L'âme qui s'approche du trône de la
grâce avec une foi sincère au
sacrifice du Rédempteur, reçoit
l'entier pardon de ses péchés, qui se
renouvelle chaque jour, et la justice de Christ,
que Dieu lui offre dans l'Évangile, lui est
imputée par la foi
(Rom.
III, 26).
Ce pardon a pour seule et unique
cause le sanglant sacrifice de Christ qui a
payé notre dette sur la croix, et le
pécheur reçoit sa grâce sans la
mériter en aucune manière. Si sa
sentence de condamnation ne s'exécute pas,
s'il peut être sans crainte et se
réjouir, c'est uniquement parce que son
Sauveur l'a racheté.
Telles sont les ineffables
richesses
de la grâce et de' la justice de Dieu
(Eph.
II, 7; III,
8). L'Éternel, oui,
l'Éternel lui-même est notre justice
(Jérémie
XXIII). Il est
notre berger; que pourrait-il nous manquer? Reconnaissons
à la
plénitude de la grâce, que nous sommes
sur la bonne voie
(Ps.
XXIII).
C'est là la foi qui sauve, et
en dehors de laquelle il n'y a que vains efforts,
qu'erreurs et que chutes. Une voix nous crie sans
cesse : « Venez, tout est prêt, voici
une table chargée de nourriture au milieu
même du désert. Le veau mas est
tué ; l'enfant prodigue est revêtu
d'un habit magnifique; il y a joie et pour lui et
pour toute la maison du père.
»
Au vent véhément, au
tremblement de terre, au feu, a
succédé un son d'une douceur
inexprimable, qui est le signe de la
présence du Seigneur, et qui annonce que
Dieu est amour. Alors on se cache le visage, rempli
de confusion et de joie, et l'on sent tout son
néant, en même temps que la grandeur
immense de la grâce divine. Noire Père
céleste fait passer devant nous toute sa
bonté, et les trésors
inappréciables de son amour
manifestés dans le sacrifice de son Fils. Le
pêcheur repentant abhorre ses fautes et ses
idolâtries; il rejette comme une chose
honteuse les objets dont il se faisait une gloire,
il se prosterne et il adore le Fils de la dilection
éternelle que le Père lui
révèle. Il s'écrie : «
Seigneur, puisque j'ai maintenant trouvé
grâce devant toi, demeure toujours avec moi.
» Car il sait que si le Fils, l'Ange de la
face, ne marche pas avec lui, il ne doit pas se
mettre en route, car il n'arriverait pas au but ;
mais l'Ange de la face, Celui qui est amour et
gloire, Celui qui est le chemin, l'accompagne
partout.
Nous avons acquis le droit de
bourgeoisie dans les cieux, et l'héritage de
tous les biens du ciel. Alors nous commençons notre
voyage sur le chemin étroit, L'Agneau a
vaincu pour nous; il ne nous reste qu'à
aller prendre possession du bonheur qu'il nous a
acquis. Déjà même nous sommes
sur la montagne de Sion, dans la Jérusalem
céleste
(Hébr.
XII), dont les
faubourgs s'étendent jusques sur notre terre
de misères et de larmes; nous marchons donc
déjà dans le ciel dont nous sommes
citoyens.
Nous ne voyons notre héritage
que de loin, il est vrai; mais cela suffit pour
nous encourager, et pour nous faire comprendre
qu'étrangers ici bas
(Héb.
XI, 13), nous devons
hâter le pas du côté de notre
véritable patrie, où Jésus
nous a préparé une habitation
permanente, y étant entré avec son
sang pour nous en ouvrir l'accès.
C'est de ce chemin qu'Esaïe a
dit
(XXXV,
8-10)
« Il y aura là un chemin
qui sera nommé le chemin de la
sainteté, et où ne passera point
celui qui est souillé, »
c'est-à-dire celui qui n'a pas
été purifié dans le sang de
l'Agneau ; et ce sentier sera tel que les
insensés eux-mêmes ne pourront s'y
égarer. Les rachetés du Seigneur y
marcheront avec chants de triomphe, une joie
éternelle sera sur leur tête.
Jérémie
(XXXI,
9-12) dit de même:
« Ils seront arrivés en pleurant, mais
je les, conduirai le long des ruisseaux, et par un
droit chemin où leurs pieds ne broncheront
point, et ils se réjouiront aux lieux les
plus élevés de Sion.
»
Illusions. Mais craignons de
nous
abuser. Bien des gens se séduisent
eux-mêmes, en s'appliquant faussement les
promesses de Christ, alors qu'ils n'ont pas de repentance
sincère de
leurs péchés et qu'ils ne veulent pas
les abandonner.
D'autres croient fermement que,
Christ étant mort pour tous les hommes, ils
ont part, eux aussi, aux fruits de son sacrifice,
quoi qu'ils refusent de chercher auprès de
lui la conversion et la vie de leur âme. Ils
séparent ainsi ce que Dieu a joint, ne
comprenant pas que la repentance et la
régénération sont les
grâces premières et nécessaires
qu'il faut posséder et recevoir pour avoir
part à la félicité des
cieux.
Souvent aussi on s'abuse en se
contentant d'examiner et d'étudier le
mystère de la piété, et d'en
parler, même avec feu, même avec
profondeur, mais sans en faire l'expérience
réelle et personnelle, sans avoir le coeur
humilié et changé.
Enfin, et c'est une illusion
fort
commune, on pense avoir reçu foi et pardon,
et cependant on n'approfondit point la vraie nature
du salut et le véritable ordre de la
grâce, on ne prête point une attention
sérieuse à la Bible, on ne demande
point du coeur à Dieu sa lumière et
sa grâce.
Fausse paix. Nous ne parlerons
pas
de nouveau de la fausse paix de ces âmes qui
ne savent pas tout quitter pour prendre possession
de l'héritage acquis, et qui vivent dans une
sécurité trompeuse.
Nous avons la vraie foi, le vrai
pardon. Mais nous reposerons-nous? penserons-nous
n'avoir plus rien à faire ? Changerons-nous
en paresse le doux repos que Dieu vient de nous
accorder? Notre procès est gagné; ne
prendrons-nous pas la peine d'aller recueillir l'héritage
qui nous est
dévolu? Il est beau de se reposer dans le
sang de Christ, comme dit le cantique, mais il y a
pour le peuple de Dieu un autre repos, une autre
terre promise où nous devons nous rendre.
Même sur le Thabor, alors que
le Père révèle le Fils
à notre âme ravie, il ne faut pas se
bâtir des tentes sur la terre. Nous devons
suivre Jésus à Jérusalem, le
voir souffrir et mourir pour nous, lui demander de
nous faire aussi mourir au péché, et
de là marcher vers Sion. Il nous en donnera
certainement la force puisqu'il nous a obtenu par
son sang le don du Saint-Esprit.
Les Israélites mangeaient
l'agneau pascal debout et, ceints comme des
voyageurs, et nous aussi nous sommes
pèlerins. La cure de notre âme a
commencé; la foi est le médecin, et
chaque jour elle nous purifie, nous crucifie, nous
fait mourir. Les combats et les épreuves se
succèdent sans relâche. « Nous
vous prions, disait saint Paul aux Corinthiens
(2
Cor. VI, 1), de faire en sorte de
n'avoir pas reçut la grâce de Dieu en
vain; » c'est-à-dire, nous vous prions
de faire un tel usage de voire foi qu'elle tourne
à votre sanctification. Si vous êtes
affranchis du péché et devenus
serviteurs de l'Éternel par la grâce
de Dieu en Jésus-Christ, vous recevrez du
Seigneur la force de vous sanctifier, et vous
obtiendrez à la fin la vie et le bonheur
éternels
(Rom.
VI, 22).
Obstacles intérieurs. Nous
entravons nous-mêmes l'oeuvre de notre
justification, soit quand nous perdons le sentiment
de notre misère, ne voulons plus que la
grâce divine soit toute gratuite, et
cherchons en nous-mêmes une des causes ou la
cause de notre pardon, soit quand
nous ne trouvons plus de plaisir en Christ et son
Évangile, et que nous cherchons ailleurs
notre force et notre joie. S'il en est ainsi, nous
nous rebuterons, et nous abandonnerons notre
entreprise, lorsque les tentations, les
épreuves, les chutes surviendront. Qui n'est
pas uni au cep de qui seul procède la
sève vivifiante, s'affaiblit bientôt,
se décourage, se refroidit, et à la
fin retourne décidément en
arrière.
Conseils.
Portons
donc
sans cesse nos regards sur l'expiation qui a
été faite du péché
à la croix; envisageons-la avec
humilité et reconnaissance, comme la seule
cause du salut tout gratuit qui est accordé
à ceux qui le demandent avec
sincérité; en un mot ne voulons
à jamais vivre que de
grâce!
Tendons par la foi et le pardon
à la sanctification, selon le conseil de
saint Paul
(2
Corinth. VII, 1) : « Ayant de
telles promesses, nettoyons-nous de toute souillure
de la chair et de l'esprit, achevant notre
sanctification dans la crainte du Seigneur. »
Mais gardons-nous de placer secrètement
notre joie et nôtre paix dans la
sanctification. Ne la plaçons pas davantage
dans les douces émotions de la grâce.
Voilà comment on avance. joyeusement et
courageusement à travers toutes les
tribulations, en recevant chaque jour du Seigneur
de nouvelles forces pour marcher et courir en avant
(Esaïe
XL 31). Oh ! que nous
renoncions de tout notre coeur à nos propres
justices pour l'amour de l'Éternel notre
justice !
La repentance et la foi, voilà toute
l'oeuvre de la grâce
(Actes
XX, 21) et tout le conseil de
Dieu pour notre salut. Dans la repentance, on
comparaît devant son Dieu comme devant un
juge parfaitement saint et juste, et l'on se sent
abaissé jusqu'aux enfers, parce qu'on ne
voit pas alors clairement ce que Christ a fait pour
nous. Mais par la foi l'on apprend à
connaître le Sauveur doux et humble de coeur
qui nous a réconciliés avec le
Père, et l'on est rempli de joie et d'amour.
Alors le vieil homme est détruit, et l'homme
intérieur renouvelé de jour en jour
(2
Cor. IV. 16).
Les premiers germes de la
repentance
et de la foi' sont déposés dans notre
âme par la grâce prévenante, qui
nous effraie par la loi, ou nous attire par
l'Évangile. La loi condamne et fait mourir ;
l'Évangile sauve et fait vivre. De même le
sacrement
du baptême tend à tuer le vieil homme,
et celui de la cène à nourrir et
fortifier le nouveau.
Moïse et Elie disparurent quand
Jésus fut glorifié, et Jésus
resta seul ; ainsi disparaissent les terreurs de la
loi quand la foi arrive à l'âme.
Cependant l'oeuvre de la repentance ne cesse pas
quand le pardon a été accordé
; elle se continue, mais sous une forme
évangélique; elle se change en une
contrition journalière et en une
connaissance de plus en plus profonde de notre
insondable corruption. En même temps la foi
s'enracine de plus en plus en Jésus-Christ
crucifié. Les sarments doivent, pour
produire du fruit, non seulement puiser,
constamment du cep une sève nouvelle, mais
encore être émondés :
c'est-à-dire, le pardon de nos
péchés ne suffit pas, il en faut la
guérison.
La première oeuvre de
l'Esprit de Dieu est d'humilier profondément
les âmes par une vivante conviction de leur
corruption, de les amener à une
complète pauvreté d'esprit, et
d'éveiller en elles la faim de la
justice.
Sa seconde opération est de
les amener à la foi par l'Évangile,
de les dédommager magnifiquement par les
immenses richesses de la grâce, des faux
biens qu'elles ont abandonnés, et de les
faire pénétrer toujours plus avant
dans la pauvreté d'esprit et dans la foi.
Car l'humiliation et la joie, la contrition et la
paix, choses inconciliables aux yeux de la raison,
subsistent et croissent en même temps dans le
coeur du fidèle. « Je veux devenir
encore plus petit, disait David, et être
chétif à mes propres yeux »
(2 Sam.
VI, 22). « Les plus pauvres d'entre les
hommes
s'égaieront dans le Saint d'Israël
»
(Esaïe
XXIX, 19).
Mais comment l'âme qui a
reçu la vie nouvelle, sera-t-elle maintenue
dans la grâce, et la grâce dans
l'âme ? Comment le vin nouveau et les
vaisseaux seront-ils conservés en bon
état?
(Matth.
IX, 17.) Par une abondante
mesure de l'esprit de Dieu, ou par l'onction
(1
Jean II, 20). C'est l'onction qui
nous scelle pour le jour de notre rédemption
(2
Cor. I, 21. 22 ; Ephés.
IV, 30).
Cette onction se manifeste de
diverses manières dans l'âme du
chrétien. Et d'abord, elle le reprend quand
il s'égare ; elle le tient sous une
salutaire discipline, elle lui montre toutes ses
impuretés pour l'engager à s'en
humilier chaque jour et à en chercher la
délivrance.
Puis, elle lui accorde des
douceurs
et des bénédictions spirituelles, qui
augmentent sa foi et lui donnent le courage et la
force de résister aux tentations. Ces
tentations de la chair et de Satan qui cherchent
à nous pousser à
l'incrédulité, au
péché, à la
sécurité charnelle, servent en
définitif à nous éclairer,
à nous purifier, à nous fortifier.
Nous ne pouvons pas demander à Dieu de ne
pas être attaqués : le soldat n'est
pas enrôlé pour ne jamais combattre,
et c'est en combattant qu'il s'exerce et
s'aguerrit. Mais nous devons prier Dieu qu'il nous
protège dans la lutte et nous donne la
victoire, qu'il nous délivre de la chair, du
monde et du Diable, et qu'il nous préserve
de retomber sous le joug du péché.
Toutefois, prenons garde de nous exposer
témérairement au danger, et d'aller
à la bataille sans en avoir reçu
l'ordre. Être attaqué, ce n'est pas être vaincu.
Les
inconvertis sont dominés par le
péché, ils sont ses esclaves
volontaires. Les convertis sont assaillis par le
péché, ils sont des combattans. Mais
que le chrétien soit fidèle à
l'ordre de son chef, qu'il veille et qu'il ne se
laisse pas prendre au dépourvu; sinon il
sera fait prisonnier.
L'onction divine nous enseigne
ensuite à sonder les esprits, à ne
pas tourner à tout vent de doctrine,
à ne pas nous laisser séduire par les
artifices des hommes
(Ephés.
IV, 14), et à
croître en Celui qui est notre chef, savoir
en Christ qui est le lien et l'âme de tous
les membres de son corps. On ne peut que
croître si l'on a véritablement la
vie. Ah ! que Dieu nous garde d'être de ceux
qui se laissent entraîner, et qui viennent
à déchoir de leurs forteresses
(2
Pier. III, 17) ! Pour
éviter cet affreux malheur, avançons
dans la grâce et dans la connaissance de
notre Seigneur Jésus-Christ (Ibid. 18)
L'onction de l'Esprit nous
apprendra à nous tenir collés
à lui ; de peur que nous ne
périssions, comme des sarments
détachés du cep. - Oui, demeurons en
Lui, afin que nous ne soyons pas confus, quand Il
viendra
(I
Jean II, 28).
Enfin, l'onction sainte enseigne
aux
enfans de Dieu à se soutenir les uns les
autres, à s'exhorter et à se
fortifier mutuellement
(Hebr.
X, 25), à se tenir bien
unis, et à se rappeler entr'eux qu'ils sont
prêtres et rois et qu'ils doivent veiller
à ne pas perdre leur couronne. De cette
manière la vie des uns se communique aux
autres; et tout le corps croît et
prospère
(Ephés.
IV, 16). On se tend la
main, on s'aide réciproquement. C'est ainsi
que faisaient les premiers chrétiens.
Oh, que la communion des saints
est
accompagnée de grandes
bénédictions! Quand les os secs ont
repris la vie, ils tendent naturellement à
se rapprocher, à se réunir, pour
former un corps vivant et animé de l'Esprit
du Seigneur
(Ezech.
XXXVII). L'église de
l'amour fraternel, l'église de Philadelphie
voyait la porte des cieux ouverte devant elle, et
il lui était accordé des grâces
excellentes. Nous avons éprouvé de
nos jours quelque chose de semblable. Que Dieu nous
donne de mettre toujours mieux en pratique le
précepte de l'union des frères !
C'est par ce moyen que le corps de Christ
prospère et s'augmente.
De l'état de chute. Il est
des âmes qui sont retournées au monde,
et qui continuent néanmoins à
s'appuyer sur leur premier réveil et sur les
grâces qu'elles ont reçues. Illusion
déplorable; et, aussi, sérieuse
leçon pour les âmes sincères.
« Qui s'appuie sur le néant, abandonne
sa grâce. »
(Jonas
II, 9.)
Le fidèle a de dangereux
ennemis à combattre: la chair, le monde, et
Satan. S'il n'y prend garde, il sera vaincu et
retournera au monde.
Il ne vaincra pas, s'il ne fait
pas
un bon usage de la grâce qu'il a
reçue. s'il ne vit pas dans une
défiance et une vigilance continuelles
contre sa corruption naturelle; s'il ne se
détache pas du monde et des mondains, ne se
sépare de la génération
perverse
(Acte
II, 40) et ne sort du milieu
d'eux
(2
Cor. VI, 17); s'il ne veille et
prie sans cesse, sachant que le lion rugissant,
l'ennemi des âmes, rode toujours autour de
nous; enfin, s'il fuit et évite la
correction.
On commence déjà
à retourner en arrière, quand on
n'écoute plus avec docilité les
salutaires répréhensions de l'Esprit
de Dieu, quand on ne veut plus recevoir les
conseils des autres chrétiens, et qu'on
refuse de s'humilier. On tombe alors dans une
sécurité charnelle et
téméraire et dans une sorte de
légèreté et
d'indépendance, dispositions
extrêmement dangereuses, et qui
entraînent souvent le chrétien dans
des démarches dont auparavant sa conscience
aurait été
épouvantée.
On retourne également en
arrière quand on cesse de s'appuyer
uniquement, avec l'abandon d'un enfant et de toute
son âme, sur la miséricorde de Dieu en
Jésus-Christ; on en revient aux propres
efforts, travail inquiet et servile qui fatigue
sans produire aucun bien. « Vous qui voulez
être justifiés par la loi, vous
êtes déchus de la grâce »
(Gal.
V, 4).
On déchoit enfin, quand on se
lasse de faire usage des moyens
d'édification, que l'on se
dégoûte de lire la parole de Dieu,
qu'on laisse la tiédeur et la paresse
prendre le dessus et qu'on devient lâche
à prier: Dieu n'agit que par des moyens.
C'est par la nourriture qu'il conserve notre vie
physique. De même aucune âme ne peut
vivre sans la prière et la Parole de Dieu
(Matth.
IV, 4). Ajoutons qu'on
amène et accélère sa chute en
se retirant plus ou moins de la
société des enfants de Dieu, et en
entrant, sans y être appelé, en
relations fréquentes avec les gens du monde.
Pierre renia son maître quand il se fut
hasardé au milieu de ses ennemis.
L'état de chute se manifeste
par l'amour du monde et par l'amour de soi,
auxquels le croyant laisse reprendre la domination
sur son âme.
L'amour du monde : Nous nous
abandonnons à d'indignes soucis sur ce que
nous mangerons et boirons; nous nous livrons
à l'avarice et au désir de devenir
riches, qui nous détourne de la seule chose
nécessaire, et qui nous fait tomber dans des
pièges funestes, dans l'oubli de la foi et
dans la perdition
(1
Tim. VI). Qui aime la vie
sensuelle, la vanité et les convoitises du
monde, n'a pas l'amour du Père. Oh ! combien
de gens qui s'engagent de nouveau aux souillures du
monde
(2
Pierre II)? Telle a
été la chute d'Adam.
L'amour de soi : Nous nous
laissons
placer par Satan sur le sommet du temple; nous nous
complaisons en notre spiritualité, en notre
science, en nos beaux discours, et abandonnons la
simplicité qui est en Christ
(2
Cor. XI, 3); nous voulons
être quelque chose et nous enorgueillissons
de tous les genres possibles d'orgueil. Les plus
beaux dons sont corrompus par la recherche de
soi-même. Ne nous admirons pas
nous-mêmes, ne nous regardons pas dans le
miroir de notre propre vie ; ce serait livrer la
forteresse à l'ennemi. Telle a
été la chute de Lucifer. Et combien
ne s'égarent pas pour suivre Satan
(1
Tim. V, 15) ?
Nous tombons aisément dans ce
piège terrible, quand trouvant le pur
Évangile trop simple, nous désirons
une nourriture plus recherchée, mais
malsaine, et que nous lisons des ouvrages qui
intéressent notre esprit et notre
imagination plus qu'ils ne remplissent notre coeur
de vérité,
d'humilité et de foi, et qui nous enflent
d'une vaine science. Christ doit croître, et
nous, nous devons diminuer et devenir toujours plus
pauvres et plus chétifs à nos propres
yeux. Plus nous nous approcherons du Soleil de
justice, et plus notre propre lumière
pâlira et s'évanouira. Plus nous
pénétrons avant dans la grâce,
et plus nous sommes petits à nos yeux. Que
Christ soit tout, et nous rien !
Signalerons-nous les fâcheux
effets des chutes des fidèles. Leur second
état est pire que le premier, que celui qui
a précédé leur conversion.
Satan revient avec sept esprits plus méchans
(Matth.
XII, 43-45), et plus la chute
se prolonge, plus le mal empire.
On ne se relève que par une
pénible conversion : saint Paul a dit de ces
âmes déchues qu'il sentait de nouveau
pour elles les douleurs de l'enfantement Gal.
IV, 19).
Recouvre-t-on la grâce, on
reprend rarement sa première place. Chaque
membre du corps de Christ reçoit à sa
conversion une place, une fonction quelconque dans
l'Église, selon sa capacité; l'un est
l'oeil, l'autre le pied, l'autre la main ; les
fonctions sont différentes et plus ou moins
glorieuses; mais chacun en a une à remplir.
Quand nous avons eu le malheur d'abandonner notre
poste, un autre l'occupe, et plus tard nous ne
pouvons plus le reprendre.
Que chacun donc s'applique à
conserver ce qu'il a, et à ne pas perdre sa
couronne ! La grâce de Dieu qui
t'échappe, est saisie par d'autres; les
miettes que tu foules aux pieds, sont recueillie;
avidement par tes frères.
La chute des Juifs a été le salut des
Gentils
(Rom.
XI). Le flambeau de
l'Évangile passe d'un lieu dans un
autre.
Apprenons à estimer toujours
davantage Christ et son sacrifice; à
désirer avec toujours plus d'ardeur le
salut, à persévérer dans la
pauvreté d'esprit. Heureux qui sent chaque
jour le besoin de se nourrir de la Parole de Dieu.
Ceux qui pensent l'avoir dépassée
sont poussés par Satan.
Obéissons à la
discipline de l'Esprit, ne le contristons pas, et
apprenons à nous réjouir de ses
châtimens.
Fuyons tout commerce avec le
monde
quand le devoir ne nous y appelle pas; nous nous en
repentirions trop tard. Demeurons attachés
à la doctrine apostolique, et en communion
avec les fidèles dans la prière Actes
II, 42).
Que rien ne nous fasse jamais
dévier des sentiers de la pauvreté
d'esprit et de la foi ; envisageons-nous toujours
nous-mêmes comme les premiers des
pécheurs, et abattons-nous sans cesse, avec
ceux qui viennent de se réveiller de leur
sommeil de mort, aux pieds de l'Agneau
immolé pour nous. Ne doutons pas de la
puissance de la grâce : le Sauveur ne se
laissera pas enlever une seule de ses brebis; s'il
en est qui se perdent, c'est qu'elles veulent fuir
loin de lui, et avant qu'elles le fuient elles
reçoivent de nombreux avertissemens. Entrer
dans la communion journalière de la mort et
des souffrances de Christ
(Phil.
III, 10; Rom.
VI); mourir
à tout pour ne vivre qu'à Dieu : tel
est le but qui s'offre à nous depuis notre
réconciliation.
Que le sentiment de notre
misère ne nous pousse pas à
l'incrédulité! Apprenons au contraire
à croire fermement à la grâce,
du sein même de notre misère ; comment
d'ailleurs triompher du péché si ce
n'est par la foi ? Ne confondons pas les tentations
avec le péché même ; elles
peuvent assaillir notre foi, mais elles ne doivent
pas nous l'enlever. Et quant aux fautes que nous
commettons contre notre volonté, elles
appellent et provoquent un repentir sincère,
mais ne détruisent pas la grâce, ni
donc notre foi, car elles ont été
toutes payées avec les autres. Qu'elles nous
poussent bien plutôt vers Christ, et nous
fassent admirer toujours plus les richesses
indicibles de sa grâce. Les Juifs immolaient
des victimes chaque fois qu'ils avaient
péché, et il n'y avait point de fin
à leurs sacrifices
(Hebr.
X, 1) : offrons de même
sans cesse à Dieu notre sacrifice, savoir
celui de l'Agneau sans défaut et sans tache
dont l'oblation unique a d'une seule fois
effacé toutes les transgressions, oui,
toutes les transgressions, si ce n'est celles que
nous commettrions volontairement
(Hebr.
X, 12, 26
; 1
Jean II, 2)
Oh ! renonçons à
nous-mêmes, à nos propres voies,
à notre volonté, pour suivre la
Parole et obéir à l'Esprit. Amen !
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |