Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VII

COMMENT L'ÂME JUSTIFIÉE EST CHAQUE JOUR RENOUVELÉE ET SANCTIFIÉE.

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 L'Esprit de Dieu fait avancer dans la voie du renoncement, avec force et pourtant avec douceur, les pécheurs justifiés et reçus en grâce. Il le fait selon la Parole et par le moyen de la Parole de vérité, qu'il leur rend de plus en plus claire et vivante.

Le Père attire d'abord les âmes au Fils; il leur montre la Loi sainte, qui les terrifie et les oblige de chercher un refuge dans les plaies de Jésus. Le Fils les baptise dans son sang, les absout et les met sous la conduite de son Esprit. L'Esprit enfin, les conduit en toute vérité et les fait arriver heureusement au port du salut.

Dans les circonstances difficiles, l'Esprit de Christ aide à notre faiblesse; il prie en nous et pour nous; il nous apprend à nommer Jésus notre Seigneur et Sauveur, et nous conduit chaque jour au trône de la grâce. Christ reçoit nos prières et les asperge de son sang. Il les porte avec son intercession à son Père. O insondable amour! jamais tu ne te lasses d'agir en nous et pour nous, vils et misérables vermisseaux de terre.

L'Esprit ne fatigue pas les âmes, mais il ne les laisse pas non plus s'arrêter en chemin; il les fait avancer et monter par degrés, mais sans interruption. Il n'opère pas notre purification et notre sanctification par des coups d'autorité et par un déploiement de puissance subit et irrésistible. Il s'accommode à notre faiblesse, nous mène pas à pas; il nous enseigne chaque jour quelque chose de plus; il nous apprend peu à peu comment nous devons renoncer à nous-mêmes, porter notre croix, croire, aimer, souffrir, travailler pour le Seigneur.

Son action n'a rien de désordonné ni de tumultueux, car la foi en la réconciliation donne la paix, et l'âme baptisée dans le sang de Christ n'est plus poursuivie par les terreurs de la loi. L'Esprit nous attire par des cordages d'amour. S'il nous tient sous le joug, c'est avec humanité, et il nous aide lui-même à le porter (Osée XI, 4). Aussi est-il dit des rachetés du Seigneur, qu'ils sont un peuple de franche volonté (Psaume CX, 3). lis ne sont plus sous l'autorité sévère et inflexible de la loi. Les commandemens de Dieu se changent pour eux en promesses évangéliques. Aux mots: «Tu dois faire, » ont succédé ceux-ci: « Tu feras, » .... tu feras certainement et sans peine, car je serai avec toi; je suis ta sanctification, j'ai promis d'accomplir ma force dans ton infirmité. C'est Lui qui nous met en état de ne plus avoir d'autre Dieu devant sa face; de ne plus nous livrer à des affections idolâtres; de ne plus mépriser ses grâces, de ne plus être opiniâtres et rebelles; de ne plus haïr, convoiter, etc., en un mot d'accomplir la loi. C'est ainsi que la loi est établie par la grâce (Rom. III, 30).

Les croyans sont la propriété du grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et ils s'appliquent avec soin aux bonnes oeuvres (Tite II, 14). Le renoncement, la prière, la sanctification sont pour eux une source de bonheur, plutôt qu'un service rebutant.

Semblables aux quatre êtres vivans dont parle Ezéchiel (I, 20), il y a en eux un esprit de vie et ils vont toujours directement où le souffle du Seigneur les conduit; ils ne se détournent jamais, et haïssent toutes les voies tortueuses. Ils marchent et s'arrêtent à la voix de leur guide; ils ne suivent jamais leur propre inspiration. Se reposent-ils, ce n'est que pour reprendre de nouvelles forces; cheminent-ils , c'est avec fermeté et sans, se laisser détourner par rien de ce que le monde leur présente. Ils n'ont point ici bas de demeure permanente ; ils tendent sans cesse vers celle -qui les attend aux cieux. Lavés dans le sang de Jésus, ils veulent comme lui et avec lui mourir au monde. La mort est la porte de la vie, chaque pas dans la sanctification est une mort à quelque chose de la terre, mais en même temps une augmentation de la vie de l'âme.

Il en est de leur voyage comme de ceux de la terre; seulement leur chemin va toujours en montant. Ils avancent pas à pas, lentement et avec peine. S'ils arrivent en quelque endroit, ils ne s'y arrêtent pas. Souvent ils désirent avec ardeur d'atteindre un point qu'ils voient dans l'éloignement, et lorsqu'ils y sont parvenus avec efforts, ils le laissent bientôt pour aller plus loin; les hauteurs succèdent aux hauteurs, et l'on ne gravit le dernier sommet qu'au terme du voyage.

En avant! en avant! Saint Paul l'a dit : il faut oublier ce qui est derrière soi, s'avancer vers ce qui est devant soi, et courir vers le but, vers le prix que Dieu promet à ceux qu'il appelle à lui par Jésus-Christ (Phil. III). Il faut marcher toujours, marcher avec fermeté, sans faux pas, rechercher la paix avec chacun et la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Hebr. XII).

Tel est le voyage - de pas en pas, de jour en jour, croître dans la repentance, dans la foi, dans la haine du mal, dans l'amour du bien, dans le renoncement au monde, et dans l'attachement aux choses invisibles et célestes. Les choses d'ici bas ne font que gêner notre marche; laissons les, pour donner tout notre coeur au Seigneur, et nous avancerons à grands pas.

Les objets deviennent grands ou petits à nos yeux, à mesure que nous nous en approchons ou nous en' éloignons davantage. Éloignons-nous donc du monde, et il nous paraîtra petit et méprisable. Approchons-nous de la cité céleste, et elle nous semblera toujours plus grande et plus magnifique. Celui qui trouve encore le monde beau et regrettable, ne l'a pas encore quitté, et n'a encore rien entrevu de la Jérusalem d'en haut. En avant! montons avec courage! Se recueillir et rentrer en soi-même, c'est gravir la montagne; sortir de soi et aller aux vanités du monde, c'est descendre. c'est reculer.

Et ne nous arrêtons pas en chemin pour considérer les oeuvres que nous avons faites, les dons que nous avons reçus, les connaissances que nous avons acquises, les saintes émotions que nous avons éprouvées. Dieu nous enlèvera toutes ces choses, s'il voit que nous perdons notre temps à les regarder, et nous mettant ainsi dans un pénible état de sécheresse, il nous obligera à aller puiser notre consolation et notre force à une source plus pure. Il faut chercher la partie nutritive de la noix et ne pas s'arrêter à la coquille, saisir la grâce que Dieu nous donne et ne pas nous amuser à sa douceur. C'est ainsi que, s'oubliant soi-même, ne voyant plus que le Seigneur, on entre dans le ciel comme de petits enfans pour contempler la face de son Père céleste.

Oui, tout perdre, même se perdre, pour tout gagner, voilà la grande leçon que nous enseigne l'Esprit de Christ. - Celui-là seul est à Christ, qui est sorti de soi-même, qui hait de tout son coeur ses affections, ses oeuvres et ses pensées charnelles, et qui dit - Jésus seul est ma lumière.

Illusions
. Celui-ci fait consister la sanctification dans des actes extérieurs. Sans doute les bonnes oeuvres sont commandées de Dieu ; elles sont nécessaires, mais elles ne sont pas tout. On peut les pratiquer, et demeurer intérieurement inconverti et étranger à la communion de l'âme avec le Sauveur (Matth. VII, 22). Celui-là au contraire veut une piété tout intérieure, qui ne se manifesterait pas au dehors. Son erreur> est tout aussi grande,

S'appuyer sur la sainteté de sa vie et vouloir être par soi-même saint, c'est prouver qu'on n'a pas supputé la dépense, ni calculé la force de son armée (Luc XIV), ou qu'on ne comprend pas ce que le Sauveur a fait pour les hommes, puisqu'on prétend associer les actions d'une créature souillée aux mérites infinis de son expiation.

Placer sa sanctification dans de vives émotions de l'âme ou dans de douces sensations, et avec cela ne pas vouloir mourir à soi-même, est encore une grande illusion.

Du reste, la sanctification ne s'envisage jamais comme parvenue à la perfection. Ne croyons jamais que le vieil homme soit entièrement mort en nous. La conversion commence sans doute la purification de l'âme; on débute par se repentir de ses fautes et par délaisser les souillures grossières qui chargeaient la conscience. Mais à mesure que l'on avance dans la lumière (1 Jean I, 7), on découvre chaque jour en soi de nouvelles misères, de nouvelles faiblesses de nouvelles impuretés, dont on doit se défaire. Crucifier le vieil homme est l'oeuvre de chaque jour, de même que le nouvel homme doit croître chaque jour.

Gardons-nous aussi d'imposer à autrui des fardeaux que nous ne voudrions pas toucher du bout du doigt.
N'exigeons pas des autres un amour et une bienveillance que nous n'avons pas pour eux.

Enfin s'attacher exclusivement à l'observation de certains devoirs de détail, pour s'en faire un prétexte de négliger les devoirs les plus grands et les plus importans, c'est couler le moucheron pour avaler le chameau. On voit nombre d'âmes bien disposées conserver des restes du vieil homme avec opiniâtreté et sans vouloir ni s'en humilier ni s'en corriger; si bien qu'on ne sait plus que penser d'elles. O Seigneur! brise, fonds et purifie nos coeurs! Taille les sarments de ta vigne, afin qu'ils rapportent plus de fruit.

Obstacles
. Pour avancer dans la sanctification, il faut éviter plusieurs écueils. Il ne faut pas, par exemple, regarder trop aux autres: envier les dons particuliers qu'ils ont reçu et vouloir être employé de la même manière qu'eux; ou bien se choquer trop facilement de leurs défauts, de telle sorte. qu'on ne retire plus de leur commerce les avantages que par la grâce de Dieu on pourrait y trouver. S'il n'y a dans l'Église qu'un seul et même Esprit, il y a des dons et des vocations diverses. Que chacun se contente de son emploi et s'applique à le bien remplir.

Il ne faut pas se soustraire à la direction de l'Esprit saint qui amène tous les rachetés à mourir à eux-mêmes; livrons-lui tout notre être, notre vie, notre conduite; apprenons à ne vouloir que ce qu'il veut, et faisons-lui le sacrifice de nos prédilections et de nos goûts particuliers. Plusieurs ne veulent pas lui remettre tous leurs soucis terrestres, qui deviennent comme des buissons d'épines auxquels ils s'accrochent et déchirent leur beau vêtement. D'autres se contentent d'un commencement de conversion et de sanctification, se reposent sur ce qu'ils ont fait et éprouvé, et considèrent ce que par la grâce de Dieu ils sont déjà, plutôt que ce qu'ils doivent devenir. Ils ont à peine commencé le voyage, et ils se croient au terme. Ils se reposent non pour reprendre des forces, mais pour ne pas aller plus loin; c'est un mauvais repas.

C'est ainsi qu'on arrête ses progrès dans la sanctification. Mais il est bien d'autres manières encore de, la rendre fort difficile, si ce n'est même impossible.

C'est de faire, fonds sur ses propres, forces, comme c'est le cas de ces pèlerins malades qui ne puisent pas toutes leurs forces dans la grâce libre de Dieu. Ils ne peuvent faire la route.

C'est de s'occuper inutilement de beaucoup de choses; de se distraire ; de se mêler d'une multitude d'affaires, par vanité ou par un autre principe charnel. Le voyageur qui se charge trop n'avance pas.

C'est de se laisser abattre par ses fautes jusqu'au point de désespérer; de ne pas vouloir se relever quand on est tombé; de refuser les consolations qui pourraient remédier au mal, et de prétendre porter soi-même ses péchés, au lieu de les poser sur l'Agneau de Dieu qui nous en a acquis le pardon et la délivrance.

C'est de ne pas faire son unique nourriture de la manne céleste de l'Évangile, c'est de négliger de manger chaque jour le pain de vie. La parole de Dieu est pour le fidèle à la fois un aliment et un bâton; sans elle il ne peut faire son voyage.

C'est de prendre des sentiers qui s'écartent plus ou moins de la route, et de ne pas demeurer dans la simplicité qui est en Christ. C'est d'aimer les voies tortueuses, de marcher avec les ouvriers d'iniquité (Ps. CXXV).

C'est de courir de côté et d'autre, de ne pas avoir toujours les yeux fixés sur le but, d'avancer quelquefois et de reculer plus souvent encore, par inconstance, par légèreté, par désobéissance aux avertissemens divins, ou bien par mollesse, par crainte de souffrir, par la frayeur que cause la vue des obstacles.

Ceux qui s'égarent ainsi et qui ne reviennent pas promptement dans la bonne voie, tombent bien vite dans le découragement et la paresse. On se relâche; on cesse d'avoir goût à prier; on finit par négliger cet exercice. On ne s'applique plus à s'instruire, on n'est plus attentif a renoncer au monde; enfin l'on est harassé au point de ne pouvoir plus faire un pas. Ceux qui nous entourent remarquent eux-mêmes dans notre conduite que notre intérieur est en désordre, et que nous n'avons plus d'ardeur et de goût pour le bien.

Nous venons d'indiquer les principales causes de ce triste état; la première est sans contredit l'opiniâtreté à vouloir travailler avec ses propres forces et faire quelque chose par soi-même. Il est sans doute étrange que que l'activité engendre la paresse; et pourtant il en est ainsi.

On pèche par activité propre: quand on veut devancer la grâce; entreprendre ce qui n'est pas en rapport avec notre développement spirituel; faire de grandes choses qui sont au-dessus de notre portée, s'aventurer dans des lieux élevés et dangereux où les chutes sont fréquentes et funestes. On veut instruire les autres, tandis qu'on aurait besoin d'être instruit soi-même. On veut faire l'ouvrage d'un homme, tandis qu'on aurait encore besoin de sucer le lait de l'Évangile, comme un nouveau-né; on court, on s'agite, on se trémousse comme des enfans: mais on n'avance point, et à la fin l'on tombe de fatigue (Esaïe XL, 30). Cette tendance a une activité charnelle vient de la vanité et de l'orgueil de la nature humaine; on n'y cherche que sa propre satisfaction, et nullement la gloire de Dieu; l'on se met par là hors de la direction de l'Esprit saint, et l'on se prive de la communication de ses dons et de sa force. Aussi est-on troublé, inquiet, malheureux. On s'abat, quand les choses ne vont pas comme on le désire; on est tout déconcerté, tout soucieux, quand les difficultés se présentent. On veut remédier à tout par les ressources de sa propre sagesse, et l'on s'enfle d'orgueil au moindre succès.
Mais comme en définitif les choses ne tournent jamais comme on l'entendait, on finit par se lasser et par perdre courage. J'ai connu plusieurs personnes qui n'étaient point dépourvues de la grâce de Dieu, et qui, après avoir couru avec ardeur sur le chemin de Sion, avoir réveillé les pécheurs et exhorté les frères, s'être crus déjà beaucoup plus avancés que leurs maîtres, sont tombés si bas et sont devenus si tièdes, qu'ils ont étonné chacun. Leur feu n'avait pas été pris sur l'autel du sanctuaire. Mais on peut tomber dans le même malheur en se jetant dans l'excès contraire et en ne voulant pas marcher ni faire quoique ce soit, sous prétexte de ne pas suivre son propre esprit. On demeure alors dans sa paresse naturelle et l'on garde son vieux levain. La grâce de Dieu, quand nous écoutons véritablement sa voix, nous enseigne à la fois, à ne rien précipiter et à ne rien négliger; à ne pas courir où nous ne sommes pas appelés, et à ne pas rester non plus en arrière.

La tiédeur et la paresse sont un commencement de retour vers le monde et vers le péché. Quand on n'avance pas, on recule. Quelques progrès que l'on eût fait auparavant, on se retarde, si l'on cesse de tendre vers le but, et même on n'arrive pas du tout, si l'on persévère dans le relâchement.

Conseils
. Soyons attentifs à l'usage que nous avons à faire chaque jour des grâces que nous avons, reçues. Ne méprisons pas les petites, et ne nous complaisons pas trop dans les grandes. Employons les unes et les autres avec fidélité, et nous en obtiendrons toujours davantage. Dépouillons-nous du péché; portons-le au pied de la croix, et gardons-nous de l'incrédulité et de la méfiance qui nous engageraient à le laisser peser sur nos consciences ; c'est un fardeau qui nous écraserait. Mais si nous portons nos péchés au Sauveur, que ce soit avec repentance, et en lui demandant avec sincérité, non seulement le pardon, mais encore la force de ne plus retomber.

Marchons en nous abandonnant avec confiance à la direction de la grâce, sans paresse et sans précipitation. Renonçons à nous-mêmes et croyons, ayant les yeux toujours fixés sur Jésus crucifié pour nous, car c'est ainsi qu'on reçoit des ailes ( Hébr. XII, 2 ; Esaïe XL, 31). N'attachons aucune valeur à nos oeuvres, et ne nous reposons que sur la grâce.

Rappelons-nous le bel exemple des anciens fidèles qui, pour aller à Christ, ont tout abandonné, et ont méprisé même l'ignominie, les tourmens et les plus affreux supplices.

À chaque repos succède un combat, à chaque combat un temps de repos. Souvenons-nous en, et ne nous en effrayons jamais. Dieu nous donnera toujours ce qui nous est nécessaire. Il ne veut pas nous éprouver au delà de nos forces. À chaque jour suffit sa peine.
Ayons sans cesse devant les yeux l'éternité vers laquelle nous marchons.

Oh ! que Dieu nous donne de renoncer au monde et de suivre Jésus. Amen !


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CHAPITRE VIII.


COMMENT LE CHRÉTIEN RENOUVELÉ ACHÈVE SA COURSE.


L'Éternité! Voilà le but et le terme de notre course. À mesure que nous avançons sur le chemin de Sion, nous distinguons toujours mieux les portes et les tours brillantes de la Jérusalem céleste. Le Saint-Esprit achève en nous son oeuvre de repentance et de foi ; il entreprend notre dernière purification, qui est le complément de la repentance journalière; il met le dernier sceau à notre foi, dont il couronne ainsi les longs exercices. Si le foin et le chaume, si nos défauts et les restes de notre corruption, ont été placés sur le bon fondement, ils seront consumés par le feu purificateur de la mort (2 Cor. III.) ; mais au milieu de ces combats suprêmes, l'âme reçoit une manne céleste qui la soutient et la fortifie.

Plus nous approchons du terme, et plus la route nous offre de sublimes beautés ; mais en même temps notre vie naturelle reçoit des coups plus rudes et plus décisifs. Cependant nous avons vu, tout le long de notre carrière, les douceurs de la grâce succéder aux épreuves et aux combats; assurons-nous donc que si vers la fin de notre course nous sommes appelés aux plus pénibles combats, c'est une preuve que Dieu nous accordera après cette dernière lutte, des grâces d'autant plus inappréciables. Soyons fidèles jusqu'au terme du voyage! Venons jusqu'au bord du Jourdain. C'est là tout ce que Jésus demande de nous; pendant la mort il se charge lui-même de tout. L'arche de l'alliance resta dans le Jourdain dont elle arrêtait les flots, jusqu'à ce que tout Israël eut passé à pied sec. À cette heure solennelle, nous comprendrons et nous sentirons l'utilité de toutes les autres épreuves de notre vie , et nous verrons que les plus pénibles ont été un moyen de nous préparer une mort paisible et de nous adoucir le dernier passage. Comme des soldats longuement exercés dans les batailles, nous saurons alors comment éviter les coups de l'ennemi, où nous retirer dans le danger, et notre foi persistera jusqu'à l'instant où elle se changera en vue.

Illusions
. Mais gardons-nous des illusions que nous pourrions nous faire au sujet de notre fin. N'attendons pas une mort heureuse, si nous ne nous sommes jamais repentis et convertis de tout notre coeur. Ne renvoyons pas au lit de mort notre réconciliation. avec Dieu. Y a-t-il donc au monde quelque chose de plus important que la conversion ? Et quel recueillement, quel calme n'exige-t-elle pas ? Est-elle d'ailleurs notre oeuvre à nous, ou celle de Dieu, pour que nous l'entreprenions quand il nous plaise? Néanmoins, les imprudents, les insensés pêcheurs prétendent se convertir promptement sur leur lit de souffrance, au milieu des angoisses de la maladie qui troublent l'âme, et ils supposent que Dieu réglera sa volonté sur la leur, et viendra à l'heure qu'ils lui fixeront, eux qui ont négligé de profiter des momens où il les appelait à lui. Quelle folie! Un pécheur, un rebelle obstiné, qui voit à chaque instant ses semblables emportés par la mort, s'imagine qu'il aura toujours assez de temps pour échapper à la perdition, et qu'il sera toujours assez maître de lui-même, des événemens et de la grâce de Dieu, pour se procurer à point nommé et comme en un clin-d'oeil la conversion et le salut, lui qui est mort dans ses fautes et qui n'avait d'autre ressource que les appels de Dieu qu'il a méprisés! O coeurs engraissés et stupides, quand vous réveillerez-vous? Voulez-vous donc attendre le tonnerre, le dernier jugement et la fin du temps de grâce ?

Et qu'on ne pense pas qu'il n'est ici question que des pécheurs scandaleux! Bien des gens s'endorment dans une confiance fatale en leur bonne conduite et en quelques rares et vagues sentimens de piété. lis ne se sont point repentis, ils ne sont point convertis, ils n'ont point combattu le bon combat, ils n'ont point passé par le feu' des épreuves, et ils s'avancent sans crainte à la rencontre de Dieu ! Ah! que Dieu les réveille et leur enseigne ce qu'est la paix de Jésus-Christ !

Obstacles
. Nombre de pèlerins de Sion eux-mêmes tremblent aux portes de l'éternité : ce sont ceux qui n'ont point une bonne et ferme assurance de la grâce divine. Et ils ne l'ont pas, parce qu'ils n'ont pas voulu confesser et mettre' au jour tous leurs péchés, parce qu'ils ne les ont pas aspergés et couverts du sang de Christ, parce qu'ils n'ont pas voulu livrer au feu purificateur leur foin et leur chaume. Aussi à l'approche de la mort, leurs péchés leur sont tous mis devant les yeux, et ils en frémissent ; ils recherchent, mais avec angoisses, le sang de Christ, et s'ils sont sauvés, ils ne le sont que comme des tisons arrachés du feu (Jude 23).

Conseils
. Profitons donc des jours de calme et de santé pour mettre en règle l'affaire de notre salut. Une fois convaincus de nos péchés , efforçons-nous d'obtenir bientôt notre absolution par la foi au sanglant sacrifice de Jésus-Christ, sollicitons comme de pauvres mendians notre grâce, de peur que nous n'arrivions sans notre sauf-conduit aux portes de l'éternité et purifions-nous ainsi à temps de toute crainte de la mort, dans le sang de l'Agneau. Que si nous tenons en notre main le caillou blanc que Dieu donne à ses enfans (Apoc. II, 17), si nous sommes de nouvelles créatures en Christ, abandonnons-nous avec confiance, en tout et pour tout, à la direction miséricordieuse de l'esprit de grâce. Oh ! que Dieu nous donne d'agir ainsi. Amen!

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