Un homme qui était mort dans ses
péchés et qui marchait sans
inquiétude dans le chemin de la perdition,
est réveillé de son sommeil, se met
à réfléchir sur ses voies et
s'en effraie. Ce réveil, qui a pour but
d'amener le pécheur au chemin du salut, est
un effet de la grâce prévenante
de Dieu, de cette grâce qui vient au devant
du pécheur et qui le prépare et
l'appelle à la vie.
Pour produire cet effet, le bon
Berger, le Sauveur de l'homme se sert non seulement
de la Parole révélée, mais
aussi des divers événemens de la vie
humaine.
L'enfant prodigue fut amené
à la repentance par des souffrances
temporelles; Pierre, par le chant d'un coq. Les uns
sont réveillés par une maladie, par
un malheur, par la mort de leurs proches, par un
songe frappant; d'autres par les bons exemples de
leurs amis, ou par des
dispensations extraordinaires de la Providence; la
plupart par les invitations de la Parole de
Dieu.
Tantôt l'Esprit saint inspire
au pécheur une angoisse et une frayeur
salutaire. Il le trouble dans sa
sécurité, comme Félix
effrayé à la voix de saint Paul; il
le réveille et l'arrache à sa fausse
paix. Tantôt il l'attire par les douceurs de
la grâce et par les ravissantes promesses de
l'Évangile.
Voilà les appels que la
grâce de Dieu adresse aux âmes
inconverties. Ils sont si puissans que souvent le
pécheur les entend malgré lui et au
milieu même de ses égaremens. Ils sont
de la plus haute importance; car de l'usage qu'on
en fait, dépendent la conversion et le
salut. Ce sont les semences d'où doivent
sortir les épis pour les greniers de notre
Père céleste.
Illusions. Mais les âmes se
séduisent elles-mêmes, d'abord quand
elles se contentent d'ouïr ces appels avec nue
certaine émotion, et qu'elles les prennent
pour la conversion, qui est bien autre chose qu'un
simple attendrissement du coeur. Combien de
pécheurs se perdent malgré toutes les
émotions religieuses qu'ils ont
éprouvées dans leur vie! Car il n'est
pas une âme qui n'en ait eu quelquefois ; il
n'est pas de porte à laquelle le Sauveur ne
frappe de temps en temps.
Ceux-là se séduisent
aussi qui prennent leurs bons mouvemens et
l'inquiétude qu'ils leur causent, pour des
tentations de l'ennemi qui cherche à les
porter ait doute et à
l'incrédulité. Souvent ces personnes
sont fortifiées dans leur erreur par des
gens qui se donnent pour de
profonds docteurs. Elles écartent de toute
leur force ces sentimens de repentance, en priant
Dieu de les délivrer de leurs tristes
pensées, en lisant de bons livres et surtout
les psaumes de David, en cherchant à se
tranquilliser d'une manière ou d'une autre
par leurs propres efforts et leur propre travail.
Elles croient montrer en cela de la fermeté
de foi et avoir combattu le bon combat. Mais elles
se trompent misérablement.
Obstacles.
Sans tomber
dans de telles illusions, on peut entraver sa
conversion : en évitant les occasions et les
lieux où l'on pourrait apprendre à se
connaître; en ne consentant pas à lire
les ouvrages qui font sentir la plaie profonde du
coeur, et qui montrent la délivrance acquise
par Jésus et l'inutilité des propres
efforts ; en fuyant les prédicateurs qui
remuent la conscience, et les pauvres en esprit qui
cherchent toute leur justice et tout leur salut en
Jésus-Christ et qui ne veulent vivre que
pour lui; en un mot, en ne voulant pas être
humilié ni renoncer à la bonne
opinion que l'on a de soi-même.
Ceux-là rendront leur
conversion extrêmement difficile et
presqu'impossible qui, souvent touchés par
les appels de Dieu, et fréquemment
convaincus de l'état dangereux de leur
âme, n'obéissent cependant point
à la grâce qui les réveille, et
restent d'années en années les
mêmes. Ils s'accoutument à ces
émotions, qui passent stériles; elles
font toujours moins d'effet sur eux à la
longue, et ils tombent enfin dans une espèce
d'endurcissement. La même chose arrive
à ceux qui se révoltent contre les
avertissemens de leur conscience et qui cherchent à
les
étouffer.
(Actes
VII, 54.) Si Dieu ne brise pas
enfin leur coeur, en multipliant sur eux ses
châtimens par amour pour leurs âmes,
ils finissent par être abandonnés
à eux-mêmes et ils meurent
inconvertis.
Conseils.
Prenons
donc
garde à nous. Nous devons, quand notre coeur
est touché, envisager cela comme un appel
que Dieu nous adresse, comme un messager que
Jésus lui-même nous envoie, et suivre
avec fidélité et obéissance
l'attrait de la grâce. Aussitôt donc
que nous sentons nos péchés, nous
devons chercher à nous instruire
d'après l'Écriture de la
manière d'y porter remède, en priant
instamment le Seigneur de nous conduire
lui-même au chemin de la vie. Nous aurons
à rendre compte de l'emploi que nous faisons
de toutes les émotions que Dieu a produites
en nous. Redoutable responsabilité
!
Les pasteurs, de leur
côté, doivent s'occuper avec amour des
âmes touchées par la grâce de
Dieu. ils doivent les chercher, leur aider, les
diriger, les avertir, leur montrer la droite voie !
Heureuses les âmes qui ont été
réellement saisies par Dieu, qui ne laissent
pas leurs bons sentimens se dissiper, et qui
cherchent à les conserver et à les
augmenter en s'approchant du Sauveur et en
profitant des moyens de grâce qui sont
à leur portée !
Nous venons de voir comment le Saint-Esprit va
à la recherche des âmes qui
s'égarent dans leurs voies, comment le
Sauveur frappe à la porte des coeurs et
demande qu'on lui ouvre
(Apoc.
III). C'est ainsi qu'il
débute quand il veut appeler et rassembler
ses brebis pour former son
église.
Mais les pauvres âmes n'ont
par elles-mêmes ni la force ni le
désir d'écouter cette voix et de
prendre la bonne route; elles se laissent
détourner par maints obstacles par des
difficultés qu'elles se créent
à elles-mêmes par des
préjugés qui leur sont comme de
grosses pierres sur leur chemin
(Esaïe,
LVII, 14). Aussi ne
peuvent-elles suivre les traces de la grâce,
et trouvent-elles la voie extrêmement
rebutante et pénible, si ce n'est même
fausse. Dieu vient à leur aide en ôtant ces
obstacles de
devant elles et en leur procurant l'occasion
d'entendre la bonne nouvelle de Christ.
Car l'Évangile est le moyen
que Dieu a établi dans sa sagesse pour faire
connaître aux hommes tant leur profonde
misère que les richesses insondables de la
grâce divine; pour changer et humilier leur
coeur orgueilleux et rebelle, et pour les amener
dans le sentiment de leur misère à la
foi, à la justice et la paix
(Rom. X).
Le monde n'ayant pu, par sa
sagesse,
parvenir à connaître la sagesse de
Dieu, il a plu à Dieu de sauver par la
prédication de la croix, qui est folie au
monde, ceux qui croient en son Fils
(I
Cor. 1, 21 et telle est notre
unique ressource.
Or, pour disposer les hommes
à recevoir l'Évangile, la grâce
fait dans leurs coeurs deux oeuvres distinctes.
1° D'abord, le coeur humain
étant naturellement ennemi de la
vérité divine, le Seigneur cherche
à vaincre ses préjugés et
à lui ôter son aversion pour la parole
de la croix. La sagesse humaine trouve cette parole
trop simple pour s'en occuper, elle la
méprise, aspirant, comme les Grecs
d'autrefois, à une science plus
relevée. Fière de sa
piété, elle se scandalise de la
doctrine de la grâce gratuite, qui, dit-elle,
n'est bonne qu'à endormir le monde dans, le
péché. Elle ne se donne pas la peine
de l'examiner, et la rejette de prime abord. «
Que peut-il venir de bon de Nazareth? »
L'homme naturel a toujours mille raisons pour
justifier ses voies et pour ne pas prendre celle
que Dieu lui indique; il trouve celle-ci
déraisonnable, ou bien allègue
l'impossibilité de faire ce qui lui est
prescrit, il regimbe, il renvoie
; il veut attendre un temps plus favorable, ou la
fin de sa vie. Ce sont là les armes par
lesquelles Satan se défend dans sa maison;
c'est ainsi qu'il maintient dans une fausse paix
l'homme qu'il envisage comme soi
propriété. Le Sauveur
miséricordieux combat cet homme fort et lui
enlève ses armes en nous donnant la
conviction qu'il est bien réellement un
docteur venu de Dieu, comme disait Nicodème
(Jean
III), et en y ajoutant celle
que pour être sauvé il faut en outre
naître de nouveau par la foi au Messie
élevé sur la croix.
Il est d'autres personnes qui
sont
retenues par des obstacles extérieurs, par
leurs relations avec les enfans de ce monde, ou par
leur genre de vocation; mais le Sauveur sait aussi
les tirer de là par les dispensations de sa
Providence, et leur fournir des occasions
d'entendre l'Évangile et de se convertir. Le
premier ministre de la reine Candace était
venu adorer Dieu à Jérusalem par
habitude. En revenant de là il lisait le 53e
chapitre d'Esaïe, qu'il ne
comprenait pas. Il désirait avoir quelqu'un
qui le lui expliquât, et le Seigneur se fraya
le chemin de son coeur. Il lui envoya Philippe, qui
lui prêcha avec force l'Agneau de Dieu
immolé pour les péchés du
monde; et l'Éthiopien s'en retourna chez lui
plein de foi et de joie, et baptisé au nom
de Jésus.
2° Quand le bon Berger a
écarté de nous tous les obstacles,
mis à notre portée le salut et
convaincu nos coeurs de la vérité, il
poursuit soit oeuvre; et nous avons grandement
besoin de son secours, car il nous manque le
désir et la volonté de profiter des
moyens de saint. Aussi nous invite-t-il par la
grâce prévenante de son Esprit à faire un
usage diligent de la Sainte Écriture, et
à rechercher toutes les occasions de nous
édifier. Siméon, touché par un
mouvement de l'Esprit, vint au temple, et il eut le
bonheur d'y trouver son Sauveur. De même,
l'âme réveillée éprouve
pour la parole de Dieu un attrait qui la lui rend
de plus en plus chère et désirable;
elle recherche la société des enfans
de Dieu; elle aime à entendre la
prédication du pur Évangile; elle
s'attache aux serviteurs fidèles de
Jésus; elle aspire à devenir une
nouvelle créature; elle demande, elle
désire le chemin du salut, et dans cet
état elle n'est pas loin du royaume des
cieux
(Marc
XII, 34).
Pour réunir cette âme
aux autres membres de son Église, le
Seigneur emploie aussi le ministère des
pasteurs et des vrais chrétiens.
André appela Pierre qui était tout
occupé de sa pêche : « Viens et
vois, lui dit-il, nous avons trouvé le
Messie. » Philippe appela Nathanaël,
homme sincère, mais rempli de
préjugés contre tout ce qui venait de
Nazareth. « Viens et vois, lui dit-il, viens
et entends. » Il vint, il vit et il entendit
des choses ravissantes et auxquelles il n'avait
jamais pensé.
Parfois aussi un pécheur
assiste à une prédication puissante
de l'Évangile; il se sent atteint,
attiré, troublé. Il éprouve le
désir d'entendre une seconde fois une telle
prédication. Le Seigneur est pour quelque
chose dans ce travail intérieur, et c'est
ainsi qu'il a déjà gagné bien
des âmes. Mais si l'homme, une fois
touché, entend d'année en
année la vérité sans se livrer
à la force
régénératrice de la
grâce, sans s'humilier, il s'abuse, et un jour il
devra
rendre compte de tant de grâces
méprisées.
Cependant faire usage des moyens
de
salut n'est point encore la conversion.
Prédication, lecture de la Parole,
prières, société des enfans de
Dieu, tout a pour but, à cette
époque, de nous donner une conviction
vivante de notre condamnation devant Dieu, et ainsi
de nous conduire à Christ. Bien des
personnes emploient les moyens et perdent de vue le
but. Jésus-Christ a dit de telles gens
(Jean
V, 39) : « Vous sondez
l'Écriture, vous la lisez et
l'écoutez souvent; vous pensez y trouver la
vie éternelle, vous croyez que la lecture
seule en suffit; et c'est elle qui rend
témoignage de moi, qui vous adresse à
moi et qui vous apprend à venir à moi
travaillés et chargés, pour avoir la
vie; mais vous ne voulez pas venir à moi,
vous vous contentez de lire toujours sans jamais
profiter de votre lecture.)
Au reste, remarquons
expressément que notre pensée n'est
point, dans ces deux chapitres, de décrire
un état de l'âme dans lequel on doive
nécessairement rester plus ou moins
longtemps. Ces émotions et cet usage des
moyens de grâce se confondent souvent avec la
vraie conversion, comme l'indiquent les exemples
cités. Mais comme plusieurs perdent de vue
le but en usant des moyens, nous avons voulu leur
indiquer à quels caractères ils
reconnaîtront ce qu'ils sont et où ils
en sont, et les prémunir contre leur fausse
sécurité.
Illusions. Les âmes
réveillées sont exposées
à bien des séductions. La plus
grossière de toutes c'est de se croire
chrétien parce que l'on fait usage des
moyens d'édification,
parce que l'on entend des prédications,
qu'on lit la Bible, qu'on tire bu sort des versets
pour s'instruire de la volonté de Dieu, ou
qu'on apprend par coeur dé beaux cantiques,
des prières, des passages, des
réponses du catéchisme, etc. Il ne
faut pas imaginer que l'on soit dans le
christianisme parce qu'on fait tout cela. Le vrai
christianisme n'existe pas sans la pauvreté
d'esprit, la repentance, la foi et l'imitation de
Jésus-Christ.
Quelques-unes de ces âmes
touchées en appellent à leur
baptême et se croient sauvées par
là, bien qu'elles n'aient jamais
éprouvé l'efficace de ce sacrement,
et qu'elles refusent de se repentir, de croire
véritablement en Christ et de crucifier la
chair et ses convoitises. Elles s'appuient aussi
sur ce qu'elles fréquentent la cène,
bien qu'elles n'aient nullement faim et soif de la
justice, et ainsi elles ne font que donner sans le
savoir d'autant de plus de force au vieil homme.
Une troisième erreur
également grossière, est celle de ces
âmes qui se font un mérite de leurs
pratiques religieuses, auxquelles elles attachent
une valeur propre. Elles en méconnaissent
ainsi le but, et croient, par le simple usage des
moyens de grâce, rendre à Dieu lin
culte véritable. Elles s'enorgueillissent de
ce qui ne devrait servir qu'à leur faire
connaître leurs péchés et leurs
misères.
Mais il y a aussi des illusions
d'une nature plus subtile, pour les âmes qui
éprouvent la grâce prévenante
de Dieu. Telles sont ces personnes qui,
plutôt que de se repaître du pur et
saint Évangile, se laissent entraîner à des
choses inutiles ou accessoires qui les
détournent de Jésus-Christ. Elles
s'occupent, soit de leurs propres imaginations,
soit de lectures qui ne vont point à
l'avancement dans la piété, ou qui ne
sont pas appropriées à l'état
de leur âme, comme d'ouvrages de morale
casuistique, d'interprétations savantes de
la Bible, de questions subtiles de doctrine, de
points de controverse. Elles cherchent à
satisfaire ainsi leur curiosité et se font
de la religion un passe-temps. Mieux vaudrait pour
elles lire quelque simple et solide exhortation
à la repentance, et apprendre à
croire de coeur à la mort de notre Seigneur
Jésus-Christ. Souvent même elles vont
jusqu'à prétendre soumettre la Parole
de Dieu à leur raison et l'expliquer par
leur propre esprit, au lien de demander humblement
l'assistance de l'Esprit de Dieu pour la
comprendre. Ou elles cherchent dans la Bible toute
espèce de choses curieuses et
extraordinaires. Aussi ne trouve-t-on chez elles
que discussions et bavardage, au lieu de la vie et
de la paix de Dieu
(1
Tim. VI - 4. 5).
D'autres personnes prennent le
savoir pour l'avoir, et parce qu'elles ont une
certaine connaissance de la repentance et de la
vraie foi, elles pensent les posséder dans
le coeur. Plus triste encore est l'état
spirituel de ceux qui basent leur confiance sur la
science qu'ils ont des histoires bibliques. «
La science enfle, la charité seule
édifie. »
Prenons garde aussi de nous
appuyer
sur l'approbation d'autrui. On nous loue de ce que
nous ne rejetons et blasphémons plus la
vérité, et de ce que, au contraire, nous la
louons,
l'aimons, la recherchons. Mais l'homme peut-il lire
dans le fond de nos coeurs, pour savoir si nous
sommes réellement convertis?
D'autres fréquentent les
réunions de prières, y apprennent
à mettre des mots à la suite les uns
des autres, et à imiter des lèvres
les prières pleines de chaleur et de vie
qu'ils ont entendues, s'appuient sur leurs
relations avec les enfans de Dieu et s'imaginent
être convertis.
À plus forte raison
s'abuse-t-on si l'on recherche la
société des enfans de Dieu bien plus
dans des vues intéressées que par un
désir ardent du salut: si l'on y poursuit
son propre intérêt et non celui de
Jésus-Christ, si l'on espère y
trouver des amis ou des soutiens pour ce monde, si
l'on se flatte réciproquement et qu'on ne
songe pas à purifier son âme du levain
de l'égoïsme, de l'impureté et
de l'injustice; si l'on aime à se faire
donner le nom de frère par les enfans de
Dieu, sans chercher avant tout à plaire
à son Père céleste. Les
chrétiens doivent prendre garde de favoriser
ce mauvais penchant chez ceux qui les
fréquentent. En accueillant
légèrement comme des frères
les hypocrites, ou ceux qui n'ont qu'un
tiède désir d'appartenir à
Christ, on leur fait beaucoup de mal, et l'on
prouve par la qu'on a soi-même une faible
mesure de ce discernement et de ce sel qui
devraient exister dans toutes les âmes
converties
(Jean
III, 20; Ephés.
V, 11-13; Marc
IX, 50).
Enfin, ceux-là s'abusent
aussi qui se livrent à un esprit de secte,
qui ne voient de grâce et de salut que pour ceux
qui sont de leur
société particulière, et qui
n'embrassent pas dans un même amour tous les
hommes qui croient de tout leur coeur en
Jésus.
Obstacles. Beaucoup d'âmes
bien disposées, sans perdre
entièrement de vue le but principal, se
complaisent à des exercices de
piété, qui sont sans doute en
eux-mêmes excellens et nécessaires,
mais qui ne peuvent être utiles que si l'on
en fait l'usage voulu. Elles se souviennent de
telle et telle chose répréhensible
qu'elles faisaient autrefois et qu'elles ne font
plus, et pensent à l'usage tout nouveau
qu'elles font actuellement de leurs
journées; et elles en concluent qu'elles
sont parvenues à la pleine
vérité. Ainsi elles se
détournent du vrai sentiment de leur
misère et ne pénétrant point
dans le pardon acquis par le sang de
Jésus-Christ. Elles ressemblent à des
personnes qui, devant faire un voyage, vont
jusqu'au poteau qui indique aux passans la route
à prendre, et qui s'y assiéraient, en
disant : Nous savons le chemin, nous ne pouvons
manquer d'arriver.
D'autres âmes bien
disposées se nuisent à
elles-mêmes, en voulant travailler avant d'en
avoir reçu la force, et en prétendant
accomplir la loi sans connaître la
grâce et sans avoir été
réconciliées avec Dieu. Elles font
beaucoup d'oeuvres, elles ne veulent pas être
des auditeurs oublieux ; elles aspirent à
pratiquer ce qu'on leur enseigne. Mais comme la
vraie pratique doit commencer par la repentance et
la foi au salut gratuit, elles ne parviennent point
à faire vraiment les oeuvres
chrétiennes. Le vieil homme est capable de
s'imposer bien des sacrifices; mais celui contre
lequel il regimbera toujours et
qui est pourtant le premier et le plus
nécessaire, c'est de renoncer à toute
propre justice et de sentir son état de
perdition.
Je ne mentionnerai ici qu'en
passant
ces âmes qui fréquentent le culte et
qui lisent et apprennent sans cesse, sans savoir
pourquoi; qui courent à l'aventure et sans
réflexion, et tournent, pour ainsi dire,
dans le même cercle ; qui ont une
piété machinale et n'arrivent jamais
à la connaissance de leur misère et
de la rédemption
(2
Tim. III, 7). Et cependant cette
connaissance est la seule nécessaire, et
sans elle toute autre est vaine, et est même
nuisible en bien des cas. Ces gens frappent l'air
de coups inutiles, et ils sont aussi peu
avancés que les pasteurs qui seraient
tentés de se réjouir de voir de
telles brebis dans leur troupeau. Malgré
leur assiduité au culte, les années
se passent sans qu'elles fissent aucun
progrès. Quelques-uns d'entr'eux, il est
vrai, sont et demeurent dans cet état par
pure ignorance et en toute sincérité,
et ils finissent quelquefois par ouvrir les yeux.
Mais d'autres se font de leurs exercices religieux
un oreiller de sécurité, et tombent
finalement dans une sorte d'hypocrisie fort
difficile à guérir.
Car ou peut rendre sa conversion
très difficile et presque impossible, quand
ou s'accoutume tellement à entendre
froidement les invitations et les appels de Dieu
qu'on y devient insensible. La parole de Dieu est
sans doute toujours vivante et efficace, mais on
peut lui fermer l'entrée du coeur, qui reste
sombre, tiède, froid, mort. On se retranche
ainsi derrière ses idées propres, on
se préoccupe de ses affaires et de ses
désirs mondains ; on
écoute bien, mais sans désir
sérieux de s'éclairer, car
grâce, on n'a pas été
fidèle aux premiers attraits de la et aussi
finit-on par s'endurcir, parce que l'on aime mieux
les ténèbres que la lumière
(Jean
III).
Mais un état encore plus
dangereux est celui des gens qui marchent avec les
vrais enfans de Dieu, vivent comme eux, prient avec
eux, et qui, dans le secret de leur âme, se
font de leur piété apparente une
justice propre sans permettre à la
grâce d'agir en eux et de les convertir. Ils
ont la science de l'Évangile et ont appris
la langue de Canaan ; ils disposent saintement leur
vie, veulent avoir aux yeux des autres l'air de
tout connaître, aiment à parler et
prier devant les autres, et concluent de tout ce
qu'ils font de bien, à leur état de
grâce. Pleins des hauts sentimens qu'ils ont
d'eux-mêmes, ils deviennent
présomptueux et repoussent tout
avertissement. Ils ont changé de vie, sans
doute, mais la surface seule est autre, le fond de
leur âme est toujours le même; ils se
sont convertis non à Christ mais à
eux-mêmes. lis sont enflés de leurs
beaux discours, de leurs bonnes oeuvres; ils ont
conçu une fausse piété et mis
au monde l'enfant de la propre justice. Comme Eve
qui croyait porter dans son sein l'enfant de la
promesse, mais qui enfanta un Caïn, un
hypocrite, un meurtrier, ils ne connaissent pas ce
qu'ils ont au dedans d'eux ; ils jugent les autres
et s'oublient eux-mêmes, ils tournent le
miroir de la loi du côté d'autrui, et
n'y regardent jamais.
C'est le mensonge de ceux qui se
disent vrais Juifs et ne le sont point
(Apoc.
II, 9) ; c'est la folie des vierges, en tout
temps si
nombreuses, qui ont leurs lampes à la main,
mais sans huile.
Cependant la pire des situations
est
celle des hommes qui retournent en arrière
et en viennent jusqu'à repousser les moyens
de salut; ils retombent dans le monde d'où
ils étaient à peine sortis; ils
avaient reçu la parole avec joie, et ils
apostasient quand vient l'heure de la tentation; ou
ils ne peuvent supporter l'idée humiliante
d'être condamnés, devant la justice de
Dieu et obligés de chercher tout leur espoir
et toutes leurs forces en Jésus-Christ. Ils
étaient venus jusqu'au poteau qui indique la
bonne route, ils l'ont vue et n'ont pas voulu la
suivre. Comme ils rejettent la parole du Seigneur,
le Seigneur les rejettera à leur tour
(1
Sam. XV, 23). Ah ! prenons garde
aux avertissemens de cette divine Parole, afin de
n'être pas retranchés
(Heb.
II, 1) ! Malheur à ceux
qui abandonnent les directions contenues dans la
révélation, sous quelque
prétexte que ce soit, et qui cherchent
à en détourner les autres! Cette
parole est la même qui doit nous nourrir
jusqu'à ce que nous soyons entrés
dans la Canaan céleste ; celui qui ne veut
pas en manger défaillit et meurt en
chemin.
Quand on en est là, on est
bien près de commettre le
péché contre le Saint-Esprit, qui
consiste non seulement dans l'apostasie et dans le
reniement de la vérité après
l'avoir connue, mais en général dans
une persistance opiniâtre et invincible
à résister à l'Esprit saint
qui parle aux coeurs de conversion et de
rédemption, et à ne vouloir entendre
ni la voix de Dieu ni celle de ses serviteurs.
Conseils.
Nous
conseillerons donc aux chrétiens: de
profiter de toutes les occasions que Dieu leur
présente pour s'éclairer et pour
s'édifier, d'écouter la Parole, de
fréquenter les personnes sincèrement
pieuses; mais en même temps de ne pas se
contenter de cela, et d'entrer toujours plus avant
dans la connaissance de leur propre coeur; de
prendre garde de se faire une propre justice de
leurs actes de piété; de
reconnaître la nullité de la science
seule et de la vertu tout extérieure, et de
se sentir toujours pauvres et nus; de s'abandonner
entièrement à la grâce de Dieu,
et dé le prier sans cesse de disposer et de
préparer leurs âmes, afin que, sentant
leur misère, ils viennent avec foi aux pieds
de Jésus, pour y goûter tout ensemble
l'humiliation de la repentance et la joie du salut
acquis par les inexprimables souffrances de Christ.
La base de toute prédication,
le sommaire de toutes les doctrines, doit toujours
être : « 0 homme, tu es pécheur
et maudit; crois en l'Écriture qui te le
déclare. Tu ne peux te tirer toi-même
de la perdition. Mais jette les yeux sur le Sauveur
qui a été crucifié pour tes
péchés! Il peut et veut te justifier
et te sanctifier. Viens à lui avec un coeur
contrit et humilié, ne tarde pas. Crois en
lui ; accepte-le Pour TON Sauveur! Il est mort pour
toi, pour ton éternel bonheur. Il te donnera
la paix, la sainteté, la
félicité des cieux, en échange
de TOUTES tes misères qu'il a prises sur lui
et expiées. Demeure attaché à
lui; suis-le partout. » Voilà ce qu'il
faut dire et répéter sans cesse aux
âmes, mais en leur recommandant bien de ne
pas intervertir l'ordre de ces
vérités et de commencer toujours par le
commencement, qui
est la connaissance foncière et
complète de sa misère. C'est le seul
moyen de saisir et de s'approprier les
mérites de la vie et de la mort de Christ,
et d'obtenir ainsi la guérison de
l'âme, l'expiation du péché et
la vie éternelle.
O âme ! sonde-toi
toi-même ! Entends-tu avec plaisir la parole
de ton Dieu? N'est-ce plus pour toi une folie que
cette prédication de la croix qui seule
conduit l'homme au salut? Que si tu
l'écoutes avec joie et la recherches, en
profites-tu comme tu devrais ? En fais-tu l'usage
convenable? Est-elle pour toi un collyre
(Apoc.
III, 18) qui t'ouvre les yeux
sur ta misère et sur la
nécessité d'aller à Christ
pour obtenir le pardon et la sainteté ? Oh !
qu'il en soit pour toi ainsi. Amen !
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