Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DÉBARQUEMENT AU CAMEROUN

-------

La tentative réussit. Un chef, Deido, vassal du roi Akwa, offrit aux visiteurs un terrain et une hutte indigène, qu'ils acceptèrent, et le 10 juin, 1845, M. Saker quitta définitivement Clarence et débarqua au Cameroun pour y commencer ce qui allait être le grand oeuvre de sa vie.

Il emmenait avec lui son fidèle Thomas Horton Johnson, bien que celui-ci eût fait tous ses efforts pour le dissuader de pénétrer au Cameroun et le convaincre qu'il y serait mangé. - Oh non ! je suis bien trop maigre ! avait répondu M. Saker. Désarmé par cette répartie, Johnson décida d'emboîter le pas et Dieu l'en bénit en lui donnant par la suite beaucoup d'enfants spirituels dans son pays d'adoption.


LE PIONNIER

Leur débarquement sur ce rivage peuplé de Doualas faillit déclencher une guerre entre le chef vassal, Deido, qui leur avait offert asile, et le roi Akwa, jaloux de ce qu'un Européen se fixât sur un domaine autre que le sien 1 M. Saker, à peine arrivé, fut donc obligé, au péril de sa vie, d'affronter les belligérants pour les réconcilier. Il y réussit et Akwa lui assigna, sur son propre territoire, un emplacement où installer des bâtiments missionnaires.

Le 22 juin, 1845, M. Saker inaugura son oeuvre au Cameroun et le compte-rendu de ses activités ce jour-là donnera une idée de ses efforts pour faire pénétrer l'Évangile chez les Doualas. Levé de grand matin, il rassembla les chefs et le peuple dans le village du roi Akwa, pour leur annoncer la bonne nouvelle. Tout ce monde écouta la parole divine pendant deux heures. À 9 heures du matin, il réunit les enfants et quelques adultes dans sa maison et, pendant plus de trois heures, aidé de Johnson, il les exhorta par groupes. À midi et demie, il se mit en route pour le village du roi Bell, pour y tenir une première réunion, mais ne put grouper que douze personnes peu attentives. S'étant aperçu qu'elles étaient sous l'influence du rhum, il les quitta au bout d'une demi-heure pour passer dans le village de Joss. Ici l'auditoire fut nombreux et bruyant. Au retour, il visita encore une agglomération qu'il n'avait pas d'abord remarquée entre celles d'Akwa et de Bell et tint là une réunion mémorable ; les indigènes reçurent son message comme une terre altérée. En terminant, il invita les enfants à se rendre à l'école le lendemain, et les adultes à venir aussi s'instruire concernant le grand Sauveur dont il venait de leur parler. Las, mais heureux, il rentra chez lui à la tombée de la nuit.

Le jour suivant, l'école commença de fonctionner; mais il n'y avait de place que pour vingt enfants. « J'espère bientôt construire une salle capable d'en recevoir quatre cents, » écrit-il. Et encore : « je suis entouré de villages très peuplés. » Ainsi se trouvait, d'emblée, abondamment exaucé le souhait de M. Saker de travailler parmi les masses pour en atteindre un plus grand nombre. L'occasion se présentait enfin, la porte était grande ouverte. Allait-il être à la hauteur de la tâche et conquérir ce pays pour son Roi ?

Le 28 juin 1845, Mme Saker et leur fille, accompagnées de Miss Stuart, le rejoignirent. À eux quatre, ils composaient tout le personnel de la nouvelle station missionnaire, qu'ils convinrent d'appeler Béthel.


PEINES ET TRAVAUX

Les difficultés commencèrent à surgir; d'abord M. et Mme Saker étaient obligés de veiller toutes les nuits. à tour de rôle sur leurs précieuses possessions ; puis la nourriture était rare ; chaque famille indigène ne cultivait que le strict nécessaire pour ses propres besoins, et n'en cédait une parcelle qu'en échange d'articles qui lui faisaient défaut, tels que tissus, tabac, pipes, etc. D'autre part, pendant de longs mois, M. Saker ne put obtenir que la palissade dont il persistait à entourer la station fût respectée : au fur et à mesure qu'il les fixait, piquets et fils de fer disparaissaient la nuit suivante.

Et encore, il fallait se procurer de l'aide pour le ménage, et pour cela, gagner la confiance des parents afin qu'ils consentissent à laisser leurs enfants vivre dans la maison missionnaire. Il y en eut d'abord quatre, trois garçons et une fillette, auxquels il fallut tout enseigner. Heureusement, ils purent bientôt rendre quelques services, tels que charrier l'eau, qu'il fallait aller chercher à un demi-kilomètre de là, passer en canot de l'autre côté de la baie pour échanger quelques marchandises contre un peu de nourriture, seul moyen souvent de s'en procurer, et encore ne trouvait-on que des ignames, de grosses bananes, et des papayes. Les Saker n'avaient souvent rien d'autre à se mettre sous la dent que ce dernier fruit, plus abondant parce que moins prisé des indigènes.

En six mois de patience et de travail acharnés, M. Saker avait réussi à pénétrer dans quelques villages voisins, remontant le fleuve sur trente kilomètres jusqu'à Mungo. Son nom passait de bouche en bouche ainsi que l'histoire merveilleuse qu'il racontait, 'la palabre de Dieu' comme disaient les villageois ; en sorte qu'il était parvenu rapidement à gagner beaucoup d'influence auprès du vieux roi Akwa et de ses chefs. Ceux-ci appelaient M. Saker 'père' et lui témoignaient beaucoup de respect. Mme Saker aussi les étonnait par son calme courage. Un jour, voulant s'amuser à l'effrayer, le roi leva le bras sur elle comme pour la frapper, mais elle ne broncha pas.
- Toi pas peur ? questionna-t-il, intrigué.
- Non, répondit-elle; si j'avais peur, je ne serais pas venue ici.

Il éclata alors en vociférations, déclarant qu'une femme exempte de crainte est une anomalie.



... les bénissait-il ?

Il mourut peu de temps après, ce qui occasionna un conflit pendant lequel le courage des Saker fut mis à une rude épreuve. Sentant sa fin prochaine, le vieux roi avait chargé M. Saker de veiller sur ses possessions pour les protéger contre le pillage jusqu'à ce que l'aîné de ses fils ait eu le temps de venir de l'intérieur réclamer sa part d'héritage. Les autres fils, déjà sur place, décidèrent de tout rafler et la fureur guerrière et meurtrière des plus hardis se déchaîna contre la maison missionnaire qui se trouvait sur le territoire d'Akwa. Ils l'entourèrent en dansant des contorsions belliqueuses, criant et. brandissant lances et coutelas. M. Saker sortit, referma la porte sur sa femme et sa fillette et, debout sur le seuil, sans armes, seul, il affronta la foule hurlante et tapageuse. L'oeil prompt, il ne perdait pas de vue un seul mouvement des assaillants ; chaque fois qu'ils se ruaient vers la maison, M. Saker tendait le bras vers eux, comme pour prévenir le danger (peut-être les bénissait-il ?), et, chaque fois, subjugués, ils reculaient comme repoussés par une force invisible.

Ces heures terribles s'écoulaient lentement. Les guerriers firent trêve un instant et, ayant tenu conseil sur les étranges circonstances qui les déconcertaient, décidèrent d'incendier la maison. Ils allumèrent des fagots dont ils tiraient des torches vives qu'ils jetaient vers la maison ; mais la même silhouette impavide et le bras levé les tenaient toujours à distance.

Heureusement, la délivrance approchait. Les capitaines des vaisseaux qui passaient sur la rivière aperçurent la fumée des bûchers et, craignant soudain pour la vie des missionnaires, armèrent en hâte leurs matelots et vinrent en canot s'informer de ce qui se passait sur le rivage. À les voir débarquer, les assaillants s'enfuirent.

Quel soulagement pour le vaillant serviteur de Dieu ! Il rentra aussitôt rassurer sa femme et sa fillette. Cette dernière, épouvantée du danger où elle voyait son père, n'avait cessé de pousser des cris déchirants, et une fois seulement pendant toute cette effroyable journée Alfred Saker était rentré une seconde pour la consoler en se montrant vivant ; mais à l'instant même où il fermait la porte, une hache, lancée avec vigueur et précision, la fendait en trois morceaux. Pendant de longues années, cette porte, réparée, fut conservée en témoignage d'une délivrance miraculeuse.

Suivirent cinq mois d'inquiétudes et de dangers continuels. Les Saker étant sur territoire du roi décédé et dans une de ses maisons, les héritiers voulaient les en chasser de force, mais aucun d'eux n'en avait l'audace et chacun se contentait de faire main basse sur tout ce qu'il trouvait à sa portée.

À quelque temps de là, un navire de guerre anglais amena des officiers de marine qui, au nom de Sa Majesté Britannique, nommèrent roi le fils aîné du défunt monarque. Cette décision fut acceptée par les autres fils d'Akwa et ramena l'ordre et le calme parmi ces populations troublées. Le jeune roi put ainsi inaugurer son règne dans la paix.


L'OEUVRE

Il n'était pas rare que Mme Saker dût s'absenter de Béthel pour aller porter secours à l'équipe de Clarence. D'autre part, en février 1847, elle dut retourner en Angleterre pour tâcher de raffermir une santé déjà fort ébranlée. La solitude, l'isolement où M. Saker se trouva ainsi confiné lui furent très pénibles, comme en témoigne son journal intime. Il ne se passait pas de jour qu'il n'y écrivît quelques mots de tendresse en pensant à sa femme lointaine. N'ayant auprès de lui aucun Européen à qui ouvrir son âme, il se confiait à son journal où nous pouvons le suivre pas à pas dans le dur labeur qui, jour après jour, s'amoncelle devant lui comme une montagne à transporter. Pressé, haletant, il passe d'une besogne à l'autre, harcelé de problèmes matériels qui auraient pu et dû lui être épargnés ; mais ils faisaient partie intégrante et inéluctable de la vie de sacrifices et de privations, voire de dénûment, des pionniers missionnaires à cette époque : « je passe en revue, écrit-il, la tâche gigantesque qui se dresse devant nous, la salle d'école et la maison de l'instituteur à construire, les traductions, l'impression, toutes les autres routines de la semaine à mener de front, et les dimanches si chargés ! Qui peut y suffire ? je contemple ma faiblesse, mes membres douloureux, mes nerfs à vif, ma constitution minée par la fièvre. Que faire? Broyer du noir? Non, jamais! Faisons encore ce que nous avons fait jusqu'ici : recherchons l'aide divine. J'ai Johnson avec moi. Il est capable et de bonne volonté. . . . ».

Malgré ces soucis, Alfred Saker étudiait assidûment le Douala pour en fixer la grammaire et pouvoir, le plus tôt possible, donner l'enseignement scolaire en cette langue. Dès janvier 1846, il avait réussi à préparer deux livres de classe pour ses écoles et, vers la fin de cette même année, il exprimait ainsi le désir qui lui tenait tant à coeur : « J'espère vivre assez longtemps pour traduire et imprimer toute la Bible en douala. »

Voilà donc l'oeuvre maîtresse qu'il s'est imposée, où le ramène le moindre loisir et qui domine toutes ses préoccupations comme le thème principal de ce vaste concert d'activités multiples, parce qu'elle est nécessairement la base de toute évangélisation: la traduction et l'impression de la Bible en douala. Et, pour y parvenir, il se lève à quatre heures du matin, travaille à l'atelier avant le déjeuner, puis s'attelle à ses traductions ou ses livres d'école, en temps et hors de temps. Nous lisons dans son journal : « Douala avant le dîner, douala après dîner et encore deux heures de douala ce soir. » Plus loin: « Neuf heures de douala aujourd'hui. » Et ainsi presque chaque jour. De fâcheux contretemps interrompaient parfois ce travail intensif : « La serrure de notre barrière a été volée en plein jour. Passé toute une heure à inventer une fermeture à l'épreuve des larrons. Relevé la maison qui s'affaissait par suite d'une tornade. Préparé services pour demain. Ai dû en outre m'occuper de la cuisine et faire tout le ménage. En tout, dix-huit heures de labeur sans répit. » Cette description est typique d'une de ses journées. Il les termine pourtant dans le sentiment qu'il n'a pas fait assez et s'écrie : « Oh, pourquoi est-il nécessaire de dormir ? »

Seul à la brèche, il luttait contre des difficultés. qui auraient fait fléchir de plus fortes épaules et qu'aggravait encore l'apparent oubli où l'avaient laissé ses amis de Londres. Les bateaux anglais à destination de cette côte étaient fort rares et il aurait fallu que le comité organisât des relations suivies par l'entremise des capitaines de la marine marchande qui commençait à commercer avec les tribus riveraines. Depuis trois ans qu'il était en Afrique, Alfred Saker n'avait jamais été ravitaillé en vêtements, chaussures, médicaments et autres provisions indispensables, bien qu'il en eût fait la demande à plusieurs reprises.

Le 19 avril de cette année 1847, un vaisseau venait de mouiller tout près de Béthel. Johnson, dépêché aux nouvelles, ne rapporte même pas une lettre: «Quelle déception ! écrit M. Saker. Que vais-je devenir sans vêtements ? Ma dernière ressource c'est de m'envelopper dans mon grand manteau épais et lourd, et de m'enfermer. Mes chaussures ne supporteraient plus une heure de marche ! »

Le 26 avril: « Un autre bateau vient d'arriver de Liverpool. Ni lettres ni colis ; aucune nouvelle de nos amis ! Il me faut supporter cette nouvelle déception, comme toutes les autres, avec le sourire ! »

Le 29 avril, il aperçoit au large the Dove qui arrivait de Fernando Po. (Ce bateau était resté au service des missionnaires). Johnson, de nouveau envoyé aux nouvelles, revient à sept heures du soir, et lui apprend la mort de M. Fuller, membre de l'équipe de la Jamaïque en mission à Clarence, mais ne rapporte ni lettres d'Angleterre, ni colis, ni vêtements, ni chaussures, ni médicaments. Que faire ? L'espoir qui l'avait si longtemps soutenu semble s'évanouir, comme le navire qui s'en retourne dans la nuit, et il écrit : « Le bateau parti, je me suis senti vraiment abandonné. » Cette plainte émouvante touchera bien des coeurs, même insensibles.

Le jour suivant, tant bien que mal, il trouve moyen de se confectionner une paire de pantalons, mais « quant aux souliers, écrit-il, c'est une entreprise qui dépasse mes capacités. » Puis il note sa santé chancelante et il se prend à grelotter dans les pluies et les vents d'équinoxe; mais, au-dessus de tout ce désarroi matériel, surnage constamment sa principale préoccupation, ses études et traductions en dialecte local : « Premier mai, neuf heures de douala. 2 mai, dix heures de douala. J'ai maintenant plusieurs chapitres du Nouveau Testament prêts pour l'impression. Comment vais-je pouvoir les faire imprimer ? Si seulement j'avais une imprimerie sur place ! 5 mai, levé à quatre heures du matin : neuf heures de douala. »

Le 9 juin, il enregistre qu'il a terminé la traduction de l'Évangile selon St. Matthieu. Le 26, il a terminé celui de St. Marc. À ces rapides progrès, on peut juger de son acharnement.

Entre-temps, le 22 mai, 1847, on lui fait savoir que des colis à son adresse viennent d'arriver sur le bateau l'Héroïne, et il a la joie de recevoir enfin les articles qu'il avait demandés trois ans et demi auparavant. Il est vrai qu'à cette époque il n'y avait encore ni avions ni même aucune navigation à vapeur. Tout joyeux, il s'empresse de partager ses nouveaux trésors avec son grand ami, le Dr Prince de Fernando Po. Puis, il se lance dans de hardis projets, entreprend de construire une école dans le village de Bell, où l'on puisse tenir des réunions et des classes et aussi loger Johnson et sa famille. Cela déchaîne une nouvelle guerre de jalousie, le jeune Akwa s'étant imaginé que M. Saker allait quitter son territoire et s'installer sur celui de son rival. Heureusement, M. Saker se trouvait à Bethel lorsque le roi, suivi d'une horde en tumulte, armée de fusils et de lances, envahit les alentours de la maison missionnaire. M. Saker sortit à sa rencontre, l'invita poliment à entrer et lui offrit un siège ; mais le vacarme était tel qu'on ne pouvait comprendre quels griefs avaient soulevé cette populace. Le roi, hors de lui, se répandait en injures, et quand il eut épuisé son vocabulaire anglais, plutôt restreint, il continua en douala. Resté calme et attentif, M. Saker finit par s'asseoir et prit du papier et de l'encre.
- Toi quoi faire ? interrogea le roi.

- Je vais écrire dans un livre tout ce que tu dis, répliqua M. Saker.
- Non, non ! Toi pas écrire ma palabre, hurla le roi, soudain épouvanté. Et il se précipita pour retenir la main qui maniait la plume.

Pendant une accalmie, entre deux bordées de menaces et de jurons, M. Saker réussit à entrevoir la cause de toute cette effervescence :

- Personne te prendre à nous, continuait le roi. Nous battre pour toi. Pourquoi toi aller vivre chez Bell ? Toi pas pouvoir partir. Terre ici à toi. Toi être tikki (héritage) pour nous mon père légué toi à nous !

Ayant enfin vomi sa colère, le roi s'en fut avec sa suite, sans coup férir.

Le lendemain, il apprit que des matériaux continuaient d'arriver dans le village de Bell, et revint à la charge avec des renforts, espérant trouver le missionnaire sorti afin de se venger de lui en saccageant sa maison; mais ce dernier veillait et les tint encore en respect. Le jour suivant, Akwa revint encore, mais seul, cette fois, et pour faire la paix avec M. Saker. Or, au lieu de lui offrir des excuses, il lui extorqua non pas quelques mètres, mais toute une pièce d'étoffe ! M. Saker céda parce qu'il y vit l'occasion d'exiger de son côté une concession de l'irascible souverain, et obtint enfin que la station missionnaire fût entourée d'une palissade et que celle-ci fût respectée par les indigènes. D'autre part, comme il ne se transférait pas lui-même au village de Bell, il lui fut permis d'y continuer la construction de l'école.

Cette année-là, vers la mi-juillet, M. Saker apprit indirectement que sa femme et sa fille, parties du Cameroun en février, étaient arrivées saines et sauves en Angleterre en mai. C'était toujours un souci de moins. Mais il en avait bien d'autres ! La nourriture était devenue rare. Les canots envoyés en quête de provende revenaient vides et les ressources de Fernando Po auxquelles, en temps ordinaire, on aurait eu recours, étaient inaccessibles et probablement inexistantes par suite d'une guerre qui ravageait l'île. En ce dimanche de disette, M. Saker prêcha sur la Providence de Dieu manifestée au prophète Elie à Kerith et à Sarepta (1 Rois, XVII, 2-16). À deux heures après-midi, pendant un répit entre deux réunions, le capitaine du voilier Mary vint lui apporter une lettre du Dr Prince l'informant qu'il lui envoyait deux cents ignames par ce bateau. C'était assez de victuailles pour trois semaines. Toutefois, le capitaine ajouta que le bâtiment, arrêté à la barre, devait attendre une marée favorable et ne pourrait remonter la rivière avant un ou deux jours.

Le lendemain, lundi, il ne restait à la station que quelques biscuits pour le premier déjeuner, et après cela, la perspective d'assiettes vides et d'un jeûne prolongé jusqu'à l'arrivée du Mary. Or, vers le soir de ce lundi, la femme de Smith, le premier indigène converti qui se fût marié suivant le rite chrétien, apporta un régime de bananes et dix petits ignames. Ainsi se trouvait pleinement justifiée la confiance de M. Saker en la providence divine qu'il avait prêchée la veille. Il appela Johnson pour. lui montrer ces ressources inespérées.
- Ah, exclama celui-ci, vous avez plus de foi que moi ! C'est bien vrai ce que vous disiez hier: il ne faut jamais douter !

Le mois d'octobre suivant, M. Saker tomba gravement malade et, pendant plusieurs semaines, fut trop faible pour vaquer à ses occupations ; pourtant, tels étaient son amour et sa sollicitude pour l'oeuvre entreprise qu'il se faisait transporter au hangar aménagé en atelier et qu'il réussit à fabriquer lui-même une presse d'imprimerie pour préparer sur place les épreuves des traductions qu'il voulait faire imprimer à Bimbia. 'De cette façon, conclut-il, mes longues semaines de souffrance et de faiblesse n'ont pas été complètement perdues. Même les services du jour du Seigneur n'ont pas non plus été négligés: je ne m'en suis absenté que tout un dimanche, pendant lequel Johnson et Peter Nicholls m'ont remplacé.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant