Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

COMMENT L'ÂME FIDÈLE QUI CROIT ET SE CONVERTIT, REÇOIT SON ENTIER PARDON.

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L'âme qui s'approche du trône de la grâce avec une foi sincère au sacrifice du Rédempteur, reçoit l'entier pardon de ses péchés, qui se renouvelle chaque jour, et la justice de Christ, que Dieu lui offre dans l'Évangile, lui est imputée par la foi (Rom. III, 26).

Ce pardon a pour seule et unique cause le sanglant sacrifice de Christ qui a payé notre dette sur la croix, et le pécheur reçoit sa grâce sans la mériter en aucune manière. Si sa sentence de condamnation ne s'exécute pas, s'il peut être sans crainte et se réjouir, c'est uniquement parce que son Sauveur l'a racheté.

Telles sont les ineffables richesses de la grâce et de' la justice de Dieu (Eph. II, 7; III, 8). L'Éternel, oui, l'Éternel lui-même est notre justice (Jérémie XXIII). Il est notre berger; que pourrait-il nous manquer? Reconnaissons à la plénitude de la grâce, que nous sommes sur la bonne voie (Ps. XXIII).

C'est là la foi qui sauve, et en dehors de laquelle il n'y a que vains efforts, qu'erreurs et que chutes. Une voix nous crie sans cesse : « Venez, tout est prêt, voici une table chargée de nourriture au milieu même du désert. Le veau mas est tué ; l'enfant prodigue est revêtu d'un habit magnifique; il y a joie et pour lui et pour toute la maison du père. »

Au vent véhément, au tremblement de terre, au feu, a succédé un son d'une douceur inexprimable, qui est le signe de la présence du Seigneur, et qui annonce que Dieu est amour. Alors on se cache le visage, rempli de confusion et de joie, et l'on sent tout son néant, en même temps que la grandeur immense de la grâce divine. Noire Père céleste fait passer devant nous toute sa bonté, et les trésors inappréciables de son amour manifestés dans le sacrifice de son Fils. Le pêcheur repentant abhorre ses fautes et ses idolâtries; il rejette comme une chose honteuse les objets dont il se faisait une gloire, il se prosterne et il adore le Fils de la dilection éternelle que le Père lui révèle. Il s'écrie : « Seigneur, puisque j'ai maintenant trouvé grâce devant toi, demeure toujours avec moi. » Car il sait que si le Fils, l'Ange de la face, ne marche pas avec lui, il ne doit pas se mettre en route, car il n'arriverait pas au but ; mais l'Ange de la face, Celui qui est amour et gloire, Celui qui est le chemin, l'accompagne partout.

Nous avons acquis le droit de bourgeoisie dans les cieux, et l'héritage de tous les biens du ciel. Alors nous commençons notre voyage sur le chemin étroit, L'Agneau a vaincu pour nous; il ne nous reste qu'à aller prendre possession du bonheur qu'il nous a acquis. Déjà même nous sommes sur la montagne de Sion, dans la Jérusalem céleste (Hébr. XII), dont les faubourgs s'étendent jusques sur notre terre de misères et de larmes; nous marchons donc déjà dans le ciel dont nous sommes citoyens.

Nous ne voyons notre héritage que de loin, il est vrai; mais cela suffit pour nous encourager, et pour nous faire comprendre qu'étrangers ici bas (Héb. XI, 13), nous devons hâter le pas du côté de notre véritable patrie, où Jésus nous a préparé une habitation permanente, y étant entré avec son sang pour nous en ouvrir l'accès.
C'est de ce chemin qu'Esaïe a dit (XXXV, 8-10)

« Il y aura là un chemin qui sera nommé le chemin de la sainteté, et où ne passera point celui qui est souillé, » c'est-à-dire celui qui n'a pas été purifié dans le sang de l'Agneau ; et ce sentier sera tel que les insensés eux-mêmes ne pourront s'y égarer. Les rachetés du Seigneur y marcheront avec chants de triomphe, une joie éternelle sera sur leur tête. Jérémie (XXXI, 9-12) dit de même: « Ils seront arrivés en pleurant, mais je les, conduirai le long des ruisseaux, et par un droit chemin où leurs pieds ne broncheront point, et ils se réjouiront aux lieux les plus élevés de Sion. »

Illusions
. Mais craignons de nous abuser. Bien des gens se séduisent eux-mêmes, en s'appliquant faussement les promesses de Christ, alors qu'ils n'ont pas de repentance sincère de leurs péchés et qu'ils ne veulent pas les abandonner.

D'autres croient fermement que, Christ étant mort pour tous les hommes, ils ont part, eux aussi, aux fruits de son sacrifice, quoi qu'ils refusent de chercher auprès de lui la conversion et la vie de leur âme. Ils séparent ainsi ce que Dieu a joint, ne comprenant pas que la repentance et la régénération sont les grâces premières et nécessaires qu'il faut posséder et recevoir pour avoir part à la félicité des cieux.

Souvent aussi on s'abuse en se contentant d'examiner et d'étudier le mystère de la piété, et d'en parler, même avec feu, même avec profondeur, mais sans en faire l'expérience réelle et personnelle, sans avoir le coeur humilié et changé.

Enfin, et c'est une illusion fort commune, on pense avoir reçu foi et pardon, et cependant on n'approfondit point la vraie nature du salut et le véritable ordre de la grâce, on ne prête point une attention sérieuse à la Bible, on ne demande point du coeur à Dieu sa lumière et sa grâce.

Fausse paix
. Nous ne parlerons pas de nouveau de la fausse paix de ces âmes qui ne savent pas tout quitter pour prendre possession de l'héritage acquis, et qui vivent dans une sécurité trompeuse.

Nous avons la vraie foi, le vrai pardon. Mais nous reposerons-nous? penserons-nous n'avoir plus rien à faire ? Changerons-nous en paresse le doux repos que Dieu vient de nous accorder? Notre procès est gagné; ne prendrons-nous pas la peine d'aller recueillir l'héritage qui nous est dévolu? Il est beau de se reposer dans le sang de Christ, comme dit le cantique, mais il y a pour le peuple de Dieu un autre repos, une autre terre promise où nous devons nous rendre.

Même sur le Thabor, alors que le Père révèle le Fils à notre âme ravie, il ne faut pas se bâtir des tentes sur la terre. Nous devons suivre Jésus à Jérusalem, le voir souffrir et mourir pour nous, lui demander de nous faire aussi mourir au péché, et de là marcher vers Sion. Il nous en donnera certainement la force puisqu'il nous a obtenu par son sang le don du Saint-Esprit.

Les Israélites mangeaient l'agneau pascal debout et, ceints comme des voyageurs, et nous aussi nous sommes pèlerins. La cure de notre âme a commencé; la foi est le médecin, et chaque jour elle nous purifie, nous crucifie, nous fait mourir. Les combats et les épreuves se succèdent sans relâche. « Nous vous prions, disait saint Paul aux Corinthiens (2 Cor. VI, 1), de faire en sorte de n'avoir pas reçut la grâce de Dieu en vain; » c'est-à-dire, nous vous prions de faire un tel usage de voire foi qu'elle tourne à votre sanctification. Si vous êtes affranchis du péché et devenus serviteurs de l'Éternel par la grâce de Dieu en Jésus-Christ, vous recevrez du Seigneur la force de vous sanctifier, et vous obtiendrez à la fin la vie et le bonheur éternels (Rom. VI, 22).

Obstacles intérieurs
. Nous entravons nous-mêmes l'oeuvre de notre justification, soit quand nous perdons le sentiment de notre misère, ne voulons plus que la grâce divine soit toute gratuite, et cherchons en nous-mêmes une des causes ou la cause de notre pardon, soit quand nous ne trouvons plus de plaisir en Christ et son Évangile, et que nous cherchons ailleurs notre force et notre joie. S'il en est ainsi, nous nous rebuterons, et nous abandonnerons notre entreprise, lorsque les tentations, les épreuves, les chutes surviendront. Qui n'est pas uni au cep de qui seul procède la sève vivifiante, s'affaiblit bientôt, se décourage, se refroidit, et à la fin retourne décidément en arrière.

Conseils
. Portons donc sans cesse nos regards sur l'expiation qui a été faite du péché à la croix; envisageons-la avec humilité et reconnaissance, comme la seule cause du salut tout gratuit qui est accordé à ceux qui le demandent avec sincérité; en un mot ne voulons à jamais vivre que de grâce!

Tendons par la foi et le pardon à la sanctification, selon le conseil de saint Paul (2 Corinth. VII, 1) : « Ayant de telles promesses, nettoyons-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant notre sanctification dans la crainte du Seigneur. » Mais gardons-nous de placer secrètement notre joie et nôtre paix dans la sanctification. Ne la plaçons pas davantage dans les douces émotions de la grâce. Voilà comment on avance. joyeusement et courageusement à travers toutes les tribulations, en recevant chaque jour du Seigneur de nouvelles forces pour marcher et courir en avant (Esaïe XL 31). Oh ! que nous renoncions de tout notre coeur à nos propres justices pour l'amour de l'Éternel notre justice !


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CHAPITRE VI.


COMMENT L'ÂME JUSTIFIÉE EST MAINTENUE EN ÉTAT DE GRÂCE.


La repentance et la foi, voilà toute l'oeuvre de la grâce (Actes XX, 21) et tout le conseil de Dieu pour notre salut. Dans la repentance, on comparaît devant son Dieu comme devant un juge parfaitement saint et juste, et l'on se sent abaissé jusqu'aux enfers, parce qu'on ne voit pas alors clairement ce que Christ a fait pour nous. Mais par la foi l'on apprend à connaître le Sauveur doux et humble de coeur qui nous a réconciliés avec le Père, et l'on est rempli de joie et d'amour. Alors le vieil homme est détruit, et l'homme intérieur renouvelé de jour en jour (2 Cor. IV. 16).

Les premiers germes de la repentance et de la foi' sont déposés dans notre âme par la grâce prévenante, qui nous effraie par la loi, ou nous attire par l'Évangile. La loi condamne et fait mourir ; l'Évangile sauve et fait vivre. De même le sacrement du baptême tend à tuer le vieil homme, et celui de la cène à nourrir et fortifier le nouveau.

Moïse et Elie disparurent quand Jésus fut glorifié, et Jésus resta seul ; ainsi disparaissent les terreurs de la loi quand la foi arrive à l'âme. Cependant l'oeuvre de la repentance ne cesse pas quand le pardon a été accordé ; elle se continue, mais sous une forme évangélique; elle se change en une contrition journalière et en une connaissance de plus en plus profonde de notre insondable corruption. En même temps la foi s'enracine de plus en plus en Jésus-Christ crucifié. Les sarments doivent, pour produire du fruit, non seulement puiser, constamment du cep une sève nouvelle, mais encore être émondés : c'est-à-dire, le pardon de nos péchés ne suffit pas, il en faut la guérison.

La première oeuvre de l'Esprit de Dieu est d'humilier profondément les âmes par une vivante conviction de leur corruption, de les amener à une complète pauvreté d'esprit, et d'éveiller en elles la faim de la justice.

Sa seconde opération est de les amener à la foi par l'Évangile, de les dédommager magnifiquement par les immenses richesses de la grâce, des faux biens qu'elles ont abandonnés, et de les faire pénétrer toujours plus avant dans la pauvreté d'esprit et dans la foi. Car l'humiliation et la joie, la contrition et la paix, choses inconciliables aux yeux de la raison, subsistent et croissent en même temps dans le coeur du fidèle. « Je veux devenir encore plus petit, disait David, et être chétif à mes propres yeux » (2 Sam. VI, 22). « Les plus pauvres d'entre les hommes s'égaieront dans le Saint d'Israël » (Esaïe XXIX, 19).

Mais comment l'âme qui a reçu la vie nouvelle, sera-t-elle maintenue dans la grâce, et la grâce dans l'âme ? Comment le vin nouveau et les vaisseaux seront-ils conservés en bon état? (Matth. IX, 17.) Par une abondante mesure de l'esprit de Dieu, ou par l'onction (1 Jean II, 20). C'est l'onction qui nous scelle pour le jour de notre rédemption (2 Cor. I, 21. 22 ; Ephés. IV, 30).

Cette onction se manifeste de diverses manières dans l'âme du chrétien. Et d'abord, elle le reprend quand il s'égare ; elle le tient sous une salutaire discipline, elle lui montre toutes ses impuretés pour l'engager à s'en humilier chaque jour et à en chercher la délivrance.

Puis, elle lui accorde des douceurs et des bénédictions spirituelles, qui augmentent sa foi et lui donnent le courage et la force de résister aux tentations. Ces tentations de la chair et de Satan qui cherchent à nous pousser à l'incrédulité, au péché, à la sécurité charnelle, servent en définitif à nous éclairer, à nous purifier, à nous fortifier. Nous ne pouvons pas demander à Dieu de ne pas être attaqués : le soldat n'est pas enrôlé pour ne jamais combattre, et c'est en combattant qu'il s'exerce et s'aguerrit. Mais nous devons prier Dieu qu'il nous protège dans la lutte et nous donne la victoire, qu'il nous délivre de la chair, du monde et du Diable, et qu'il nous préserve de retomber sous le joug du péché. Toutefois, prenons garde de nous exposer témérairement au danger, et d'aller à la bataille sans en avoir reçu l'ordre. Être attaqué, ce n'est pas être vaincu. Les inconvertis sont dominés par le péché, ils sont ses esclaves volontaires. Les convertis sont assaillis par le péché, ils sont des combattans. Mais que le chrétien soit fidèle à l'ordre de son chef, qu'il veille et qu'il ne se laisse pas prendre au dépourvu; sinon il sera fait prisonnier.

L'onction divine nous enseigne ensuite à sonder les esprits, à ne pas tourner à tout vent de doctrine, à ne pas nous laisser séduire par les artifices des hommes (Ephés. IV, 14), et à croître en Celui qui est notre chef, savoir en Christ qui est le lien et l'âme de tous les membres de son corps. On ne peut que croître si l'on a véritablement la vie. Ah ! que Dieu nous garde d'être de ceux qui se laissent entraîner, et qui viennent à déchoir de leurs forteresses (2 Pier. III, 17) ! Pour éviter cet affreux malheur, avançons dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ (Ibid. 18) L'onction de l'Esprit nous apprendra à nous tenir collés à lui ; de peur que nous ne périssions, comme des sarments détachés du cep. - Oui, demeurons en Lui, afin que nous ne soyons pas confus, quand Il viendra (I Jean II, 28).

Enfin, l'onction sainte enseigne aux enfans de Dieu à se soutenir les uns les autres, à s'exhorter et à se fortifier mutuellement (Hebr. X, 25), à se tenir bien unis, et à se rappeler entr'eux qu'ils sont prêtres et rois et qu'ils doivent veiller à ne pas perdre leur couronne. De cette manière la vie des uns se communique aux autres; et tout le corps croît et prospère (Ephés. IV, 16). On se tend la main, on s'aide réciproquement. C'est ainsi que faisaient les premiers chrétiens.

Oh, que la communion des saints est accompagnée de grandes bénédictions! Quand les os secs ont repris la vie, ils tendent naturellement à se rapprocher, à se réunir, pour former un corps vivant et animé de l'Esprit du Seigneur (Ezech. XXXVII). L'église de l'amour fraternel, l'église de Philadelphie voyait la porte des cieux ouverte devant elle, et il lui était accordé des grâces excellentes. Nous avons éprouvé de nos jours quelque chose de semblable. Que Dieu nous donne de mettre toujours mieux en pratique le précepte de l'union des frères ! C'est par ce moyen que le corps de Christ prospère et s'augmente.

De l'état de chute. Il est des âmes qui sont retournées au monde, et qui continuent néanmoins à s'appuyer sur leur premier réveil et sur les grâces qu'elles ont reçues. Illusion déplorable; et, aussi, sérieuse leçon pour les âmes sincères. « Qui s'appuie sur le néant, abandonne sa grâce. » (Jonas II, 9.)

Le fidèle a de dangereux ennemis à combattre: la chair, le monde, et Satan. S'il n'y prend garde, il sera vaincu et retournera au monde.

Il ne vaincra pas, s'il ne fait pas un bon usage de la grâce qu'il a reçue. s'il ne vit pas dans une défiance et une vigilance continuelles contre sa corruption naturelle; s'il ne se détache pas du monde et des mondains, ne se sépare de la génération perverse (Acte II, 40) et ne sort du milieu d'eux (2 Cor. VI, 17); s'il ne veille et prie sans cesse, sachant que le lion rugissant, l'ennemi des âmes, rode toujours autour de nous; enfin, s'il fuit et évite la correction.

On commence déjà à retourner en arrière, quand on n'écoute plus avec docilité les salutaires répréhensions de l'Esprit de Dieu, quand on ne veut plus recevoir les conseils des autres chrétiens, et qu'on refuse de s'humilier. On tombe alors dans une sécurité charnelle et téméraire et dans une sorte de légèreté et d'indépendance, dispositions extrêmement dangereuses, et qui entraînent souvent le chrétien dans des démarches dont auparavant sa conscience aurait été épouvantée.

On retourne également en arrière quand on cesse de s'appuyer uniquement, avec l'abandon d'un enfant et de toute son âme, sur la miséricorde de Dieu en Jésus-Christ; on en revient aux propres efforts, travail inquiet et servile qui fatigue sans produire aucun bien. « Vous qui voulez être justifiés par la loi, vous êtes déchus de la grâce » (Gal. V, 4).

On déchoit enfin, quand on se lasse de faire usage des moyens d'édification, que l'on se dégoûte de lire la parole de Dieu, qu'on laisse la tiédeur et la paresse prendre le dessus et qu'on devient lâche à prier: Dieu n'agit que par des moyens. C'est par la nourriture qu'il conserve notre vie physique. De même aucune âme ne peut vivre sans la prière et la Parole de Dieu (Matth. IV, 4). Ajoutons qu'on amène et accélère sa chute en se retirant plus ou moins de la société des enfants de Dieu, et en entrant, sans y être appelé, en relations fréquentes avec les gens du monde. Pierre renia son maître quand il se fut hasardé au milieu de ses ennemis.

L'état de chute se manifeste par l'amour du monde et par l'amour de soi, auxquels le croyant laisse reprendre la domination sur son âme.

L'amour du monde : Nous nous abandonnons à d'indignes soucis sur ce que nous mangerons et boirons; nous nous livrons à l'avarice et au désir de devenir riches, qui nous détourne de la seule chose nécessaire, et qui nous fait tomber dans des pièges funestes, dans l'oubli de la foi et dans la perdition (1 Tim. VI). Qui aime la vie sensuelle, la vanité et les convoitises du monde, n'a pas l'amour du Père. Oh ! combien de gens qui s'engagent de nouveau aux souillures du monde (2 Pierre II)? Telle a été la chute d'Adam.

L'amour de soi : Nous nous laissons placer par Satan sur le sommet du temple; nous nous complaisons en notre spiritualité, en notre science, en nos beaux discours, et abandonnons la simplicité qui est en Christ (2 Cor. XI, 3); nous voulons être quelque chose et nous enorgueillissons de tous les genres possibles d'orgueil. Les plus beaux dons sont corrompus par la recherche de soi-même. Ne nous admirons pas nous-mêmes, ne nous regardons pas dans le miroir de notre propre vie ; ce serait livrer la forteresse à l'ennemi. Telle a été la chute de Lucifer. Et combien ne s'égarent pas pour suivre Satan (1 Tim. V, 15) ?

Nous tombons aisément dans ce piège terrible, quand trouvant le pur Évangile trop simple, nous désirons une nourriture plus recherchée, mais malsaine, et que nous lisons des ouvrages qui intéressent notre esprit et notre imagination plus qu'ils ne remplissent notre coeur de vérité, d'humilité et de foi, et qui nous enflent d'une vaine science. Christ doit croître, et nous, nous devons diminuer et devenir toujours plus pauvres et plus chétifs à nos propres yeux. Plus nous nous approcherons du Soleil de justice, et plus notre propre lumière pâlira et s'évanouira. Plus nous pénétrons avant dans la grâce, et plus nous sommes petits à nos yeux. Que Christ soit tout, et nous rien !

Signalerons-nous les fâcheux effets des chutes des fidèles. Leur second état est pire que le premier, que celui qui a précédé leur conversion. Satan revient avec sept esprits plus méchans (Matth. XII, 43-45), et plus la chute se prolonge, plus le mal empire.

On ne se relève que par une pénible conversion : saint Paul a dit de ces âmes déchues qu'il sentait de nouveau pour elles les douleurs de l'enfantement Gal. IV, 19).

Recouvre-t-on la grâce, on reprend rarement sa première place. Chaque membre du corps de Christ reçoit à sa conversion une place, une fonction quelconque dans l'Église, selon sa capacité; l'un est l'oeil, l'autre le pied, l'autre la main ; les fonctions sont différentes et plus ou moins glorieuses; mais chacun en a une à remplir. Quand nous avons eu le malheur d'abandonner notre poste, un autre l'occupe, et plus tard nous ne pouvons plus le reprendre.

Que chacun donc s'applique à conserver ce qu'il a, et à ne pas perdre sa couronne ! La grâce de Dieu qui t'échappe, est saisie par d'autres; les miettes que tu foules aux pieds, sont recueillie; avidement par tes frères. La chute des Juifs a été le salut des Gentils (Rom. XI). Le flambeau de l'Évangile passe d'un lieu dans un autre.

Apprenons à estimer toujours davantage Christ et son sacrifice; à désirer avec toujours plus d'ardeur le salut, à persévérer dans la pauvreté d'esprit. Heureux qui sent chaque jour le besoin de se nourrir de la Parole de Dieu. Ceux qui pensent l'avoir dépassée sont poussés par Satan.

Obéissons à la discipline de l'Esprit, ne le contristons pas, et apprenons à nous réjouir de ses châtimens.

Fuyons tout commerce avec le monde quand le devoir ne nous y appelle pas; nous nous en repentirions trop tard. Demeurons attachés à la doctrine apostolique, et en communion avec les fidèles dans la prière Actes II, 42).

Que rien ne nous fasse jamais dévier des sentiers de la pauvreté d'esprit et de la foi ; envisageons-nous toujours nous-mêmes comme les premiers des pécheurs, et abattons-nous sans cesse, avec ceux qui viennent de se réveiller de leur sommeil de mort, aux pieds de l'Agneau immolé pour nous. Ne doutons pas de la puissance de la grâce : le Sauveur ne se laissera pas enlever une seule de ses brebis; s'il en est qui se perdent, c'est qu'elles veulent fuir loin de lui, et avant qu'elles le fuient elles reçoivent de nombreux avertissemens. Entrer dans la communion journalière de la mort et des souffrances de Christ (Phil. III, 10; Rom. VI); mourir à tout pour ne vivre qu'à Dieu : tel est le but qui s'offre à nous depuis notre réconciliation.

Que le sentiment de notre misère ne nous pousse pas à l'incrédulité! Apprenons au contraire à croire fermement à la grâce, du sein même de notre misère ; comment d'ailleurs triompher du péché si ce n'est par la foi ? Ne confondons pas les tentations avec le péché même ; elles peuvent assaillir notre foi, mais elles ne doivent pas nous l'enlever. Et quant aux fautes que nous commettons contre notre volonté, elles appellent et provoquent un repentir sincère, mais ne détruisent pas la grâce, ni donc notre foi, car elles ont été toutes payées avec les autres. Qu'elles nous poussent bien plutôt vers Christ, et nous fassent admirer toujours plus les richesses indicibles de sa grâce. Les Juifs immolaient des victimes chaque fois qu'ils avaient péché, et il n'y avait point de fin à leurs sacrifices (Hebr. X, 1) : offrons de même sans cesse à Dieu notre sacrifice, savoir celui de l'Agneau sans défaut et sans tache dont l'oblation unique a d'une seule fois effacé toutes les transgressions, oui, toutes les transgressions, si ce n'est celles que nous commettrions volontairement (Hebr. X, 12, 26 ; 1 Jean II, 2)

Oh ! renonçons à nous-mêmes, à nos propres voies, à notre volonté, pour suivre la Parole et obéir à l'Esprit. Amen !

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