Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Parabole de la moutarde

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versets 31-32.

Le royaume de Dieu est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les semences; mais quand elle a poussé, elle est plus grande que les légumes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches.


Cette parabole est la première qui ne soit pas interprétée par le Maître; il faut donc y apporter une attention toute particulière et observer avec soin les trois principes indiqués au début de notre étude. Par exemple, il ne faudra pas nous laisser influencer par l'interprétation populaire de cette parabole qui fait du grain de moutarde, devenu un arbre, le symbole du développement grandiose et satisfaisant de la chrétienté, laquelle finit par étendre ses branches bénies sur 'le monde entier. Le fait que la majorité interprète un passage des Écritures de cette manière n'est pas nécessairement la garantie d'une interprétation juste. Il faut aussi se souvenir qu'une parabole ne peut pas être en désaccord avec une autre, ni l'enseignement d'une de ses paraboles avec aucun passage biblique. Dieu étant le seul auteur de la Bible, il ne peut y avoir dans ses pages sacrées aucune contradiction. Dans l'évangile de Matthieu où nous trouvons notre texte, il nous est parlé de la disparition de la foi vers la fin de notre économie chrétienne. Cette déclaration est réitérée à travers les Épîtres sous des formes diverses, ainsi que la décadence morale et spirituelle de notre époque (voir 2 Thess. 2 : 1-12; 1 Tim. 4: 1-2; 2 Tim. 3: 1-5; 2 Tim. 4: 3-4, etc.). Nous devons ainsi, en étudiant cette parabole, nous mettre en garde contre les idées préconçues que nous pourrions avoir reçues par l'interprétation populaire. Ne perdons pas non plus de vue le fait que les figures employées dans une parabole gardent leur même signification dans les autres où elles sont également utilisées.

Nous n'ignorons pas les objections qui sont faites contre cette assertion dans un esprit de parfaite sincérité et de loyauté. Avant de s'ancrer définitivement dans une telle opposition, ne vaudrait-il pas la peine de reconsidérer le sujet dans le calme, sans parti pris, sans idées préconçues, sans préjugés, assis au pied du Maître? Ne serait-il pas sage de s'assurer si nous avons, oui ou non, des preuves bibliques à l'appui qui nous autorisent à rejeter d'emblée cette affirmation? Si oui, dans quels passages des saintes Écritures se trouvent-elles? On a eu cité le levain de la parabole qui est pour plusieurs, incontestablement le type du bien, lorsque partout ailleurs il est l'image du mal. Sommes-nous parfaitement certains que le levain de la parabole est véritablement la préfiguration du bien? Si c'était le cas, nous serions obligés d'admettre qu'il existe entre l'enseignement de cette parabole et la déclaration du Maître relatée dans Luc 18: 8 une sérieuse contradiction. Le manque de foi qui est prophétisé dans ce verset pour la fin de notre époque ne peut être considéré comme un événement heureux, ainsi qu'il en serait de notre civilisation sous l'influence du levain, si le levain était vraiment le type du bien.

On nous a également cité 1 Pierre 5: 8 et Apocalypse 5 : 5, comme si le lion était dans le premier cas l'image de Satan, et dans l'autre celui de Jésus-Christ. C'est bien mal comprendre l'enseignement typique de ces deux versets. Ce qui prime dans ces citations, c'est le caractère du lion, caractère de puissance, de force, qui fait trembler de terreur et d'épouvante ceux qui sont dans son rayon d'action. Ceci s'applique parfaitement, sans 'l'ombre d'une variation dans les deux cas qui nous intéressent. En effet: devant la brebis du Seigneur, Satan se présente avec le caractère du lion, et fait trembler sa proie présumée. Dans le second cas, c'est l'image du monde apostasié qui a rejeté le Fils de Dieu venu à lui en sa qualité d'agneau de Dieu pour expier son péché, et qui maintenant se voit confronté à la fin de cette économie avec ce même Fils de Dieu, venant à lui dans sa double qualité de Juge et de Roi. En ce jour là, Il apparaît comme le lion de la tribu de Judas, car Il vient pour juger ce monde en révolte contre Lui. Il nous est dit de ce jour que «les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres diront aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'Agneau, car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister? (Apoc. 6: 15-17.) Ainsi, là encore, la règle demeure.

La plupart des figures mentionnées dans cette parabole sont familières. La «semence», le Seigneur en fait les vies humaines dans lesquelles la Parole a été réalisée. Dans la spécification de cette semence, «le grain de moutarde», nous avons l'image de la collectivité de ces vies. Le semeur, d'après l'interprétation du Maître, c'est Lui-même, le Fils de Dieu (verset 37). Le champ, c'est le monde (verset 38). Les oiseaux que nous avons déjà vus dans la première parabole, ainsi que le Maître les montre au verset 19, symbolisent le malin.

Cette parabole nous place devant un étrange tableau, dans lequel on voit une chose qui nous paraît absolument anormale, une chose qui est contre nature, qui a pris des proportions imprévues.

La moutarde est une plante très connue en Palestine. Ce n'est pas un arbre, ni même un arbrisseau, mais une simple légumineuse. Il arrive cependant que l'on trouve dans certains endroits des plantes sauvages qui atteignent Jusqu'à un mètre et même un mètre et demi de hauteur. Quelle leçon devons-nous tirer de cela ?

La première est que nous trouvons dans notre époque un développement anormal des principes du Royaume. Le développement naturel, prévu et voulu de Dieu pour son oeuvre, est suggéré par la semence du grain de moutarde, qui est l'image de la modestie, de l'humilité, de ce qui est discret, conforme à sa nature. Mais voici que ce grain de moutarde, emblème de l'effacement, est devenu un grand arbre, symbole de la fierté, de l'autorité et de la domination. Tendance qui se manifesta déjà parmi les disciples. «Un jour, nous est-il dit, ils s'approchèrent du Maître et lui demandèrent: Qui sera le plus grand dans le Royaume des Cieux? Il s'éleva aussi parmi les apôtres une contestation: lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand? Jésus leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui les dominent sont appelés bienfaiteurs. Qu'il n'en soit pas de même parmi vous. Mais que le plus grand d'entre vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert» (Luc 22: 24).

Plus tard, nous voyons l'empereur Constantin épouser la religion chrétienne, non par une conviction profonde de son péché, mais par simple intérêt personnel. Il vit par cet acte de sa part un moyen puissant de consolider son empire. L'admission de cet inconverti dans l'assemblée des chrétiens ne put se faire que par un sacrifice des principes fondamentaux. L'Église, qui jusqu'alors vivait dans le creuset de l'épreuve, passant d'une persécution à une autre persécution, se vit soudainement délivrée de ses terreurs et introduite victorieusement dans les faveurs impériales. De là naquit, pour elle tout à la fois un immense développement numérique et une grande aisance matérielle, mais au détriment indiscutable de sa vie spirituelle.

En rapport avec ce fait, un commentateur disait: «Le grain de moutarde qui a été planté en Juda a fourni une faible plante qui, soudainement, s'est développée en un arbre immense par la conversion de Constantin.» Cette déclaration est parfaitement juste. Il reste à savoir si ce développement a été pour le bien ou pour le mal de la chrétienté, si cela a aidé ou entravé son oeuvre. Nous croyons fermement, comme nous l'avons déjà dit plus haut, que rien n'a entravé les principes du Royaume dans le monde autant que la conversion au christianisme de l'empereur Constantin. À la suite de cette conversion une atmosphère s'est créée qui a favorisé le développement de la doctrine de Balaam, à savoir l'encouragement de l'union du peuple de Dieu avec le monde. Cette union établie, les restrictions divines n'avaient plus leur raison d'être, comme celles de l'apôtre saint Jean qui exhorte les chrétiens à ne point aimer le monde, ni les choses qui sont dans le monde... La convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie perdent tout leur sens. Seules les paroles de l'Ecclésiaste demeurent lorsqu'il dit: «Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton coeur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton coeur et selon les regards de tes yeux».
Avec un tel enseignement, le miracle du grain de moutarde ne peut que se produire. La petite et modeste plante est devenue un grand arbre qui étend ses multiples branches sur une grande partie du monde. Mais encore une fois, y a-t-il là de quoi se réjouir? Certainement, si ce développement était normal, scripturaire, conforme à la volonté de Dieu; mais ce n'est pas le cas puisque ce développement est le résultat d'une mésalliance catastrophique. Par elle, toute la vie de l'Eglise est desséchée et en danger de mort. Un bateau est construit pour aller sur l'eau; mais malheur si l'eau sur laquelle il doit voguer pénètre dans sa cale. Ainsi en est-il pour l'oeuvre de Dieu. Quand celle-ci se laisse envahir par le monde, elle perd la vision de son Maître et marche à sa propre ruine. Notre chrétienté est sur le point de sombrer par suite de sa mésalliance avec le monde.

La papauté caractérise également d'une manière particulière ce développement anti-scripturaire. Son grand souci à travers les siècles a été et est encore de dominer les nations. C'est la réalisation magistrale de la doctrine des Nicolaïtes qui avait pour but l'établissement d'une classe de privilégiés au-dessus de leurs frères comme nous le fait comprendre le mot «Nicolaos». «Nikao» veut dire dans notre langue «dominer» et «Laos» laïque, peuple. Pour mieux dominer le peuple, l'église d'alors transforma, par l'ingéniosité diabolique du clergé déchu, la méthode d'introduire les âmes dans le giron de l'église.

Dans l'Église primitive, les âmes n'étaient reçues qu'après avoir pris pleinement conscience de leur état de péché et avoir passé par une repentance sincère, et qu'après un acte de foi par lequel elles saisissaient le don de Dieu. Leur conversion était bien établies, elles étaient baptisées et ensuite admises dans l'assemblée des rachetés, alors que maintenant et depuis de nombreux siècles déjà, les âmes y sont introduites en série, sous le seul signe de quelques gouttes d'eau suivi plus tard d'une confirmation de cet acte, accomplie à une date fixée d'avance, comme si les sentiments du coeur étaient dictés par le calendrier.

La manière dont le baptême est exécuté dans l'Église catholique, et hélas! dans beaucoup d'églises protestantes, est une illustration de ce développement; anormal des choses de Dieu, symbolisé par le grain de moutarde. L'Écriture précise que nous devons croire avant d'être baptisés (Actes 2 : 38, 41, etc.), car le baptême est comme une déclaration publique que nous avons accepté le don de Dieu par lequel nous sommes sauvés et que nous reconnaissons être, par la foi, morts et ressuscités avec Christ. Un enfant dans les langes peut-il comprendre ces choses? Cette déformation de la Parole de Dieu est plus grave que nous ne le réalisons au premier abord. Elle jette notre jeunesse dans une fausse sécurité. Ayant été baptisés dans notre enfance, nous nous réclamons du titre de chrétiens sans avoir passé par la nouvelle naissance.

Il n'est pas surprenant que nos maisons de débauche, nos prisons, nos asiles d'aliénés soient remplis de gens baptisés.

Notre chrétienté tout entière n'a-t-elle pas pris un développement contraire à la volonté de Dieu? N'est-elle pas sortie des limites qui lui étaient assignées, et dans ce développement anormal, n'a-t-elle pas perdu sa force? L'heure tragique que nous traversons n'est-elle pas une triste manifestation de son impuissance? Pourquoi cette impuissance? Jamais l'Église n'a été aussi bien organisée, ses branches d'activité sont multiples, elles se répandent dans toutes les directions. Oui, mais derrière cette grande activité, il y a un mal fort grave, celui de la perte du premier amour pour le Roi des rois. C'est-à-dire que cet élément de pureté, de simplicité, d'humilité, cet amour ardent, dépourvu d'égoïsme, plein d'enthousiasme et d'esprit de sacrifice pour le Maître, n'est plus. Nous avons suivi Marthe plutôt que Marie. Nous sommes plus attachés à nos oeuvres qu'à Jésus-Christ, et le Maître est sur le point de nous dire ce qu'Il disait à l'Église de Laodicée: «Je connais tes oeuvres, je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant. Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. Parce que tu dis: Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies» (Apoc. 3: 17-18).

Dans les branches de l'arbre viennent habiter les oiseaux du ciel, symbole du malin (v. 19) qui vient s'installer dans les multiples branches de la chrétienté pour jeter à pleines mains, du haut de nombreuses chaires, le poison du modernisme, du rationalisme et de l'apostasie, ainsi que le Maître l'a prophétisé.

Christ n'était pas rempli d'illusions lorsqu'Il vint dans ce monde comme Rédempteur. Il nous montre par la première parabole l'opposition qu'Il rencontre dans ce monde pour les choses qui appartiennent à sa paix, de sorte que, là où la Parole est reçue, elle ne produit pas partout une consécration entière. Par la deuxième parabole Il nous révèle la présence de Satan qui vient empoisonner la partie du champ qui a répondu favorablement à la semence, et enfin, dans cette troisième parabole que nous considérons en ce moment, Il nous fait entrevoir une aggravation de la situation, un développement anormal de l'oeuvre qu'Il a établie. Au lieu de rester dans les limites naturelles de sa vocation, l'Église dépasse ces limites pour s'associer avec le monde qu'elle est appelée à conduire à la vérité, se contentant de prêcher un évangile social, pour l'amélioration de la société, comme si c'était là la mission que Dieu lui avait confiée. Triste aveuglement que celui qui ne voit pas la ruine complète de la société humaine, et qui croit encore qu'un peu du vernis de la civilisation peut la réhabiliter devant Dieu.

Quelle attitude devons-nous prendre devant un si triste tableau? Lâcher la cognée et nous écrier: A quoi bon? Non, mille fois non. Si Dieu, dans sa prescience, a vu tout cela, et beaucoup plus, et si malgré ces faits Il a entrepris cette oeuvre pour le salut de notre race, c'est qu'Il a vu qu'au sein de tout cela, il y aurait des âmes qui écouteraient sa voix qui se tourneraient vers Lui, qui se soumettraient à sa volonté, qui obéiraient à sa Parole et avec lesquelles Il réaliserait son Royaume sur la terre.


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Parabole du levain

verset 33

Le royaume de Dieu est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée.


Cette parabole, comme la précédente, est généralement interprétée de manière à démontrer l'application satisfaisante des principes du Royaume des Cieux au milieu de notre société. Si rien n'enrayait leur action, le monde finirait par être entièrement transformé, grâce à la prédication de l'évangile agissant comme du levain dans la pâte. Si cette interprétation était juste, celle que nous avons donnée dans les trois précédentes serait fausse, car il existerait une contradiction entre elles, ce qui ne peut être le cas. Nous disions dans l'introduction de notre sujet qu'il doit exister une parfaite harmonie dans l'enseignement de ces paraboles, comme d'ailleurs dans la Parole de Dieu. La doctrine contenue dans l'une des parties des Saintes Écritures ne peut contredire la doctrine découlant d'une autre partie. Il en résulte alors que cette interprétation serait juste et les trois précédentes fausses, ou vice-versa.

Si, d'après l'interprétation généralement acceptée, le levain était le principe vital qui transforme l'humanité, l'agent puissant dont Dieu se sert pour établir son Royaume ici-bas d'une façon progressive et ininterrompue jusqu'à l'achèvement, le levain serait l'image du bien. Mais le levain est-il vraiment cela? Sa nature lui permet-elle d'exercer une telle action bienfaisante? Remarquons tout d'abord que le levain n'est pas l'élément principal de la parabole. Le texte ne dit pas: «Le Royaume des Cieux est semblable à du levain», mais il dit: «Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris, et mis dans trois mesures de farine». Ainsi la partie vitale de la parabole n'est pas le levain, mais les trois mesures de farine. Le levain, tout comme la femme, d'ailleurs, n'est mentionné qu'en considération de la farine. L'élément capital de la parabole, ce sont ces trois mesures de farine, et ce qui se produit en elles par l'intervention de la femme qui introduit le levain.

Nous trouvons la première mention de ces trois mesures de farine dans la Genèse (18: 6), à l'occasion de la visite que l'ange de l'Éternel fait à Abraham. Nous les retrouvons dans le Lévitique, à propos de l'offrande de fleur de farine. Il importe ici de préciser que cette offrande était précédée de l'holocauste, dont la signification symbolique était la parfaite obéissance à la volonté de Dieu, si magistralement illustrée par Jésus-Christ, notre holocauste. «Il ne s'est point complu en Lui-même» (Rom. 15: 3). «Il n'a point cherché sa propre gloire» (Jean 8: 50). «Il n'est pas venu pour faire sa volonté» (Jean 5 : 30). Son être tout entier, esprit, âme et corps, a été consacré à Dieu, partout et toujours. Ses pensées, ses affections, son temps, son énergie, son confort, son bien-être, foyer, parents et amis, tout a été abandonné à Dieu. Tous les voyages qu'Il fit, tous les miracles qu'Il accomplit, tous les sermons qu'Il prêcha étaient dans l'obéissance parfaite au Père, que cela fût dans la maison du charpentier de Nazareth, ou qu'Il confondît l'hostilité des pharisiens et les moqueries des sadducéens, ou encore qu'Il pleurât sur la tombe de son ami Lazare. À table à côté du traître, ou agonisant dans le jardin de Gethsémané, ou mourant sur la croix, ou dans sa victoire incomparable sur la mort, toujours c'est la perfection dans l'obéissance. Il a toujours été obéissant au Père: obéissance qui nous est imputée par la foi. C'est à la suite de cette merveilleuse consécration de Christ à Dieu, symbolisée par l'holocauste, que jaillissent ces exhortations de l'apôtre «d'offrir nos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable» (Rom. 12 : 1).

Si l'holocauste qui précède l'offrande de farine est le symbole de la consécration personnelle à Dieu, l'offrande de fleur de farine est celui de la dédicace des oeuvres de l'adorateur. Cette offrande était également l'offrande de l'hospitalité. Une partie restait la propriété de l'adorateur, l'autre était à la disposition du prêtre. Nous avons aussi, dans cette offrande, le symbole d'une communion parfaite, établie entre l'adorateur et son Dieu, sur la base de son activité, précédée par une entière obéissance.

La loi mosaïque faisait défense absolue d'introduire du levain dans l'offrande de fleur de farine. Pourquoi cela? C'est que le levain est un morceau de pâte en fermentation, c'est-à-dire en voie de corruption, et capable par ce fait de contaminer tout ce qu'il touche. Il ne peut donc servir à représenter un principe sain, vivifiant. Les enfants d'Israël avaient reçu l'ordre précis d'enlever toute trace de levain de leurs maisons pendant la fête de la Pâque (Ex. 12: 15). L'Ancien Testament le désigne invariablement comme le symbole du mal, et le Nouveau Testament n'est pas moins catégorique, qu'on en juge!

Pour mettre en garde ses disciples contre les fausses doctrines, Jésus leur dit: «Gardez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens» (Matth. 16 : 11). Ils avaient l'apparence de la piété, leur religion n'était qu'un ritualisme vain, un formalisme vide. Le levain des pharisiens était l'hypocrisie (Luc 12 : 1). Celui des sadducéens était le matérialisme, car ils ne croyaient ni aux anges, ni aux esprits, ni à la résurrection des morts. S'adressant aux Galates rétrogrades, déchus de la grâce, saint Paul déclare que la suggestion à laquelle ils ont obéi ne vient pas de Celui qui les a appelés, « car un peu de levain fait lever toute la pâte» (Gal. 5: 8-9). Ce levain, c'est le légalisme. En relatant la condamnation à mort du Sauveur l'évangéliste mentionne, comme en passant, l'alliance hétéroclite, monstrueuse d'Hérode, personnification du culte juif, avec Pilate, représentant le monde païen. «Ce jour-là, Hérode et Pilate, d'ennemis qu'ils étaient, devinrent amis» (Luc 23 : 12). Mais déjà auparavant, Jésus avait mis en garde les siens contre le caractère d'Hérode. «Gardez-vous avec soin, leur dit-il, du levain d'Hérode» (Marc 8: 15). Ce levain, à n'en pas douter, c'est le mondanisme qui prend aussi figure du mammonisme. «Vous ne pouvez servir deux maîtres, Dieu et Mammon» (Matth. 6: 24). Écrivant aux Corinthiens, l'apôtre Paul donne un relief saisissant au sens péjoratif du mot levain, de façon à lever tous les doutes. La citation du passage entier s'impose ici. «Vous n'avez certes point sujet de vous glorifier. Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait lever toute la pâte? Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous deveniez une pâte nouvelle et sans levain, comme vous l'êtes aussi; car Christ, notre Pâque, a été immolé. Ainsi donc célébrons la fête, non avec du vieux levain, ni avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité» (1 Cor. 5 : 6-8).

En voilà assez pour emporter la conviction de tous les lecteurs attentifs de la Bible. Il nous reste cependant à examiner deux passages qui, lus superficiellement, pourraient provoquer quelque hésitation, bien qu'au fond ils appuient notre thèse. Lisons d'abord ceci: «Quand vous serez dans le pays que je vous donne, et que vous y ferez la moisson, vous apporterez au sacrificateur une gerbe, prémices de votre moisson... Vous sacrifierez aussi, ce jour même, un agneau d'un an, sans défaut et sans tache en holocauste à l'Éternel; vous y joindrez une offrande de deux dixièmes de farine arrosée d'huile en sacrifice consumé par le feu, d'agréable odeur à l'Éternel ... » (Lév. 23: 10-13). Qui ne voit, dans cette première gerbe, et dans l'offrande de fleur de farine tirée de cette gerbe, la préfigure de Jésus-Christ, l'Agneau sans défaut et sans tache, immolé mais rendu à la vie comme les prémices de la résurrection? (1 Cor. 15 : 23). Dans cette offrande il n'y a point de levain, la farine est arrosée d'huile, symbole du Saint-Esprit.

Jusqu'ici tout s'accorde avec nos explications. Mais la suite du passage du Lévitique risque, au premier abord, de provoquer quelque étonnement. «Vous compterez aussi, à partir du lendemain du sabbat où vous avez apporté la gerbe, sept semaines entières... et vous offrirez une nouvelle offrande à l'Eternel... Vous apporterez de vos demeures deux pains, ils seront faits avec deux dixièmes de fleur de farine, et cuits avec du levain: ce sont les prémices à l'Éternel» (Lév. 23: 17). Ces sept semaines plus un jour font cinquante jours, l'intervalle qui sépare Pâque de la Pentecôte. C'est après la résurrection, l'envoi du St-Esprit, et la formation de l'Église chrétienne que cette deuxième offrande devait avoir lieu (Actes 2: 1-4). Mais pourquoi ces deux pains? C'est que l'Église, corps terrestre de Jésus-Christ, devait comprendre deux éléments constitutifs: le monde Juif, primitivement appelé, et le monde païen, nouvellement appelé. Et pourquoi ces deux pains devaient-ils être cuits avec du levain? C'est que l'Église, sainte en principe et par sa destinée finale, ne pouvait pas en pratique échapper à la corruption qui règne dans le monde, pas plus que chaque membre qui la compose individuellement.

Le deuxième passage, qui est moins important, se lit dans le prophète Amos: «Allez à Béthel, et péchez encore; Allez à Guilgal, et péchez toujours davantage! Apportez chaque matin vos sacrifices, et tous les trois jours vos dîmes! Faites fumer vos offrandes d'actions de grâces avec du levain!» (Amos 4: 4-5). Le contexte montre clairement que l'Éternel parle avec sévérité; Il reproche à Israël son hypocrisie et sa corruption, et c'est avec une sainte ironie qu'il l'exhorte ainsi, pour mettre le comble à son impiété, à présenter ses offrandes avec du levain. Ici donc, comme ailleurs, le levain est considéré comme un principe mauvais. Serait-il possible que Christ lasse une exception pour cette parabole, et prenne le levain pour représenter le bien? Nous ne le croyons pas. Ce serait accuser notre Seigneur d'inconséquence ou d'incapacité de trouver une illustration appropriée pour mettre en relief sa pensée.

Permettez-nous un souvenir personnel. Dans une controverse à ce sujet, on nous opposa l'argument suivant: «Vous dites que le levain est le type du mal; comment se fait-il que vous mangez tous les jours, et sûrement avec plaisir, du pain levé?» En effet, nous mangeons tous, et avec appétit et profit, du pain qui a subi l'action du levain; mais nous ne le mangeons pas avant qu'il soit cuit. La chaleur du four a arrêté totalement la fermentation de la pâte et il en est résulté un aliment sain et agréable, dont nous aurions peine à nous passer.

Il en est de même pour notre civilisation chrétienne si avancée dans le domaine intellectuel et scientifique. Ces découvertes et inventions qui pourraient et devraient servir uniquement au bien de l'humanité, sont détournées de leur vraie destination et mises au service des puissances infernales, de telle façon qu'en dépit de ces progrès si merveilleux, nous assistons terrifiés à une complète faillite de notre civilisation. Mais le jour vient, et il sera là bientôt, où cette civilisation, faussée par le péché, passera à travers la fournaise ardente des jugements de Dieu. Ce sera la Grande Tribulation mentionnée dans Matth. 24 : 21. Par cette tribulation le levain sera détruit et l'humanité en sortira purifiée. Alors, et alors seulement, elle pourra jouir des progrès de la civilisation.

Après avoir déterminé la nature et le rôle du levain dans notre parabole, considérons la femme qui y introduit le ferment.

Dans le prophète Zacharie (5 : 5-8), il est question de l'épha, sur lequel une femme est assise. L'épha est une mesure de capacité, la dixième partie de l'homer (Ez. 45: 11). C'est l'emblème du commerce et la femme assise sur l'épha représente l'injustice et l'iniquité auxquelles le commerce est assujetti. Ce passage nous renvoie tout naturellement aux chapitres 17 et 18 de l'Apocalypse, qui offrent le spectacle d'une vie commerciale intense, régie par une femme. Cette femme a abandonné son Divin Amant pour s'attacher à un autre: c'est l'Église apostate qui, au lieu de rester fidèle à Jésus-Christ en accomplissant sa mission strictement spirituelle, s'est émancipée pour s'unir au monde et devenir, de la sorte, une puissance plus politique que religieuse. Jean voit cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus, tenant dans sa main une coupe d'or remplie d'abomination et des impuretés de sa prostitution. Nous retrouvons cette femme dans la quatrième lettre adressée à l'Église de Thyatire (Apoc. 2: 20).

Dans cette quatrième parabole, elle introduit subrepticement dans la pâte le levain, agent de corruption et de mort, pour briser la communion qui existe entre Christ et son corps, et neutraliser son influence dans notre société. Ainsi l'ultime enseignement de cette parabole n'est pas la conversion du monde par les principes du Royaume; mais plutôt, le mélange d'erreurs et de corruption qui domine ces principes et les rend inopérants, montrant par là l'harmonie merveilleuse qui existe entre ces paraboles et les autres prédictions du Seigneur sur la condition morale et religieuse à la fin de notre économie.

La conclusion pratique à tirer de ces enseignements, c'est que l'Église dans son ensemble, et chaque croyant en particulier, ne peuvent agir utilement que dans la mesure où ils sont séparés du mal et libérés de tout ce que le levain symbolise. Lot était profondément attristé à cause de la conduite dissolue des habitants de Sodome, mais il fut impuissant à les ramener dans la bonne voie. Si la ville fut presque sauvée, elle le dut à l'intercession puissante d'Abraham, le fidèle. Le mal avait porté une atteinte si grave à l'intégrité de la piété de Lot, que son témoignage, si sincère qu'il fût, était devenu inefficace. De même en est-il pour nous. La puissance de notre témoignage dépend de notre séparation de tout ce qui n'est pas conforme à la volonté de Dieu.

Pourquoi notre chrétienté se trouve-t-elle sans force pour vaincre le mal qui l'assiège de toutes parts? Pourquoi ces crises sociales, économiques et politiques qui bouleversent le monde? Pourquoi n'a-t-elle pu empêcher la guerre avec ses indescriptibles misères? Pourquoi la civilisation, dont nous étions si fiers, rétrograde-t-elle jusqu'à la barbarie? Pourquoi sommes-nous placés au bord de l'abîme après vingt siècles de prédication de l'Évangile? Pourquoi cette faillite après deux mille ans de labeur, d'efforts, de sacrifices en vies et en argent? Enfin, pourquoi encore, notre société humaine que nous étions appelés à conduire au pied de la Croix, est-elle dans sa masse si loin de Dieu? La réponse ne se trouve-t-elle pas dans la complicité de l'Église avec le mal que représente le levain? Répétons-le. Ce qui fait l'impuissance de l'Église ce n'est pas que la main de l'Éternel se soit raccourcie et qu'Il ne puisse lui aider; ni que son oreille se soit endurcie et qu'Il ne puisse entendre ses supplications (Esaïe 59: 1-2). Mais c'est l'introduction du mal en son sein. C'est son infidélité envers son Maître.

La religion d'un grand nombre, rattaché officiellement à l'Église, consiste en un peu de foi apparente au-dessous de laquelle il n'y a plus rien. Obéir à la coutume, à la tradition, faire comme tout le monde, se contenter de cérémonies, de pratiques et de rites qui permettent tout juste de sauver les apparences, sans que le coeur et la vie soient vraiment engagés: quels atouts donnés à l'hypocrisie et au formalisme! Ajoutons-y le mammonisme et tout le mondanisme ambiant, avec le rationalisme et tout le modernisme qui prétendent passer la révélation au crible de la raison humaine. Pour en arriver là, il a suffi tout simplement à notre chrétienté de céder aux influences du dehors, de laisser le levain s'introduire dans sa pâte.

Plusieurs estimeront sans doute que notre tableau de la chrétienté est poussé trop au noir. Qu'ils veuillent bien constater qu'il n'en peut être autrement, si l'on reste dans les limites de la parabole. Le texte spécifie clairement que le levain a produit son effet dans la pâte, puisque celle-ci est toute levée; et nous avons montré au cours de notre étude ce que cela signifie. Alors vous nous direz peut-être: A quoi bon tout ce travail, tous ces sacrifices, ces sommes d'argent englouties pour les missions, ces vies sans nombre sacrifiées sur les bûchers, les échafauds, dans les salles de tortures ou sur les champs missionnaires par les climats meurtriers? Dieu n'est-il pas omniscient? Ne savait-il pas que le terrain serait hostile, que la semence serait en partie médiocre, qu'un ennemi viendrait empoisonner l'oeuvre commencée, que cette oeuvre prendrait des proportions anormales qui compromettraient son succès et que le tout finirait par être corrompu par des principes nettement en opposition à Sa volonté?

Certainement Dieu savait tout cela. Il savait avant la fondation du monde ce qui allait arriver. Mais Il vit aussi, dans sa sagesse infinie, deux choses d'une extrême valeur à ses yeux qui existent au coeur de cet incomparable chaos. La première, c'est un trésor d'une valeur inestimable mais qui est caché, et dans lequel se trouvent les principes latents de son Royaume sur la terre. La deuxième est une perle de grand prix qui fera éclater Sa gloire durant les siècles de l'Éternité. En face de ces merveilles, Il ne recule pas devant le prix que cela doit lui coûter pour les acquérir. Il accepte de faire face à toute l'hostilité qui l'attend, d'affronter les attaques subtiles, sournoises, renouvelées de l'ennemi de boire la coupe des déceptions amères qui lui sont réservées et d'aller jusqu'à la Croix, afin de posséder ces joyaux que nous considérons dans les paraboles suivantes.

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