Jusques ici la grâce n'a
travaillé au coeur de l'homme que du dehors;
elle n'a cherché encore qu'a le
préparer à devenir un vase saint.
Mais si l'on fait un bon usage des moyens de salut,
à la grâce qui prévient et
prépare, s'ajoute la grâce qui
convertit. Celle-ci agit dans le coeur même
et lui donne un sentiment profond de sa
misère. Il y a là déjà
miséricorde, et cependant ce n'est encore
qu'un acheminement à la rédemption;
c'est un collyre que l'Esprit applique sur nos
yeux; c'est la première de ses
opérations au dedans de nous. Nous avons
beau savoir bien des choses, tant que nous n'avons
pas vu et senti notre misère, notre
pauvreté, notre nudité, notre
condamnation, nous ne sommes point convertis.
L'évêque et les autres
chrétiens de Laodicée étaient probablement fort
instruits,
mais
cela ne leur servait de rien. Il fallait pour leur
salut qu'ils apprissent à connaître et
à sentir leur triste état
spirituel.
L'Esprit saint vient en nous
avec sa
lumière, sonder tous les coins et recoins du
coeur, balayer la maison et chercher la drachme qui
était perdue.
Jésus met la boue de nos
péchés sur nos yeux, avant de nous
dire : « Va te laver au réservoir de
Siloë, à la fontaine du Messie, dans le
sang de l'Agneau. »
Alors Jésus ouvre la porte
fermée de notre coeur , qui, dans le
sentiment de sa misère, soupire après
lui et le voit venir avec joie. Le coeur de pierre
est amolli.
Alors la brebis perdue est
retrouvée, le pécheur saisi par
Christ; et il y a là pour les anges un sujet
de grande joie; car les disciples du Sauveur sur la
terre comptent un frère de plus.
Mais cette âme ne sait pas
encore elle-même où elle en est. Elle
se voit condamnée et perdue.
Réveillée en sursaut de son profond
assoupissement, elle s'aperçoit qu'elle est
vendue au péché, incapable d'aucun
bien, ennemie de Dieu, hors d'état par
elle-même de se donner la foi et de venir
à Jésus: ce qu'auparavant elle ne
voulait pas croire.
Sa manière de juger de toutes
les choses, est entièrement changée;
elle voit d'un autre oeil le monde et ses
vanités, Dieu et l'éternité,
et son langage est tout
différent.
Elle est délivrée des
liens de Satan et rentrée dans son bon sens;
elle n'est plus ensorcelée par les illusions
de la propre justice
(Gal.
III, 1). Sa bonté, sa
piété d'autrefois
lui apparaissent comme des fleurs fanées ;
le souffle de Dieu les a fait sécher
(Esaïe
XL, 7). Car devant les
pas de l'Éternel. notre justice, marche un
vent véhément qui renverse les
montagnes orgueilleuses et qui brise les durs
rochers. Il se fait précéder d'un
tremblement de terre qui bouleverse les fondemens
mal posés et détruit les appuis
trompeurs. Il y a devant lui un feu qui consume les
oeuvres et les désirs de la chair. Mais le
Sauveur lui-même n'est pas encore dans toutes
ces choses
(1
Rois XIX). Il fait mourir avec
douleur la propre justice et il détruit
l'édifice de l'homme, avant de venir prendre
place dans son coeur et d'y bâtir un saint
temple.
Auparavant l'homme ne
connaissait
pas le danger de sa position; maintenant il le voit
avec terreur! Ses péchés, son
méchant coeur, la colère de Dieu qui
plane sur les impénitens, la mort, le
jugement, l'éternité, mais avant tout
cela la patience, la longanimité et la
bonté du Seigneur : tels sont
présentement les objets de ses
réflexions habituelles et le sujet de ses
discours.
C'est alors que le vieil homme
reçoit sa première blessure mortelle;
la loi le frappe sans pitié. Il faut que
l'âme traverse la porte étroite; il
faut qu'elle éprouve les douleurs de
l'enfantement; Israël sort d'Égypte et
Loth de Sodome; l'enfant prodigue revient avec
repentance vers son père; Pierre,
accablé du regard de son Maître, verse
des larmes amères.
C'est par ce douloureux
sentiment de
notre misère que le Père attire les
âmes au Fils. Il les lui donne; elles viennent à
lui et le
Fils ne les met point dehors Jean
VI, 37).
Illusions. Mais gardons-nous de
prendre pour la conversion ce qui ne l'est
point.
Pour être converti il ne
suffit pas de faire un usage de plus en plus
diligent des moyens de grâce.
Il ne suffit pas de renoncer aux
péchés grossiers, en se persuadant
que la moralité extérieure est le
signe d'un coeur
régénéré, et en
méconnaissant son état
intérieur devant Dieu et la
spiritualité de la loi du
Seigneur.
Il ne suffit pas non plus
d'avoir la
conviction générale que nous sommes
tous pêcheurs, tandis qu'on ne voit, ni ne
déplore ses péchés propres,
qu'on ne sent point avec force la plaie profonde de
son âme, et qu'on n'éprouve aucune
inquiétude.
D'autres prennent pour leur
conversion de passagers sentimens de repentance, et
les pleurs qu'ils ont versés de loin en loin
sur leurs péchés; ou bien ils ont
dans la bouche les mots de repentance et de pauvres
pécheurs, mais sans contrition ni soif de
grâce.
On peut aussi déplorer
quelques-uns de ses péchés, mais non
pas tous. Ou l'on se repent de ses actes
isolés de péchés, sans
reconnaître la dépravation absolue de
sa nature.
Mais un plus grand mal encore,
c'est
l'hypocrisie qui fait qu'on cache ses
transgressions, qu'on ne veut pas passer pour ce
que l'on est, qu'on refuse de subir la honte qu'on
a méritée et qu'on s'obstine à
ne pas confesser ses
misères, ni à Dieu, ni aux hommes.
Dans un tel état on est bien près de
l'endurcissement.
Ce qui est aussi fort dangereux,
c'est de ménager en soi quelque penchant
favori, tout en reconnaissant qu'il est mauvais ;
on tombe alors dans le péché de Racan
qui voulait conserver ce que Dieu lui avait
ordonné de détruire; on dit :
Seigneur, Seigneur, et cependant ou refuse
d'obéir au Seigneur. On enfouit l'interdit
au milieu de sa tente, mais il ne peut y rester
caché ( Josué
VII ). On cherche
même à la fin à se faire
illusion et à se persuader que les choses
qu'on désire ne sont pas défendues,
et qu'il n'y a pas là du mai comme on le
pensait. Si le Seigneur ne vient mettre à nu
notre péché , nous risquons alors de
nous perdre. Car là où le
péché est dissimulé, il
règne en maître, et là
où il règne, il aveugle de plus en
plus, rend le coeur insensible, endort et tue la
conscience.
Je ne parle pas de l'erreur
grossière de ceux qui pensent que les juifs
et les payens seuls ont besoin de se convertir. Ces
hommes sont morts à toute vie spirituelle,
ils sont dans une rébellion complète
contre Dieu et contre sa Parole, bien que souvent
ils prétendent avoir la foi et taxent
d'hérésie ceux qui insistent sur la
nécessité de la
régénération. O, que le coeur
humain est rebelle , et qu'il lui en coûte de
se soumettre à Dieu
(Rom.
VIII, 7) !
Obstacles intérieurs. Les
âmes véritablement touchées du
sentiment de leurs péchés ont
plusieurs écueils à éviter. Et
d'abord, qu'elles se gardent de vouloir fixer
elles-mêmes la mesure de tristesse qu'elles
doivent éprouver.
Tantôt leur affliction leur est trop grande,
tantôt trop petite ; tout cela est encore de
la propre volonté. Il faut s'abandonner
à la conduite de l'Esprit de Dieu et faire
attention, moins à la grandeur qu'à
la sincérité du repentir qu'on a
d'avoir offensé Dieu.
D'autres âmes ont trop peur de
souffrir; elles voudraient être tirées
d'angoisse à l'instant même où
elles la sentent; et elles refusent d'attendre
l'heure fixée par le Seigneur pour la
délivrance.
Mais il ne faut pas non plus se
plaire pour ainsi dire dans ses douleurs et rejeter
toute consolation, en se faisant de son repentir,
de ses larmes et du sentiment de sa misère,
une sorte de base bien fausse du salut, ou en se
livrant à une timidité
incrédule qui empêche de recevoir
l'Évangile et d'aller avec simplicité
de foi prendre, dans les mains percées du
Sauveur, les dons qu'il a préparés
aux hommes.
Nombre de personne veulent
s'aider
à se sauver, soit en satisfaisant à
la loi, soit en se parant pour aller à
Christ et en voulant lui apporter quelques vertus,
plutôt que de tout recevoir de lui en pure
grâce. Vouloir être pieux et bon sans
Jésus, sans avoir éprouvé sa
grâce et son pardon, est une rude entreprise.
Ah! pourquoi ne pas venir directement au
Sauveur?
D'autres s'arrêtent à
leurs bonnes résolutions de mieux vivre
à l'avenir; mais il ne sort aucun fruit de
ces engagemens, qui sont néant et
vanité, tant qu'on ne va pas à Christ
avec le sentiment de son impuissance absolue
Quelques-uns se contentent d'une
certaine amélioration dans leur conduite, et
y cherchent même leur justice sans se
l'avouer; ils se tiennent ainsi
éloignés du Seigneur, qui d'ordinaire
vient renverser leur édifice et les humilier
de nouveau. La propre justice est fille de
l'incrédulité ; elle inspire de
l'orgueil et une fausse confiance aux
impénitens et rend leur conversion
difficile; et quant aux pénitens
sincères, elle les tourmente, elle les
détourne de la foi, elle leur rend le chemin
long et difficile.
Les pasteurs doivent prendre
garde
d'adresser à la loi plutôt qu'à
Christ les âmes travaillées et
chargées, et de leur parler de
sanctification avant de leur avoir parlé de
grâce. Il ne faut pas battre ceux qui
cherchent le Seigneur, comme les gardes battaient
la Sulamithe, ni écarter les enfans que le
Sauveur appelle à lui.
Les obstacles que les âmes
réveillées mettent à leur
conversion, peuvent être tels qu'elles
courent le risque, non seulement de l'entraver,
mais de la rendre impossible.
Tels sont ceux qui cherchent
à justifier et à conserver quelque
partie de leurs péchés et de leurs
convoitises, qui ont une bonne opinion
d'eux-mêmes, qui ne veulent pas croire que le
sang de Christ seul peut les sauver, et repoussent
la pensée de leur entière
incapacité spirituelle et de leur
complète condamnation.
Tels encore ceux qui cherchent
à se défaire le plus vite possible du
sentiment de leurs péchés, et qui,
voulant trop vite se consoler, se livrent à
la légèreté et à des
distractions mondaines, ayant peur, non pas du péché
lui-même,
mais de la vue angoissante de leur
misère.
Tels aussi ceux qui regrettent
les
viandes de l'Égypte, qui tournent la
tête du côté de Sodome, qui ne
veulent, comme Ananias, donner au Seigneur qu'une
partie de ce qu'ils possèdent, ils ne
renoncent pas à tout pour Christ, et combien
d'entre eux ne retournent pas, hélas, au
monde et à leur première
sécurité?
Obstacles extérieurs. Les
âmes repentantes doivent éviter avec
soin la société des mondains, qui
cherchent à leur enlever leur tristesse
selon Dieu. Le profane Ésaü
persécute toujours le pieux Jacob, qui lutte
avec l'Éternel pour obtenir sa
bénédiction.
Ces âmes doivent
également prendre garde de se distraire en
s'occupant d'un grand nombre de choses qui ne sont
point nécessaires, et qui sont autant
d'épines qui étouffent la bonne
semence et l'empêchent de produire des
fruits. On s'éloigne ainsi peu à peu
du Sauveur qui vous devient indifférent. Et
alors il faut recommencer par le premier bout, si
même, ce qui arrive, hélas,
quelquefois, on ne reste pas tout-à-fait et
pour toujours en arrière.
Conseils.
D'abord
prêter une oreille attentive à la
Parole de Dieu, soit qu'elle nous parle de
péché, soit qu'elle nous annonce la
grâce. Puis, s'abandonner avec foi et
confiance à la grâce divine; la
laisser opérer et travailler en nous, ne se
refuser à sonder aucune plaie, demander un
coeur contrit et brisé. Donner au mal sans
hésiter la lettre de divorce; renoncer de
coeur à tout ce qui peut nuire à
notre salut, ne garder aucun interdit, fuir toute
fausseté et toute hypocrisie. Enfin,
renoncer à toute propre justice et à
tout travail de notre propre fond, ne baser notre
salut sur nos pleurs de repentance, ni sur les
changemens qui ont eu lieu en nous, chercher
auprès de Dieu grâce et pardon, et
être bien convaincu qu'en toutes choses Dieu
ne veut que notre bien. Il est utile aussi de
rechercher les conseils et les directions de
pasteurs fidèles et
expérimentés qui savent conduire les
âmes à Jésus. Une fausse honte
empêche bien des gens de le faire, et c'est
la cause de beaucoup d'écarts. Mais surtout
allons directement et avec une foi simple et
cordiale au Seigneur Jésus, apportons-lui
nos péchés, nos
infidélités, nos angoisses, et
demandons sans cesse sa grâce et sa paix.
Allons à lui « fatigués »
de nos vains efforts de nous sauver
nous-mêmes, et « chargés »
du poids de Dos péchés.
Ah! que nous renoncions au
péché et à l'amour du
péché par la vertu du sang de Christ,
qui nous a aimés jusqu'à mourir sur
la croix pour nous!,
Quand une âme sent véritablement sa
misère, quand elle se voit
dénuée de tout bien et de toute
justice personnelle; quand, éclairée
sur sa triste position, elle soupire après
la justice de Dieu dont Jésus revêt
les croyans, l'Esprit saint verse bientôt
dans sa lampe l'huile de la joie. Il lui donne la
foi et la vie, et il la met au nombre des saints,
des vierges sages, des membres de la vraie
Église qui est l'épouse de
Christ.
La foi comprend trois choses :
connaître par le coeur son Sauveur, avoir
faim et soif de la grâce et se nourrir de la
Parole.
En premier lieu, le croyant
apprend
à connaître le Sauveur Jésus,
non plus simplement d'une manière historique
et spéculative, mais en effet et en
vérité; il sent son coeur
réchauffé et embrasé, et il ne
veut plus vivre que pour Celui
qui est mort pour lui. Il voit si clairement la
vérité et l'importance de la
rédemption, qu'il est prêt à
tout quitter, à tout sacrifier pour
conserver cette perle de grand prix.
En même temps, il est avide de
la grâce et de la justice ; il désire
la connaître et la goûter toujours
mieux. Il cherche partout et demande à
chacun Celui que son coeur aime. Et quand il l'a
trouvé, quand il a goûté
combien le Seigneur est doux, il est
rassasié et a cependant faim ; il a tout en
abondance, et sa faim ne fait
qu'augmenter.
Enfin le croyant se nourrit par
la
foi du pain de vie qui le restaure et le fortifie.
Son âme éprouve un bien-être
intime, un repos profond dans le doux sentiment de
sa réconciliation avec Dieu, et par fois
même un ravissement céleste à
la vue des richesses de la grâce qui sont en
Christ.
Ces trois élémens de
la foi se trouvent chez tous les fidèles,
même chez les plus faibles, mais non au
même degré.
À la connaissance du
péché succède donc dans une
âme éclairée par l'esprit de
Dieu, la connaissance vivante de Dieu en Christ
(2
Cor IV, 6), trésor
inappréciable qu'elle porte, il est vrai,
dans un fragile vase de terre (ibid. 7),
mais qui la rend si heureuse
qu'elle envisage tout le reste comme de la boue
(Phil.
III). Elle avance dans cette
connaissance par la lecture de l'Évangile et
des Prophéties. L'Étoile du matin, le
Soleil de justice dissipe peu à peu ses
ténèbres et la comble chaque jour de
nouvelles lumières
(2
Pierre, I, 19).
Elle a passé par la porte
étroite; elle a comparé devant la
justice divine; elle y a entendu avec terreur sa
condamnation. Mais elle en a appelé avec
larmes au trône de la grâce, au sang
expiatoire de Jésus
(Hébr.
IV, 16), et elle
apprend à connaître maintenant le
grand prêtre qui s'est sacrifié pour
la sauver et qui intercède pour elle, et
elle ressent pour lui un amour et une confiance
absolus.
Elle accomplit fidèlement le
premier des commandemens, qui se présente
à elle avec un sens nouveau: «Tu
n'auras pas d'autres dieux, d'autres aides,
d'autres sauveurs devant ma face.» Elle ne
cherche plus de secours qu'auprès de Christ;
elle ne connaît plus de Dieu que celui qui
lui a fait grâce par Jésus. En elle
s'accomplit cette promesse du Seigneur : « Tu
ne courras plus après les Dieux
étrangers, tu ne t'appuieras plus sur des
roseaux cassés. » La vue de sa profonde
misère lui a appris combien elle-même
et toutes les créatures sont impuissantes
à lui aider - elle a vu que le
Rédempteur seul peut délivrer
l'âme de la mort éternelle; et c'est
ainsi qu'elle rend à Dieu la plus grande
gloire qu'il puisse recevoir, de l'homme
(Rom.
IV, 20). Oh! que c'est une
chose admirable que de voir un pécheur
misérable et perdu, reprendre par Christ,
Christ seul, confiance en Dieu, en son juge, qui
n'est plus pour lui qu'un père
miséricordieux et dont les regards
irrités ne parlent plus en Christ que
d'amour! Les doux rayons du' soleil de grâce
succèdent aux foudres qui tonnaient sur
celte tête criminelle, et les flancs
percés du Christ sont pour cette âme
une ville de refuge dans la détresse et comme la
porte par laquelle
le
Saint-Esprit l'introduit dans les cieux. La
pécheresse sauvée repose assise aux
pieds de Jésus; l'enfant prodigue est
rentré dans la maison du père; Loth
qui ne se croyait pas même en
sûreté à Tsohar, habite sur la
montagne; l'Israël spirituel mange l'agneau
pascal pour détourner de soi l'ange
exterminateur, et passe la mer Rouge avec chant de
triomphe. Une nouvelle vie, une nouvelle naissance
commencent en cette âme.
Illusions. Mais que ceux-là
prennent garde à eux, qui, sans repentance
véritable, sans désir sincère
d'être délivrés du
péché, s'imaginent avoir la foi parce
qu'ils ont le système
évangélique imprimé dans leur
esprit et qu'ils l'envisagent comme la
vérité, quoiqu'ils n'en soient pas
véritablement touchés. La foi n'est
pas réelle quand elle ne commence pas par la
repentance, quand elle ne repose pas uniquement sur
Christ, quand enfin elle n'est pas suivie de la
sanctification.
Les gens qui prétendent avoir
la foi et qui n'éprouvent aucune douleur
sincère et profonde de leur corruption,
n'entrent pas par la vraie porte. Ils s'imaginent
croire en Christ, ils se consolent par cette
pensée, mais ils se font illusion. Ils n'ont
point de part au pain réservé aux
malheureux qui ont faim et soif de la justice; ils
sont comme ceux qui rêvent qu'ils mangent, et
qui cependant demeurent vides et affamés.
Leur. confiance aux mérites de Christ n'est
qu'une vaine idée; ce ne sont que des mots
par lesquels ils cherchent à se
tranquilliser tout en vivant dans le
péché.
La foi de plusieurs n'a pas pour
base Christ et sa croix sanglante, et ne peut
être la vraie foi. C'est se confier en Dieu
sans l'intermédiaire de Christ; c'est
ignorer la sainteté et la justice de Dieu.
Les inconvertis eux-mêmes peuvent se
convertir à Dieu pour leurs besoins
temporels; ils ne lui demandent son secours que
pour cette terre, le ciel ne peut leur manquer.
J'ai connu aussi des gens qui, par
tempérament, étaient courageux,
hardis, et qui prenaient leur aveuglement spirituel
et leur présomption pour une bonne et vraie
foi. D'autres s'appuient plus ou moins sur leurs
connaissances religieuses, leur
honnêteté, leurs bonnes oeuvres ;
« ils ne sont pas d'ailleurs de grands
pécheurs comme tels et tels ; le bon Dieu
leur fera grâce pour l'amour de Christ et
leur pardonnera. «Mais c'est associer son
oeuvre à celle de Christ, c'est au fond
vouloir se sauver par sa propre justice, et n'y
ajouter celle de Christ que par habitude et pour
lui faire honneur. Malheur à l'homme qui se
confie en l'homme.
(Jérémie
XVII, 5).
Placez votre confiance en Dieu seul, ayez de la
confiance dans ses enfans, mais ne vous fiez en
aucune manière à votre propre coeur
qui est trompeur par dessus toutes
choses.
Enfin la foi est fausse qui ne
produit pas de fruits. Combien de gens qui disent
qu'ils croient, et qui cependant tournent la
grâce de Dieu en dissolution, soit qu'ils
n'aient jamais éprouvé de sentiment
de piété, soit qu'ils aient
étouffé en eux la bonne semence ! La
véritable foi, qui commence par une profonde
contrition, s'humilie chaque jour du
péché qui reste en elle, et elle
cherche sincèrement la
délivrance. Sans conviction de
péchés, point de foi. Du temps de
Jésus bien des gens le suivaient auxquels
toutefois il ne se fiait point, parce qu'il
connaissait leurs dispositions et parce qu'il
savait que leur foi n'était qu'une
illusion.
Obstacles intérieurs. Les
âmes repentantes nuisent à leur
avancement dans la foi et dans la grâce, en
n'acceptant pas avec simplicité les
promesses de Dieu, en exigeant des assurances de
salut extraordinaires, en refusant toute nourriture
spirituelle, si elles n'en sentent pas la douceur,
ou en voulant goûter les douceurs de la
grâce avant d'en avoir une vraie faim, avant
de croire, comme si l'expérience pouvait
précéder la foi.
D'autres ne savent pas
pénétrer toujours plus avant dans la
grâce par des prières sérieuses
et persévérantes; elles se lassent de
chercher et de heurter à la porte, elles
laissent se perdre en elles la faim et la soif de
la justice.
Celles-ci sont retenues loin de
Christ par leurs misères et leur
indignité, qui devraient les pousser vers
lui; elles ne veulent croire que lorsqu'elles ne
sentiront plus de péchés en elles; la
foi, selon elles, doit suivre la purification du
coeur, ce qui est en opposition avec Actes
XV, 9.
Celles-là ne savent pas avoir
les yeux invariablement fixés sur la
rédemption par le sang de Christ; elles
regardent ailleurs, ou cherchent une autre
nourriture que Christ : « Où
trouverons-nous, disent-elles, du pain dans ce
désert. »
C'est ainsi qu'on se tient
éloigné et se prive volontairement de
la grâce divine. Mais il est d'autres
manières encore d'entraver l'oeuvre de
l'Esprit saint en nous. Il est des âmes qui
recherchent et poursuivent et possèdent la
foi, mais qui se la rendent difficile et
pénible par leur propre faute.
Je ne parlerai pas de nouveau de
ceux qui, sans se l'avouer, veulent se sauver par
leurs oeuvres en même temps que par la foi.
Mais il y en a qui s'engagent dans un rude et
infructueux combat contre le péché,
dont ils veulent triompher par la loi et par leurs
propres forces, et non en fuyant vers Jésus
; chacune de leurs défaites leur Ôte
tout courage et les abat
entièrement.
Quelques-uns veulent devancer la
grâce, et obliger Dieu à la leur
accorder, à force d'exercices de
piété, d'inquiétudes et
d'agitations.
Les uns (et je ne dis ceci
qu'à ceux qui sont profondément
affligés de leurs péchés), les
uns s'exagèrent leurs fautes, et ne savent
pas élever leurs regards, des morsures que
leur a faites le serpent, à Celui qui lui a
écrasé la tête.
Les autres ne regardent au
contraire
qu'à leurs bonnes oeuvres, au bien qu'ils
croient voir en eux, comme si Jésus-Christ
n'était pas le chef et le consommateur de
leur foi auquel seul ils devraient regarder
(Hebr.
XII, 2).
Plusieurs enfin ne veulent
croire
qu'à condition de comprendre; mais la raison
est du domaine de la terre et c'est la foi seule
qui atteint aux cieux.
À la croix ! à la
croix !
Obstacles extérieurs.
Certains livres et certains docteurs arrêtent
le chrétien dans sa marche, en lui parlant
toujours de sanctification et de renoncement, sans
lui en indiquer clairement les moyens, et sans lui
répéter qu'il ne peut rien hors de
Christ, hors de la foi en son sacrifice. Tant que
le tabernacle de la loi subsista, les lieux saints
ne furent pas accessibles au peuple
(Hebr.
IX, 8).
D'autres docteurs, d'autres
écrits plus nuisibles encore, sont ceux qui
détournent de Jésus-Christ les
âmes altérées et les conduisent
dans le désert sans eaux
(Esaïe
XXXII, 6), qui ne
bâtissent point sur la seule pierre
angulaire, sur Jésus le rédempteur.
Science, dons miraculeux, vie austère et
sainte, sans le sang de Jésus, seront
trouvés trop légers sur la balance de
Dieu, tandis que le dernier des pécheurs qui
a saisi par la foi le sang de Jésus, sera
sauvé. Voila pourquoi la connaissance de
Jésus-Christ est nommée insondable
(Phil.
III, 8).
Conseils.
Que le vrai
fidèle soit persévérant, qu'il
prie sans cesse. Semblable à la femme
cananéenne, qu'il ne se laisse point
rebuter, lors même qu'il n'obtient pas
sur-le-champ ce qu'il désire.
Qu'il laisse la foi agir en lui
sans
la troubler par une fausse activité ; qu'il
l'accepte comme un pur don, qu'il l'attende avec
foi et qu'il ne la repousse pas. Quand Jésus
voulut rassasier le peuple dans le désert,
il le fit asseoir et attendre paisiblement la
distribution du pain. Ce n'est pas paresse chez le
fidèle, c'est exercice de foi.
Que le fidèle apprenne
à croire en dépit de son excessive
pauvreté, et à s'appuyer fermement
sur le salut acquis par le sang de Christ, et sur
les promesses de sa parole.
Qu'il ne connaisse autre chose
que
Christ et Christ crucifié; qu'il soupire
après lui, qu'il recherche avidement le pur
lait de son Évangile, jusqu'à ce
qu'il ait goûté combien le Seigneur
est bon.
Qu'il se contente en
commençant des plus petites miettes qui
tombent de sa table ; qu'il lui suffise de recevoir
assez de nourriture pour soutenir sa vie, et qu'il
attende avec patience le moment où il pourra
lui être accordé davantage. Les
oeuvres de Dieu commencent petitement, et finissent
éclatantes et glorieuses. La raison humaine
veut tout comprendre et tout embrasser de prime
abord. Mais la foi se contente de ce que Dieu veut
lui donner. Elle n'envie pas les dons des autres ;
elle ne cherche pas par ses propres efforts,
à arriver au point où ils sont. Elle
jouit avec actions de grâces de ce qu'elle a
reçu, et elle se confie en Dieu pour qu'il
la fortifie et la fasse grandir au milieu du
désert de ce monde. Elle reçoit
Jésus tel qu'il est, c'est-à-dire
comme le Sauveur unique et parfait des âmes.
Elle se donne tout entière et sans
restriction à lui, et alors elle peut dire
avec la Sulamithe : «Mon ami est à moi
et je suis à lui, » et elle fait la
douce expérience de toutes les
bénédictions qui lui sont promises.
Dieu veille sur elle jusques dans les plus petits
détails de la vie, et lui donne la victoire
sur le monde., Ah! que notre bon Dieu nous donne
cette foi si
précieuse! Qu'il nous accorde de renoncer
à tous nos doutes. a toute défiance
de ses promesses, et à embrasser de tout
notre coeur l'Évangile éternel de son
Fils ! Amen !
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