Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XI

COMME AU TEMPS DE SAINT PAUL!...

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En 1753, l'une ou l'autre ville anglaise apprit par la voix des crieurs publics, qu'à l'avenir les manifestations contre le Méthodisme seraient sévèrement réprimées. Pour John Wesley, c'est présage de victoire. Les autorités civiles cessent de paraître les complices de ses ennemis : elles tolèrent et respectent en attendant de protéger et d'admirer. Le réformateur ne connut pas l'infortune suprême de se voir tout à la fois battu par sa femme et conspué par la foule. Mais lorsque l'acariâtre Mollo a fini de le saisir par les cheveux et de le traîner sur le plancher, tout en sacrant comme une harengère, Wesley se relève pour imposer à d'autres son obédience et pour exclure de ses confréries jureurs, ivrognes, goinfres, électeurs vénaux, banqueroutiers et maris qui rossent leur femme.

À Bedford, en 1757, le maire s'avance à la rencontre de Wesley. L'année suivante, dans la même ville, le révolutionnaire accepté, tel un réformateur, inaugure, par un terrible sermon sur le Jugement Dernier, la session des Assises. Ainsi, de menus faits permettent de suivre en ses étapes obscures la montée de John Wesley vers la gloire.

Insensiblement, l'opinion publique devient plus grave. Le récent roman de Richardson Clarisse Harlowe ne révélait-il pas un retour vers l'idéal puritain? Clarisse Harlowe, la petite prédicante, cherche à convertir Lovelace, son séducteur; elle lui conseille des lectures pieuses et discourt contre le blasphème. Comme sa vertu, sa prière manque d'équilibre. Lovelace l'aperçoit par le trou d'une serrure « à genoux au pied de son lit, la tête penchée, les mains étendues, poussant des sanglots que j'entendais à cette distance, comme dans les douleurs d'une mortelle agonie ». - Ainsi Wesley décrivait-il les exaltations de ses auditeurs durant ses premiers sermons. - Et le libertin Lovelace, qui a juré de posséder l'innocente, plus prompte à s'indigner contre le mal qu'à fuir le danger. Lovelace lui-même n'entendra-t-il pas la voix du remords? Un jour il entre dans une église, et frémit en écoutant le prédicateur commenter l'histoire de David et de Bethsabée.
Artificiel ou véritable, ce trouble de la conscience devient à la mode; la désinvolture à l'égard du problème religieux commence à déplaire. Le 5 mai 1760, une exécution capitale impressionna singulièrement la foule : elle est restée fameuse par le déploiement d'incrédulité qui l'accompagna. On conduisait à la potence de Tyburn un membre de l'aristocratie. Lord Ferrers, meurtrier de son majordome. Habillé de vêtements clairs brodés d'argent, le condamné s'avançait impassible. Toisant avec un mépris extraordinaire le chapelain qui venait l'assister et qui lui parlait du Christ. Lord Ferrers rendit publique sa profession de foi. Il croyait en Dieu l'architecte de l'univers. Hors de là, dogmes et cultes n'importaient guère. Variables pour chaque pays, ils servaient à la police des nations. Malheur à l'ennemi de la société qui dérangerait cet ordre établi pour le peuple! Dans la cellule de sa prison. Lord Ferrers laissait un papier où il avait écrit :

Dans le Doute j'ai vécu, dans le Doute je meurs.
Cependant je me prépare à rencontrer le vaste abîme,
Et c'est sans terreur que j'attends l'éternité!


Wesley se servit de l'effet sinistre causé par cette mort. Il se glorifia de relever ces mystères chrétiens méprisés par le gentilhomme déiste comme bouchées de pain pour les pauvres : l'Incarnation, la Rédemption.
Quand se livre la Guerre de Sept ans, Wesley n'est plus suspect de traîtrise. Déjà sa figure se dessine d'animateur spirituel nécessaire au pays et bientôt indispensable. Le bruit court en 1756 que les Français vont débarquer en Irlande. Des visionnaires surexcitent l'opinion parce que leurs rêves leur montrent des navires fantômes, et toute la cavalerie de l'Apocalypse galopant dans les nuages. En 1757, l'Amiral Byng est fusillé pour avoir abandonné Minorque au Duc de Richelieu. Les revers de la Grande-Bretagne se multipliant sur terre et sur mer. Lord Chesterfield pousse un cri de désespoir : « Nous ne sommes plus une nation! » Et dans les chapelles fondées par John Wesley, les ancêtres de la génération qui se vantera d'avoir ligoté, « l'ogre de Corse », chantent à pleine voix :

Le lion est sorti de son repaire,
L'exterminateur est en marche;
Les forces de Rome persécutrice
Sont déchaînées pour les massacres.


Mais voici que le 20 novembre 1759, la flotte française subit une défaite dans la baie de Quiberon. Alors les Méthodistes cessent de se plaindre. Ils adaptent aux circonstances le cantique triomphal de Moïse; Jéhovah lui-même ne s'est-il pas armé pour défendre les bons protestants d'Angleterre contre les Papistes prêts à les torturer?

Quand sonnera l'heure de la Justice,
Leur défaite et notre salut,
Les chefs de Rome persécutrice
Frémiront et ne seront plus
Et nous verrons terrorisés
Ceux qui voulaient du mal de ton Église,
Ils confesseront en silence,
La force de ton bras tendu.


Les prisonniers français affluent en Angleterre. Dans l'automne de 1759, Wesley visite un de leurs camps. Il les voit misérablement parqués, insuffisamment vêtus. Il prêche en leur faveur, recueille pour eux des offrandes. Tu n'opprimeras pas l'Etranger, te souvenant que tu as été toi-même étranger sur la terre d'Egypte : la voix de Wesley s'élève d'autant plus miséricordieuse pour commenter le texte de la Bible qu'il s'agit d'exprimer la pitié du vainqueur. Aussi brusquement que la main du joueur retourne le cornet fatidique, le sort du monde change de face. De grandes réjouissances célèbrent la prise de Québec; entre deux prêches, Wesley s'émeut d'entendre relater la mort du général Wolfe. L'Angleterre du caricaturiste Hogarth, celle des élections vénales, des beuveries interminables, des brigands qui transforment en coupe-gorge les rues de Londres, l'Angleterre possède maintenant les Indes et le Canada.

Et la victoire de Wesley s'inscrit à ce tournant de l'histoire. Elle coïncide avec l'avènement du premier William Pitt. Lord Chatham. Le missionnaire et l'homme d'État, les deux maîtres de l'heure, communiaient dans la conscience de leur prestige et dans l'horreur superstitieuse du rire. Lorsqu'on lui lisait à haute voix quelque drame de Shakespeare, Lord Chatham omettait, avec un dédain emphatique, toutes les plaisanteries.




Le cavalier John Wesley pouvait souvent observer dans ses voyages à travers l'Angleterre, de pauvres gens groupés devant un avis placardé sous le porche d'une église. Ils essayaient de lire le texte d'une loi qui leur était fatale, une loi d'enclosure. Des paysans apprenaient que la parcelle du sol où ils ramassaient leur provision de bois, où ils menaient paître leur vache, allait être englobée dans un vaste domaine. Les nécessités de l'agriculture le voulaient ainsi. La terre ne serait plus simplement la nourrice qui ne laissait périr aucun des enfants attachés à son sein. Elle deviendrait le capital qu'on exploite; elle servirait à la richesse collective, non plus à l'épanouissement des vies obscures. Sans doute la loi prétendait-elle dédommager ceux qui se trouvaient ainsi lésés : ils demeuraient sceptiques aux promesses des accapareurs. Ils avaient lu l'arrêt de leur condamnation. Wesley les voyait s'éloigner dans un silence consterné.

Bergers, bouviers et laboureurs devenaient, les soirs d'hiver, des tisserands. On percevait aux approches des villages le bourdonnement des métiers en marche derrière les vitres enfumées des cottages. Le Journal de Wesley évoque cet atelier de famille dans la campagne : la mère et les filles installées au rouet, les garçons occupés à carder la laine; dans l'embrasure d'une fenêtre, une aïeule semblait la gardienne de la Bible délaissée.

Le cavalier mettait pied à terre, réclamait l'hospitalité « Que la paix du Seigneur descende sur cette maison! » Wesley parlait de la vie éternelle : Cherchez le Seigneur pendant qu'Il se trouve! Comme la foule des malades groupés dans l'Évangile autour de la piscine miraculeuse, l'humanité pécheresse attendait sa guérison, l'instant unique où l'ange descendrait sur les eaux. Ces libres paysans anglais qui, depuis des siècles, vivaient laborieusement et dignement sur le même lopin de terre, écoutaient la voix qui réveillait leur âme religieuse. Les habitants de cinq ou six cottages se réunissaient pour former une congrégation méthodiste. L'indifférence était secouée, la Bible répandait de nouveau sa lumière.

Et Wesley promulguait ses lois, grandes et petites. Plaçant sur le même plan fautes vénielles et crimes, il déformait parfois les consciences. tout en réformant les moeurs. Il distribuait quelques livres : ses recueils de cantiques, une Imitation du Christ éditée par ses soins et portant à son frontispice, contre l'usage protestant, une image de Jésus en croix; la Vie de Gaston de Renty, gentilhomme de France et modèle du Chrétien parfait, - légèrement démarquée pour que le fait que ce Gaston de Renty était un papiste ne sautât pas tout de suite aux yeux. Il laissait aussi son Traité de médecine élémentaire, - car il prétendait guérir les corps en même temps que les âmes, et se montrait aussi méfiant à l'égard de la médecine officielle que de l'Église établie. Son recueil de recettes baroques voulait préconiser un retour à la nature et à l'expérience. Qu'importaient les théories des savants si l'herbe qu'on foule aux pieds renfermait un baume! Wesley enseignait aux ignorants la vertu des plantes curatives. Il leur apprenait que le radis est souverain pour les morsures des vipères, que la feuille de nénuphar est sédative et que l'aigremoine purifie les blessures infectées. Il conseillait aux goutteux un bon cataplasme avec des escargots arrachés de leur coquille et aux cancéreux de ne s'alimenter qu'avec des pommes durant trois mois. La graisse d'oie soulageait le mal d'oreille et le jus de pimprenelle calmait la migraine. Les personnes qui se plaignaient de leur calvitie étaient priées de se frotter vigoureusement le crâne d'abord avec un oignon, puis avec du miel.

Dans l'énumération de ces frustes remèdes, un mot nous arrête, devant lequel l'ignorance demeurait ébaubie : l'électricité. Le 6 octobre 1747, Wesley écrivait en son Journal: « J'ai été avec deux ou trois amis voir ce qu'on appelle les expériences électriques. Voilà qui doit confondre les pauvres demi-penseurs qui ne veulent croire que ce qu'ils comprennent, » Comme les sortilèges, comme les fantômes, l'électricité se trouvait reléguée dans le royaume du mystère; ainsi fascinait-elle John Wesley. En 1760, il distribuait en même temps que son Traité de Médecine Élémentaire, un autre opuscule dont il était l'auteur : Le Desideratum ou l'Électricité rendue simple et utile, par un ami de l'humanité et du bon sens.

Prophète qui se croyait envoyé de Dieu pour régénérer son « petit Israël Britannique », Wesley tendait à s'attribuer lui-même un don de guérisseur. Le magnétisme qu'il exerçait sur les fidèles de ses confréries influençait pareillement les malades, s'il faut en croire quelques notes éparses dans son Journal :

Le 8 avril 1750 : J'ai trouvé Mr Linnell dans une fièvre si violente qu'on n'espérait plus le sauver. Quand il m'aperçut il sembla revivre... Ce fut le début de la convalescence.

... Le 19 octobre 1762 : Ayant appris que James Oddie, tandis qu'il se rendait à Bristol, avait été retenu à Newport par une fièvre pleurétique, j'allai le voir; dès cet instant, il se rétablit.
De pauvres gens se trouvaient enclins à regarder tel un thaumaturge, cet homme au coeur compatissant, dont l'énergie s'emparait de leur faiblesse,




Après quelques années écoulées, le cavalier repassait-il là où son ascendant avait mis en fuite le péché et la fièvre? Il s'étonnait de ne plus percevoir le bourdonnement des métiers. Il s'approchait : rien que des chaumières en ruines! Les Actes d'enclosures arbitraires et multipliés chassaient vers les villes les habitants des campagnes. Sans la révolution industrielle, l'oeuvre de Wesley eût-elle trouvé son terrain propice? Le missionnaire, témoin de son siècle, voyait les premières usines, qu'on appelait des Moulins, se substituer aux petits ateliers ruraux et l'industriel, nouvel aristocrate, supplanter le patron de jadis qui partageait la pitance de ses ouvriers; tandis que le châtelain, isolé, comme un prince derrière les frondaisons de son parc, remplaçait le petit gentilhomme rustique, le Squire, sans faste et sans morgue, Wesley voyait disparaître les habitudes simples et familières et le gouffre se creuser chaque jour plus profond entre le luxe inouï des uns et le dénuement épouvantable des autres.


SCÈNE D'ATELIER
Gravure de Hogarth dans la série « Travail et Paresse » (pl. I)
British Museum Londres.

Infidèle à l'Esprit de l'Évangile, l'Église nationale pactisait avec les puissants de ce monde; elle ignorait et délaissait les pauvres. Ce n'était pas le seul grief de Wesley contre l'Anglicanisme. Son langage n'est pas tendre lorsqu'il parle des souverains qui en jetèrent les fondements. Il s'exclame devant les vestiges d'une abbaye : « Si Henry VIII avait eu seulement un grain de vertu ou de patriotisme, ces nobles édifices ne seraient pas tombés en ruines! » Quant à la reine Elisabeth, qu'éclabousse le sang de sa victime, Marie Stuart, elle ne lui semble « guère plus chrétienne que Mahomet ni moins cruelle que Néron ». Les frères Wesley attaquaient dans leurs poèmes un clergé infidèle et corrompu :

Esclaves de l'orgueil, de l'ambition, du plaisir,
Ils font de l'Église une maison de voleurs,
Ils sont son fardeau, sa honte, sa douleur,
Mais ils se disent l'Église!


Ils dénonçaient les prélats plus soucieux de percevoir les dîmes que de sauver les âmes. Ils reprenaient à leur façon la Querelle des Indulgences. La Réforme elle-même avait grand besoin d'être réformée. Et John Wesley, le petit homme aux yeux bleu d'acier, à l'expression hautaine et pénétrante, qui se cherchait lui-même en évangélisant les foules, ne se jugeait pas au-dessous de cette tâche. Il se laissait guider par un idéal jamais réalisé de pureté primitive. Recommencer l'Église! Comme au temps de saint Paul! rien que cela!


SCÈNE ÉLECTORALE
Gravure de Hogarth. Bibliothèque Nationale. Estampes
En période électorale, les disciples de Wesley engageaient à sauvegarder l'indépendance de leur vote.

Wesley, tandis qu'il prétendait restaurer les cénacles décrits dans les Actes des Apôtres, suivait un exemple plus proche de lui : les organisations charitables de la France du dix-septième siècle. Dans un sermon où il exhortait ses disciples à s'occuper des pauvres, Wesley rendait hommage aux Françaises de noble rang qui visitaient l'Hôpital. Général. Il voulait surtout imiter Gaston de Renty, type achevé de grandeur chrétienne, gentilhomme détaché de tout au monde sauf de la noblesse essentielle qui l'accompagnait dans ses abaissements voulus, lorsque à genoux, sur le pavé de l'Hôtel-Dieu, il pilait lui-même dans un mortier les drogues qu'il préparait pour les malades. Gaston de Renty, malgré « ses erreurs », ses petites dévotions à saint Joseph et à sainte Thérèse, les ex-voto qu'il offrait aux chapelles des couvents et le cilice dont il croyait devoir meurtrir sa chair, Renty le papiste s'élevait dans une lumière que Wesley souffrira de ne point atteindre. Les résultats matériels d'une oeuvre importent peu. Ce qui compte, c'est la qualité du coeur et la droiture de la flamme. Les disciples de Wesley se chiffrent par millions : Renty est un oublié. Eût-il porté le nimbe des saints canonisés par l'Église Romaine, que sans doute le ministre anglican se fût montré plus réservé dans son culte. Mais il n'était qu'un pieux personnage et Wesley le choisissait pour son patron. Dans son pays démoralisé par les troubles de la Fronde, Gaston de Renty avait créé ces petites confréries que Wesley jugeait essentielles à toute réforme, groupant d'abord des gentilshommes qui promettaient par serment de ne plus se battre en duel, puis suscitant un renouveau spirituel des anciennes guildes : tailleurs et cordonniers formaient sous sa direction des communautés édifiantes. Ainsi Wesley pouvait-il honorer Gaston de Renty comme l'un de ses prédécesseurs.

« Le monde est ma paroisse », s'écriait le clergyman audacieux, expulsé par les évêques. Le mot paroisse dans sa signification précise sonnait mal à ses oreilles. Il signifiait pour ce novateur quelque chose d'arriéré. Les illogismes du système électoral se retrouvaient en Angleterre dans l'organisation ecclésiastique. Tandis que certaines localités déchues, - les fameux bourgs pourris - gardaient le privilège d'être représentées au parlement et que les ministres de l'Église anglicane résidaient parmi des chaumières à l'abandon, les nouvelles agglomérations ouvrières se trouvaient privées tout à la fois de mandataires politiques et de pasteurs. L'influence de Wesley s'établit sur le désarroi des destinées obscures, sur les dépaysements douloureux. Des populations flottantes réclamaient un apôtre errant.

Le réformateur Wesley suivait en leurs migrations les pauvres gens qui abandonnaient les campagnes. Leur exode s'aggrave à mesure que s'avance le siècle. Par une routine de misère, ils vont en masse là où ils ne gagneront leur vie que d'une façon problématique, tandis qu'ils épuiseront certainement leurs forces. Ils se dirigent vers les premiers paysages industriels.

L'ancienne bourgade de Birmingham devenait la ville laborieuse, surmenée, où le bruit des marteaux retentissait avant la pointe du jour : les émigrants augmentent le nombre des ouvriers qui fabriquent des boucles, des boutons, des limes et des chaînes. À Manchester, dans les chapelleries ou dans les manufactures de calicot et de futaine, ils quêtent difficilement un emploi. La jeune métropole industrielle n'avait que six mille habitants à la fin du dix-septième siècle : elle en possédera cinquante mille à la fin du siècle suivant; elle regorge d'indigents et de rôdeurs qui pullulent dans ses rues puantes, - si nauséabondes que les plus charitables disciples de Wesley ne les traversent qu'en appliquant à leurs narines un bouquet parfumé. Non moins sale, non moins pauvre, Sheffield comptera l'année 1771, trente mille habitants. Les émigrants sollicitent une place dans les coutelleries. Les docks prospères de Liverpool les attirent aussi. La croissance de Liverpool émerveillait Wesley; à chacun de ses voyages, il notait les progrès de son extension. Au seizième siècle, quelques cabanes de pêcheurs : au dix-huitième, un port qui finit par supplanter Bristol et par devenir la seconde ville du royaume. En 1755, Wesley prêchait à Liverpool sa première mission. Un tailleur qui s'appelait Timothée le reçut chez lui, mais de mauvais plaisants poussèrent un troupeau de cochons dans l'échoppe improvisée en oratoire. Débuts d'une secte méprisée! Le réformateur ne se déconcertait pas pour si peu. Il savait que le lendemain verrait son triomphe. Il réussissait au delà de tout espoir. Son oeuvre se développait à l'unisson des cités nouvelles, en sorte qu'on ne peut dissocier les transformations économiques observées par le missionnaire et les miracles de la Grâce dont il louait le Dieu Tout-Puissant.

Lorsque le Méthodisme s'établit à Manchester, Wesley put véritablement croire que se réalisait son rêve d'une chrétienté primitive reconstituée parmi les brumes d'un climat triste. Un ménage pauvre, employé dans une manufacture de coton, lui prêtait son logis : un grenier d'accès difficile surplombant l'Irwell, une chambre exiguë. Entre un rouet et un tas de charbon, on avait aménagé la place du prédicateur que vingt à trente personnes écoutaient dans un silence religieux. L'auditoire s'accrut; la masure branla de telle sorte qu'on dut l'évacuer en grande hâte. Pareille conjoncture se reproduisait souvent. Aussi Charles Wesley composait-il à l'usage des Méthodistes un hymne de reconnaissance pour n'avoir pas péri dans l'écroulement d'une maison. Le réformateur devait chercher des locaux de plus en plus vastes. À Birmingham - ô victoire de Dieu sur Satan le semeur d'ivraie - le théâtre lui fut offert!




Wesley se plaisait à reconnaître que, lorsqu'il organisait des sociétés religieuses, il exerçait le don particulier que Dieu lui avait départi. Comment, de toutes ces confréries éparses, aussi précaires en apparence que l'abri de fortune leur servant de berceau, Wesley réussit-il à créer une puissance morale si forte, que les autorités du pays, lassées de la combattre, finiront par rechercher son alliance? Comment parvint-il à réaliser un semblant d'unité à travers l'anarchie des âmes, les disputes, les schismes, les scandales? Seule la création de son ordre méthodiste - car il s'agit bien d'un ordre laïc au sein de l'Anglicanisme - révèle le génie de Wesley. Ce petit homme n'accorde à son activité nul répit, ne se permet aucune négligence. On ne lui voit perdre son sang-froid qu'au seuil des auberges, lorsque le valet d'écurie tarde à lui amener son cheval - « Dix minutes perdues - gronde alors le voyageur - perdues pour l'éternité! » Ses ennemis, pour railler tout à la fois les tendances catholiques dont il était soupçonné et son humeur impérieuse, l'appelaient « le Pape John ». Mais dans la mémoire, de ses familiers, il évoquera moins une figure sacerdotale qu'une figure militaire. Un jour, au début du siècle suivant, son vieux disciple, Henry More, voyait Wellington passer la revue de ses troupes quand une ressemblance le frappa qui le remplit d'émotion. Se tournant vers son fils, il s'écria : « C'est le portrait de Wesley! » Le réformateur gouvernait ses subordonnés comme un général ses soldats.

Les confréries qu'il instituait se divisaient en classes et en bandes. Les classes groupaient douze personnes sous la direction d'un leader. Celui-ci remplissait les fonctions de trésorier - si maigre que fut le trésor. Visiteur attitré des pauvres, il s'informait de leurs besoins et recueillait leur obole : un penny par semaine. Si quelque indigent ne pouvait rien donner, il s'engageait à payer pour lui. Les leaders de chaque société méthodiste notaient les résultats de leurs enquêtes et toutes ces précisions sur l'état intérieur de l'Angleterre affluaient vers John Wesley, le chef responsable. À une heure critique de l'histoire, - lorsque se révolteront les colonies américaines - il pourra renseigner efficacement les ministres et le roi lui-même.

Plus restreintes encore que les classes, les bandes se composaient de quelques disciples choisis. Directeurs spirituels les uns des autres, ils confessaient leurs fautes, non plus à un seul homme délégué par Dieu, comme dans les temps révolus, mais devant un cénacle, « Confessez vos fautes les uns aux autres », est-il écrit dans l'Épître de saint Jacques. À ceux qui l'accusaient de «papisme», Wesley se justifiait en citant ce texte. Il ne voulait que restaurer un usage de la Primitive Église pour la libération des âmes étouffées. On conçoit les obscurs drames passionnels, les jalousies et les rancunes que pouvaient provoquer de tels aveux publics. D'autre part, une solidarité, qui ne ressemblait à aucune autre, s'établissait entre les membres de ces petites congrégations, tenus par leurs secrets et se chargeant de leur mutuel fardeau. On ne réconforte pas les malheureux en leur rappelant l'exiguïté de la place qu'ils occupent sur le globe terrestre et le néant de leur destin. Wesley comprenait la suprême importance spirituelle des vies perdues selon le monde. Celui qui adhérait au Méthodisme se trouvait pris dans un réseau de charités vigilantes jusqu'à devenir indiscrètes; tout au moins se trouvait-il sauvé de l'isolement.

Wesley prétendait rénover les Agapes de la Primitive Église. Dans le langage sentimental de son époque, il appela Fêtes de l'Amour les réveillons austères où il conviait ses fidèles pour ne leur offrir que des friandises frugales et de l'eau. Mais chacun était invité à raconter son histoire, les agissements de Dieu envers son âme. Ces confessions révélaient des natures mélancoliques et subissant la hantise de la mort; elles saisissaient par la sincérité de leur accent et par leur poésie fruste. Ainsi, lorsque le palefrenier d'un chirurgien évoquait la nuit scintillante d'étoiles où il était revenu à Dieu. Son maître l'avait envoyé très loin porter des remèdes à un mineur blessé. L'horrible état de cet homme contrastait avec la sérénité du ciel... Non point familières comme les agapes, les Veillées Nocturnes instituées par Wesley s'écoulaient dans la prière et l'adoration; elles avaient lieu chaque mois, le vendredi le plus voisin de la pleine lune. Elles commençaient aux environs de neuf heures et duraient jusqu'à ce que résonnât l'Hymne de Minuit ;

Écoutez la voix solennelle,
Le terrible appel de Minuit,
Âmes dans l'attente réjouissez-vous,
Proche est le Bien Aimé!


Le cantique se prolongeait sur les chemins où s'éloignaient les artisans du renouveau religieux, « les bons Israélites », selon le coeur de John Wesley. Grave entre toutes, la vigile qui célébrait le commencement d'une année! Les membres des Sociétés choisies renouvelaient leur consécration à Dieu et plusieurs voulaient signer de leur sang le pacte de fidélité. Wesley présidait habituellement à Londres cette assemblée où régnait une magnifique communion d'âme. Il contemplait ses disciples réunis, comme le Créateur jetait un regard sur le monde le Septième Jour et le jugeait bon.

« Tandis que je récitais la formule du pacte - écrit-il en 1755 - tout le peuple, en signe d'assentiment, se leva. Il y avait environ dix-huit cents personnes. »

Ces visages sérieux, unanimes, que le rire grossier - chose de Satan - ne déformera plus, ces préservés du mal consolent le réformateur des épreuves qui ne lui manquent pas. Il commande à des troupes indisciplinées : une révolte est à peine calmée qu'une autre éclate dans la province voisine. Le revers de la médaille offre des scènes tristes, ironiques ou ridicules. Aux agapes fraternelles dites Fêtes de l'Amour, les disciples de Wesley mènent si violemment leurs disputes théologiques que parfois ils échangent des soufflets. L'apostasie marche sur les pas de la conversion. Un certain John Lancaster revient un jour dans la chapelle où il avait proclamé avec de grands sanglots, son retour à Dieu - mais, hélas! pour y dérober les chandeliers! En sorte que, de larcin en larcin, son chemin de Damas aboutit à la potence. Cependant Wesley, qui excelle à étouffer l'ironie, raconte avec une telle ferveur la mort de ce bon larron - converti une seconde fois - qu'on oublie tout le reste. Que de disciples fautifs! Si du moins les maîtres se montraient impeccables. Hélas! parmi ces anges de lumière que Wesley charge de guider son peuple, plusieurs succombent très lourdement. Dans l'industrieuse Norwich - la troisième ville du royaume - l'inconduite d'un de ses missionnaires, James Wheatley, un colporteur, a ruiné son oeuvre dès ses commencements. L'année 1763, les petites confréries s'affolent, se démembrent parce qu'un autre messager de Wesley annonce pour le 28 février la fin du monde : un détraqué du nom de Georges Bell, qui prétendait guérir les aveugles par miracle. Le réformateur fulminait contre ses disciples désobéissants ou pervertis :

Puisque vous avez porté le trouble en Israël, offensé l'Esprit Saint, conduit au péché votre âme et les âmes que vous deviez garder du péché; puisque vous avez donné aux ennemis de Dieu l'occasion de blasphémer les voies et la vérité de Dieu, nous ne pouvons plus vous regarder comme notre frère...

Ainsi Wesley expulsait-il solennellement le colporteur débauché de Norwich et le faux prophète. Il songeait à saint Paul retranchant de sa communion les Corinthiens scandaleux. Qu'il s'agisse de bénédictions ou d'anathèmes, toujours pareil mirage, la Primitive Église.

Fondée sur une utopie, l'oeuvre de Wesley répondait à un besoin. Il dispensait aux malheureux délaissés par l'Anglicanisme la lumière et la beauté qui rayonnaient sur la désolation de leur existence. La musique régnait dans les cénacles méthodistes. On n'évalue pas à moins de six mille, le nombre des cantiques adaptés, traduits ou composés par Charles Wesley. Peut-être les plus beaux sont-ils ceux qui suggèrent une idée de force en mouvement : évocations de David lançant sa fronde, de Samson secouant les colonnes du temple, et surtout de Jacob luttant avec l'ange. Quand Wesley appelait prétentieusement ses fidèles : Nos Jacobs au combat, il faisait allusion à l'un des hymnes les plus en faveur dans ses Petites confréries (Wrestling Jacob). Son frère, son interprète lyrique, s'inspirait d'une page de la Genèse : Jacob a quitté ses compagnons; la tribu du patriarche s'éloigne; les derniers troupeaux disparaissent à l'horizon, Jacob est seul. Le messager céleste lui apparaît, l'Esprit dont il doit se rendre maître. Dans un paysage nu, deux athlètes s'affrontent. L'hymne de Charles Wesley enseigne que tout homme est appelé à ce détachement et à cette lutte. Chaque créature doit entreprendre à sa manière la conquête de son Dieu. A cause des réserves spirituelles accumulées dans les âmes que la Réforme rapprochait de l'Ancien Testament, cet hymne connut une étrange popularité. Mineurs gallois, drapiers de Leeds ou de Manchester, débardeurs de Liverpool se recueillaient pour chanter les strophes obscures,

Viens, ô Toi, Voyageur Inconnu,
Toi que je touche, mais ne peux voir encore.
Mes compagnons s'en sont allés,
Seul avec Toi, je sais resté,
Pour combattre jusqu'à l'aurore.
 
Je n'ai pas besoin de te dire
Ni ma misère, ni mon péché,
Tu m'as appelé par mon nom.
Tu le portes, écrit sur tes mains,
Mais qui es-tu? Je t'interroge
Il est bien temps que tu te nommes.
 
En vain, tu veux te libérer
Mais je saurai le retenir,
Es-tu Celui qui mourut pour moi?
Révèle le secret de ton amour.
Je lutterai : je ne le laisserai point partir
Avant de connaître ta nature et ton Nom.
 
... Oui, tu es l'Amour, Tu mourus pour moi,
J'entends, dans mon coeur Ton murmure,
Le matin se lève et les ombres fuient,
Tu es l'amour pur, universel,
Vers moi, vers tous ta pitié s'incline,
Ta nature et ton nom c'est Amour.
 
Ma prière a vaincu Dieu, la Grâce
Indicible, je la reçois
Par la foi, je te vois face à face,
Je te vois face à face et je vis,
Je n'ai pas en vain lutté ni pleuré,
Ta nature et ton nom, c'est Amour,
Je le connais, Sauveur, je sais qui tu es.

Tu es Jésus, l'ami du faible pécheur...Le voyageur qui surgit dans le désert de la Genèse et qui ne s'est pas nommé devient le Christ, le désiré de toutes les âmes, le Dieu personnel approprié à chacun.




Comme la poétique allégorie de son frère, le catéchisme de John Wesley manquait de précision. Le libre examen ligotait ses mains d'autocrate, façonnées pour les gestes impérieux. Il flattait ses disciples par le respect qu'il affichait de leur opinion, « Tout homme, leur disait-il, doit juger par lui-même puisque tout homme doit rendre compte de lui-même à Dieu. » Et encore : « Je n'ai pas de droits sur votre conscience ni vous sur la mienne, » Artisans et mineurs convertis se rengorgeaient. Sur le terrain spirituel, le théologien, le dignitaire d'Oxford, les traitaient en égaux. Pour prix d'une liberté si chère à leur vieille indépendance religieuse, ils abdiqueraient volontiers toutes les autres. Après avoir proclamé : « Je n'ai pas de droits sur votre conscience, ni vous sur la mienne », Wesley changeait de ton; il posait à ses adeptes des interrogations abruptes, harcelantes : « Buvez-vous de l'eau? Pourquoi ne boiriez-vous pas que de l'eau? Buvez-vous de l'ale et du vin? Si oui, dans quelles proportions buvez-vous de l'ale et du vin? »

L'ascète, n'ayant pas découvert la signification profonde de la pénitence, devenait un abstème et un végétarien. Celui qui acceptait ses lois se voyait prescrits la durée de son sommeil, l'instant de son lever, le choix de ses aliments. Un langage si rigoureusement châtié s'imposait à lui que les jurons inoffensifs : sur ma vie! sur mon honneur! s'élevaient au rang de blasphèmes. La danse lui était interdite « sauf la danse de David devant l'arche », mais comme Wesley n'en détaillait pas les évolutions, cette réjouissance biblique demeurait illusoire. À peine Wesley employait-il de loin en loin quelque subterfuge pour maintenir un délassement dont il gardait l'habitude. Il abolissait en principe les jeux de cartes, pourtant il les aimait! Alors, il finit par admettre - pour les avoir inventés - les jeux de cartes scripturaires, ainsi nommés parce que des sentences tirées des Livres Saints remplaçaient les figures profanes des rois, des dames et des valets!

Ainsi, les mesquineries du Méthodisme se mélangeaient-elles à ses grandeurs. Un prophète auréolé par son éloquence se doublait d'un petit rabbin méticuleux qui compliquait sans cesse son Talmud. Le réformateur exprimait son mépris pour tous les plaisirs qui passionnaient l'Angleterre, mais s'il s'agissait des courses de chevaux, sa sévérité devenait féroce. Une falaise s'étant éboulée dans le Yorkshire, les géologues cherchèrent la raison de ce phénomène, et l'esprit curieux et scientifique de Wesley prit grand intérêt à leurs hypothèses. Mais il savait une autre raison. N'était-ce pas au pied de cette falaise que les élégants du pays s'assemblaient pour voir courir les chevaux? À sa manière toujours impressionnante, Jéhovah témoignait son mécontentement. On élevait en Angleterre tant de chevaux que c'était au détriment du bétail nécessaire aux pauvres, les amis de Wesley : de là surtout son indignation. Il identifiait ce qui troublait le royaume de Dieu et ce qui aggravait le désordre économique de l'Angleterre. Son oeuvre descendait du spirituel au temporel.

En 1764, on décida d'ériger un nouveau théâtre à Bristol, et Wesley intervint, assez influent pour imposer son veto. Non, il ne fallait pas construire ce nouveau théâtre! Wesley écrivit au maire de Bristol une lettre de protestations. Il invoquait l'intérêt d'une ville commerçante; il parlait en faveur du négoce, non du salut : ces futilités ne pouvaient que nuire aux affaires. Les motifs de Wesley s'étaient graduellement abaissés. Les chrétiens primitifs selon son idéal se transformaient en comptables appliqués. Bals, mascarades, concerts et comédies n'avaient pas pour seul inconvénient de les induire au péché : ils les troublaient dans leurs additions.


BUSTE DE WESLEY
Exécuté d'après nature par le sculpteur français Roubiliac.
National Portrait Gallery.

Lorsque Wesley prêchait, il arrivait qu'une voix lui soufflât : « Crois-tu bien ce que tu prêches? » Il reconnaissait le chuchotement de son ennemi, l'ironique, le persifleur : Satan. C'était un jour de grisaille et de tentation. Un ramas d'êtres grossiers avec lesquels Wesley ne se sentait plus rien de commun l'écoutaient sans le comprendre. « Crois-tu bien ce que tu prêches? Si l'autre monde n'existait pas? » Wesley se débattait sous l'étreinte de son ennemi et lui répondait : « Je prêcherais la même chose, encore et toujours, parce que c'est le moyen de rendre les hommes plus heureux ». Ainsi se rassurait-il contre le doute en alléguant la valeur terrestre de son oeuvre, tandis que les saints ne se justifient qu'au nom de l'éternité.

La victoire philanthropique de Wesley s'affirmait à travers toute l'Angleterre. Mais lorsqu'il chevauchait sur les routes, - plus grand que lui-même et que la figure étroite et rigide qui se dessinera dans l'histoire, - il regrettait les cloîtres d'Oxford où il entreprenait avec des compagnons choisis la poursuite d'une vérité qu'il n'avait pas atteinte. Il soupirait : « Que ne suis-je de nouveau le méthodiste d'Oxford! » Il semblait pressentir au delà de son succès, qui allait prendre les aspects d'un triomphe, une défaite spirituelle cachée. Il avait cru que la religion du coeur - la sienne - renfermait toute la religion. Et voici qu'il laissait échapper cet aveu ; « Jadis, je ne demandais que la chaleur de la flamme. Maintenant, je voudrais la lumière. » Cherchait-il à s'exorciser davantage du mysticisme son ancienne attirance? Il continuait à lire la vie des personnages vénérés par l'Église romaine - fussent-ils le plus éloignés de lui-même, de son époque et de sa race, comme sainte Madeleine de Pazzi et sainte Catherine de Gênes. Il haussait les épaules, le mépris l'étouffait. Il jugeait folles ces Italiennes visionnaires. Toutefois, il se livrait complaisamment à la haine qui le fascinait.


PORTRAIT DE JOHN WESLEY
par Romney
National Portrait Gallery

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