L'Esprit de Dieu fait avancer dans la voie
du renoncement, avec force et pourtant avec
douceur, les pécheurs justifiés et
reçus en grâce. Il le fait selon la
Parole et par le moyen de la Parole de
vérité, qu'il leur rend de plus en
plus claire et vivante.
Le Père attire d'abord les
âmes au Fils; il leur montre la Loi sainte,
qui les terrifie et les oblige de chercher un
refuge dans les plaies de Jésus. Le Fils les
baptise dans son sang, les absout et les met sous
la conduite de son Esprit. L'Esprit enfin, les
conduit en toute vérité et les fait
arriver heureusement au port du salut.
Dans les circonstances
difficiles,
l'Esprit de Christ aide à notre faiblesse;
il prie en nous et pour nous; il nous apprend
à nommer Jésus notre Seigneur et Sauveur, et nous
conduit
chaque
jour au trône de la grâce. Christ
reçoit nos prières et les asperge de
son sang. Il les porte avec son intercession
à son Père. O insondable amour!
jamais tu ne te lasses d'agir en nous et pour nous,
vils et misérables vermisseaux de
terre.
L'Esprit ne fatigue pas les
âmes, mais il ne les laisse pas non plus
s'arrêter en chemin; il les fait avancer et
monter par degrés, mais sans interruption.
Il n'opère pas notre purification et notre
sanctification par des coups d'autorité et
par un déploiement de puissance subit et
irrésistible. Il s'accommode à notre
faiblesse, nous mène pas à pas; il
nous enseigne chaque jour quelque chose de plus; il
nous apprend peu à peu comment nous devons
renoncer à nous-mêmes, porter notre
croix, croire, aimer, souffrir, travailler pour le
Seigneur.
Son action n'a rien de
désordonné ni de tumultueux, car la
foi en la réconciliation donne la paix, et
l'âme baptisée dans le sang de Christ
n'est plus poursuivie par les terreurs de la loi.
L'Esprit nous attire par des cordages d'amour. S'il
nous tient sous le joug, c'est avec
humanité, et il nous aide lui-même
à le porter
(Osée
XI, 4). Aussi est-il dit
des rachetés du Seigneur, qu'ils sont un
peuple de franche volonté
(Psaume
CX, 3). lis ne sont plus sous
l'autorité sévère et
inflexible de la loi. Les commandemens de Dieu se
changent pour eux en promesses
évangéliques. Aux mots: «Tu dois
faire, » ont succédé ceux-ci:
« Tu feras, » .... tu feras certainement
et sans peine, car je serai avec toi; je suis ta sanctification,
j'ai promis
d'accomplir ma force dans ton infirmité.
C'est Lui qui nous met en état de ne plus
avoir d'autre Dieu devant sa face; de ne plus nous
livrer à des affections idolâtres; de
ne plus mépriser ses grâces, de ne
plus être opiniâtres et rebelles; de ne
plus haïr, convoiter, etc., en un mot
d'accomplir la loi. C'est ainsi que la loi est
établie par la grâce
(Rom.
III, 30).
Les croyans sont la
propriété du grand Dieu et Sauveur
Jésus-Christ, et ils s'appliquent avec soin
aux bonnes oeuvres
(Tite
II, 14). Le renoncement, la
prière, la sanctification sont pour eux une
source de bonheur, plutôt qu'un service
rebutant.
Semblables aux quatre êtres
vivans dont parle Ezéchiel
(I, 20),
il y a en eux un esprit de
vie et ils vont toujours directement où le
souffle du Seigneur les conduit; ils ne se
détournent jamais, et haïssent toutes
les voies tortueuses. Ils marchent et
s'arrêtent à la voix de leur guide;
ils ne suivent jamais leur propre inspiration. Se
reposent-ils, ce n'est que pour reprendre de
nouvelles forces; cheminent-ils , c'est avec
fermeté et sans, se laisser détourner
par rien de ce que le monde leur présente.
Ils n'ont point ici bas de demeure permanente ; ils
tendent sans cesse vers celle -qui les attend aux
cieux. Lavés dans le sang de Jésus,
ils veulent comme lui et avec lui mourir au monde.
La mort est la porte de la vie, chaque pas dans la
sanctification est une mort à quelque chose
de la terre, mais en même temps une
augmentation de la vie de l'âme.
Il en est de leur voyage comme
de
ceux de la terre; seulement leur chemin va toujours
en montant. Ils avancent pas à pas,
lentement et avec peine. S'ils arrivent en quelque
endroit, ils ne s'y arrêtent pas. Souvent ils
désirent avec ardeur d'atteindre un point
qu'ils voient dans l'éloignement, et
lorsqu'ils y sont parvenus avec efforts, ils le
laissent bientôt pour aller plus loin; les
hauteurs succèdent aux hauteurs, et l'on ne
gravit le dernier sommet qu'au terme du
voyage.
En avant! en avant! Saint Paul
l'a
dit : il faut oublier ce qui est derrière
soi, s'avancer vers ce qui est devant soi, et
courir vers le but, vers le prix que Dieu promet
à ceux qu'il appelle à lui par
Jésus-Christ
(Phil.
III). Il faut marcher
toujours, marcher avec fermeté, sans faux
pas, rechercher la paix avec chacun et la
sanctification sans laquelle nul ne verra le
Seigneur
(Hebr.
XII).
Tel est le voyage - de pas en
pas,
de jour en jour, croître dans la repentance,
dans la foi, dans la haine du mal, dans l'amour du
bien, dans le renoncement au monde, et dans
l'attachement aux choses invisibles et
célestes. Les choses d'ici bas ne font que
gêner notre marche; laissons les, pour donner
tout notre coeur au Seigneur, et nous avancerons
à grands pas.
Les objets deviennent grands ou
petits à nos yeux, à mesure que nous
nous en approchons ou nous en' éloignons
davantage. Éloignons-nous donc du monde, et
il nous paraîtra petit et méprisable.
Approchons-nous de la cité céleste,
et elle nous semblera toujours plus grande et plus
magnifique. Celui qui trouve encore le monde beau
et regrettable,
ne l'a
pas encore quitté, et n'a encore rien
entrevu de la Jérusalem d'en haut. En avant!
montons avec courage! Se recueillir et rentrer en
soi-même, c'est gravir la montagne; sortir de
soi et aller aux vanités du monde, c'est
descendre. c'est reculer.
Et ne nous arrêtons pas en
chemin pour considérer les oeuvres que nous
avons faites, les dons que nous avons reçus,
les connaissances que nous avons acquises, les
saintes émotions que nous avons
éprouvées. Dieu nous enlèvera
toutes ces choses, s'il voit que nous perdons notre
temps à les regarder, et nous mettant ainsi
dans un pénible état de
sécheresse, il nous obligera à aller
puiser notre consolation et notre force à
une source plus pure. Il faut chercher la partie
nutritive de la noix et ne pas s'arrêter
à la coquille, saisir la grâce que
Dieu nous donne et ne pas nous amuser à sa
douceur. C'est ainsi que, s'oubliant
soi-même, ne voyant plus que le Seigneur, on
entre dans le ciel comme de petits enfans pour
contempler la face de son Père
céleste.
Oui, tout perdre, même se
perdre, pour tout gagner, voilà la grande
leçon que nous enseigne l'Esprit de Christ.
- Celui-là seul est à Christ, qui est
sorti de soi-même, qui hait de tout son coeur
ses affections, ses oeuvres et ses pensées
charnelles, et qui dit - Jésus seul est ma
lumière.
Illusions. Celui-ci fait
consister
la sanctification dans des actes extérieurs.
Sans doute les bonnes oeuvres sont
commandées de Dieu ; elles sont
nécessaires, mais elles ne sont pas tout. On
peut les pratiquer, et demeurer
intérieurement inconverti et étranger
à la communion de l'âme avec le
Sauveur
(Matth.
VII, 22). Celui-là au
contraire veut une piété tout
intérieure, qui ne se manifesterait pas au
dehors. Son erreur> est tout aussi
grande,
S'appuyer sur la sainteté de
sa vie et vouloir être par soi-même
saint, c'est prouver qu'on n'a pas supputé
la dépense, ni calculé la force de
son armée
(Luc
XIV), ou qu'on ne comprend pas
ce que le Sauveur a fait pour les hommes, puisqu'on
prétend associer les actions d'une
créature souillée aux mérites
infinis de son expiation.
Placer sa sanctification dans de
vives émotions de l'âme ou dans de
douces sensations, et avec cela ne pas vouloir
mourir à soi-même, est encore une
grande illusion.
Du reste, la sanctification ne
s'envisage jamais comme parvenue à la
perfection. Ne croyons jamais que le vieil homme
soit entièrement mort en nous. La conversion
commence sans doute la purification de l'âme;
on débute par se repentir de ses fautes et
par délaisser les souillures
grossières qui chargeaient la conscience.
Mais à mesure que l'on avance dans la
lumière
(1
Jean I, 7), on découvre
chaque jour en soi de nouvelles misères, de
nouvelles faiblesses de nouvelles impuretés,
dont on doit se défaire. Crucifier le vieil
homme est l'oeuvre de chaque jour, de même
que le nouvel homme doit croître chaque
jour.
Gardons-nous aussi d'imposer
à autrui des fardeaux que nous ne voudrions
pas toucher du bout du doigt.
N'exigeons pas des autres un
amour
et une bienveillance que nous n'avons pas pour
eux.
Enfin s'attacher exclusivement
à l'observation de certains devoirs de
détail, pour s'en faire un prétexte
de négliger les devoirs les plus grands et
les plus importans, c'est couler le moucheron pour
avaler le chameau. On voit nombre d'âmes bien
disposées conserver des restes du vieil
homme avec opiniâtreté et sans vouloir
ni s'en humilier ni s'en corriger; si bien qu'on ne
sait plus que penser d'elles. O Seigneur! brise,
fonds et purifie nos coeurs! Taille les sarments de
ta vigne, afin qu'ils rapportent plus de
fruit.
Obstacles. Pour avancer dans la
sanctification, il faut éviter plusieurs
écueils. Il ne faut pas, par exemple,
regarder trop aux autres: envier les dons
particuliers qu'ils ont reçu et vouloir
être employé de la même
manière qu'eux; ou bien se choquer trop
facilement de leurs défauts, de telle sorte.
qu'on ne retire plus de leur commerce les avantages
que par la grâce de Dieu on pourrait y
trouver. S'il n'y a dans l'Église qu'un seul
et même Esprit, il y a des dons et des
vocations diverses. Que chacun se contente de son
emploi et s'applique à le bien
remplir.
Il ne faut pas se soustraire
à la direction de l'Esprit saint qui
amène tous les rachetés à
mourir à eux-mêmes; livrons-lui tout
notre être, notre vie, notre conduite;
apprenons à ne vouloir que ce qu'il veut, et
faisons-lui le sacrifice de nos
prédilections et de nos goûts
particuliers. Plusieurs ne veulent pas lui remettre
tous leurs soucis terrestres, qui deviennent comme
des buissons d'épines
auxquels ils s'accrochent et déchirent leur
beau vêtement. D'autres se contentent d'un
commencement de conversion et de sanctification, se
reposent sur ce qu'ils ont fait et
éprouvé, et considèrent ce que
par la grâce de Dieu ils sont
déjà, plutôt que ce qu'ils
doivent devenir. Ils ont à peine
commencé le voyage, et ils se croient au
terme. Ils se reposent non pour reprendre des
forces, mais pour ne pas aller plus loin; c'est un
mauvais repas.
C'est ainsi qu'on arrête ses
progrès dans la sanctification. Mais il est
bien d'autres manières encore de, la rendre
fort difficile, si ce n'est même
impossible.
C'est de faire, fonds sur ses
propres, forces, comme c'est le cas de ces
pèlerins malades qui ne puisent pas toutes
leurs forces dans la grâce libre de Dieu. Ils
ne peuvent faire la route.
C'est de s'occuper inutilement
de
beaucoup de choses; de se distraire ; de se
mêler d'une multitude d'affaires, par
vanité ou par un autre principe charnel. Le
voyageur qui se charge trop n'avance
pas.
C'est de se laisser abattre par
ses
fautes jusqu'au point de désespérer;
de ne pas vouloir se relever quand on est
tombé; de refuser les consolations qui
pourraient remédier au mal, et de
prétendre porter soi-même ses
péchés, au lieu de les poser sur
l'Agneau de Dieu qui nous en a acquis le pardon et
la délivrance.
C'est de ne pas faire son unique
nourriture de la manne céleste de
l'Évangile, c'est de négliger de
manger chaque jour le pain de vie. La parole de
Dieu est pour le fidèle
à la fois un aliment et un bâton; sans
elle il ne peut faire son voyage.
C'est de prendre des sentiers
qui
s'écartent plus ou moins de la route, et de
ne pas demeurer dans la simplicité qui est
en Christ. C'est d'aimer les voies tortueuses, de
marcher avec les ouvriers d'iniquité
(Ps.
CXXV).
C'est de courir de côté
et d'autre, de ne pas avoir toujours les yeux
fixés sur le but, d'avancer quelquefois et
de reculer plus souvent encore, par inconstance,
par légèreté, par
désobéissance aux avertissemens
divins, ou bien par mollesse, par crainte de
souffrir, par la frayeur que cause la vue des
obstacles.
Ceux qui s'égarent ainsi et
qui ne reviennent pas promptement dans la bonne
voie, tombent bien vite dans le
découragement et la paresse. On se
relâche; on cesse d'avoir goût à
prier; on finit par négliger cet exercice.
On ne s'applique plus à s'instruire, on
n'est plus attentif a renoncer au monde; enfin l'on
est harassé au point de ne pouvoir plus
faire un pas. Ceux qui nous entourent remarquent
eux-mêmes dans notre conduite que notre
intérieur est en désordre, et que
nous n'avons plus d'ardeur et de goût pour le
bien.
Nous venons d'indiquer les
principales causes de ce triste état; la
première est sans contredit
l'opiniâtreté à vouloir
travailler avec ses propres forces et faire quelque
chose par soi-même. Il est sans doute
étrange que que l'activité engendre
la paresse; et pourtant il en est ainsi.
On pèche par activité
propre: quand on veut devancer la grâce;
entreprendre ce qui n'est pas en rapport avec notre
développement spirituel; faire de grandes
choses qui sont au-dessus de notre portée,
s'aventurer dans des lieux élevés et
dangereux où les chutes sont
fréquentes et funestes. On veut instruire
les autres, tandis qu'on aurait besoin d'être
instruit soi-même. On veut faire l'ouvrage
d'un homme, tandis qu'on aurait encore besoin de
sucer le lait de l'Évangile, comme un
nouveau-né; on court, on s'agite, on se
trémousse comme des enfans: mais on n'avance
point, et à la fin l'on tombe de fatigue
(Esaïe XL, 30). Cette tendance a une
activité charnelle vient de la vanité
et de l'orgueil de la nature humaine; on n'y
cherche que sa propre satisfaction, et nullement la
gloire de Dieu; l'on se met par là hors de
la direction de l'Esprit saint, et l'on se prive de
la communication de ses dons et de sa force. Aussi
est-on troublé, inquiet, malheureux. On
s'abat, quand les choses ne vont pas comme on le
désire; on est tout
déconcerté, tout soucieux, quand les
difficultés se présentent. On veut
remédier à tout par les ressources de
sa propre sagesse, et l'on s'enfle d'orgueil au
moindre succès.
Mais comme en définitif les
choses ne tournent jamais comme on l'entendait, on
finit par se lasser et par perdre courage. J'ai
connu plusieurs personnes qui n'étaient
point dépourvues de la grâce de Dieu,
et qui, après avoir couru avec ardeur sur le
chemin de Sion, avoir réveillé les
pécheurs et exhorté les
frères, s'être crus déjà
beaucoup plus avancés que leurs
maîtres, sont tombés si bas et sont devenus si
tièdes,
qu'ils ont étonné chacun. Leur feu
n'avait pas été pris sur l'autel du
sanctuaire. Mais on peut tomber dans le même
malheur en se jetant dans l'excès contraire
et en ne voulant pas marcher ni faire quoique ce
soit, sous prétexte de ne pas suivre son
propre esprit. On demeure alors dans sa paresse
naturelle et l'on garde son vieux levain. La
grâce de Dieu, quand nous écoutons
véritablement sa voix, nous enseigne
à la fois, à ne rien
précipiter et à ne rien
négliger; à ne pas courir où
nous ne sommes pas appelés, et à ne
pas rester non plus en arrière.
La tiédeur et la paresse sont
un commencement de retour vers le monde et vers le
péché. Quand on n'avance pas, on
recule. Quelques progrès que l'on eût
fait auparavant, on se retarde, si l'on cesse de
tendre vers le but, et même on n'arrive pas
du tout, si l'on persévère dans le
relâchement.
Conseils.
Soyons
attentifs à l'usage que nous avons à
faire chaque jour des grâces que nous avons,
reçues. Ne méprisons pas les petites,
et ne nous complaisons pas trop dans les grandes.
Employons les unes et les autres avec
fidélité, et nous en obtiendrons
toujours davantage. Dépouillons-nous du
péché; portons-le au pied de la
croix, et gardons-nous de
l'incrédulité et de la
méfiance qui nous engageraient à le
laisser peser sur nos consciences ; c'est un
fardeau qui nous écraserait. Mais si nous
portons nos péchés au Sauveur, que ce
soit avec repentance, et en lui demandant avec
sincérité, non seulement le pardon,
mais encore la force de ne plus retomber.
Marchons en nous abandonnant
avec
confiance à la direction de la grâce,
sans paresse et sans précipitation.
Renonçons à nous-mêmes et
croyons, ayant les yeux toujours fixés sur
Jésus crucifié pour nous, car c'est
ainsi qu'on reçoit des ailes ( Hébr.
XII, 2 ; Esaïe
XL, 31). N'attachons
aucune valeur à nos oeuvres, et ne nous
reposons que sur la grâce.
Rappelons-nous le bel exemple
des
anciens fidèles qui, pour aller à
Christ, ont tout abandonné, et ont
méprisé même l'ignominie, les
tourmens et les plus affreux supplices.
À chaque repos succède
un combat, à chaque combat un temps de
repos. Souvenons-nous en, et ne nous en effrayons
jamais. Dieu nous donnera toujours ce qui nous est
nécessaire. Il ne veut pas nous
éprouver au delà de nos forces.
À chaque jour suffit sa peine.
Ayons sans cesse devant les yeux
l'éternité vers laquelle nous
marchons.
Oh ! que Dieu nous donne de
renoncer
au monde et de suivre Jésus. Amen !
L'Éternité! Voilà le but et
le terme de notre course. À mesure que nous
avançons sur le chemin de Sion, nous
distinguons toujours mieux les portes et les tours
brillantes de la Jérusalem céleste.
Le Saint-Esprit achève en nous son oeuvre de
repentance et de foi ; il entreprend notre
dernière purification, qui est le
complément de la repentance
journalière; il met le dernier sceau
à notre foi, dont il couronne ainsi les
longs exercices. Si le foin et le chaume, si nos
défauts et les restes de notre corruption,
ont été placés sur le bon
fondement, ils seront consumés par le feu
purificateur de la mort
(2
Cor. III.) ; mais au milieu de ces
combats suprêmes, l'âme reçoit
une manne céleste qui la soutient et la
fortifie.
Plus nous approchons du terme,
et
plus la route nous offre de sublimes beautés
; mais en même temps notre vie naturelle reçoit des
coups plus rudes et plus décisifs. Cependant
nous avons vu, tout le long de notre
carrière, les douceurs de la grâce
succéder aux épreuves et aux combats;
assurons-nous donc que si vers la fin de notre
course nous sommes appelés aux plus
pénibles combats, c'est une preuve que Dieu
nous accordera après cette dernière
lutte, des grâces d'autant plus
inappréciables. Soyons fidèles
jusqu'au terme du voyage! Venons jusqu'au bord du
Jourdain. C'est là tout ce que Jésus
demande de nous; pendant la mort il se charge
lui-même de tout. L'arche de l'alliance resta
dans le Jourdain dont elle arrêtait les
flots, jusqu'à ce que tout Israël eut
passé à pied sec. À cette
heure solennelle, nous comprendrons et nous
sentirons l'utilité de toutes les autres
épreuves de notre vie , et nous verrons que
les plus pénibles ont été un
moyen de nous préparer une mort paisible et
de nous adoucir le dernier passage. Comme des
soldats longuement exercés dans les
batailles, nous saurons alors comment éviter
les coups de l'ennemi, où nous retirer dans
le danger, et notre foi persistera jusqu'à
l'instant où elle se changera en
vue.
Illusions. Mais gardons-nous des
illusions que nous pourrions nous faire au sujet de
notre fin. N'attendons pas une mort heureuse, si
nous ne nous sommes jamais repentis et convertis de
tout notre coeur. Ne renvoyons pas au lit de mort
notre réconciliation. avec Dieu. Y a-t-il
donc au monde quelque chose de plus important que
la conversion ? Et quel recueillement, quel calme
n'exige-t-elle pas ? Est-elle d'ailleurs notre
oeuvre à nous, ou celle de
Dieu, pour que nous l'entreprenions quand il nous
plaise? Néanmoins, les imprudents, les
insensés pêcheurs prétendent se
convertir promptement sur leur lit de souffrance,
au milieu des angoisses de la maladie qui troublent
l'âme, et ils supposent que Dieu
réglera sa volonté sur la leur, et
viendra à l'heure qu'ils lui fixeront, eux
qui ont négligé de profiter des
momens où il les appelait à lui.
Quelle folie! Un pécheur, un rebelle
obstiné, qui voit à chaque instant
ses semblables emportés par la mort,
s'imagine qu'il aura toujours assez de temps pour
échapper à la perdition, et qu'il
sera toujours assez maître de lui-même,
des événemens et de la grâce de
Dieu, pour se procurer à point nommé
et comme en un clin-d'oeil la conversion et le
salut, lui qui est mort dans ses fautes et qui
n'avait d'autre ressource que les appels de Dieu
qu'il a méprisés! O coeurs
engraissés et stupides, quand vous
réveillerez-vous? Voulez-vous donc attendre
le tonnerre, le dernier jugement et la fin du temps
de grâce ?
Et qu'on ne pense pas qu'il
n'est
ici question que des pécheurs scandaleux!
Bien des gens s'endorment dans une confiance fatale
en leur bonne conduite et en quelques rares et
vagues sentimens de piété. lis ne se
sont point repentis, ils ne sont point convertis,
ils n'ont point combattu le bon combat, ils n'ont
point passé par le feu' des épreuves,
et ils s'avancent sans crainte à la
rencontre de Dieu ! Ah! que Dieu les
réveille et leur enseigne ce qu'est la paix
de Jésus-Christ !
Obstacles. Nombre de pèlerins
de Sion eux-mêmes tremblent aux portes de
l'éternité : ce sont ceux qui n'ont
point une bonne et ferme assurance de la
grâce divine. Et ils ne l'ont pas, parce
qu'ils n'ont pas voulu confesser et mettre' au jour
tous leurs péchés, parce qu'ils ne
les ont pas aspergés et couverts du sang de
Christ, parce qu'ils n'ont pas voulu livrer au feu
purificateur leur foin et leur chaume. Aussi
à l'approche de la mort, leurs
péchés leur sont tous mis devant les
yeux, et ils en frémissent ; ils
recherchent, mais avec angoisses, le sang de
Christ, et s'ils sont sauvés, ils ne le sont
que comme des tisons arrachés du feu
(Jude
23).
Conseils.
Profitons
donc
des jours de calme et de santé pour mettre
en règle l'affaire de notre salut. Une fois
convaincus de nos péchés ,
efforçons-nous d'obtenir bientôt notre
absolution par la foi au sanglant sacrifice de
Jésus-Christ, sollicitons comme de pauvres
mendians notre grâce, de peur que nous
n'arrivions sans notre sauf-conduit aux portes de
l'éternité et purifions-nous ainsi
à temps de toute crainte de la mort, dans le
sang de l'Agneau. Que si nous tenons en notre main
le caillou blanc que Dieu donne à ses enfans
(Apoc.
II, 17), si nous sommes de nouvelles
créatures en Christ, abandonnons-nous avec
confiance, en tout et pour tout, à la
direction miséricordieuse de l'esprit de
grâce. Oh ! que Dieu nous donne d'agir ainsi.
Amen!
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