habiter avec elle, qu'elle ne le quitte
point.... Car que sais-tu, femme, si tu ne sauveras
point ton mari ? » (1 Corinthiens
7 :15-16).
v- Ici, Justine, Dieu promet son
secours aux femmes qui se sont converties
après leur mariage, et dont l'époux
n'est pas encore chrétien. Cela ne s'adresse
pas du tout à la jeune fille
éclairée, qui, de propos
délibéré, viole les
commandements de Dieu en se choisissant pour chef
et pour appui un homme qui ne Le craint pas, qui ne
L'aime pas, qui combat contre Lui
peut-être.
- S'il n'est qu'indifférent !
ajouta tout bas Justine.
- S'il n'est qu'indifférent,
son indifférence te gagnera. Oh ! Mes
chères amies, ne vous faites pas
d'illusions. Donner la main au péché,
c'est lui livrer l'âme tout entière.
Vous croyez que votre piété
réchauffera le coeur engourdi du
tiède: vous vous trompez, c'est sa
tiédeur qui engourdira votre
piété. Tantôt vous craindrez de
déplaire à un époux en vous
montrant trop scrupuleuses, trop rigides;
tantôt vous essaierez de l'attirer à
vous, en faisant un pas vers l'oubli des
commandements de Dieu, vers la
légèreté, vers l'amour du
gain, vers les mauvais plaisirs. Vos lectures de la
Bible, vos prières ennuieront cet
époux, il n'y prendra aucune part, il s'en
moquera peut-être; bientôt elles vous
paraîtront, à vous aussi, longues et
fastidieuses ; il vous dira qu'en travaillant,
qu'en s'aimant, on sert mieux Dieu qu'en
méditant sans cesse.... et vous le
croirez ! Vous vous écarterez du
Seigneur; votre âme privée de
nourriture se desséchera; la pensée
de Dieu, au lieu de vous causer de la joie, vous
causera des remords, de la crainte; vous fuirez
votre unique Sauveur, et vous vous perdrez,
séduites par Satan le menteur, qui vous aura
fait croire que vous pouviez ramener un
égaré, en vous égarant
vous-mêmes !
- Moi, il me semble, s'écria
brusquement Patricia, que, pourvu qu'un mari nous
laisse libres de remplir les devoirs de notre
religion, c'est tout ce qu'il nous faut. On peut ne
pas avoir les mêmes croyances et vivre en
harmonie. Quand on a de l'amour l'un pour l'autre,
cela suffit à la paix.
- Patricia, crois-tu que «
remplir les devoirs de sa religion »,
c'est-à-dire aller au temple, à ce
que je suppose, réciter le matin et le soir
une prière, lire quelques versets à
la hâte et pour l'a paix de sa conscience;
crois-tu que ce soit là tout ce que demande
Jésus Christ ? Crois-tu qu'il s'arrête
aux paroles, aux pratiques, et qu'il n'aille pas au
coeur ? Crois-tu qu'on puisse lui faire prendre des
semblants de foi pour une véritable foi ? Et
puis, le vrai christianisme n'est pas une religion,
un ensemble de pratiques inspirées ou non
par la Bible, mais bien plutôt une relation
avec le Christ, avec le Sauveur. C'est de cette
communion intime avec Jésus que
découle l'essence même de ta foi. Ne
l'oublie jamais !
D'ailleurs, je viens de vous le
dire, ces apparences de piété, on ne
les conserve guère avec un époux
indifférent ou incrédule. En le
choisissant pour son mari, on a fait un premier
acte de rébellion envers Dieu, les autres
suivent de près. Et si Patricia a
parlé d'amour, d'affection entre deux
personnes que n'unit pas une même foi au
Père céleste, cette affection, si
elle naît, ne dure pas. Elle ne peut pas
durer, à moins de renier le Seigneur !
Les défauts, la mauvaise humeur, la
colère, la dissimulation, l'orgueil, toutes
les passions que le Saint Esprit combat et qu'il
chasse du coeur, ainsi que les vices contre
lesquels Jésus nous met en garde,
détruisent la paix du ménage. Quand
Christ ne règne pas dans l'âme des
époux, c'est le monde, c'est le
péché qui les dominent, et avec le
péché viennent les disputes et les
larmes.
Patricia, en admettant que tu aimes
un époux qui n'aime pas Dieu, que cet homme
t'aime, et que vous viviez ensemble dans un certain
bonheur, que se passera-t-il lorsque la mort
frappera à votre porte ?
Qu'arrivera-t-il quand elle t'arrachera ton mari,
quand tu sauras que cette pauvre âme
pécheresse paraît devant son Juge et
qu'il y a contre elle une condamnation... Ton coeur
ne sera-t-il pas brisé ? Pourras-tu trouver
des consolations ?
Patricia secoua la tête,
regarda d'un autre côté, pensa que
Dieu était « trop bon » pour
condamner les gens; et Anne-Laure, qui devina ses
pensées, soupira
profondément.
- Dieu use de miséricorde
envers tous ceux qui se tournent vers lui d'un
coeur droit, dit-elle. Il a, par conséquent,
des compassions pour celle qui revient à
lui, après l'avoir offensé en prenant
un époux dépourvu de foi. Mais, je
vous le répète, celle-là s'est
placée dans la plus défavorable des
conditions.
Maintenant, mes amies, il me reste
à vous prévenir contre un autre
danger.... je veux parler des mariages mixtes, de
l'union avec un mari qui, bien qu'il confesse
Christ pour Sauveur, ne partage pas les mêmes
doctrines que vous quant à la
révélation de la Parole de Dieu.
- Les catholiques sont pourtant des
chrétiens ? interrompit
Zoé.
- Oui, au même titre
d'ailleurs que d'autres enfants de Dieu
disséminés dans bien des
dénominations chrétiennes. Mais, aux
divines vérités de l'évangile,
ils ont ajouté certaines erreurs humaines.
Ils ont tendu, entre la croix de Christ et le
pécheur, des filets qui arrêtent
celui-ci dans sa course et l'empêchent trop
souvent d'arriver à Jésus.
Méfiez-vous de l'oecuménisme !
Il est l'instrument par lequel bien des
compromissions sont introduites face à la
droiture que nous devons maintenir envers
l'enseignement des Saintes Écritures.
- Mais un catholique peut être
sauvé, il peut mettre toute son
espérance dans le sacrifice du Seigneur, on
peut lire avec lui la Parole de Dieu, prier, servir
Christ ! reprit vivement Zoé.
- Un catholique romain peut
certainement être sauvé,
répondit Anne-Laure. Je ne mets nullement
cela en doute ! Mais il le sera difficilement
tant qu'il restera enveloppé dans les
erreurs de sa religion. Il peut mettre son
espérance en Jésus, ne la mettre
qu'en lui ; mais, pour le faire, il devra refuser
sa foi au « pape », à ce
représentant de Christ qui se prétend
infaillible. Il devra saisir qu'il est sauvé
uniquement par la grâce en l'oeuvre de Christ
11, et non par de quelconques
mérites. Il devra comprendre qu'il y a un
seul médiateur entre Dieu et les hommes,
l'homme Christ Jésus 12. Et par là donc, il
comprendra qu'il ne doit plus passer par d'autres
intermédiaires tels que Marie et les saints.
Sa prière sera aussi, selon l'Esprit, en
toute liberté et plus dictée par de
vaines redites toutes préparées
à l'avance 13.
- Tu es dure avec les
chrétiens qui ne pensent pas comme toi,
répliqua Zoé. Ce n'est pas
très charitable !
- Tu te trompes, répondit
Anne-Laure. L'amour ne peut s'exprimer au
détriment de la vérité. J'aime
les catholiques comme toute personne, mais je veux
simplement vous montrer que certaines de leurs
croyances ne sont pas bibliques. Vous savez, quand
on a été élevé dans de
telles doctrines, il est difficile d'accepter
qu'à Dieu seul revient la gloire, que
l'église n'est pas la vérité
mais la colonne qui soutient la
vérité 14. Comprenez bien la
différence ! A partir du moment
où l'église se targue d'être la
vérité, elle se met au niveau de Dieu
et donne ses enseignements comme s'ils
étaient divins. L'interprétation des
hommes religieux ne peut en aucun cas contredire la
Parole de Dieu. Or, celle-ci nous
révèle bien que plusieurs des
enseignements de l'église catholique romaine
sont contraires à la Bible. Il ne peut en
être ainsi, surtout lorsque vous avez
été éclairées. Vous ne
pouvez vous mettre sous le couvert de l'ignorance.
Vous êtes, mes amies, responsables de ce que
vous avez appris au travers des Saintes
Écritures.
On peut, avec un catholique romain,
lire la Bible. Oui, s'il accepte de ne pas
l'interpréter selon les commandements de ses
chefs spirituels, s'il ouvre le livre sacré
en dépit des « commentaires de son
église » qui lui dictent ce qu'il
doit comprendre, étouffant par là le
travail de l'Esprit Saint et les exercices de foi
qui devraient être siens. Or, n'oubliez pas
que Jésus dit lui-même:
« Sondez diligemment les
Écritures, car vous estimez avoir par elles
la vie éternelle, et ce sont elles qui
rendent témoignage de moi » (Jean
5 :39).
Mais de bonne foi, croyez-vous tout
cela bien facile ? Pensez-vous qu'un catholique
éclairé, émancipé de la
sorte, reste catholique ? S'il reconnaît les
erreurs de sa communion, attendez pour lui donner
votre vie à diriger, attendez qu'il en ait
secoué le joug, attendez qu'il ait pris
celui de Christ. S'il ne veut pas venir à
Christ seul, gardez-vous d'en faire votre mari.
Dans ce cas, ou il est insouciant en matière
de foi, et vous retombez dans les misères
d'une association sans « Dieu »; ou
il est disciple fervent de l'église romaine,
et en l'épousant, vous vous soumettez
à des doctrines que vous considérez
comme un mensonge. Alors, il n'y aura plus pour
vous d'unité dans les pensées, dans
les actes, mais au contraire les douleurs d'une
âme qui se sent étouffée dans
sa foi. Alors, vous verrez un époux
s'éloigner chaque jour davantage de ce que
vous estimez être la seule
vérité vraie, la seule qui sauve.
Alors, vous verrez une déplorable influence
envahir votre foyer, une influence religieuse qui
prend la place qui revient à Dieu, et qui va
s'étendre jusqu'aux esprits de vos
enfants... vos chers enfants ! Ah ! Zoé,
quelle responsabilité ! Si un mari te
laissait la liberté de les élever
dans tes convictions évangéliques,
cette complaisance ne dénoterait-elle pas
chez lui une indifférence religieuse, qui
devrait à elle seule t'empêcher de
l'épouser ! Et s'il exigeait qu'ils entrent
dans l'église romaine, pourrais-tu y
consentir ? T'assujettirais-tu à l'erreur,
à une erreur qui les retiendra
peut-être loin de Jésus, ces
âmes que Jésus t'a confiées ?
Renoncerais-tu à tes droits sur eux, au
droit doux et sacré de les instruire dans la
foi purement évangélique? Les
livrerais-tu à d'autres, à d'autres
que tu sais dans l'erreur ?
Mes amies, je vous le demande au nom
du Seigneur qui est présent quoique
invisible, dans un mari cherchez avant tout une
piété solide et vraie. Ne vous
laissez séduire ni par votre imagination, ni
par votre orgueil, ni par votre
légèreté. Ne confiez la
direction de votre existence qu'à l'homme
avec lequel vous pourrez méditer les Saintes
Écritures, prier Dieu, qu'à l'homme
que Jésus aura appelé et qui aura
répondu.
- Anne-Laure, avec le secours du
Saint Esprit, j'ose te le promettre, s'écria
Melissa fortement émue... Oui, je le sens,
la communion chrétienne avec un
époux, il ne faut rien de plus pour la
sanctification et pour le bonheur.
Mme Vivien la regarda tendrement
pendant un instant de silence.
- C'est la première, c'est
l'indispensable condition, reprit-elle, cependant
il faut encore autre chose... Je vais vous
l'apprendre en peu de mots, car la nuit approche,
il nous reste pour dimanche prochain plusieurs
sujets à traiter. Et puis n'aurons-nous pas
à nous dire adieu... pour longtemps
peut-être ?
- Chère Melissa, les
caractères, les goûts des
époux, doivent non pas, comprenez-moi bien,
être parfaitement pareils, mais s'accorder,
se convenir, s'adapter les uns aux autres. Le
christianisme tempère les fortes
divergences, il les efface difficilement. Des
époux pieux et très opposés
d'humeur ne se querelleront pas, mais ils auront de
la peine à maintenir la paix. Ils ne
tireront pas chacun de leur côté,
comme on le voit faire aux époux mondains,
mais il leur sera malaisé d'établir
l'intimité. En un mot, ils entasseront
devant eux des difficultés dont, à la
longue, une foi vive pourra bien débarrasser
leur route, mais qui useront beaucoup de leurs
forces et qui peut-être retarderont leur
sanctification.
Appliquez-vous donc à
connaître le caractère d'un futur
époux, le vôtre. Demandez au Saint
Esprit de vous éclairer dans cet examen. Si
les différences qui vous séparent
sont de celles que la vie en commun dans l'amour de
Jésus fait disparaître, si elles sont
de celles qui resserrent les liens au lieu de les
relâcher, comme par exemple le contraste de
l'énergie avec la douceur, de l'ardeur
impétueuse avec le calme
réfléchi, unissez-vous, vous le
pouvez sans crainte. Si vous pensez, au contraire
que telle ou telle divergence, loin de
s'atténuer, doive s'accroître, loin de
fortifier l'union, doive amener de l'antipathie, ne
fût-ce que de l'éloignement, oh!
rompez alors, épargnez-vous, épargnez
à l'homme qui vous recherche les chagrins
que vous causeraient de perpétuelles
divisions.
Ce n'est pas tout, jeunes
filles.
Gardez-vous d'entrer trop jeunes
dans la carrière conjugale. Il faut
s'élever soi-même au sein du mariage,
et pour s'élever, il faut se
connaître. Ainsi, l'âge où l'on
commence à s'étudier, à se
rendre compte des choses, à travailler sur
son coeur, c'est l'âge de dix-huit, de
dix-neuf, de vingt ans.
Même alors, on voit encore
confusément en soi-même, bien
confusément dans la vie, on est rarement en
état de choisir sainement, parce qu'on n'a
pas encore appris à distinguer l'homme dont
l'âme appartient réellement à
Christ de l'homme qu'un moment d'élan de
piété, que les ruses d'un calcul
habile rapprochent pour quelques temps de son
Sauveur. On ne connaît ni soi ni les autres,
et, si l'on se décide, habituellement, l'on
se décide mal.
Mais même si une jeune fille
de dix-huit à vingt ans fait un bon choix,
elle n'est qu'au commencement de sa tâche. A
peine quelques semaines se sont-elles
écoulées depuis le jour des noces,
que d'un côté comme de l'autre, voici
des défauts qui paraissent, qui froissent,
qui demandent de la patience; voici des devoirs
envers un mari, envers un beau-père, envers
une belle-mère; voici des soins à
donner au ménage, de l'ordre à
établir, des habitudes nouvelles à
prendre. Tout cela étonne, tout cela
trouble, souvent afflige. De quel côté
se tourner, comment s'y prendre, par où
commencer? La femme trop jeune risque de se tromper
faute d'expérience, faute de
réflexion, faute de bonne volonté
parfois. Elle risque de se livrer à de
premiers mouvements impétueux, elle risque
de plier quand il faudrait résister, de
résister quand il faudrait plier. Et puis,
son influence dans la maison s'établit
difficilement. Un mari, des parents, lui ferment la
bouche avec ces mots: « Tu débutes dans
la vie! » Ils trouvent dans sa jeunesse un
commode prétexte pour ne pas
l'écouter, même lorsqu'elle a
raison.
- Si cette jeune fille est
chrétienne, le Seigneur ne se tient-il pas
à son côté ? demanda
Melissa.
- Oui, Melissa, il s'y tient, il
n'abandonne pas ses rachetés. Le Seigneur
est notre aide, comme il nous l'est rappelé
au chapitre treize de l'épître aux
Hébreux. Mais quand on se place
volontairement dans une position dangereuse, le
Seigneur nous en laisse sentir les épines.
Vous avez pu le remarquer ; Jésus, qui
nous annonce le pardon de nos péchés,
permet cependant que nous recueillions quelques-uns
de leurs fruits les plus âpres.
Si, dans un moment de mauvaise
humeur, je me fâche contre mon
collègue de travail qui a fait une erreur
dans un dossier, contre une autre collègue
qui a oublié de m'apporter un document, je
pourrai bien me repentir, demander pardon à
mes compagnons de service, me réjouir de ce
que Christ a effacé ma faute; mais on ne
m'en dira pas moins: « Madame Vivien,
avec ses grands principes chrétiens, est
aussi colère qu'une autre ! » Mon
impatience aura fait du tort à mon
témoignage chrétien, et j'en
éprouverai de la peine.
Encore un mot, ne vous associez pas
à un mari qui est paresseux 15. Ce défaut n'est
pas des moindres ! Il a entraîné
bien des familles dans la misère. Alors,
prenez attention à ce que ce trait de
caractère ne se trouve ni chez vous, ni chez
l'homme que vous espérez épouser. Le
livre des Proverbes nous met bien en garde contre
les dégâts de la paresse, ils peuvent
conduire votre couple au naufrage !
- Avec des bras, une bonne
santé, une volonté forte, dit
Justine, il me semble qu'on a tout ce qui est
nécessaire pour vivre.
- Pas toujours. La santé,
Dieu peut la retirer; la volonté, elle s'use
parfois; le travail, souvent il manque aux bras. Ah
! Tu ne sais pas ce que c'est que les cris de
petits enfants qui ont faim. Tu ne sais pas ce que
c'est que les gémissements d'un mari qui
souffre, étendu sur un lit de maladie, d'un
mari dont le travail nourrissait toute la famille,
et auquel on ne peut procurer aucun soulagement,
pas même une visite du médecin
!
- Il n'y a aucun doute, coupa
Zoé, l'argent sert à tout ! On est
tranquille sur son avenir, sur celui de ses
enfants, lorsqu'on épouse un homme qui a les
moyens. Et puis l'on peut s'accorder quelques
plaisirs, l'on peut donner une bonne
éducation à ses enfants, on peut
même aider les autres !
- Oui, interrompit Anne-Laure, et
l'on peut aussi attacher son coeur à des
vanités, mettre son plaisir à se voir
la mieux habillée du village; on peut
oublier les misères du prochain,
misères qui échappent d'autant mieux
à la mémoire, qu'on ne les a pas
éprouvées. On peut se faire une idole
de ses biens, croire, comme tu le dis si bien, que
l'argent suffit à tout 16. On peut sacrifier, dans
le choix d'un mari, la recherche d'une foi
partagée, des sympathies de
caractère, à celle de la fortune. On
peut encore rencontrer dans un homme riche un coeur
avare, et l'on peut se repentir toute une vie,
toute une éternité, d'avoir
placé au premier rang ce qui devait tenir le
dernier.
Mes amies, je le redis encore,
cherchez d'abord la foi dans un mari, puis la
conformité des idées, des
goûts; après, très longtemps
après, l'aisance. Si vous placez la
condition financière dans vos
priorités, vous ne manquerez pas de courir
vers bien des maux. Et n'oubliez pas que vous ne
rencontrerez pas toutes les qualités et les
avantages réunis chez un seul individu, mais
du moins vous n'accepterez pas un homme auquel
manquerait la piété. Et si, ne
trouvant ni aisance, ni une parfaite convenance de
caractère chez celui qui craint Dieu, vous
vous décidez à passer outre et
à l'épouser, vous saurez à
quelles difficultés vous vous soumettez,
votre coeur en sera mieux disposés à
chercher sa force auprès de Dieu.
Il se fait tard, mes chères
amies. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque
ennui en chemin. Rentrez chez vous. Au revoir ...
et au plaisir de nous retrouver dimanche
prochain.
Les quatre jeunes filles prirent
donc le chemin du retour.
Après une centaine de
mètres, l'une d'entre elle brisa le silence
de leurs réflexions.
- Anne-Laure est drôle, dit
Patricia, où veut-elle donc que nous
trouvions un mari pieux, aimable et
riche ?
- Encore si elle nous disait de nous
amuser avec les garçons, ajouta Justine, on
pourrait se rencontrer, faire connaissance ! C'est
bien simple, si nous vivions comme elle le veut,
comme des religieuses au couvent, il n'y a pas de
risque de rencontrer un mauvais mari, on n'en
rencontrerait à coup sûr aucun
!
- Arrêtez !
s'écria Melissa. Patricia, Anne-Laure ne
vient-elle pas de dire que nous trouverions
difficilement toutes ces qualités dans un
mari, que la piété est seule
indispensable, qu'elle a parlé des autres
parce qu'il faut les chercher, parce qu'on peut les
rencontrer, parce qu'il faut savoir ce que c'est
que le mariage, mais non...
- Ah ! La voilà qui va
recommencer toute la leçon, interrompit
Patricia, j'en ai assez entendu comme ça !
Et poussant un bruyant éclat de rire, elle
s'élança la première dans la
rue suivante.
- Pour moi, reprit Melissa, un peu
blessée mais d'un ton plus doux et plus
modeste, pour moi, j'en ai l'espoir, Dieu me
dirigera. J'attendrai, pour entrer dans la vie
conjugale, d'avoir trouvé un homme qui aime
le Seigneur. Dieu saura bien me le faire rencontrer
s'il veut que je me marie... Et si je ne le
rencontre pas, je ne me marierai pas.
- Oui ! Elle a raison ! dit Justine,
qui, très vite entraînée d'un
côté, revenait vite aussi d'un
autre.
- Alors, fit Zoé, vous
désobéirez à Anne-Laure, car
elle nous invite à nous marier.
- On doit se marier lorsqu'on peut
le faire selon Dieu, reprit Melissa en souriant, et
rester célibataire si c'est ce que le
Seigneur veut pour nous.
- Bah ! bah ! s'écria
Patricia, vous avez beau dire, j'épouserai,
moi, un joli garçon, gai et bon vivant, et
s'il ne pense pas comme moi en matière de
religion ... Eh bien, nous prierons Dieu chacun
à notre manière ! Et s'il ne croit
pas, je m'en accommoderais aussi, du moment qu'il
me plaît.
- Cela veut dire que vous ne le
prierez ni l'un ni l'autre, interrompit Justine en
se rapprochant de Melissa, en lui faisant un clin
d'oeil.
- Patricia, reprit Melissa, il me
semble qu'il y a une bonne manière de prier
Dieu.
-Oui, et laquelle, s'il te
plaît, toi la grande chrétienne?
répondit Patricia d'un ton ironique.
- Celle que nous indique la Bible.
Il est écrit dans la Parole de Dieu de prier
en couple 17.
- J'épouserai un homme qui
m'aime, et voilà tout ! répondit
brusquement Patricia.
Melissa comprit qu'il serait
inutile, fâcheux même de pousser la
discussion plus loin, elle se tut.
Justine déclara que, quant
à elle, elle voulait voir le monde avant de
s'engager pour la vie ; vivre un peu,
quoi !
Zoé dit que sans doute la
piété et les traits de
caractère avaient leur importance, mais que
la richesse avait son attrait aussi. Et comme les
travaux du ménage ne lui plaisaient pas,
elle se déciderait difficilement à
épouser un homme qui ne lui procurerait pas
les avantages de la richesse, tout au moins ceux
d'un certain niveau de vie.
Chacune regagna sa maison, retirant
des fruits de cet entretien selon ce qu'elle
était capable de produire.
Melissa, une résolution
conforme à l'esprit de l'évangile;
Justine, un improductif mélange de
désirs pieux et de penchants mondains;
Zoé, des besoins orgueilleux dont ne la
délivrait pas une foi morte; Patricia, une
sécheresse, presque une révolte
contre Dieu, que cette application des principes
chrétiens à la vie pratique venait
mettre en lumière.
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