Le royaume de Dieu est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les semences; mais quand elle a poussé, elle est plus grande que les légumes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches.
Cette parabole est la première qui ne
soit pas interprétée par le
Maître; il faut donc y apporter une attention
toute particulière et observer avec soin les
trois principes indiqués au début de
notre étude. Par exemple, il ne faudra pas
nous laisser influencer par l'interprétation
populaire de cette parabole qui fait du grain de
moutarde, devenu un arbre, le symbole du
développement grandiose et satisfaisant de
la chrétienté, laquelle finit par
étendre ses branches bénies sur 'le
monde entier. Le fait que la majorité
interprète un passage des Écritures
de cette manière n'est pas
nécessairement la garantie d'une
interprétation juste. Il faut aussi se
souvenir qu'une parabole ne peut pas être en
désaccord avec une autre, ni l'enseignement
d'une de ses paraboles avec aucun passage biblique.
Dieu étant le seul auteur de la Bible, il ne
peut y avoir dans ses pages sacrées aucune
contradiction. Dans l'évangile de Matthieu
où nous trouvons notre texte, il nous est
parlé de la disparition de la foi vers la
fin de notre économie
chrétienne. Cette déclaration est
réitérée à travers les
Épîtres sous des formes diverses,
ainsi que la décadence morale et spirituelle
de notre époque (voir 2
Thess. 2 : 1-12; 1
Tim. 4: 1-2; 2
Tim. 3: 1-5; 2
Tim. 4: 3-4, etc.). Nous devons
ainsi, en étudiant cette parabole, nous
mettre en garde contre les idées
préconçues que nous pourrions avoir
reçues par l'interprétation
populaire. Ne perdons pas non plus de vue le fait
que les figures employées dans une parabole
gardent leur même signification dans les
autres où elles sont également
utilisées.
Nous n'ignorons pas les
objections
qui sont faites contre cette assertion dans un
esprit de parfaite sincérité et de
loyauté. Avant de s'ancrer
définitivement dans une telle opposition, ne
vaudrait-il pas la peine de reconsidérer le
sujet dans le calme, sans parti pris, sans
idées préconçues, sans
préjugés, assis au pied du
Maître? Ne serait-il pas sage de s'assurer si
nous avons, oui ou non, des preuves bibliques
à l'appui qui nous autorisent à
rejeter d'emblée cette affirmation? Si oui,
dans quels passages des saintes Écritures se
trouvent-elles? On a eu cité le levain de la
parabole qui est pour plusieurs, incontestablement
le type du bien, lorsque partout ailleurs il est
l'image du mal. Sommes-nous parfaitement certains
que le levain de la parabole est
véritablement la préfiguration du
bien? Si c'était le cas, nous serions
obligés d'admettre qu'il existe entre
l'enseignement de cette parabole et la
déclaration du Maître relatée
dans Luc 18: 8 une sérieuse contradiction.
Le manque de foi qui est prophétisé
dans ce verset pour la fin de notre époque
ne peut être
considéré comme un
événement heureux, ainsi qu'il en
serait de notre civilisation sous l'influence du
levain, si le levain était vraiment le type
du bien.
On nous a également
cité 1
Pierre 5: 8 et Apocalypse
5 : 5, comme si le lion
était dans le premier cas l'image de Satan,
et dans l'autre celui de Jésus-Christ. C'est
bien mal comprendre l'enseignement typique de ces
deux versets. Ce qui prime dans ces citations,
c'est le caractère du lion, caractère
de puissance, de force, qui fait trembler de
terreur et d'épouvante ceux qui sont dans
son rayon d'action. Ceci s'applique parfaitement,
sans 'l'ombre d'une variation dans les deux cas qui
nous intéressent. En effet: devant la brebis
du Seigneur, Satan se présente avec le
caractère du lion, et fait trembler sa proie
présumée. Dans le second cas, c'est
l'image du monde apostasié qui a
rejeté le Fils de Dieu venu à lui en
sa qualité d'agneau de Dieu pour expier son
péché, et qui maintenant se voit
confronté à la fin de cette
économie avec ce même Fils de Dieu,
venant à lui dans sa double qualité
de Juge et de Roi. En ce jour là, Il
apparaît comme le lion de la tribu de Judas,
car Il vient pour juger ce monde en révolte
contre Lui. Il nous est dit de ce jour que
«les rois de la terre, les grands, les chefs
militaires, les riches, les puissants, tous les
esclaves et les hommes libres diront aux montagnes
et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous
devant la face de celui qui est assis sur le
trône, et devant la colère de
l'Agneau, car le grand jour de sa colère est
venu, et qui peut subsister?
(Apoc.
6: 15-17.) Ainsi, là
encore, la règle demeure.
La plupart des figures
mentionnées dans cette parabole sont
familières. La «semence», le
Seigneur en fait les vies humaines dans lesquelles
la Parole a été
réalisée. Dans la
spécification de cette semence, «le
grain de moutarde», nous avons l'image de la
collectivité de ces vies. Le semeur,
d'après l'interprétation du
Maître, c'est Lui-même, le Fils de Dieu
(verset
37). Le champ, c'est le monde
(verset
38). Les oiseaux que nous
avons déjà vus dans la
première parabole, ainsi que le Maître
les montre au verset
19, symbolisent le
malin.
Cette parabole nous place devant
un
étrange tableau, dans lequel on voit une
chose qui nous paraît absolument anormale,
une chose qui est contre nature, qui a pris des
proportions imprévues.
La moutarde est une plante
très connue en Palestine. Ce n'est pas un
arbre, ni même un arbrisseau, mais une simple
légumineuse. Il arrive cependant que l'on
trouve dans certains endroits des plantes sauvages
qui atteignent Jusqu'à un mètre et
même un mètre et demi de hauteur.
Quelle leçon devons-nous tirer de cela
?
La première est que nous
trouvons dans notre époque un
développement anormal des principes du
Royaume. Le développement naturel,
prévu et voulu de Dieu pour son oeuvre, est
suggéré par la semence du grain de
moutarde, qui est l'image de la modestie, de
l'humilité, de ce qui est discret, conforme
à sa nature. Mais voici que ce grain de
moutarde, emblème de l'effacement, est
devenu un grand arbre, symbole de la fierté,
de l'autorité et de la domination. Tendance
qui se manifesta déjà parmi les
disciples. «Un jour, nous est-il dit, ils s'approchèrent
du
Maître et lui demandèrent: Qui sera le
plus grand dans le Royaume des Cieux? Il
s'éleva aussi parmi les apôtres une
contestation: lequel d'entre eux devait être
estimé le plus grand? Jésus leur dit:
Les rois des nations les maîtrisent, et ceux
qui les dominent sont appelés bienfaiteurs.
Qu'il n'en soit pas de même parmi vous. Mais
que le plus grand d'entre vous soit comme le plus
petit, et celui qui gouverne comme celui qui
sert»
(Luc
22: 24).
Plus tard, nous voyons
l'empereur
Constantin épouser la religion
chrétienne, non par une conviction profonde
de son péché, mais par simple
intérêt personnel. Il vit par cet acte
de sa part un moyen puissant de consolider son
empire. L'admission de cet inconverti dans
l'assemblée des chrétiens ne put se
faire que par un sacrifice des principes
fondamentaux. L'Église, qui jusqu'alors
vivait dans le creuset de l'épreuve, passant
d'une persécution à une autre
persécution, se vit soudainement
délivrée de ses terreurs et
introduite victorieusement dans les faveurs
impériales. De là naquit, pour elle
tout à la fois un immense
développement numérique et une grande
aisance matérielle, mais au détriment
indiscutable de sa vie spirituelle.
En rapport avec ce fait, un
commentateur disait: «Le grain de moutarde qui
a été planté en Juda a fourni
une faible plante qui, soudainement, s'est
développée en un arbre immense par la
conversion de Constantin.» Cette
déclaration est parfaitement juste. Il reste
à savoir si ce développement a
été pour le bien ou pour le mal de la
chrétienté, si cela a aidé ou
entravé son oeuvre. Nous croyons fermement,
comme nous l'avons déjà dit plus
haut, que rien n'a entravé
les principes du Royaume dans le monde autant que
la conversion au christianisme de l'empereur
Constantin. À la suite de cette conversion
une atmosphère s'est créée qui
a favorisé le développement de la
doctrine de Balaam, à savoir l'encouragement
de l'union du peuple de Dieu avec le monde. Cette
union établie, les restrictions divines
n'avaient plus leur raison d'être, comme
celles de l'apôtre saint Jean qui exhorte les
chrétiens à ne point aimer le monde,
ni les choses qui sont dans le monde... La
convoitise de la chair, la convoitise des yeux et
l'orgueil de la vie perdent tout leur sens. Seules
les paroles de l'Ecclésiaste demeurent
lorsqu'il dit: «Jeune homme,
réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton
coeur à la joie pendant les jours de ta
jeunesse, marche dans les voies de ton coeur et
selon les regards de tes yeux».
Avec un tel enseignement, le
miracle
du grain de moutarde ne peut que se produire. La
petite et modeste plante est devenue un grand arbre
qui étend ses multiples branches sur une
grande partie du monde. Mais encore une fois, y
a-t-il là de quoi se réjouir?
Certainement, si ce développement
était normal, scripturaire, conforme
à la volonté de Dieu; mais ce n'est
pas le cas puisque ce développement est le
résultat d'une mésalliance
catastrophique. Par elle, toute la vie de l'Eglise
est desséchée et en danger de mort.
Un bateau est construit pour aller sur l'eau; mais
malheur si l'eau sur laquelle il doit voguer
pénètre dans sa cale. Ainsi en est-il
pour l'oeuvre de Dieu. Quand celle-ci se laisse
envahir par le monde, elle perd la vision de son
Maître et marche à sa propre ruine.
Notre chrétienté est sur le point de sombrer par
suite de
sa mésalliance avec le monde.
La papauté caractérise
également d'une manière
particulière ce développement
anti-scripturaire. Son grand souci à travers
les siècles a été et est
encore de dominer les nations. C'est la
réalisation magistrale de la doctrine des
Nicolaïtes qui avait pour but
l'établissement d'une classe de
privilégiés au-dessus de leurs
frères comme nous le fait comprendre le mot
«Nicolaos». «Nikao» veut dire
dans notre langue «dominer» et
«Laos» laïque, peuple. Pour mieux
dominer le peuple, l'église d'alors
transforma, par l'ingéniosité
diabolique du clergé déchu, la
méthode d'introduire les âmes dans le
giron de l'église.
Dans l'Église primitive, les
âmes n'étaient reçues
qu'après avoir pris pleinement conscience de
leur état de péché et avoir
passé par une repentance sincère, et
qu'après un acte de foi par lequel elles
saisissaient le don de Dieu. Leur conversion
était bien établies, elles
étaient baptisées et ensuite admises
dans l'assemblée des rachetés, alors
que maintenant et depuis de nombreux siècles
déjà, les âmes y sont
introduites en série, sous le seul signe de
quelques gouttes d'eau suivi plus tard d'une
confirmation de cet acte, accomplie à une
date fixée d'avance, comme si les sentiments
du coeur étaient dictés par le
calendrier.
La manière dont le
baptême est exécuté dans
l'Église catholique, et hélas! dans
beaucoup d'églises protestantes, est une
illustration de ce développement; anormal
des choses de Dieu, symbolisé par le grain
de moutarde. L'Écriture précise que nous devons
croire avant
d'être baptisés
(Actes
2 : 38, 41, etc.), car le
baptême est comme une déclaration
publique que nous avons accepté le don de
Dieu par lequel nous sommes sauvés et que
nous reconnaissons être, par la foi, morts et
ressuscités avec Christ. Un enfant dans les
langes peut-il comprendre ces choses? Cette
déformation de la Parole de Dieu est plus
grave que nous ne le réalisons au premier
abord. Elle jette notre jeunesse dans une fausse
sécurité. Ayant été
baptisés dans notre enfance, nous nous
réclamons du titre de chrétiens sans
avoir passé par la nouvelle
naissance.
Il n'est pas surprenant que nos
maisons de débauche, nos prisons, nos asiles
d'aliénés soient remplis de gens
baptisés.
Notre chrétienté tout
entière n'a-t-elle pas pris un
développement contraire à la
volonté de Dieu? N'est-elle pas sortie des
limites qui lui étaient assignées, et
dans ce développement anormal, n'a-t-elle
pas perdu sa force? L'heure tragique que nous
traversons n'est-elle pas une triste manifestation
de son impuissance? Pourquoi cette impuissance?
Jamais l'Église n'a été aussi
bien organisée, ses branches
d'activité sont multiples, elles se
répandent dans toutes les directions. Oui,
mais derrière cette grande activité,
il y a un mal fort grave, celui de la perte du
premier amour pour le Roi des rois.
C'est-à-dire que cet élément
de pureté, de simplicité,
d'humilité, cet amour ardent,
dépourvu d'égoïsme, plein
d'enthousiasme et d'esprit de sacrifice pour le
Maître, n'est plus. Nous avons suivi Marthe
plutôt que Marie. Nous sommes plus
attachés à nos oeuvres qu'à
Jésus-Christ, et le Maître est sur le point de nous
dire ce qu'Il
disait à l'Église de Laodicée:
«Je connais tes oeuvres, je sais que tu n'es
ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid
ou bouillant. Ainsi, parce que tu es tiède,
et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai
de ma bouche. Parce que tu dis: Je suis riche, je
me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et
parce que tu ne sais pas que tu es malheureux,
pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter de
moi de l'or éprouvé par le feu, afin
que tu deviennes riche, et des vêtements
blancs afin que tu sois vêtu et que la honte
de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre
pour oindre tes yeux, afin que tu voies»
(Apoc.
3: 17-18).
Dans les branches de l'arbre
viennent habiter les oiseaux du ciel, symbole du
malin
(v.
19) qui vient s'installer dans
les multiples branches de la
chrétienté pour jeter à
pleines mains, du haut de nombreuses chaires, le
poison du modernisme, du rationalisme et de
l'apostasie, ainsi que le Maître l'a
prophétisé.
Christ n'était pas rempli
d'illusions lorsqu'Il vint dans ce monde comme
Rédempteur. Il nous montre par la
première parabole l'opposition qu'Il
rencontre dans ce monde pour les choses qui
appartiennent à sa paix, de sorte que,
là où la Parole est reçue,
elle ne produit pas partout une consécration
entière. Par la deuxième parabole Il
nous révèle la présence de
Satan qui vient empoisonner la partie du champ qui
a répondu favorablement à la semence,
et enfin, dans cette troisième parabole que
nous considérons en ce moment, Il nous fait
entrevoir une aggravation de la situation, un
développement anormal de l'oeuvre qu'Il a
établie. Au lieu de rester dans les limites
naturelles de sa
vocation, l'Église dépasse ces
limites pour s'associer avec le monde qu'elle est
appelée à conduire à la
vérité, se contentant de
prêcher un évangile social, pour
l'amélioration de la société,
comme si c'était là la mission que
Dieu lui avait confiée. Triste aveuglement
que celui qui ne voit pas la ruine complète
de la société humaine, et qui croit
encore qu'un peu du vernis de la civilisation peut
la réhabiliter devant Dieu.
Quelle attitude devons-nous
prendre
devant un si triste tableau? Lâcher la
cognée et nous écrier: A quoi bon?
Non, mille fois non. Si Dieu, dans sa prescience, a
vu tout cela, et beaucoup plus, et si malgré
ces faits Il a entrepris cette oeuvre pour le salut
de notre race, c'est qu'Il a vu qu'au sein de tout
cela, il y aurait des âmes qui
écouteraient sa voix qui se tourneraient
vers Lui, qui se soumettraient à sa
volonté, qui obéiraient à sa
Parole et avec lesquelles Il réaliserait son
Royaume sur la terre.
Le royaume de Dieu est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.
Cette parabole, comme la
précédente, est
généralement
interprétée de manière
à démontrer l'application
satisfaisante des principes du Royaume des Cieux au
milieu de notre société. Si rien
n'enrayait leur action, le monde finirait par
être entièrement transformé,
grâce à la prédication de
l'évangile agissant comme du levain dans la
pâte. Si cette interprétation
était juste, celle que nous avons
donnée dans les trois
précédentes serait fausse, car il
existerait une contradiction entre elles, ce qui ne
peut être le cas. Nous disions dans
l'introduction de notre sujet qu'il doit exister
une parfaite harmonie dans l'enseignement de ces
paraboles, comme d'ailleurs dans la Parole de Dieu.
La doctrine contenue dans l'une des parties des
Saintes Écritures ne peut contredire la
doctrine découlant d'une autre partie. Il en
résulte alors que cette
interprétation serait juste et les trois
précédentes fausses, ou
vice-versa.
Si, d'après
l'interprétation généralement
acceptée, le levain était le principe
vital qui transforme l'humanité, l'agent
puissant dont Dieu se sert pour établir son
Royaume ici-bas d'une façon progressive et
ininterrompue jusqu'à l'achèvement,
le levain serait l'image du bien.
Mais le levain est-il vraiment cela? Sa nature lui
permet-elle d'exercer une telle action
bienfaisante? Remarquons tout d'abord que le levain
n'est pas l'élément principal de la
parabole. Le texte ne dit pas: «Le Royaume des
Cieux est semblable à du levain», mais
il dit: «Le Royaume des Cieux est semblable
à du levain qu'une femme a pris, et mis dans
trois mesures de farine». Ainsi la partie
vitale de la parabole n'est pas le levain, mais les
trois mesures de farine. Le levain, tout comme la
femme, d'ailleurs, n'est mentionné qu'en
considération de la farine.
L'élément capital de la parabole, ce
sont ces trois mesures de farine, et ce qui se
produit en elles par l'intervention de la femme qui
introduit le levain.
Nous trouvons la première
mention de ces trois mesures de farine dans la
Genèse
(18: 6),
à l'occasion de la
visite que l'ange de l'Éternel fait à
Abraham. Nous les retrouvons dans le
Lévitique, à propos de l'offrande de
fleur de farine. Il importe ici de préciser
que cette offrande était
précédée de l'holocauste, dont
la signification symbolique était la
parfaite obéissance à la
volonté de Dieu, si magistralement
illustrée par Jésus-Christ, notre
holocauste. «Il ne s'est point complu en
Lui-même»
(Rom.
15: 3). «Il n'a point
cherché sa propre gloire»
(Jean
8: 50). «Il n'est pas venu
pour faire sa volonté»
(Jean
5 : 30). Son être tout
entier, esprit, âme et corps, a
été consacré à Dieu,
partout et toujours. Ses pensées, ses
affections, son temps, son énergie, son
confort, son bien-être, foyer, parents et
amis, tout a été abandonné
à Dieu. Tous les voyages qu'Il fit, tous les
miracles qu'Il accomplit, tous
les sermons qu'Il prêcha étaient dans
l'obéissance parfaite au Père, que
cela fût dans la maison du charpentier de
Nazareth, ou qu'Il confondît
l'hostilité des pharisiens et les moqueries
des sadducéens, ou encore qu'Il
pleurât sur la tombe de son ami Lazare.
À table à côté du
traître, ou agonisant dans le jardin de
Gethsémané, ou mourant sur la croix,
ou dans sa victoire incomparable sur la mort,
toujours c'est la perfection dans
l'obéissance. Il a toujours
été obéissant au Père:
obéissance qui nous est imputée par
la foi. C'est à la suite de cette
merveilleuse consécration de Christ à
Dieu, symbolisée par l'holocauste, que
jaillissent ces exhortations de l'apôtre
«d'offrir nos corps comme un sacrifice vivant,
saint, agréable à Dieu, ce qui sera
de votre part un culte raisonnable»
(Rom.
12 : 1).
Si l'holocauste qui
précède l'offrande de farine est le
symbole de la consécration personnelle
à Dieu, l'offrande de fleur de farine est
celui de la dédicace des oeuvres de
l'adorateur. Cette offrande était
également l'offrande de
l'hospitalité. Une partie restait la
propriété de l'adorateur, l'autre
était à la disposition du
prêtre. Nous avons aussi, dans cette
offrande, le symbole d'une communion parfaite,
établie entre l'adorateur et son Dieu, sur
la base de son activité,
précédée par une
entière obéissance.
La loi mosaïque faisait
défense absolue d'introduire du levain dans
l'offrande de fleur de farine. Pourquoi cela? C'est
que le levain est un morceau de pâte en
fermentation, c'est-à-dire en voie de
corruption, et capable par ce fait de contaminer
tout ce qu'il touche. Il ne peut donc servir
à représenter un
principe sain, vivifiant. Les enfants d'Israël
avaient reçu l'ordre précis d'enlever
toute trace de levain de leurs maisons pendant la
fête de la Pâque
(Ex.
12: 15). L'Ancien Testament le
désigne invariablement comme le symbole du
mal, et le Nouveau Testament n'est pas moins
catégorique, qu'on en juge!
Pour mettre en garde ses
disciples
contre les fausses doctrines, Jésus leur
dit: «Gardez-vous du levain des pharisiens et
des sadducéens»
(Matth.
16 : 11). Ils avaient
l'apparence de la piété, leur
religion n'était qu'un ritualisme vain, un
formalisme vide. Le levain des pharisiens
était l'hypocrisie
(Luc
12 : 1). Celui des
sadducéens était le
matérialisme, car ils ne croyaient ni aux
anges, ni aux esprits, ni à la
résurrection des morts. S'adressant aux
Galates rétrogrades, déchus de la
grâce, saint Paul déclare que la
suggestion à laquelle ils ont obéi ne
vient pas de Celui qui les a appelés, «
car un peu de levain fait lever toute la
pâte»
(Gal.
5: 8-9). Ce levain, c'est le
légalisme. En relatant la condamnation
à mort du Sauveur
l'évangéliste mentionne, comme en
passant, l'alliance hétéroclite,
monstrueuse d'Hérode, personnification du
culte juif, avec Pilate, représentant le
monde païen. «Ce jour-là,
Hérode et Pilate, d'ennemis qu'ils
étaient, devinrent amis»
(Luc
23 : 12). Mais
déjà auparavant, Jésus avait
mis en garde les siens contre le caractère
d'Hérode. «Gardez-vous avec soin, leur
dit-il, du levain d'Hérode»
(Marc
8: 15). Ce levain, à
n'en pas douter, c'est le mondanisme qui prend
aussi figure du mammonisme. «Vous ne pouvez
servir deux maîtres, Dieu et Mammon»
(Matth.
6: 24). Écrivant aux
Corinthiens, l'apôtre Paul
donne un relief saisissant au sens péjoratif
du mot levain, de façon à lever tous
les doutes. La citation du passage entier s'impose
ici. «Vous n'avez certes point sujet de vous
glorifier. Ne savez-vous pas qu'un peu de levain
fait lever toute la pâte? Purifiez-vous du
vieux levain, afin que vous deveniez une pâte
nouvelle et sans levain, comme vous l'êtes
aussi; car Christ, notre Pâque, a
été immolé. Ainsi donc
célébrons la fête, non avec du
vieux levain, ni avec le levain de la malice et de
la méchanceté, mais avec les pains
sans levain de la sincérité et de la
vérité»
(1
Cor. 5 : 6-8).
En voilà assez pour emporter
la conviction de tous les lecteurs attentifs de la
Bible. Il nous reste cependant à examiner
deux passages qui, lus superficiellement,
pourraient provoquer quelque hésitation,
bien qu'au fond ils appuient notre thèse.
Lisons d'abord ceci: «Quand vous serez dans le
pays que je vous donne, et que vous y ferez la
moisson, vous apporterez au sacrificateur une
gerbe, prémices de votre moisson... Vous
sacrifierez aussi, ce jour même, un agneau
d'un an, sans défaut et sans tache en
holocauste à l'Éternel; vous y
joindrez une offrande de deux dixièmes de
farine arrosée d'huile en sacrifice
consumé par le feu, d'agréable odeur
à l'Éternel ... »
(Lév.
23: 10-13). Qui ne voit,
dans cette première gerbe, et dans
l'offrande de fleur de farine tirée de cette
gerbe, la préfigure de Jésus-Christ,
l'Agneau sans défaut et sans tache,
immolé mais rendu à la vie comme les
prémices de la résurrection?
(1
Cor. 15 : 23). Dans cette offrande
il n'y a point de levain, la farine est
arrosée d'huile, symbole du Saint-Esprit.
Jusqu'ici tout s'accorde avec
nos
explications. Mais la suite du passage du
Lévitique risque, au premier abord, de
provoquer quelque étonnement. «Vous
compterez aussi, à partir du lendemain du
sabbat où vous avez apporté la gerbe,
sept semaines entières... et vous offrirez
une nouvelle offrande à l'Eternel... Vous
apporterez de vos demeures deux pains, ils seront
faits avec deux dixièmes de fleur de farine,
et cuits avec du levain: ce sont les
prémices à l'Éternel»
(Lév.
23: 17). Ces sept
semaines plus un jour font cinquante jours,
l'intervalle qui sépare Pâque de la
Pentecôte. C'est après la
résurrection, l'envoi du St-Esprit, et la
formation de l'Église chrétienne que
cette deuxième offrande devait avoir lieu
(Actes
2: 1-4). Mais pourquoi ces
deux pains? C'est que l'Église, corps
terrestre de Jésus-Christ, devait comprendre
deux éléments constitutifs: le monde
Juif, primitivement appelé, et le monde
païen, nouvellement appelé. Et pourquoi
ces deux pains devaient-ils être cuits avec
du levain? C'est que l'Église, sainte en
principe et par sa destinée finale, ne
pouvait pas en pratique échapper à la
corruption qui règne dans le monde, pas plus
que chaque membre qui la compose
individuellement.
Le deuxième passage, qui est
moins important, se lit dans le prophète
Amos: «Allez à Béthel, et
péchez encore; Allez à Guilgal, et
péchez toujours davantage! Apportez chaque
matin vos sacrifices, et tous les trois jours vos
dîmes! Faites fumer vos offrandes d'actions
de grâces avec du levain!»
(Amos
4: 4-5). Le contexte montre
clairement que l'Éternel parle avec
sévérité; Il reproche à
Israël son hypocrisie et sa corruption, et
c'est avec une sainte ironie
qu'il l'exhorte ainsi, pour mettre le comble
à son impiété, à
présenter ses offrandes avec du levain. Ici
donc, comme ailleurs, le levain est
considéré comme un principe mauvais.
Serait-il possible que Christ lasse une exception
pour cette parabole, et prenne le levain pour
représenter le bien? Nous ne le croyons pas.
Ce serait accuser notre Seigneur
d'inconséquence ou d'incapacité de
trouver une illustration appropriée pour
mettre en relief sa pensée.
Permettez-nous un souvenir
personnel. Dans une controverse à ce sujet,
on nous opposa l'argument suivant: «Vous dites
que le levain est le type du mal; comment se
fait-il que vous mangez tous les jours, et
sûrement avec plaisir, du pain
levé?» En effet, nous mangeons tous, et
avec appétit et profit, du pain qui a subi
l'action du levain; mais nous ne le mangeons pas
avant qu'il soit cuit. La chaleur du four a
arrêté totalement la fermentation de
la pâte et il en est résulté un
aliment sain et agréable, dont nous aurions
peine à nous passer.
Il en est de même pour notre
civilisation chrétienne si avancée
dans le domaine intellectuel et scientifique. Ces
découvertes et inventions qui pourraient et
devraient servir uniquement au bien de
l'humanité, sont détournées de
leur vraie destination et mises au service des
puissances infernales, de telle façon qu'en
dépit de ces progrès si merveilleux,
nous assistons terrifiés à une
complète faillite de notre civilisation.
Mais le jour vient, et il sera là
bientôt, où cette civilisation,
faussée par le péché, passera
à travers la fournaise ardente des jugements
de Dieu. Ce sera la Grande Tribulation mentionnée
dans Matth.
24 : 21. Par cette
tribulation le levain sera détruit et
l'humanité en sortira purifiée.
Alors, et alors seulement, elle pourra jouir des
progrès de la civilisation.
Après avoir
déterminé la nature et le rôle
du levain dans notre parabole, considérons
la femme qui y introduit le ferment.
Dans le prophète Zacharie
(5
: 5-8), il est question de
l'épha, sur lequel une femme est assise.
L'épha est une mesure de capacité, la
dixième partie de l'homer
(Ez.
45: 11). C'est l'emblème
du commerce et la femme assise sur l'épha
représente l'injustice et l'iniquité
auxquelles le commerce est assujetti. Ce passage
nous renvoie tout naturellement aux chapitres 17
et 18
de l'Apocalypse, qui offrent le
spectacle d'une vie commerciale intense,
régie par une femme. Cette femme a
abandonné son Divin Amant pour s'attacher
à un autre: c'est l'Église apostate
qui, au lieu de rester fidèle à
Jésus-Christ en accomplissant sa mission
strictement spirituelle, s'est
émancipée pour s'unir au monde et
devenir, de la sorte, une puissance plus politique
que religieuse. Jean voit cette femme ivre du sang
des saints et du sang des témoins de
Jésus, tenant dans sa main une coupe d'or
remplie d'abomination et des impuretés de sa
prostitution. Nous retrouvons cette femme dans la
quatrième lettre adressée à
l'Église de Thyatire
(Apoc.
2: 20).
Dans cette quatrième
parabole, elle introduit subrepticement dans la
pâte le levain, agent de corruption et de
mort, pour briser la communion qui existe entre
Christ et son corps, et neutraliser son influence
dans notre société. Ainsi l'ultime
enseignement de cette parabole
n'est pas la conversion du monde par les principes
du Royaume; mais plutôt, le mélange
d'erreurs et de corruption qui domine ces principes
et les rend inopérants, montrant par
là l'harmonie merveilleuse qui existe entre
ces paraboles et les autres prédictions du
Seigneur sur la condition morale et religieuse
à la fin de notre
économie.
La conclusion pratique à
tirer de ces enseignements, c'est que
l'Église dans son ensemble, et chaque
croyant en particulier, ne peuvent agir utilement
que dans la mesure où ils sont
séparés du mal et
libérés de tout ce que le levain
symbolise. Lot était profondément
attristé à cause de la conduite
dissolue des habitants de Sodome, mais il fut
impuissant à les ramener dans la bonne voie.
Si la ville fut presque sauvée, elle le dut
à l'intercession puissante d'Abraham, le
fidèle. Le mal avait porté une
atteinte si grave à
l'intégrité de la piété
de Lot, que son témoignage, si
sincère qu'il fût, était devenu
inefficace. De même en est-il pour nous. La
puissance de notre témoignage dépend
de notre séparation de tout ce qui n'est pas
conforme à la volonté de
Dieu.
Pourquoi notre
chrétienté se trouve-t-elle sans
force pour vaincre le mal qui l'assiège de
toutes parts? Pourquoi ces crises sociales,
économiques et politiques qui bouleversent
le monde? Pourquoi n'a-t-elle pu empêcher la
guerre avec ses indescriptibles misères?
Pourquoi la civilisation, dont nous étions
si fiers, rétrograde-t-elle jusqu'à
la barbarie? Pourquoi sommes-nous placés au
bord de l'abîme après vingt
siècles de prédication de
l'Évangile? Pourquoi cette faillite
après deux mille ans de labeur, d'efforts, de
sacrifices en
vies
et en argent? Enfin, pourquoi encore, notre
société humaine que nous
étions appelés à conduire au
pied de la Croix, est-elle dans sa masse si loin de
Dieu? La réponse ne se trouve-t-elle pas
dans la complicité de l'Église avec
le mal que représente le levain?
Répétons-le. Ce qui fait
l'impuissance de l'Église ce n'est pas que
la main de l'Éternel se soit raccourcie et
qu'Il ne puisse lui aider; ni que son oreille se
soit endurcie et qu'Il ne puisse entendre ses
supplications
(Esaïe
59: 1-2). Mais c'est
l'introduction du mal en son sein. C'est son
infidélité envers son
Maître.
La religion d'un grand nombre,
rattaché officiellement à
l'Église, consiste en un peu de foi
apparente au-dessous de laquelle il n'y a plus
rien. Obéir à la coutume, à la
tradition, faire comme tout le monde, se contenter
de cérémonies, de pratiques et de
rites qui permettent tout juste de sauver les
apparences, sans que le coeur et la vie soient
vraiment engagés: quels atouts donnés
à l'hypocrisie et au formalisme! Ajoutons-y
le mammonisme et tout le mondanisme ambiant, avec
le rationalisme et tout le modernisme qui
prétendent passer la
révélation au crible de la raison
humaine. Pour en arriver là, il a suffi tout
simplement à notre chrétienté
de céder aux influences du dehors, de
laisser le levain s'introduire dans sa
pâte.
Plusieurs estimeront sans doute
que
notre tableau de la chrétienté est
poussé trop au noir. Qu'ils veuillent bien
constater qu'il n'en peut être autrement, si
l'on reste dans les limites de la parabole. Le
texte spécifie clairement que le levain a
produit son effet dans la pâte, puisque
celle-ci est toute levée; et nous avons montré au
cours de notre étude ce que cela signifie.
Alors vous nous direz peut-être: A quoi bon
tout ce travail, tous ces sacrifices, ces sommes
d'argent englouties pour les missions, ces vies
sans nombre sacrifiées sur les
bûchers, les échafauds, dans les
salles de tortures ou sur les champs missionnaires
par les climats meurtriers? Dieu n'est-il pas
omniscient? Ne savait-il pas que le terrain serait
hostile, que la semence serait en partie
médiocre, qu'un ennemi viendrait empoisonner
l'oeuvre commencée, que cette oeuvre
prendrait des proportions anormales qui
compromettraient son succès et que le tout
finirait par être corrompu par des principes
nettement en opposition à Sa
volonté?
Certainement Dieu savait tout
cela.
Il savait avant la fondation du monde ce qui allait
arriver. Mais Il vit aussi, dans sa sagesse
infinie, deux choses d'une extrême valeur
à ses yeux qui existent au coeur de cet
incomparable chaos. La première, c'est un
trésor d'une valeur inestimable mais qui est
caché, et dans lequel se trouvent les
principes latents de son Royaume sur la terre. La
deuxième est une perle de grand prix qui
fera éclater Sa gloire durant les
siècles de l'Éternité. En face
de ces merveilles, Il ne recule pas devant le prix
que cela doit lui coûter pour les
acquérir. Il accepte de faire face à
toute l'hostilité qui l'attend, d'affronter
les attaques subtiles, sournoises,
renouvelées de l'ennemi de boire la coupe
des déceptions amères qui lui sont
réservées et d'aller jusqu'à
la Croix, afin de posséder ces joyaux que
nous considérons dans les paraboles
suivantes.
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