Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

COMMENT L'ÂME INSTRUITE DE LA VÉRITÉ, REÇOIT UNE CONVICTION VIVANTE DE SA CONDAMNATION ET COMMENCE À SE CONVERTIR.

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 Jusques ici la grâce n'a travaillé au coeur de l'homme que du dehors; elle n'a cherché encore qu'a le préparer à devenir un vase saint. Mais si l'on fait un bon usage des moyens de salut, à la grâce qui prévient et prépare, s'ajoute la grâce qui convertit. Celle-ci agit dans le coeur même et lui donne un sentiment profond de sa misère. Il y a là déjà miséricorde, et cependant ce n'est encore qu'un acheminement à la rédemption; c'est un collyre que l'Esprit applique sur nos yeux; c'est la première de ses opérations au dedans de nous. Nous avons beau savoir bien des choses, tant que nous n'avons pas vu et senti notre misère, notre pauvreté, notre nudité, notre condamnation, nous ne sommes point convertis. L'évêque et les autres chrétiens de Laodicée étaient probablement fort instruits, mais cela ne leur servait de rien. Il fallait pour leur salut qu'ils apprissent à connaître et à sentir leur triste état spirituel.

L'Esprit saint vient en nous avec sa lumière, sonder tous les coins et recoins du coeur, balayer la maison et chercher la drachme qui était perdue.

Jésus met la boue de nos péchés sur nos yeux, avant de nous dire : « Va te laver au réservoir de Siloë, à la fontaine du Messie, dans le sang de l'Agneau. »
Alors Jésus ouvre la porte fermée de notre coeur , qui, dans le sentiment de sa misère, soupire après lui et le voit venir avec joie. Le coeur de pierre est amolli.
Alors la brebis perdue est retrouvée, le pécheur saisi par Christ; et il y a là pour les anges un sujet de grande joie; car les disciples du Sauveur sur la terre comptent un frère de plus.

Mais cette âme ne sait pas encore elle-même où elle en est. Elle se voit condamnée et perdue. Réveillée en sursaut de son profond assoupissement, elle s'aperçoit qu'elle est vendue au péché, incapable d'aucun bien, ennemie de Dieu, hors d'état par elle-même de se donner la foi et de venir à Jésus: ce qu'auparavant elle ne voulait pas croire.
Sa manière de juger de toutes les choses, est entièrement changée; elle voit d'un autre oeil le monde et ses vanités, Dieu et l'éternité, et son langage est tout différent.
Elle est délivrée des liens de Satan et rentrée dans son bon sens; elle n'est plus ensorcelée par les illusions de la propre justice (Gal. III, 1). Sa bonté, sa piété d'autrefois lui apparaissent comme des fleurs fanées ; le souffle de Dieu les a fait sécher (Esaïe XL, 7). Car devant les pas de l'Éternel. notre justice, marche un vent véhément qui renverse les montagnes orgueilleuses et qui brise les durs rochers. Il se fait précéder d'un tremblement de terre qui bouleverse les fondemens mal posés et détruit les appuis trompeurs. Il y a devant lui un feu qui consume les oeuvres et les désirs de la chair. Mais le Sauveur lui-même n'est pas encore dans toutes ces choses (1 Rois XIX). Il fait mourir avec douleur la propre justice et il détruit l'édifice de l'homme, avant de venir prendre place dans son coeur et d'y bâtir un saint temple.

Auparavant l'homme ne connaissait pas le danger de sa position; maintenant il le voit avec terreur! Ses péchés, son méchant coeur, la colère de Dieu qui plane sur les impénitens, la mort, le jugement, l'éternité, mais avant tout cela la patience, la longanimité et la bonté du Seigneur : tels sont présentement les objets de ses réflexions habituelles et le sujet de ses discours.

C'est alors que le vieil homme reçoit sa première blessure mortelle; la loi le frappe sans pitié. Il faut que l'âme traverse la porte étroite; il faut qu'elle éprouve les douleurs de l'enfantement; Israël sort d'Égypte et Loth de Sodome; l'enfant prodigue revient avec repentance vers son père; Pierre, accablé du regard de son Maître, verse des larmes amères.

C'est par ce douloureux sentiment de notre misère que le Père attire les âmes au Fils. Il les lui donne; elles viennent à lui et le Fils ne les met point dehors Jean VI, 37).

Illusions
. Mais gardons-nous de prendre pour la conversion ce qui ne l'est point.

Pour être converti il ne suffit pas de faire un usage de plus en plus diligent des moyens de grâce.
Il ne suffit pas de renoncer aux péchés grossiers, en se persuadant que la moralité extérieure est le signe d'un coeur régénéré, et en méconnaissant son état intérieur devant Dieu et la spiritualité de la loi du Seigneur.
Il ne suffit pas non plus d'avoir la conviction générale que nous sommes tous pêcheurs, tandis qu'on ne voit, ni ne déplore ses péchés propres, qu'on ne sent point avec force la plaie profonde de son âme, et qu'on n'éprouve aucune inquiétude.

D'autres prennent pour leur conversion de passagers sentimens de repentance, et les pleurs qu'ils ont versés de loin en loin sur leurs péchés; ou bien ils ont dans la bouche les mots de repentance et de pauvres pécheurs, mais sans contrition ni soif de grâce.

On peut aussi déplorer quelques-uns de ses péchés, mais non pas tous. Ou l'on se repent de ses actes isolés de péchés, sans reconnaître la dépravation absolue de sa nature.
Mais un plus grand mal encore, c'est l'hypocrisie qui fait qu'on cache ses transgressions, qu'on ne veut pas passer pour ce que l'on est, qu'on refuse de subir la honte qu'on a méritée et qu'on s'obstine à ne pas confesser ses misères, ni à Dieu, ni aux hommes. Dans un tel état on est bien près de l'endurcissement.

Ce qui est aussi fort dangereux, c'est de ménager en soi quelque penchant favori, tout en reconnaissant qu'il est mauvais ; on tombe alors dans le péché de Racan qui voulait conserver ce que Dieu lui avait ordonné de détruire; on dit : Seigneur, Seigneur, et cependant ou refuse d'obéir au Seigneur. On enfouit l'interdit au milieu de sa tente, mais il ne peut y rester caché ( Josué VII ). On cherche même à la fin à se faire illusion et à se persuader que les choses qu'on désire ne sont pas défendues, et qu'il n'y a pas là du mai comme on le pensait. Si le Seigneur ne vient mettre à nu notre péché , nous risquons alors de nous perdre. Car là où le péché est dissimulé, il règne en maître, et là où il règne, il aveugle de plus en plus, rend le coeur insensible, endort et tue la conscience.

Je ne parle pas de l'erreur grossière de ceux qui pensent que les juifs et les payens seuls ont besoin de se convertir. Ces hommes sont morts à toute vie spirituelle, ils sont dans une rébellion complète contre Dieu et contre sa Parole, bien que souvent ils prétendent avoir la foi et taxent d'hérésie ceux qui insistent sur la nécessité de la régénération. O, que le coeur humain est rebelle , et qu'il lui en coûte de se soumettre à Dieu (Rom. VIII, 7) !

Obstacles intérieurs
. Les âmes véritablement touchées du sentiment de leurs péchés ont plusieurs écueils à éviter. Et d'abord, qu'elles se gardent de vouloir fixer elles-mêmes la mesure de tristesse qu'elles doivent éprouver. Tantôt leur affliction leur est trop grande, tantôt trop petite ; tout cela est encore de la propre volonté. Il faut s'abandonner à la conduite de l'Esprit de Dieu et faire attention, moins à la grandeur qu'à la sincérité du repentir qu'on a d'avoir offensé Dieu.

D'autres âmes ont trop peur de souffrir; elles voudraient être tirées d'angoisse à l'instant même où elles la sentent; et elles refusent d'attendre l'heure fixée par le Seigneur pour la délivrance.

Mais il ne faut pas non plus se plaire pour ainsi dire dans ses douleurs et rejeter toute consolation, en se faisant de son repentir, de ses larmes et du sentiment de sa misère, une sorte de base bien fausse du salut, ou en se livrant à une timidité incrédule qui empêche de recevoir l'Évangile et d'aller avec simplicité de foi prendre, dans les mains percées du Sauveur, les dons qu'il a préparés aux hommes.

Nombre de personne veulent s'aider à se sauver, soit en satisfaisant à la loi, soit en se parant pour aller à Christ et en voulant lui apporter quelques vertus, plutôt que de tout recevoir de lui en pure grâce. Vouloir être pieux et bon sans Jésus, sans avoir éprouvé sa grâce et son pardon, est une rude entreprise. Ah! pourquoi ne pas venir directement au Sauveur?

D'autres s'arrêtent à leurs bonnes résolutions de mieux vivre à l'avenir; mais il ne sort aucun fruit de ces engagemens, qui sont néant et vanité, tant qu'on ne va pas à Christ avec le sentiment de son impuissance absolue

Quelques-uns se contentent d'une certaine amélioration dans leur conduite, et y cherchent même leur justice sans se l'avouer; ils se tiennent ainsi éloignés du Seigneur, qui d'ordinaire vient renverser leur édifice et les humilier de nouveau. La propre justice est fille de l'incrédulité ; elle inspire de l'orgueil et une fausse confiance aux impénitens et rend leur conversion difficile; et quant aux pénitens sincères, elle les tourmente, elle les détourne de la foi, elle leur rend le chemin long et difficile.

Les pasteurs doivent prendre garde d'adresser à la loi plutôt qu'à Christ les âmes travaillées et chargées, et de leur parler de sanctification avant de leur avoir parlé de grâce. Il ne faut pas battre ceux qui cherchent le Seigneur, comme les gardes battaient la Sulamithe, ni écarter les enfans que le Sauveur appelle à lui.

Les obstacles que les âmes réveillées mettent à leur conversion, peuvent être tels qu'elles courent le risque, non seulement de l'entraver, mais de la rendre impossible.

Tels sont ceux qui cherchent à justifier et à conserver quelque partie de leurs péchés et de leurs convoitises, qui ont une bonne opinion d'eux-mêmes, qui ne veulent pas croire que le sang de Christ seul peut les sauver, et repoussent la pensée de leur entière incapacité spirituelle et de leur complète condamnation.

Tels encore ceux qui cherchent à se défaire le plus vite possible du sentiment de leurs péchés, et qui, voulant trop vite se consoler, se livrent à la légèreté et à des distractions mondaines, ayant peur, non pas du péché lui-même, mais de la vue angoissante de leur misère.

Tels aussi ceux qui regrettent les viandes de l'Égypte, qui tournent la tête du côté de Sodome, qui ne veulent, comme Ananias, donner au Seigneur qu'une partie de ce qu'ils possèdent, ils ne renoncent pas à tout pour Christ, et combien d'entre eux ne retournent pas, hélas, au monde et à leur première sécurité?

Obstacles extérieurs. Les âmes repentantes doivent éviter avec soin la société des mondains, qui cherchent à leur enlever leur tristesse selon Dieu. Le profane Ésaü persécute toujours le pieux Jacob, qui lutte avec l'Éternel pour obtenir sa bénédiction.

Ces âmes doivent également prendre garde de se distraire en s'occupant d'un grand nombre de choses qui ne sont point nécessaires, et qui sont autant d'épines qui étouffent la bonne semence et l'empêchent de produire des fruits. On s'éloigne ainsi peu à peu du Sauveur qui vous devient indifférent. Et alors il faut recommencer par le premier bout, si même, ce qui arrive, hélas, quelquefois, on ne reste pas tout-à-fait et pour toujours en arrière.

Conseils
. D'abord prêter une oreille attentive à la Parole de Dieu, soit qu'elle nous parle de péché, soit qu'elle nous annonce la grâce. Puis, s'abandonner avec foi et confiance à la grâce divine; la laisser opérer et travailler en nous, ne se refuser à sonder aucune plaie, demander un coeur contrit et brisé. Donner au mal sans hésiter la lettre de divorce; renoncer de coeur à tout ce qui peut nuire à notre salut, ne garder aucun interdit, fuir toute fausseté et toute hypocrisie. Enfin, renoncer à toute propre justice et à tout travail de notre propre fond, ne baser notre salut sur nos pleurs de repentance, ni sur les changemens qui ont eu lieu en nous, chercher auprès de Dieu grâce et pardon, et être bien convaincu qu'en toutes choses Dieu ne veut que notre bien. Il est utile aussi de rechercher les conseils et les directions de pasteurs fidèles et expérimentés qui savent conduire les âmes à Jésus. Une fausse honte empêche bien des gens de le faire, et c'est la cause de beaucoup d'écarts. Mais surtout allons directement et avec une foi simple et cordiale au Seigneur Jésus, apportons-lui nos péchés, nos infidélités, nos angoisses, et demandons sans cesse sa grâce et sa paix. Allons à lui « fatigués » de nos vains efforts de nous sauver nous-mêmes, et « chargés » du poids de Dos péchés.

Ah! que nous renoncions au péché et à l'amour du péché par la vertu du sang de Christ, qui nous a aimés jusqu'à mourir sur la croix pour nous!,


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CHAPITRE IV.


COMMENT L'ÂME CONTRITE ET AVIDE DE GRÂCE ARRIVE À LA VRAIE FOI ET ACHÈVE SA CONVERSION.


Quand une âme sent véritablement sa misère, quand elle se voit dénuée de tout bien et de toute justice personnelle; quand, éclairée sur sa triste position, elle soupire après la justice de Dieu dont Jésus revêt les croyans, l'Esprit saint verse bientôt dans sa lampe l'huile de la joie. Il lui donne la foi et la vie, et il la met au nombre des saints, des vierges sages, des membres de la vraie Église qui est l'épouse de Christ.

La foi comprend trois choses : connaître par le coeur son Sauveur, avoir faim et soif de la grâce et se nourrir de la Parole.

En premier lieu, le croyant apprend à connaître le Sauveur Jésus, non plus simplement d'une manière historique et spéculative, mais en effet et en vérité; il sent son coeur réchauffé et embrasé, et il ne veut plus vivre que pour Celui qui est mort pour lui. Il voit si clairement la vérité et l'importance de la rédemption, qu'il est prêt à tout quitter, à tout sacrifier pour conserver cette perle de grand prix.

En même temps, il est avide de la grâce et de la justice ; il désire la connaître et la goûter toujours mieux. Il cherche partout et demande à chacun Celui que son coeur aime. Et quand il l'a trouvé, quand il a goûté combien le Seigneur est doux, il est rassasié et a cependant faim ; il a tout en abondance, et sa faim ne fait qu'augmenter.

Enfin le croyant se nourrit par la foi du pain de vie qui le restaure et le fortifie. Son âme éprouve un bien-être intime, un repos profond dans le doux sentiment de sa réconciliation avec Dieu, et par fois même un ravissement céleste à la vue des richesses de la grâce qui sont en Christ.
Ces trois élémens de la foi se trouvent chez tous les fidèles, même chez les plus faibles, mais non au même degré.

À la connaissance du péché succède donc dans une âme éclairée par l'esprit de Dieu, la connaissance vivante de Dieu en Christ (2 Cor IV, 6), trésor inappréciable qu'elle porte, il est vrai, dans un fragile vase de terre (ibid. 7), mais qui la rend si heureuse qu'elle envisage tout le reste comme de la boue (Phil. III). Elle avance dans cette connaissance par la lecture de l'Évangile et des Prophéties. L'Étoile du matin, le Soleil de justice dissipe peu à peu ses ténèbres et la comble chaque jour de nouvelles lumières (2 Pierre, I, 19).

Elle a passé par la porte étroite; elle a comparé devant la justice divine; elle y a entendu avec terreur sa condamnation. Mais elle en a appelé avec larmes au trône de la grâce, au sang expiatoire de Jésus (Hébr. IV, 16), et elle apprend à connaître maintenant le grand prêtre qui s'est sacrifié pour la sauver et qui intercède pour elle, et elle ressent pour lui un amour et une confiance absolus.

Elle accomplit fidèlement le premier des commandemens, qui se présente à elle avec un sens nouveau: «Tu n'auras pas d'autres dieux, d'autres aides, d'autres sauveurs devant ma face.» Elle ne cherche plus de secours qu'auprès de Christ; elle ne connaît plus de Dieu que celui qui lui a fait grâce par Jésus. En elle s'accomplit cette promesse du Seigneur : « Tu ne courras plus après les Dieux étrangers, tu ne t'appuieras plus sur des roseaux cassés. » La vue de sa profonde misère lui a appris combien elle-même et toutes les créatures sont impuissantes à lui aider - elle a vu que le Rédempteur seul peut délivrer l'âme de la mort éternelle; et c'est ainsi qu'elle rend à Dieu la plus grande gloire qu'il puisse recevoir, de l'homme (Rom. IV, 20). Oh! que c'est une chose admirable que de voir un pécheur misérable et perdu, reprendre par Christ, Christ seul, confiance en Dieu, en son juge, qui n'est plus pour lui qu'un père miséricordieux et dont les regards irrités ne parlent plus en Christ que d'amour! Les doux rayons du' soleil de grâce succèdent aux foudres qui tonnaient sur celte tête criminelle, et les flancs percés du Christ sont pour cette âme une ville de refuge dans la détresse et comme la porte par laquelle le Saint-Esprit l'introduit dans les cieux. La pécheresse sauvée repose assise aux pieds de Jésus; l'enfant prodigue est rentré dans la maison du père; Loth qui ne se croyait pas même en sûreté à Tsohar, habite sur la montagne; l'Israël spirituel mange l'agneau pascal pour détourner de soi l'ange exterminateur, et passe la mer Rouge avec chant de triomphe. Une nouvelle vie, une nouvelle naissance commencent en cette âme.

Illusions
. Mais que ceux-là prennent garde à eux, qui, sans repentance véritable, sans désir sincère d'être délivrés du péché, s'imaginent avoir la foi parce qu'ils ont le système évangélique imprimé dans leur esprit et qu'ils l'envisagent comme la vérité, quoiqu'ils n'en soient pas véritablement touchés. La foi n'est pas réelle quand elle ne commence pas par la repentance, quand elle ne repose pas uniquement sur Christ, quand enfin elle n'est pas suivie de la sanctification.

Les gens qui prétendent avoir la foi et qui n'éprouvent aucune douleur sincère et profonde de leur corruption, n'entrent pas par la vraie porte. Ils s'imaginent croire en Christ, ils se consolent par cette pensée, mais ils se font illusion. Ils n'ont point de part au pain réservé aux malheureux qui ont faim et soif de la justice; ils sont comme ceux qui rêvent qu'ils mangent, et qui cependant demeurent vides et affamés. Leur. confiance aux mérites de Christ n'est qu'une vaine idée; ce ne sont que des mots par lesquels ils cherchent à se tranquilliser tout en vivant dans le péché.

La foi de plusieurs n'a pas pour base Christ et sa croix sanglante, et ne peut être la vraie foi. C'est se confier en Dieu sans l'intermédiaire de Christ; c'est ignorer la sainteté et la justice de Dieu. Les inconvertis eux-mêmes peuvent se convertir à Dieu pour leurs besoins temporels; ils ne lui demandent son secours que pour cette terre, le ciel ne peut leur manquer. J'ai connu aussi des gens qui, par tempérament, étaient courageux, hardis, et qui prenaient leur aveuglement spirituel et leur présomption pour une bonne et vraie foi. D'autres s'appuient plus ou moins sur leurs connaissances religieuses, leur honnêteté, leurs bonnes oeuvres ; « ils ne sont pas d'ailleurs de grands pécheurs comme tels et tels ; le bon Dieu leur fera grâce pour l'amour de Christ et leur pardonnera. «Mais c'est associer son oeuvre à celle de Christ, c'est au fond vouloir se sauver par sa propre justice, et n'y ajouter celle de Christ que par habitude et pour lui faire honneur. Malheur à l'homme qui se confie en l'homme. (Jérémie XVII, 5). Placez votre confiance en Dieu seul, ayez de la confiance dans ses enfans, mais ne vous fiez en aucune manière à votre propre coeur qui est trompeur par dessus toutes choses.

Enfin la foi est fausse qui ne produit pas de fruits. Combien de gens qui disent qu'ils croient, et qui cependant tournent la grâce de Dieu en dissolution, soit qu'ils n'aient jamais éprouvé de sentiment de piété, soit qu'ils aient étouffé en eux la bonne semence ! La véritable foi, qui commence par une profonde contrition, s'humilie chaque jour du péché qui reste en elle, et elle cherche sincèrement la délivrance. Sans conviction de péchés, point de foi. Du temps de Jésus bien des gens le suivaient auxquels toutefois il ne se fiait point, parce qu'il connaissait leurs dispositions et parce qu'il savait que leur foi n'était qu'une illusion.

Obstacles intérieurs
. Les âmes repentantes nuisent à leur avancement dans la foi et dans la grâce, en n'acceptant pas avec simplicité les promesses de Dieu, en exigeant des assurances de salut extraordinaires, en refusant toute nourriture spirituelle, si elles n'en sentent pas la douceur, ou en voulant goûter les douceurs de la grâce avant d'en avoir une vraie faim, avant de croire, comme si l'expérience pouvait précéder la foi.

D'autres ne savent pas pénétrer toujours plus avant dans la grâce par des prières sérieuses et persévérantes; elles se lassent de chercher et de heurter à la porte, elles laissent se perdre en elles la faim et la soif de la justice.

Celles-ci sont retenues loin de Christ par leurs misères et leur indignité, qui devraient les pousser vers lui; elles ne veulent croire que lorsqu'elles ne sentiront plus de péchés en elles; la foi, selon elles, doit suivre la purification du coeur, ce qui est en opposition avec Actes XV, 9.

Celles-là ne savent pas avoir les yeux invariablement fixés sur la rédemption par le sang de Christ; elles regardent ailleurs, ou cherchent une autre nourriture que Christ : « Où trouverons-nous, disent-elles, du pain dans ce désert. »

C'est ainsi qu'on se tient éloigné et se prive volontairement de la grâce divine. Mais il est d'autres manières encore d'entraver l'oeuvre de l'Esprit saint en nous. Il est des âmes qui recherchent et poursuivent et possèdent la foi, mais qui se la rendent difficile et pénible par leur propre faute.

Je ne parlerai pas de nouveau de ceux qui, sans se l'avouer, veulent se sauver par leurs oeuvres en même temps que par la foi. Mais il y en a qui s'engagent dans un rude et infructueux combat contre le péché, dont ils veulent triompher par la loi et par leurs propres forces, et non en fuyant vers Jésus ; chacune de leurs défaites leur Ôte tout courage et les abat entièrement.

Quelques-uns veulent devancer la grâce, et obliger Dieu à la leur accorder, à force d'exercices de piété, d'inquiétudes et d'agitations.

Les uns (et je ne dis ceci qu'à ceux qui sont profondément affligés de leurs péchés), les uns s'exagèrent leurs fautes, et ne savent pas élever leurs regards, des morsures que leur a faites le serpent, à Celui qui lui a écrasé la tête.

Les autres ne regardent au contraire qu'à leurs bonnes oeuvres, au bien qu'ils croient voir en eux, comme si Jésus-Christ n'était pas le chef et le consommateur de leur foi auquel seul ils devraient regarder (Hebr. XII, 2).

Plusieurs enfin ne veulent croire qu'à condition de comprendre; mais la raison est du domaine de la terre et c'est la foi seule qui atteint aux cieux.
À la croix ! à la croix !

Obstacles extérieurs
. Certains livres et certains docteurs arrêtent le chrétien dans sa marche, en lui parlant toujours de sanctification et de renoncement, sans lui en indiquer clairement les moyens, et sans lui répéter qu'il ne peut rien hors de Christ, hors de la foi en son sacrifice. Tant que le tabernacle de la loi subsista, les lieux saints ne furent pas accessibles au peuple (Hebr. IX, 8).

D'autres docteurs, d'autres écrits plus nuisibles encore, sont ceux qui détournent de Jésus-Christ les âmes altérées et les conduisent dans le désert sans eaux (Esaïe XXXII, 6), qui ne bâtissent point sur la seule pierre angulaire, sur Jésus le rédempteur. Science, dons miraculeux, vie austère et sainte, sans le sang de Jésus, seront trouvés trop légers sur la balance de Dieu, tandis que le dernier des pécheurs qui a saisi par la foi le sang de Jésus, sera sauvé. Voila pourquoi la connaissance de Jésus-Christ est nommée insondable (Phil. III, 8).

Conseils
. Que le vrai fidèle soit persévérant, qu'il prie sans cesse. Semblable à la femme cananéenne, qu'il ne se laisse point rebuter, lors même qu'il n'obtient pas sur-le-champ ce qu'il désire.

Qu'il laisse la foi agir en lui sans la troubler par une fausse activité ; qu'il l'accepte comme un pur don, qu'il l'attende avec foi et qu'il ne la repousse pas. Quand Jésus voulut rassasier le peuple dans le désert, il le fit asseoir et attendre paisiblement la distribution du pain. Ce n'est pas paresse chez le fidèle, c'est exercice de foi.

Que le fidèle apprenne à croire en dépit de son excessive pauvreté, et à s'appuyer fermement sur le salut acquis par le sang de Christ, et sur les promesses de sa parole.

Qu'il ne connaisse autre chose que Christ et Christ crucifié; qu'il soupire après lui, qu'il recherche avidement le pur lait de son Évangile, jusqu'à ce qu'il ait goûté combien le Seigneur est bon.

Qu'il se contente en commençant des plus petites miettes qui tombent de sa table ; qu'il lui suffise de recevoir assez de nourriture pour soutenir sa vie, et qu'il attende avec patience le moment où il pourra lui être accordé davantage. Les oeuvres de Dieu commencent petitement, et finissent éclatantes et glorieuses. La raison humaine veut tout comprendre et tout embrasser de prime abord. Mais la foi se contente de ce que Dieu veut lui donner. Elle n'envie pas les dons des autres ; elle ne cherche pas par ses propres efforts, à arriver au point où ils sont. Elle jouit avec actions de grâces de ce qu'elle a reçu, et elle se confie en Dieu pour qu'il la fortifie et la fasse grandir au milieu du désert de ce monde. Elle reçoit Jésus tel qu'il est, c'est-à-dire comme le Sauveur unique et parfait des âmes. Elle se donne tout entière et sans restriction à lui, et alors elle peut dire avec la Sulamithe : «Mon ami est à moi et je suis à lui, » et elle fait la douce expérience de toutes les bénédictions qui lui sont promises. Dieu veille sur elle jusques dans les plus petits détails de la vie, et lui donne la victoire sur le monde., Ah! que notre bon Dieu nous donne cette foi si précieuse! Qu'il nous accorde de renoncer à tous nos doutes. a toute défiance de ses promesses, et à embrasser de tout notre coeur l'Évangile éternel de son Fils ! Amen !

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