Les femmes qui entraient dans la
congrégation de Wesley devaient abjurer la
coquetterie. Ni dentelles, ni manchettes
brodées, ni bonnets à la mode, ni
satin, ni velours, ni colifichets d'aucune sorte :
une robe de toile ou de laine, une
simplicité qui s'accordait d'autant plus
avec les Saintes Écritures qu'elle
favorisait le commerce de la Grande-Bretagne. Un
tissu sans luxe, une couleur sans joie : les
teintes brunes ou grises conviennent à cette
vallée de larmes. À la
cathédrale de Winchester, Wesley
s'arrêtait, surpris, devant le tableau d'un
maître ancien qui représentait la
résurrection de Lazare. Et
sérieusement il affirmait que le Christ et
ses apôtres ne portaient point ces draperies
éclatantes. Peut-être se les
imaginait-il comme un groupe de clergymen!
Autant que les étoffes
coûteuses, le réformateur proscrivait
les bijoux, et les femmes dociles à ses lois ne
devaient pas plus porter de l'or que prendre un
amant. Qui sait même s'il n'eût pas
témoigné plus d'indulgence aux
entraînements du coeur et de la chair
qu'à la futilité? Ni boucles
d'oreilles, ni bagues, ni perles, ni diamants.
Alors à quoi servaient les pierres
précieuses? Et Wesley de répondre
à qui lui posait cette interrogation, qu'il
ne voyait vraiment pas plus leur utilité que
celle des serpents,
Tandis que Wesley se prononçait
ainsi, le goût du luxe sévissait -
fléau social dont le puritain mesurait les
ravages - ; il s'insinuait jusque dans les masures,
tentation coupable ou folie. Par ses
règlements autoritaires, Wesley opposait une
digue à la marée montante de la
vanité. Et les Manon Lescaut d'outre-Manche
que le scintillement d'un collier eût
conduites à leur perdition devenaient, une
fois évangélisées par Wesley,
d'austères diaconesses; elles n'enviaient
plus les toilettes des grandes dames, mais ces
affranchies dédaigneuses plaignaient tout
haut les esclaves d'une passion funeste.
Sur les ruines de la vanité
s'épanouissait l'orgueil spirituel.
En ce mois d'août 1748, une femme inclina
vers un malade, qu'elle soignait depuis plusieurs
jours, son visage attentif, sous la coiffe blanche
la plus simple, Wesley, s'éveillant,
rassemblait ses souvenirs, La :fièvre
l'avait encore une fois saisi,
cette fièvre qui le guettait dans les taudis
et les cachots. Les mains des femmes sont douces
aux apôtres qui se fatiguent à semer
le bon grain, La main de Wesley reposait dans celle
de l'infirmière. Il venait de
reconnaître Grace Murray et de se souvenir
qu'il se trouvait à Newcastle. Grace Murray,
de son métier une humble servante, dirigeait
dans cette ville l'un des petits groupes
fondés par Wesley où les femmes
s'encourageaient à la ferveur et se
confessaient leurs fautes les unes aux autres - ce
qui ne les portait point toujours, hélas!
à s'aimer davantage, Le mari de Grace
Murray, un matelot, d'origine écossaise,
avait-il voulu fuir la
sévérité d'une épouse
qui lui reprochait ses jurons? Il était
parti aussi loin que voguaient les navires et avait
disparu dans un naufrage.
Wesley savait que la jeune veuve avait
été, l'objet de
révélations, de privilèges et
d'épreuves qu'il voulait croire surnaturels.
Dans les loisirs de sa convalescence, il en
écouta le récit
détaillé et le consigna par
écrit.
Tout enfant, Grace Murray lisait la
Bible et contemplait avec les yeux de l'esprit Dieu
lui-même apparaissant sur les nuées
pour juger le monde, Les profondes impressions
religieuses s'étaient ensuite
effacées. Elle devenait une jeune femme qui
raffolait de la danse, - elle s'en accusait comme
d'un crime. Un jour, - en 1739, - Grace Murray
avait entendu prêcher George Whitefield aux
abords de Londres sur la lande
de Blackheath et elle avait été l'une
de ces converties expansives qui clamaient leur foi
dans la Rédemption. Plus tard, tandis
qu'elle vaquait aux travaux du ménage, elle
s'était prosternée devant la vision
qui venait d'illuminer sa vie : Dieu le Père
lui pardonnait ses péchés.
Zèle insatiable - et
mêlé d'hystérie - pour le salut
des âmes, charité ardente qui volerait
le bien d'autrui au profit des pauvres, paroles de
la Bible entendues soudain et comme
murmurées par un ange; consolations
extraordinaires, évanouissements,
ténèbres, abandons
désespérés, chutes
épouvantables des hauteurs aux abîmes
: telles étaient les phases du récit
troublant que recueillait John Wesley.
Être de discernement et de
crédulité tout ensemble, Wesley
s'avançait sur le terrain scientifique avec
les plus éclairés de ses
contemporains. Il reconnaissait le génie de
Franklin avant même que la
Société royale de Londres osât
se prononcer en sa faveur, Lorsqu'il
étudiait l'Histoire Naturelle de Buffon,
c'était pour en dénoncer les erreurs;
et son esprit critique devenait féroce s'il
fallait discréditer l'Histoire philosophique
des Indes par l'abbé Raynal « un ennemi
de la religion et de la monarchie ». Qu'on
feuillette le Journal de Wesley. Que de fois, sur
un ton de jactance courroucée ne
l'entendons-nous pas exprimer le souci de
n'être point dupe! Libre aux incroyants de
l'être, Lui n'accepte, les yeux
fermés, que la Révélation
divine et se targue de rejeter
toute invraisemblance! Cette prétention lui
suggère d'assez ridicules boutades.
Après avoir lu les Voyages du Capitaine
Cook, il s'écriera : « David Hume ou
Voltaire pourrait croire ces choses; moi, je ne le
puis, » Il s'impatiente contre l'irrationnel,
faute d'en pénétrer le charme. Il ne
goûte point les traditions poétiques,
s'insurge contre la légende dorée, La
vie prodigieuse de Saint Patrick, Saint Georges
délivrant la princesse captive du dragon!
Des fables! Peu lui chaut qu'elles soient belles!
Et les contes héroïques de Tite-Live!
Non, rien de tout cela ne mérite la moindre
créance.
Mais voici que ce sceptique, au cours de
ses voyages, prête la plus grave attention
à des récits qui égalent au
moins en étrangeté ceux de Tite-Live.
Si, dans quelque village perdu, on lui apprend que
le feu du ciel a consumé le cadavre d'un
prévaricateur, Wesley, sans discuter,
enregistre le fait. S'il s'agit d'un fantôme,
d'un envoûtement, d'un présage de
mort, son esprit critique l'abandonne, La foi, dans
le pouvoir des sorcières, allait
s'affaiblissant jusqu'à menacer de
disparaître : Wesley s'efforça de la
maintenir - il regardait le maléfice comme
une preuve du monde invisible. Et s'il s'agissait
d'un paysan pieux qui avait reçu le don de
prophétie, d'un enfant
prédestiné ou d'un fossoyeur de
Glasgow qui prétendait avoir vu le Christ
dans son cimetière, alors Wesley, de
sceptique, devenait terriblement crédule.
Combien de fois n'a-t-il pas pris pour des lueurs
surnaturelles les mirages de la névrose,
l'anomalie pour la sainteté!
Car c'était le mystère
qu'il cherchait encore et toujours, et, entre tous
les mystères, celui de la sainteté;
non point simplement la sagesse et la vertu, mais
la sainteté catholique glorifiant des
âmes protestantes. Put-il vraiment croire
qu'un rayon de cet astre mystérieux
éclairait la servante de Newcastle, Grace
Murray? Son illusion fut celle de l'amour.
Il y avait cinq ans que Wesley avait
publié ses Pensées sur le
Célibat. Il commençait par attaquer
les disciplines de l'Église romaine.
Protégé par ce préambule, il
pouvait plus facilement adresser aux jeunes
zélateurs de son oeuvre les conseils que
l'abbé d'un monastère donnerait
à ses novices. Il les engageait à
l'ascétisme. Qu'ils ne se marient pas, non
pour accomplir un voeu, mais pour se libérer
de toute obligation temporelle, Le
réformateur entreprenait de les guider sur
la voie du sacrifice :
Refrénez les premiers
mouvements du désir sensuel. Surveillez
toute fantaisie de l'imagination... Évitez
la recherche du bien-être dans vos
vêtements, dans votre maison... Évitez
la complaisance en vous-même autant que le
luxe et le raffinement; ces choses nourrissent les
passions auxquelles vous avez renoncé pour
l'amour du Christ... Évitez toute paresse,
toute oisiveté. Ne dormez
pas plus que la nature ne l'exige. Ne restez jamais
inactifs et prenez autant d'exercice que vos forces
vous le permettent. Je n'ose aller aussi loin que
Pascal et vous dire d'éviter tout plaisir.
Il n'est point possible de priver, même les
sens, de toute diversion sans détruire le
corps. Je vous demande seulement d'éviter le
plaisir qui ne vous prépare point à
placer en Dieu votre joie... N'oubliez pas le
devoir de progresser dans l'abnégation et de
recharger votre croix chaque jour. Voici le chemin.
N'en rêvez point d'un autre plus commode. A
vos devoirs de piété, ajoutez celui
du jeûne, prudent et régulier, et la
droite du Seigneur vous conduira.
La figure du réformateur
s'ennoblit lorsque, bravant les sarcasmes d'un
siècle qui dénigrait
l'ascétisme, il parle de la sorte. L'aurore
d'une religion éclaire des scènes qui
ne manquent pas de grandeur, À Tetney -
bourgade du Comté de Lincoln - les jeunes
disciples de Wesley se consacrent tous d'un seul
élan au célibat religieux et à
la pratique de la charité. Ils mettent en
commun leurs biens. Là du moins, Wesley
constate que son rêve se
réalise.
Les disciples surpasseront-ils les
maîtres? Ceux-ci, les uns après les
autres, annoncent leur mariage avec de faux airs
détachés, comme s'ils abdiquaient
leur premier idéal, « Il y a quelques
semaines - explique en 1741 George Whitefield,
âgé de vingt-six ans -
j'épousai, dans la
crainte de Dieu, une femme d'environ trente-six
ans, ni riche, ni belle, mais une fidèle
enfant de Dieu, » Vient le tour de Charles
Wesley; tardivement - il était
quadragénaire - il se décide à
se marier. « Ce fut un jour solennel -
écrit son frère - en accord avec la
dignité des noces chrétiennes. Nous
étions contents sans gaieté,
sérieux sans tristesse. » Les
Méthodistes s'interdisaient de se divertir
aux épousailles et de pleurer aux
enterrements en sorte que les deux
cérémonies se ressemblaient.
Toutefois, cette mélancolie, à peine
souriante, pouvait dissimuler l'amour. Charles
Wesley vécut très heureux avec la
jeune Galloise, Sarah Gwynne, dont il
s'était profondément
épris.
Et John Wesley, lui qui, de sa propre
autorité, ne tendait à rien moins
qu'à restaurer dans l'Anglicanisme la
sévère obligation
périmée depuis la Réforme,
allait-il détruire par son exemple ses
enseignements? En 1748, il publiait ses
Pensées sur le Mariage. Rien de
changé. Il s'efforçait toujours
d'élever ses disciples vers les mêmes
renonciations. Cependant il avouait qu'il avait
cherché le bonheur terrestre sans le
trouver. Pourquoi cette confidence? Le bonheur
terrestre! C'était pour cette bagatelle dont
son éloquence grondeuse
dénonçait le néant qu'il se
sentait dévoré d'une telle soif! Au
nom de la nature et davantage au nom du
protestantisme certains missionnaires soumis aux
ordres de Wesley s'étant insurgés
contre ses conseils, Wesley les
réunit à Londres. Il leur redit - en
s'appuyant sur les textes de saint Paul - ses
préférences pour le célibat
religieux. Il ajoutait que toute règle
générale souffrait des exceptions. Il
se réservait ce droit d'exception.
Une puissance inemployée de
dévouement devient pour certaines femmes une
cause de déséquilibre. Quand elle
veillait un malade, la servante visionnaire, Grace
Murray, ne semblait que
sérénité. Elle allait vers les
souffrances des autres comme vers la
guérison de ses nerfs surexcités. Si
le typhus sévissait à Newcastle,
à travers les logis infectés, elle
passait comme une bénédiction. Et
Wesley, tout en observant les mouvements de cette
ombre très douce, son infirmière,
pesait en son esprit les raisons pour et contre son
mariage avec elle. Certes, il abdiquait la plus
haute visée de sa jeunesse : la
consécration totale du prêtre à
Dieu - non point selon l'Eglise romaine, mais selon
l'Eglise primitive - et sa défaite
l'humiliait secrètement. D'autre part, saint
Paul ne convenait-il pas « qu'il valait mieux
se marier que de brûler »? Et Wesley
rencontrait sur sa route ce Démon de Midi
qui rôde dans l'Écriture Sainte et
souffle son haleine de feu.
« Elle sera pour moi - songeait
Wesley - une défense continuelle contre les
désirs mauvais et les
affections désordonnées, » Oui,
le souci de sa réputation exigeait qu'il se
mariât. Lorsqu'il s'entretenait avec les
jeunes femmes de ses congrégations, ses
paroles, ses gestes, les indices de ses
préférences, les expressions parfois
trop familières de ses amitiés,
sitôt découverts, sitôt
colportés, le livraient aux calomnies de
ceux qui lui voulaient du mal et aux critiques de
ceux qui lui voulaient du bien. Attaqué dans
sa vie privée, John Wesley avait dû,
le 8 février 1744, se justifier
auprès de Sa Seigneurie
l'évêque de Londres et, dans une
lettre publique, affirmer sous la foi du serment,
l'honnêteté de ses moeurs.
Grace Murray n'était qu'une
servante, Wesley consentait à la
mésalliance. Tout réformateur
efficace doit partager certaines idéologies
de son époque : Wesley rêvait
d'égalité sociale. Et puis Grace
Murray ne réunissait-elle pas toutes les
qualités? Wesley se plaisait à les
énumérer sans se perdre dans les
nuages : « Elle est la ménagère
frugale, économe et pourtant
généreuse, brisée à
toutes les besognes, aux plus grossières
comme aux plus délicates. Elle est la nurse
qui soignera ma pauvre carcasse; elle est l'amie
qui comprendra toutes mes faiblesses; elle est la
compagne de caractère facile et qui ne se
plaindra jamais de rien. » Le puritain
étalait les motifs les plus terre à
terre : il taisait l'ardeur de sa passion.
Décidément, les avantages
l'emportaient! Wesley finit par
dire à son infirmière : « Je
suis convaincu que Dieu vous appelle à
devenir ma compagne, afin de travailler avec moi
dans le champ de l'Évangile. » La
demande en mariage se formulait comme l'appel d'une
vocation. Et Grace Murray, la servante
extasiée, de répondre à son
maître : « C'est une trop grande
bénédiction pour moi, je n'y puis
croire! C'est tout ce que j'avais
désiré ici-bas! » Ainsi la jeune
veuve de Newcastle et le fondateur du
Méthodisme se trouvèrent-ils
fiancés.
Mais un troisième personnage
survint, brouillant cette idylle : un certain John
Bennett. Il charriait des marchandises sur une
route difficile, récemment frayée,
qui traversait en sa largeur le comté
montagneux de Derby. Un converti de Wesley, qui
s'acquittait de son rude travail au chant des
psaumes, et beaucoup plus instruit que sa condition
ne permettait de le supposer, Wesley ne
recommandait-il pas à ses auxiliaires la
lecture de saint Augustin, de saint Cyprien,
d'Érasme et de Pascal? Le charretier se
jugeait assez versé dans les questions
religieuses pour contredire Wesley lui-même
et celui-ci reprochait à son
catéchumène sa
témérité d'esprit : « 0
mon frère, attention!... vous êtes en
danger de passer d'un extrême à
l'autre, du Calvinisme au Pélagianisme!
» Le 7 septembre 1749, Wesley mettait son
disciple en garde contre un tout autre péril
: « Mon frère, prenez l'Écriture
Sainte et la raison pour règle de vos actes, et
non cette passion
aveugle et désordonnée,
»
Cette passion aveugle et
désordonnée, c'était l'amour
de John Bennett pour une femme de son âge et
de son milieu, la servante de Newcastle choisie par
le réformateur. Une rivalité
sentimentale opposait le maître au disciple,
et Grace Murray, énigmatique et faible,
répondait tantôt à
l'attachement que lui témoignait John
Bennett, tantôt subissait la fascination du
grand homme qui voulait lui conférer un nom
déjà fameux. Une incertaine
plutôt qu'une rouée. Quand l'un et
l'autre se plaignaient, elle obtenait leur pardon
avec des larmes. On en versa beaucoup dans ce petit
roman vécu du dix-huitième
siècle, qui s'ébaucha durant
l'été de 1748, pour s'achever en
octobre 1749 et que Wesley lui-même a
transcrit dans un fragment confidentiel de son
Journal publié plus d'un siècle
après sa mort. Il a peint les
hésitations de la jeune veuve :
« Quand elle recevait une de mes
lettres, elle voulait vivre et mourir avec moi
puis, quand elle entendait parler de lui, son
affection pour lui renaissait, et elle lui
écrivait de la façon la plus tendre.
On ne peut excuser sa conduite. Elle aurait
dû renoncer à l'un ou à
l'autre. Mais ceux qui connaissent la nature
humaine, la plaindront autant qu'ils la
blâmeront. »
Parfois les trois personnages se
trouvent en présence, et l'on songe à
ces groupes éplorés sur les vignettes qui ornent
les
vieilles éditions de Pamela ou de Clarisse
Harlowe. Un jour Wesley veut rompre des
fiançailles si troublées, mais Grace
Murray le supplie de ne pas l'abandonner:
« Elle courut à moi dans une
agonie de larmes, me suppliant de ne pas parler
ainsi, de peur de la tuer. Elle articula plusieurs
expressions tendres qui me bouleversèrent.
Mais à peine avais-je recouvré mes
esprits que John Bennett, entrant, la
réclama comme sienne. Stupéfait, je
pensais : c'est lui qu'elle préfère.
Si je proteste, je ne puis que les rendre tous deux
malheureux. La compassion et l'amour me tiraillant,
j'observai qu'elle était triste
jusqu'à la mort, et je craignis que si
chacun s'obstinât, elle ne mourut dans le
conflit. De nouveau, je me proposai de renoncer
à elle. »
Mais pourquoi ce sacrifice, s'il
était le seul aimé - comme le lui
affirmait, dans les premiers jours de septembre
1749, Grace Murray? «My dear sir, comment
pouvez-vous croire que j'aime quelqu'un plus que
vous? Je vous préfère mille fois
à John Bennett, mais ce pauvre John me dit
qu'il deviendrait fou si je refusais de le
voir...»
Wesley poursuivit cet automne-là
ses voyages apostoliques emmenant avec lui, comme
un trophée de victoire, Grace Murray, sa
fiancée. Il visita ses
sociétés dans les comtés du
Nord, alla jusqu'à la frontière
d'Écosse. Un dimanche après-midi, comme la
jeune femme venait de le quitter, il ouvrit la
Bible au hasard selon sa coutume et trembla devant
un texte d'Ezéchiel qui présageait la
souffrance : « Contemple, ô fils de
l'homme, voici que je t'enlève d'un seul
coup le désir de ton coeur, » Sous les
cyprès de Georgie, douze ans auparavant, sa
Bible lui avait présenté les
mêmes paroles fatidiques et Sophy Hopkey,
l'intrigante, la mensongère, se
dérobait à son amour. Douze ans
s'étaient écoulés pendant
lesquels Wesley n'avait cesse de prêcher que
la félicité de l'homme ne
réside qu'en Dieu. Course vaine après
des bonheurs illusoires! Il tenta de se rassurer :
Grace Murray lui avait dit adieu sur une promesse
de fidélité.
Wesley traversa le Cumberland, la
région des lacs où les poètes
qui ne sont pas nés encore, fuyant à
l'aube du siècle suivant l'Angleterre
industrielle, chercheront un refuge pour leurs
songes. Un soir, le missionnaire ne retrouva plus
sa route : le paysage disparaissait dans la brume,
son cheval s'embourbait. Il médita les
paroles de l'Apocalypse qu'il avait
commentées sur la tombe de sa mère :
« Je vis un grand trône blanc et
Quelqu'un assis dessus et le ciel et la terre
s'enfuirent devant sa face. » Lorsqu'il
parvint péniblement au village où il
était attendu, il prêcha de telle
sorte que tous se crurent rassemblés devant
le grand trône blanc et frémirent
à cause de leurs péchés. Mais sur
le livre de vie, la main transpercée du
Christ effaçait les péchés.
Wesley atteignit le port de Whitehead où des
navires chargés de houille appareillaient en
grand nombre pour l'Irlande, puis, redescendant
vers le Yorkshire, gagna Leeds le 5 octobre.
Là, George Whitefield son ami, malgré
les polémiques injurieuses l'accueillit en
l'embrassant avec des pleurs : Grace Murray venait
d'épouser le charretier John
Bennett.
Wesley, chevauchant de Leeds à
Newcastle, raconta familièrement à
Dieu, sous forme d'un hymne autobiographique, la
petite tragédie où il jouait le
rôle de victime. Elle s'était
achevée dans les larmes et les gestes
magnanimes. Les trois personnages s'étaient
réunis pour la dernière scène.
Les nouveaux mariés et Wesley se
pardonnaient à qui mieux mieux, en sorte
qu'on ne savait plus si c'était le
charretier qui avait pris la fiancée de
Wesley ou le réformateur qui avait failli
lui ravir la sienne.
Cette histoire avait partagé en
deux clans les petites congrégations de
Wesley, - cénacles de la Pentecôte, -
mais qui devenaient hélas! aux heures
néfastes où l'Esprit Saint n'y
descendait plus, un centre de bavardages
pernicieux. Au mois de janvier 1750, une lettre de
John Bennett, confidentielle et assez vile,
indiscrètement copiée, circula de
main en main. Le disciple justifiait sa conduite,
il affirmait la priorité de ses droits. Wesley,
disait-il, s'était montré «
enflammé d'amour et de désir ».
Quand ces lignes furent placées sous les
yeux de celui qui instituait des disciplines pour
que l'âme triomphât des sens, il poussa
un hurlement de douleur et d'orgueil blessé.
La servante de Newcastle - de quatorze ans plus
jeune que lui - avait-elle osé tourner en
dérision son amour? Et Wesley
d'écrire, au disciple qui se
révélait un Judas: « Vous nie
frappez au coeur après m'avoir
arraché mon bien. » Plus de
réconciliation possible avec John Bennett.
Le charretier puritain consomma sa vengeance par le
schisme. Quittant la congrégation de Wesley,
il devint pasteur d'une Église calviniste.
Il mourut jeune, laissant Grace Murray veuve une
seconde fois. Quand elle revit le
réformateur, tous deux étaient des
vieillards.
Le 10 février 1751, Wesley glissa
sur la glace en traversant le pont de Londres et se
meurtrit la cheville. Il réussit pourtant
à gagner la chapelle de West Street,
où les descendants des Huguenots
chassés de France par Louis XIV l'avaient
prié de prononcer un sermon. Quand Wesley
eut terminé son prêche, il
s'aperçut qu'il ne pouvait plus marcher.
Ainsi dut-il accepter l'hospitalité de Mme
Vazeille, la veuve d'un marchand d'origine
française. Wesley employa
ses loisirs forcés à la composition
d'une Grammaire Hébraïque pour les
élèves de son école de
Kingswood. Son hôtesse avait quarante et un
ans. Elle menait une existence très digne,
se distinguait même par son rigorisme; elle
se penchait pieusement sur les souffrances des
pauvres et le plus malveillant n'aurait pu lui
reprocher un souci frivole de la parure. Wesley vit
dans le hasard de cette rencontre une indication de
la Providence. Cette sérieuse personne
serait sa femme - puisque le conseil de prudence
donne par saint Paul dans l'Épître aux
Corinthiens retenait obstinément son
attention : « Il vaut mieux se marier que de
brûler... » Et John Wesley épousa
Mme Vazeille.
Le 27 mars 1751, il
célébrait. son bonheur sur un air de
cantique : « Comme nous devons remercier Dieu
qui a permis notre union! Que nos vies chantent sa
louange! » L'accord dura peu, et la grande
épreuve de Wesley commença; il en
sortit transformé.
Il avait annoncé, d'un ton
péremptoire, que ses labeurs de
missionnaire, son oeuvre - c'est-à-dire
l'oeuvre de Dieu - ne souffrirait en rien de son
mariage. Ainsi l'épouse de Wesley se
vit-elle condamnée trop souvent à la
solitude. Hélas! deux furies accoururent des
enfers pour lui tenir compagnie : la
Curiosité, terrible passion des femmes
mûrissantes, et sa soeur inséparable,
la Jalousie. Durant sa brève lune de miel, Wesley
avait dit à
sa femme : « Si quelque lettre arrive en mon
absence pour le Révérend John Wesley,
ouvrez-la : elle est pour vous. » La solitaire
se repaissait de cette correspondance; elle
échafaudait intrigue sur intrigue. Mythomane
fourbe et silencieuse à la façon de
ces ombres effacées qui brouillent des
provinces entières par leurs billets
anonymes, elle accusait sournoisement. Elle
n'attaquait pas encore son mari : elle
prétendait le défendre contre les
manigances de son entourage; elle envoyait à
son beau-frère Charles Wesley de longues
épîtres qui semblent
rédigées par une folle, Wesley
constatait que son épouse manquait
d'intelligence. Il l'avait supposée d'humeur
douce. Cruelle illusion.
La Mégère
apprivoisée de Shakespeare est une jeune
fille indépendante et sauvage, qui parle
trop haut et dont les gestes sont brusques comme
les paroles. Les hommes, effrayés,
s'éloignent, en ignorant la soumission
passionnée qu'ils pourraient obtenir. La
véritable mégère qui ne
s'apprivoise pas séduit tout d'abord par sa
douceur et son calme. Lorsque la femme de Wesley
révéla son caractère, Wesley,
si despote qu'il fût, comprit qu'il serait
plus facile d'imposer une discipline au vent du
Nord. En avril 1757, il hasardait les
premières remontrances : « Mon amour,
gardez-vous de l'âpreté d'esprit. Ne
vous agitez pas à cause du mal.
Maîtrisez-vous en toute patience, en toute
quiétude. » Peines d'indulgences perdues! Mais
à l'école de son malheur conjugal,
Wesley s'entraînait à des vertus qui
ne lui étaient pas habituelles. Lorsque
naguère il énumérait les
motifs qui le poussaient au mariage, il
alléguait le soin de sa bonne
renommée. Voici que son épouse
l'accusait d'être l'amant de sa belle-soeur!
Et non seulement de sa belle-soeur! Elle saisissait
les lettres que Wesley adressait aux jeunes femmes
de ses congrégations « Chère
Nancy... Chère Betsy... Chère
Hetty... » Des surnoms familiers, une
courtoisie exagérément affectueuse.
Le réformateur avait trop lu les oeuvres de
Mme Guyon pour ne pas mêler parfois avec
quelque ambiguïté le sentimental et le
mystique. Devant son écritoire, il se
retrouvait le gentilhomme. Il offrait aux femmes
ses préceptes austères avec des
fleurs. L'épouse, d'esprit inculte, de
conduite impeccable, mais dont la pensée
s'arrêtait si complaisamment à ces
défaillances de la chair qu'elle condamnait
sans merci, en vint à conclure que son mari
avait plus de maîtresses qu'elle n'en pouvait
découvrir. Bref, le réformateur,
ambitieux d'ascétisme, et dont le mariage
n'avait été qu'une capitulation de la
nature, expiait cette faiblesse ou cette sagesse.
Et dans les mythes créés par son
épouse, il prenait figure de Don
Juan.
La curiosité ne se contente pas
d'écouter aux portes : elle force les
serrures pour les besoins de sa cause. Plus d'une
fois, Wesley, réintégrant
après une mission sa résidence de
Londres a trouvé ses papiers mis au pillage.
Il sait par quelles mains. Toutes ses lettres ont
disparu. Comme un animal rongeur recèle en
son terrier ses provisions, sa femme les a
cachées. Mais où? Dans quel dessein?
Wesley s'inquiète. L'excès de son
infortune l'inclinerait à l'humilité,
il convient que la mesure n'est pas sa
qualité dominante, ni la mesure, ni la
discrétion. Certaines lettres imprudentes
serviront de pâture à la calomnie, il
supplie sa femme de les lui restituer mais elle
refuse avec un mauvais sourire, et Wesley n'a
d'autres ressources que de regarder vers le ciel :
« J'ai confiance en Celui qui commande au
tombeau lui-même de rendre sa proie! »
s'exclame le prédicant, toujours oratoire et
biblique, même durant la scène
conjugale la plus pitoyable.
Nulle séparation
définitive, bien qu'à partir de 1758,
la brouille du ménage semble
consommée, La jalousie s'attache à sa
victime, Wesley croit-il sa femme
éloignée de cent lieues, qu'il
aperçoit soudain son visage inquisiteur
à la fenêtre d'une auberge. Elle est
là, tout près, le surveillant et
captant ses discours. Le 23 octobre 1759, Wesley
étale ses griefs, réclame sa
liberté. Il cite le proverbe cher au citoyen
britannique : «La maison de chaque homme est
son château fort» (Every man's house is
his castle).
Non, ma maison n'est pas mon
château fort. Je ne suis pas libre d'inviter
mes proches parents à boire une tasse de
thé sans vous désobliger... Mon
bureau ne m'appartient pas, il est saccagé
chaque jour. Vous dites : je ne prends que des
papiers. En suis-je sûr? Comment en serais-je
sûr puisqu'il me manque de l'argent. Celui
qui est capable de voler une aiguille, peut
dérober une guinée. Et ne
toucheriez-vous qu'à mes papiers,
ignorez-vous qu'ils sont le trésor d'un
homme d'étude?... Et que dire de votre
façon de traiter les domestiques? Vous les
méprisez, vous les harassez, vous les
injuriez comme s'ils étaient des chiens...
Et que dire de voire langage? Il ne devrait pas
souiller les lèvres d'une femme bien
élevée, même si elle ne croyait
pas un mot de la Bible...
Lourdes accusations. Sous
prétexte d'empêcher qu'il
distribuât son argent à des
courtisanes, Mrs John Wesley se croyait en droit de
vider la cassette de son mari. Mais sur les torts
les plus graves, Wesley se taisait. À peine
une allusion qui semble un badinage : «
Croyez-moi - mande-t-il à son épouse
un jour d'accalmie, - les méthodes violentes
sont mauvaises, la douceur vaut mieux et, s'il faut
y renoncer exceptionnellement, si le gourdin
convient au dos d'un incorrigible, ce n'est pas la
femme qui doit s'en servir à l'égard
de son mari, »
Or, Mrs John Wesley battait son mari.
D'une voix brisée
d'indignation, l'un des missionnaires qui
accompagnait Wesley dans ses voyages - son premier
biographe, Hampson - racontait à son fils
une scène dont il avait été le
témoin :
« Mon fils, je fus une fois
tenté de commettre un meurtre.
C'était dans le nord de l'Irlande. J'entrai
dans une chambre où Mrs Wesley
écumait de rage. Son mari était sur
le plancher et elle le saisissait par les cheveux.
Oui, mon fils, elle le traînait par les
cheveux, comme si elle voulait arracher ses
vénérables boucles blanchies par les
années. Et moi, j'aurais voulu tuer cette
femme! »
Quand Wesley jeune ascète
d'Oxford renonçait à porter perruque,
il ne prévoyait pas les conséquences
de son voeu. Il tenait certes moins à sa
tête périssable qu'à son oeuvre
fondée pour les générations
futures. Tant que sa femme ne nuit pas à sa
réforme religieuse, il la supporte - et
même avec une longanimité surprenante.
Ne la croit-il qu'à demi responsable? Il
essaie de la guérir des chimères qui
la supplicient :
« Vous m'avez fait grand mal : rien
n'est au-delà du pardon. Je vous aime encore
et suis aussi libre de toute autre femme que le
jour où je suis né. Apprenez à
me connaître et à vous
connaître. Deviendrais-je votre ennemi? Que
je sois plutôt votre ami! Ne me
soupçonnez plus, ne me calomniez plus, ne me
provoquez plus. » Dans une lettre du 12
juillet 1760, il passe sous silence ses défauts;
il
met en relief ses qualités; il en
découvre trois ou quatre qu'on peut lui
attribuer sans contestation : elle est frugale,
bonne ménagère, très propre,
patiente à l'égard des malades. Avec
tout cela ne pourrait-on sauver le bonheur? Et
Wesley, volontairement optimiste, chante à
l'acariâtre épouse un hymne de
réconciliation
Marchons donc, la main dans la main
Vers le pays de l'Emmanuel!
Plus de pardon toutefois, lorsque Mrs Wesley
tentera de porter un coup mortel à la
réforme religieuse.
Chaque année se tenait
l'Assemblée générale du
Méthodisme. Celle de 1770 revêtit une
importance capitale. « Attention, mes
frères, nous penchons vers le Calvinisme,
» Depuis longtemps, Wesley mettait ses
disciples en garde contre une erreur qu'il jugeait
inhumaine. L'expérience - le seul guide
qu'il crût infaillible - dirigeait les
évolutions de sa pensée.
C'était elle qui lui révélait
au jour le jour la valeur mystique de l'effort et
de l'épreuve bien acceptée;
c'était elle qui lui indiquait les dangers
du Calvinisme; c'était elle qui attirait son
attention vers les saints de l'Église
romaine, vers leurs ouvrages, vers leurs exemples.
« On dit que je suis un demi-papiste -
mandait-il à un ami le 9 avril 1765, - Eh!
quoi, quand même il serait
prouvé, que j'en suis un tout entier? Un
papiste n'est-il pas l'enfant de Dieu? Thomas A.
Kempis, M. de Renty, Grégoire Lopez sont-ils
allés en enfer? Si quelqu'un peut le croire,
qu'il le croie. Pour moi, je regarde ces
papistes-là comme mes frères. »
Au temps où son épouse lui inflige
les plus violentes querelles, Wesley, repris par
une vieille nostalgie jamais satisfaite
d'héroïsme, de sainteté,
contemple une gravure qui ne sort pas d'une presse
protestante : « Rien ne m'a plus frappé
- confiera-t-il à l'une de ses
correspondantes, le 30 mai 1772 - que l'image d'un
homme couché sur la paille avec cette
inscription : portrait véridique de saint
François Xavier, apôtre des Indiens,
abandonné de tous les hommes et mourant dans
sa hutte. Voilà un martyre qui me semble
presque plus glorieux que celui de saint Pierre.
»
Sans l'idée du mérite qui
pose sur toute action humaine le sceau de
l'éternité, la sainteté
répandrait-elle cette
lumière?
À la Conférence
méthodiste de 1770, Wesley résolut de
frapper un grand coup. Il s'efforcerait d'arracher
les âmes au déterminisme de Calvin.
Ses disciples - hommes du peuple pour la plupart -
guettaient avec un intérêt
passionné les paroles qui allaient sortir de
sa bouche. Et l'on aurait dit que ces abstractions
théologiques - choses de l'âme, choses
du salut - leur paraissaient plus importantes que
la disette, le chômage, tous les
problèmes de misère où se
débattait leur pauvre existence. Ils
détournaient leurs camarades des
émeutes, mais s'il s'agissait du
Mérite ou de la Prédestination, ils
fonçaient comme des taureaux. Ils
écoutaient le discours de Wesley, bien
osé pour un réformateur protestant
:
Que le mot «Mérite »
dont nous avons eu si peur cesse de nous
épouvanter. Ne coupons plus les cheveux en
quatre. Si nous sommes récompensés
selon nos oeuvres, nous le sommes à cause de
nos oeuvres, donc par le mérite de nos
oeuvres.
Un murmure désapprobateur
accueillit ces subtilités, L'oeuvre de
Wesley subissait sa crise la plus grave. Ceux qui
se sentaient quelque propension au Calvinisme
l'abandonnèrent, avec des injures, pour
fonder leur propre chapelle. On comparait aux
animaux les plus fuyants cet indécis qui
tantôt plaçait les catholiques romains
sur le même rang que les païens et les
Turcs et tantôt parlait exactement leur
langage : Écrevisse! singe! renard!
écureuil! - d'autres ajoutaient monstre,
menteur, suppôt du diable. Dans le Pays de
Galles surtout, l'influence de Wesley se trouva
compromise, les Calvinistes l'emportant sur lui.
Les polémiques acerbes durèrent
plusieurs années.
La femme de Wesley comprit que l'heure
était venue de sortir de son arsenal les
armes qu'elle fourbissait en secret : les papiers confidentiels
dérobés
à son mari, lettres
authentiques avec des interpolations habiles, ou
bien lettres forgées par une main qui
contrefaisait l'écriture de Wesley. Elle ne
se souciait pas de théologie, mais cette
lutte acrimonieuse l'attirait comme son
élément. Elle alla soumettre ses
archives à l'adversaire le plus
acharné de son mari - le polémiste
Toplady qui n'eut pas la dignité de refuser
un tel appui. Pamphlets et gazettes se couvrirent
d'attaques contre le réformateur. Mais,
encore une fois, l'énergie de Wesley
triompha. Il ne se laissait pas vaincre,
Dans les derniers billets qu'il adresse
à sa femme, Wesley ne peut que lui signifier
ses adieux outragés et mélancoliques
:
Il est probable que nous ne nous
reverrons plus ici-bas. Je vais vous dire ce que je
pense sans amertume ni colère
Vous avez
révélé mes fautes - vraies ou
fausses - non à deux ou trois intimes, mais
à tout Bristol, à tout Londres,
à toute l'Angleterre, à toute
l'Irlande, vous les auriez criées au monde
entier... Vous avec placé une
épée entre les mains de mes ennemis.
Dussiez-vous vivre cent ans, vous ne pourriez
réparer vos torts envers moi.
Au mois d'octobre 1781, la femme de
Wesley mourut. Elle léguait à son
mari, selon la coutume de l'époque, une
bague de deuil, qui pesa plus
légèrement à son doigt que
l'anneau nuptial.
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