Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE PREMIER

COMMENT L'ÂME PÉCHERESSE EST RÉVEILLÉE.

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 Un homme qui était mort dans ses péchés et qui marchait sans inquiétude dans le chemin de la perdition, est réveillé de son sommeil, se met à réfléchir sur ses voies et s'en effraie. Ce réveil, qui a pour but d'amener le pécheur au chemin du salut, est un effet de la grâce prévenante de Dieu, de cette grâce qui vient au devant du pécheur et qui le prépare et l'appelle à la vie.

Pour produire cet effet, le bon Berger, le Sauveur de l'homme se sert non seulement de la Parole révélée, mais aussi des divers événemens de la vie humaine.

L'enfant prodigue fut amené à la repentance par des souffrances temporelles; Pierre, par le chant d'un coq. Les uns sont réveillés par une maladie, par un malheur, par la mort de leurs proches, par un songe frappant; d'autres par les bons exemples de leurs amis, ou par des dispensations extraordinaires de la Providence; la plupart par les invitations de la Parole de Dieu.

Tantôt l'Esprit saint inspire au pécheur une angoisse et une frayeur salutaire. Il le trouble dans sa sécurité, comme Félix effrayé à la voix de saint Paul; il le réveille et l'arrache à sa fausse paix. Tantôt il l'attire par les douceurs de la grâce et par les ravissantes promesses de l'Évangile.

Voilà les appels que la grâce de Dieu adresse aux âmes inconverties. Ils sont si puissans que souvent le pécheur les entend malgré lui et au milieu même de ses égaremens. Ils sont de la plus haute importance; car de l'usage qu'on en fait, dépendent la conversion et le salut. Ce sont les semences d'où doivent sortir les épis pour les greniers de notre Père céleste.

Illusions
. Mais les âmes se séduisent elles-mêmes, d'abord quand elles se contentent d'ouïr ces appels avec nue certaine émotion, et qu'elles les prennent pour la conversion, qui est bien autre chose qu'un simple attendrissement du coeur. Combien de pécheurs se perdent malgré toutes les émotions religieuses qu'ils ont éprouvées dans leur vie! Car il n'est pas une âme qui n'en ait eu quelquefois ; il n'est pas de porte à laquelle le Sauveur ne frappe de temps en temps.

Ceux-là se séduisent aussi qui prennent leurs bons mouvemens et l'inquiétude qu'ils leur causent, pour des tentations de l'ennemi qui cherche à les porter ait doute et à l'incrédulité. Souvent ces personnes sont fortifiées dans leur erreur par des gens qui se donnent pour de profonds docteurs. Elles écartent de toute leur force ces sentimens de repentance, en priant Dieu de les délivrer de leurs tristes pensées, en lisant de bons livres et surtout les psaumes de David, en cherchant à se tranquilliser d'une manière ou d'une autre par leurs propres efforts et leur propre travail. Elles croient montrer en cela de la fermeté de foi et avoir combattu le bon combat. Mais elles se trompent misérablement.

Obstacles
. Sans tomber dans de telles illusions, on peut entraver sa conversion : en évitant les occasions et les lieux où l'on pourrait apprendre à se connaître; en ne consentant pas à lire les ouvrages qui font sentir la plaie profonde du coeur, et qui montrent la délivrance acquise par Jésus et l'inutilité des propres efforts ; en fuyant les prédicateurs qui remuent la conscience, et les pauvres en esprit qui cherchent toute leur justice et tout leur salut en Jésus-Christ et qui ne veulent vivre que pour lui; en un mot, en ne voulant pas être humilié ni renoncer à la bonne opinion que l'on a de soi-même.

Ceux-là rendront leur conversion extrêmement difficile et presqu'impossible qui, souvent touchés par les appels de Dieu, et fréquemment convaincus de l'état dangereux de leur âme, n'obéissent cependant point à la grâce qui les réveille, et restent d'années en années les mêmes. Ils s'accoutument à ces émotions, qui passent stériles; elles font toujours moins d'effet sur eux à la longue, et ils tombent enfin dans une espèce d'endurcissement. La même chose arrive à ceux qui se révoltent contre les avertissemens de leur conscience et qui cherchent à les étouffer. (Actes VII, 54.) Si Dieu ne brise pas enfin leur coeur, en multipliant sur eux ses châtimens par amour pour leurs âmes, ils finissent par être abandonnés à eux-mêmes et ils meurent inconvertis.

Conseils
. Prenons donc garde à nous. Nous devons, quand notre coeur est touché, envisager cela comme un appel que Dieu nous adresse, comme un messager que Jésus lui-même nous envoie, et suivre avec fidélité et obéissance l'attrait de la grâce. Aussitôt donc que nous sentons nos péchés, nous devons chercher à nous instruire d'après l'Écriture de la manière d'y porter remède, en priant instamment le Seigneur de nous conduire lui-même au chemin de la vie. Nous aurons à rendre compte de l'emploi que nous faisons de toutes les émotions que Dieu a produites en nous. Redoutable responsabilité !

Les pasteurs, de leur côté, doivent s'occuper avec amour des âmes touchées par la grâce de Dieu. ils doivent les chercher, leur aider, les diriger, les avertir, leur montrer la droite voie ! Heureuses les âmes qui ont été réellement saisies par Dieu, qui ne laissent pas leurs bons sentimens se dissiper, et qui cherchent à les conserver et à les augmenter en s'approchant du Sauveur et en profitant des moyens de grâce qui sont à leur portée !


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CHAPITRE Il


COMMENT L'ÂME RÉVEILLÉE REÇOIT LES OCCASIONS ET LE DÉSIR DE CONNAÎTRE LE SALUT.


Nous venons de voir comment le Saint-Esprit va à la recherche des âmes qui s'égarent dans leurs voies, comment le Sauveur frappe à la porte des coeurs et demande qu'on lui ouvre (Apoc. III). C'est ainsi qu'il débute quand il veut appeler et rassembler ses brebis pour former son église.

Mais les pauvres âmes n'ont par elles-mêmes ni la force ni le désir d'écouter cette voix et de prendre la bonne route; elles se laissent détourner par maints obstacles par des difficultés qu'elles se créent à elles-mêmes par des préjugés qui leur sont comme de grosses pierres sur leur chemin (Esaïe, LVII, 14). Aussi ne peuvent-elles suivre les traces de la grâce, et trouvent-elles la voie extrêmement rebutante et pénible, si ce n'est même fausse. Dieu vient à leur aide en ôtant ces obstacles de devant elles et en leur procurant l'occasion d'entendre la bonne nouvelle de Christ.

Car l'Évangile est le moyen que Dieu a établi dans sa sagesse pour faire connaître aux hommes tant leur profonde misère que les richesses insondables de la grâce divine; pour changer et humilier leur coeur orgueilleux et rebelle, et pour les amener dans le sentiment de leur misère à la foi, à la justice et la paix (Rom. X).

Le monde n'ayant pu, par sa sagesse, parvenir à connaître la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver par la prédication de la croix, qui est folie au monde, ceux qui croient en son Fils (I Cor. 1, 21 et telle est notre unique ressource.
Or, pour disposer les hommes à recevoir l'Évangile, la grâce fait dans leurs coeurs deux oeuvres distinctes.

D'abord, le coeur humain étant naturellement ennemi de la vérité divine, le Seigneur cherche à vaincre ses préjugés et à lui ôter son aversion pour la parole de la croix. La sagesse humaine trouve cette parole trop simple pour s'en occuper, elle la méprise, aspirant, comme les Grecs d'autrefois, à une science plus relevée. Fière de sa piété, elle se scandalise de la doctrine de la grâce gratuite, qui, dit-elle, n'est bonne qu'à endormir le monde dans, le péché. Elle ne se donne pas la peine de l'examiner, et la rejette de prime abord. « Que peut-il venir de bon de Nazareth? » L'homme naturel a toujours mille raisons pour justifier ses voies et pour ne pas prendre celle que Dieu lui indique; il trouve celle-ci déraisonnable, ou bien allègue l'impossibilité de faire ce qui lui est prescrit, il regimbe, il renvoie ; il veut attendre un temps plus favorable, ou la fin de sa vie. Ce sont là les armes par lesquelles Satan se défend dans sa maison; c'est ainsi qu'il maintient dans une fausse paix l'homme qu'il envisage comme soi propriété. Le Sauveur miséricordieux combat cet homme fort et lui enlève ses armes en nous donnant la conviction qu'il est bien réellement un docteur venu de Dieu, comme disait Nicodème (Jean III), et en y ajoutant celle que pour être sauvé il faut en outre naître de nouveau par la foi au Messie élevé sur la croix.

Il est d'autres personnes qui sont retenues par des obstacles extérieurs, par leurs relations avec les enfans de ce monde, ou par leur genre de vocation; mais le Sauveur sait aussi les tirer de là par les dispensations de sa Providence, et leur fournir des occasions d'entendre l'Évangile et de se convertir. Le premier ministre de la reine Candace était venu adorer Dieu à Jérusalem par habitude. En revenant de là il lisait le 53e chapitre d'Esaïe, qu'il ne comprenait pas. Il désirait avoir quelqu'un qui le lui expliquât, et le Seigneur se fraya le chemin de son coeur. Il lui envoya Philippe, qui lui prêcha avec force l'Agneau de Dieu immolé pour les péchés du monde; et l'Éthiopien s'en retourna chez lui plein de foi et de joie, et baptisé au nom de Jésus.

Quand le bon Berger a écarté de nous tous les obstacles, mis à notre portée le salut et convaincu nos coeurs de la vérité, il poursuit soit oeuvre; et nous avons grandement besoin de son secours, car il nous manque le désir et la volonté de profiter des moyens de saint. Aussi nous invite-t-il par la grâce prévenante de son Esprit à faire un usage diligent de la Sainte Écriture, et à rechercher toutes les occasions de nous édifier. Siméon, touché par un mouvement de l'Esprit, vint au temple, et il eut le bonheur d'y trouver son Sauveur. De même, l'âme réveillée éprouve pour la parole de Dieu un attrait qui la lui rend de plus en plus chère et désirable; elle recherche la société des enfans de Dieu; elle aime à entendre la prédication du pur Évangile; elle s'attache aux serviteurs fidèles de Jésus; elle aspire à devenir une nouvelle créature; elle demande, elle désire le chemin du salut, et dans cet état elle n'est pas loin du royaume des cieux (Marc XII, 34).

Pour réunir cette âme aux autres membres de son Église, le Seigneur emploie aussi le ministère des pasteurs et des vrais chrétiens. André appela Pierre qui était tout occupé de sa pêche : « Viens et vois, lui dit-il, nous avons trouvé le Messie. » Philippe appela Nathanaël, homme sincère, mais rempli de préjugés contre tout ce qui venait de Nazareth. « Viens et vois, lui dit-il, viens et entends. » Il vint, il vit et il entendit des choses ravissantes et auxquelles il n'avait jamais pensé.

Parfois aussi un pécheur assiste à une prédication puissante de l'Évangile; il se sent atteint, attiré, troublé. Il éprouve le désir d'entendre une seconde fois une telle prédication. Le Seigneur est pour quelque chose dans ce travail intérieur, et c'est ainsi qu'il a déjà gagné bien des âmes. Mais si l'homme, une fois touché, entend d'année en année la vérité sans se livrer à la force régénératrice de la grâce, sans s'humilier, il s'abuse, et un jour il devra rendre compte de tant de grâces méprisées.

Cependant faire usage des moyens de salut n'est point encore la conversion. Prédication, lecture de la Parole, prières, société des enfans de Dieu, tout a pour but, à cette époque, de nous donner une conviction vivante de notre condamnation devant Dieu, et ainsi de nous conduire à Christ. Bien des personnes emploient les moyens et perdent de vue le but. Jésus-Christ a dit de telles gens (Jean V, 39) : « Vous sondez l'Écriture, vous la lisez et l'écoutez souvent; vous pensez y trouver la vie éternelle, vous croyez que la lecture seule en suffit; et c'est elle qui rend témoignage de moi, qui vous adresse à moi et qui vous apprend à venir à moi travaillés et chargés, pour avoir la vie; mais vous ne voulez pas venir à moi, vous vous contentez de lire toujours sans jamais profiter de votre lecture.)

Au reste, remarquons expressément que notre pensée n'est point, dans ces deux chapitres, de décrire un état de l'âme dans lequel on doive nécessairement rester plus ou moins longtemps. Ces émotions et cet usage des moyens de grâce se confondent souvent avec la vraie conversion, comme l'indiquent les exemples cités. Mais comme plusieurs perdent de vue le but en usant des moyens, nous avons voulu leur indiquer à quels caractères ils reconnaîtront ce qu'ils sont et où ils en sont, et les prémunir contre leur fausse sécurité.

Illusions
. Les âmes réveillées sont exposées à bien des séductions. La plus grossière de toutes c'est de se croire chrétien parce que l'on fait usage des moyens d'édification, parce que l'on entend des prédications, qu'on lit la Bible, qu'on tire bu sort des versets pour s'instruire de la volonté de Dieu, ou qu'on apprend par coeur dé beaux cantiques, des prières, des passages, des réponses du catéchisme, etc. Il ne faut pas imaginer que l'on soit dans le christianisme parce qu'on fait tout cela. Le vrai christianisme n'existe pas sans la pauvreté d'esprit, la repentance, la foi et l'imitation de Jésus-Christ.

Quelques-unes de ces âmes touchées en appellent à leur baptême et se croient sauvées par là, bien qu'elles n'aient jamais éprouvé l'efficace de ce sacrement, et qu'elles refusent de se repentir, de croire véritablement en Christ et de crucifier la chair et ses convoitises. Elles s'appuient aussi sur ce qu'elles fréquentent la cène, bien qu'elles n'aient nullement faim et soif de la justice, et ainsi elles ne font que donner sans le savoir d'autant de plus de force au vieil homme.

Une troisième erreur également grossière, est celle de ces âmes qui se font un mérite de leurs pratiques religieuses, auxquelles elles attachent une valeur propre. Elles en méconnaissent ainsi le but, et croient, par le simple usage des moyens de grâce, rendre à Dieu lin culte véritable. Elles s'enorgueillissent de ce qui ne devrait servir qu'à leur faire connaître leurs péchés et leurs misères.

Mais il y a aussi des illusions d'une nature plus subtile, pour les âmes qui éprouvent la grâce prévenante de Dieu. Telles sont ces personnes qui, plutôt que de se repaître du pur et saint Évangile, se laissent entraîner à des choses inutiles ou accessoires qui les détournent de Jésus-Christ. Elles s'occupent, soit de leurs propres imaginations, soit de lectures qui ne vont point à l'avancement dans la piété, ou qui ne sont pas appropriées à l'état de leur âme, comme d'ouvrages de morale casuistique, d'interprétations savantes de la Bible, de questions subtiles de doctrine, de points de controverse. Elles cherchent à satisfaire ainsi leur curiosité et se font de la religion un passe-temps. Mieux vaudrait pour elles lire quelque simple et solide exhortation à la repentance, et apprendre à croire de coeur à la mort de notre Seigneur Jésus-Christ. Souvent même elles vont jusqu'à prétendre soumettre la Parole de Dieu à leur raison et l'expliquer par leur propre esprit, au lien de demander humblement l'assistance de l'Esprit de Dieu pour la comprendre. Ou elles cherchent dans la Bible toute espèce de choses curieuses et extraordinaires. Aussi ne trouve-t-on chez elles que discussions et bavardage, au lieu de la vie et de la paix de Dieu (1 Tim. VI - 4. 5).

D'autres personnes prennent le savoir pour l'avoir, et parce qu'elles ont une certaine connaissance de la repentance et de la vraie foi, elles pensent les posséder dans le coeur. Plus triste encore est l'état spirituel de ceux qui basent leur confiance sur la science qu'ils ont des histoires bibliques. « La science enfle, la charité seule édifie. »

Prenons garde aussi de nous appuyer sur l'approbation d'autrui. On nous loue de ce que nous ne rejetons et blasphémons plus la vérité, et de ce que, au contraire, nous la louons, l'aimons, la recherchons. Mais l'homme peut-il lire dans le fond de nos coeurs, pour savoir si nous sommes réellement convertis?

D'autres fréquentent les réunions de prières, y apprennent à mettre des mots à la suite les uns des autres, et à imiter des lèvres les prières pleines de chaleur et de vie qu'ils ont entendues, s'appuient sur leurs relations avec les enfans de Dieu et s'imaginent être convertis.

À plus forte raison s'abuse-t-on si l'on recherche la société des enfans de Dieu bien plus dans des vues intéressées que par un désir ardent du salut: si l'on y poursuit son propre intérêt et non celui de Jésus-Christ, si l'on espère y trouver des amis ou des soutiens pour ce monde, si l'on se flatte réciproquement et qu'on ne songe pas à purifier son âme du levain de l'égoïsme, de l'impureté et de l'injustice; si l'on aime à se faire donner le nom de frère par les enfans de Dieu, sans chercher avant tout à plaire à son Père céleste. Les chrétiens doivent prendre garde de favoriser ce mauvais penchant chez ceux qui les fréquentent. En accueillant légèrement comme des frères les hypocrites, ou ceux qui n'ont qu'un tiède désir d'appartenir à Christ, on leur fait beaucoup de mal, et l'on prouve par la qu'on a soi-même une faible mesure de ce discernement et de ce sel qui devraient exister dans toutes les âmes converties (Jean III, 20; Ephés. V, 11-13; Marc IX, 50).

Enfin, ceux-là s'abusent aussi qui se livrent à un esprit de secte, qui ne voient de grâce et de salut que pour ceux qui sont de leur société particulière, et qui n'embrassent pas dans un même amour tous les hommes qui croient de tout leur coeur en Jésus.

Obstacles
. Beaucoup d'âmes bien disposées, sans perdre entièrement de vue le but principal, se complaisent à des exercices de piété, qui sont sans doute en eux-mêmes excellens et nécessaires, mais qui ne peuvent être utiles que si l'on en fait l'usage voulu. Elles se souviennent de telle et telle chose répréhensible qu'elles faisaient autrefois et qu'elles ne font plus, et pensent à l'usage tout nouveau qu'elles font actuellement de leurs journées; et elles en concluent qu'elles sont parvenues à la pleine vérité. Ainsi elles se détournent du vrai sentiment de leur misère et ne pénétrant point dans le pardon acquis par le sang de Jésus-Christ. Elles ressemblent à des personnes qui, devant faire un voyage, vont jusqu'au poteau qui indique aux passans la route à prendre, et qui s'y assiéraient, en disant : Nous savons le chemin, nous ne pouvons manquer d'arriver.

D'autres âmes bien disposées se nuisent à elles-mêmes, en voulant travailler avant d'en avoir reçu la force, et en prétendant accomplir la loi sans connaître la grâce et sans avoir été réconciliées avec Dieu. Elles font beaucoup d'oeuvres, elles ne veulent pas être des auditeurs oublieux ; elles aspirent à pratiquer ce qu'on leur enseigne. Mais comme la vraie pratique doit commencer par la repentance et la foi au salut gratuit, elles ne parviennent point à faire vraiment les oeuvres chrétiennes. Le vieil homme est capable de s'imposer bien des sacrifices; mais celui contre lequel il regimbera toujours et qui est pourtant le premier et le plus nécessaire, c'est de renoncer à toute propre justice et de sentir son état de perdition.

Je ne mentionnerai ici qu'en passant ces âmes qui fréquentent le culte et qui lisent et apprennent sans cesse, sans savoir pourquoi; qui courent à l'aventure et sans réflexion, et tournent, pour ainsi dire, dans le même cercle ; qui ont une piété machinale et n'arrivent jamais à la connaissance de leur misère et de la rédemption (2 Tim. III, 7). Et cependant cette connaissance est la seule nécessaire, et sans elle toute autre est vaine, et est même nuisible en bien des cas. Ces gens frappent l'air de coups inutiles, et ils sont aussi peu avancés que les pasteurs qui seraient tentés de se réjouir de voir de telles brebis dans leur troupeau. Malgré leur assiduité au culte, les années se passent sans qu'elles fissent aucun progrès. Quelques-uns d'entr'eux, il est vrai, sont et demeurent dans cet état par pure ignorance et en toute sincérité, et ils finissent quelquefois par ouvrir les yeux. Mais d'autres se font de leurs exercices religieux un oreiller de sécurité, et tombent finalement dans une sorte d'hypocrisie fort difficile à guérir.

Car ou peut rendre sa conversion très difficile et presque impossible, quand ou s'accoutume tellement à entendre froidement les invitations et les appels de Dieu qu'on y devient insensible. La parole de Dieu est sans doute toujours vivante et efficace, mais on peut lui fermer l'entrée du coeur, qui reste sombre, tiède, froid, mort. On se retranche ainsi derrière ses idées propres, on se préoccupe de ses affaires et de ses désirs mondains ; on écoute bien, mais sans désir sérieux de s'éclairer, car grâce, on n'a pas été fidèle aux premiers attraits de la et aussi finit-on par s'endurcir, parce que l'on aime mieux les ténèbres que la lumière (Jean III).

Mais un état encore plus dangereux est celui des gens qui marchent avec les vrais enfans de Dieu, vivent comme eux, prient avec eux, et qui, dans le secret de leur âme, se font de leur piété apparente une justice propre sans permettre à la grâce d'agir en eux et de les convertir. Ils ont la science de l'Évangile et ont appris la langue de Canaan ; ils disposent saintement leur vie, veulent avoir aux yeux des autres l'air de tout connaître, aiment à parler et prier devant les autres, et concluent de tout ce qu'ils font de bien, à leur état de grâce. Pleins des hauts sentimens qu'ils ont d'eux-mêmes, ils deviennent présomptueux et repoussent tout avertissement. Ils ont changé de vie, sans doute, mais la surface seule est autre, le fond de leur âme est toujours le même; ils se sont convertis non à Christ mais à eux-mêmes. lis sont enflés de leurs beaux discours, de leurs bonnes oeuvres; ils ont conçu une fausse piété et mis au monde l'enfant de la propre justice. Comme Eve qui croyait porter dans son sein l'enfant de la promesse, mais qui enfanta un Caïn, un hypocrite, un meurtrier, ils ne connaissent pas ce qu'ils ont au dedans d'eux ; ils jugent les autres et s'oublient eux-mêmes, ils tournent le miroir de la loi du côté d'autrui, et n'y regardent jamais.

C'est le mensonge de ceux qui se disent vrais Juifs et ne le sont point (Apoc. II, 9) ; c'est la folie des vierges, en tout temps si nombreuses, qui ont leurs lampes à la main, mais sans huile.

Cependant la pire des situations est celle des hommes qui retournent en arrière et en viennent jusqu'à repousser les moyens de salut; ils retombent dans le monde d'où ils étaient à peine sortis; ils avaient reçu la parole avec joie, et ils apostasient quand vient l'heure de la tentation; ou ils ne peuvent supporter l'idée humiliante d'être condamnés, devant la justice de Dieu et obligés de chercher tout leur espoir et toutes leurs forces en Jésus-Christ. Ils étaient venus jusqu'au poteau qui indique la bonne route, ils l'ont vue et n'ont pas voulu la suivre. Comme ils rejettent la parole du Seigneur, le Seigneur les rejettera à leur tour (1 Sam. XV, 23). Ah ! prenons garde aux avertissemens de cette divine Parole, afin de n'être pas retranchés (Heb. II, 1) ! Malheur à ceux qui abandonnent les directions contenues dans la révélation, sous quelque prétexte que ce soit, et qui cherchent à en détourner les autres! Cette parole est la même qui doit nous nourrir jusqu'à ce que nous soyons entrés dans la Canaan céleste ; celui qui ne veut pas en manger défaillit et meurt en chemin.

Quand on en est là, on est bien près de commettre le péché contre le Saint-Esprit, qui consiste non seulement dans l'apostasie et dans le reniement de la vérité après l'avoir connue, mais en général dans une persistance opiniâtre et invincible à résister à l'Esprit saint qui parle aux coeurs de conversion et de rédemption, et à ne vouloir entendre ni la voix de Dieu ni celle de ses serviteurs.

Conseils
. Nous conseillerons donc aux chrétiens: de profiter de toutes les occasions que Dieu leur présente pour s'éclairer et pour s'édifier, d'écouter la Parole, de fréquenter les personnes sincèrement pieuses; mais en même temps de ne pas se contenter de cela, et d'entrer toujours plus avant dans la connaissance de leur propre coeur; de prendre garde de se faire une propre justice de leurs actes de piété; de reconnaître la nullité de la science seule et de la vertu tout extérieure, et de se sentir toujours pauvres et nus; de s'abandonner entièrement à la grâce de Dieu, et dé le prier sans cesse de disposer et de préparer leurs âmes, afin que, sentant leur misère, ils viennent avec foi aux pieds de Jésus, pour y goûter tout ensemble l'humiliation de la repentance et la joie du salut acquis par les inexprimables souffrances de Christ.
La base de toute prédication, le sommaire de toutes les doctrines, doit toujours être : « 0 homme, tu es pécheur et maudit; crois en l'Écriture qui te le déclare. Tu ne peux te tirer toi-même de la perdition. Mais jette les yeux sur le Sauveur qui a été crucifié pour tes péchés! Il peut et veut te justifier et te sanctifier. Viens à lui avec un coeur contrit et humilié, ne tarde pas. Crois en lui ; accepte-le Pour TON Sauveur! Il est mort pour toi, pour ton éternel bonheur. Il te donnera la paix, la sainteté, la félicité des cieux, en échange de TOUTES tes misères qu'il a prises sur lui et expiées. Demeure attaché à lui; suis-le partout. » Voilà ce qu'il faut dire et répéter sans cesse aux âmes, mais en leur recommandant bien de ne pas intervertir l'ordre de ces vérités et de commencer toujours par le commencement, qui est la connaissance foncière et complète de sa misère. C'est le seul moyen de saisir et de s'approprier les mérites de la vie et de la mort de Christ, et d'obtenir ainsi la guérison de l'âme, l'expiation du péché et la vie éternelle.

O âme ! sonde-toi toi-même ! Entends-tu avec plaisir la parole de ton Dieu? N'est-ce plus pour toi une folie que cette prédication de la croix qui seule conduit l'homme au salut? Que si tu l'écoutes avec joie et la recherches, en profites-tu comme tu devrais ? En fais-tu l'usage convenable? Est-elle pour toi un collyre (Apoc. III, 18) qui t'ouvre les yeux sur ta misère et sur la nécessité d'aller à Christ pour obtenir le pardon et la sainteté ? Oh ! qu'il en soit pour toi ainsi. Amen !

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