Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XXXI

L'aube du jour.

-------

Nous ne pouvons juger les événements de cette mémorable journée, car nous ignorons à quel point l'énergie charnelle et l'excitation naturelle se mêlèrent à des sentiments meilleurs. Les instruments dont Dieu daigna se servir étaient sans doute imparfaits et sujets à se tromper. Mais nous ne pouvons douter que cette oeuvre ne fût celle de Dieu. Qu'étaient devenus les prêtres, les chanoines, les moines des cinq couvents? Dormaient-ils donc pendant qu'on prêchait tous les jours l'Évangile ? Non, ils étaient bien éveillés et bien vivants. Ils avaient envoyé messages sur messages à Berne, suppliant le Conseil de les délivrer de Farel. Ils avaient essayé de défendre au peuple d'écouter l'hérétique. Au commencement de l'été ils l'avaient cité devant un magistrat et le firent condamner à une amende considérable pour avoir affiché des placards dans lesquels les prêtres étaient appelés voleurs, meurtriers et séducteurs du peuple. Farel répondit que ce n'était pas lui qui avait affiché ces placards, il ajouta cependant que si on lui demandait de nier que les prêtres fussent des meurtriers et des voleurs, il ne pouvait le faire. « Car, dit-il, un homme qui extorque de l'argent sous de faux prétextes n'est-il pas un voleur ? Et si vous appelez meurtrier l'homme qui tue le corps seulement, n'est-il pas meurtrier à bien plus forte raison, celui qui perd les âmes par son mauvais enseignement, éloignant de Christ les pécheurs qui périssent? »

Les Neuchâtelois avaient demandé aux prêtres don voir une discussion publique avec Farel. S'il a tort, disaient-ils, montrez-le nous. Dites-nous, au nom de Dieu, quelle preuve vous avez que c est un hérétique Parlez pour ou contre lui; mais enfin parlez ! »
Les prêtres se gardèrent de répondre. Les citoyens avaient écrit aux chanoines en leur exposant les raisons pour lesquelles ils croyaient que Fard prêchait la vérité. Les chanoines ne donnèrent pas de réponse. Alors le peuple de Neuchâtel comprit qu'il n'y avait rien à attendre du clergé. Déjà avant le 23 octobre, quelques statues avaient été brisées dans les rues pour forcer les prêtres à sortir de leur mutisme, mais ce fut en vain. Le moment était venu où le peuple allait abandonner le clergé et se trouver seul en présence de Dieu, n'ayant plus à faire qu'à Lui seul. Les prêtres se sentirent en face d'un pouvoir plus fort qu'eux; ceux qui ne se convertirent pas quittèrent la ville et Neuchâtel fut libre. Il y avait moins d'une année que « le pauvre et pieux Farel» était venu, rempli de la puissance de l'Esprit, au nom de Christ. Dieu l'avait merveilleusement guidé et soutenu jusqu'à la chute de la dernière image. Et maintenant nul ne pourrait plus l'entraver, il prêcherait le salut et rendrait grâce à Dieu chaque jour pour de nouvelles âmes ajoutées au Seigneur. Il restait bien encore un ennemi à combattre, Georges de Rive; mais le pauvre homme ne pouvait rien faire. Il écrivit à la princesse Jeanne pour lui raconter la terrible journée du 23 octobre, où son pouvoir avait été méconnu, le peuple ayant déclaré que dans ces choses-là il ne reconnaissait pas d'autre maître que Dieu. Il était pourtant heureux d'avoir pu sauver du désastre les images et l'orgue de sa chapelle particulière en les cachant dans le château; il avait aussi procuré des asiles aux prêtres, aux chanoines et aux enfants de choeur dans les couvents de l'étranger.

La princesse Jeanne ne tint aucun compte de cette lettre; elle s'inquiétait fort peu de ce qui se passait dans cette ennuyeuse petite ville où elle espérait bien ne jamais remettre les pieds. Ses sujets pouvaient faire ce qu'ils voulaient pourvu qu'ils payassent leurs impôts régulièrement. Au mois d'avril suivant, Jeanne envoya son fils cadet François s'assurer de la loyauté du peuple; le jeune prince se convainquit que nul ne songeait à la rébellion. Aussi, lorsque les quelques papistes qui restaient encore le supplièrent de rétablir l'ancien culte, il leur fit comprendre qu'il n'était pas venu pour se mêler de la religion et qu'ils devaient s'arranger entre eux comme ils pourraient. Ainsi tomba la dernière espérance des catholiques; ils étaient les moins nombreux, les plus faibles, et furent obligés de se taire. Pendant ce temps, deux tables pour la Cène avaient été dressées dans l'église, à la place de l'autel démoli Une chaire dépourvue de tout ornement fut adossée à un pilier et servit à Farel pour prêcher désormais sans obstacle. « Ici, disait-il, vous pouvez offrir le culte auquel le Père prend plaisir.
Le brillant soleil de justice qui est Jésus-Christ et la lumière évangélique, n'ont que faire de nos fumées d'encens et de nos cierges et chandelles... l'Antichrist qui n'est que corruption, méchanceté et ténèbres, cherche tout ce qui pourra donner de l'éclat à ses inventions diaboliques. Mais Jésus qui est la Vérité, rejette tout cela; Christ et ses commandements suffisent; nous n'avons besoin de rien d'autre... Dieu maudit toutes ces choses que l'homme a introduites dans Son service et qu'Il n'avait point ordonnées Prions donc ce bon Seigneur Jésus qu'II fasse de nous une église pure, sainte, purifiée de tout ce qu'II n'a pas ordonné, tellement qu'on n'y voie que Jésus et ses commandements seuls, et qu'on les voie purement et simplement tels qu'II les a donnés, tellement qu'étant tous en Lui Seul et Lui en nous par la vraie foi, nous servions et honorions tous ce bon Dieu et Père, qui vit et qui règne éternellement avec Son Fils et le Saint-Esprit. Amen. »

Georges de Rive comprit que le papisme tombait; il fit voter les citoyens pour savoir s'il fallait rétablir la messe. Le résultat du vote, attendu avec anxiété, donna dix-huit voix de majorité à l'Évangile; la messe était donc abolie sans retour; le gouverneur et les magistrats mirent leur sceau à cette décision. Puis Georges de Rive se leva et dit: « Je m'engage à respecter ce qui a été fait aujourd'hui, car je reconnais que tout s'est passé loyalement, sans fraude ni pression. »
Le gouverneur écrivit à plusieurs personnes, outre la princesse, le récit de ces événements, mais il est digne de remarque que Farel n'est pas même nommé dans ces récits; toute cette importante révolution religieuse est attribuée par le gouverneur aux Neuchâtelois eux-mêmes. Ceux-ci, du reste, ne mirent point Farel en avant comme s'il eût été leur chef. La voix qui leur avait parlé venait du ciel; Christ avait des brebis dans ce coin désert et ses brebis l'avaient suivi, car elles reconnurent Sa voix. « La lumière de l'Esprit-Saint, dirent les Neuchâtelois, et le saint enseignement que donne la Parole de Dieu, nous ont prouvé que la messe est un abus qui sert plus à la damnation des âmes qu'à leur salut. Nous sommes prêts à prouver et à certifier qu'en démolissant les autels, nous n'avons fait que ce qui est agréable à Dieu. »

On a dit de Paul que les âmes comme la sienne sont des cordes dont Dieu tire une musique admirable, mais que c'est Christ lui-même qui est la musique. Sur la route de Strasbourg à Bâle, égaré au milieu de la nuit et des marais, Farel avait reçu une leçon qu'il n'oublia jamais, avons-nous dit. Les expériences glorieuses faites à Neuchâtel devaient lui en enseigner une autre. Perdu dans la boue et par la pluie, il avait senti sa complète impuissance; au milieu d'une ville délivrée comme par enchantement du joug de fer pesant sur elle, Farel sentit la toute-puissance de Christ. Nous devons être pénétrés de notre complète incapacité et de la puissance de Christ, avant de pouvoir devenir une de ces cordes desquelles Dieu tire la musique céleste.


.


CHAPITRE XXXII

La vieille comtesse et ses vassaux.

 

A une lieue de Neuchâtel est le bourg de Valangin; un château fort, situé sur un rocher, domine les humbles demeures où habitaient les sujets de noble comtesse Guillemette de Vergy. Cette dame était âgée à l époque dont nous parlons. Elle n'avait point abandonné son domaine, à l'instar de sa suzeraine la princesse Jeanne. Au contraire, la vieille dame habitait toute l'année son château fort, d'où elle exerçait une domination absolue sur les cinq vallées formant ses États.

Valangin était un repaire de papisme fanatique et bigot, pire s il est possible que Neuchâtel, car la maîtresse de céans avait pour le catholicisme un zèle qui n était égalé que par sa haine contre les évangéliques. Son intendant, Claude de Bellegarde, partageait son aversion pour les hérétiques; ils avaient entendu parler de Farel et le regardaient comme un démon. Les anciennes chroniques nous font cependant grand éloge de la piété de la châtelaine. Lorsque son mari mourut, elle fit venir cent prêtres qui furent chargés de chanter des messes pour délivrer l'âme du défont des tourments du purgatoire. Pendant toute une année, elle avait donné, chaque vendredi, le dîner et une pièce d'argent à cinq lépreux, afin d'expier le mal que son mari avait fait à ses sujets en chassant dans leurs champs de blé. La comtesse donnait aussi beaucoup d'argent aux pauvres du village. Elle menait grand train, nous dit la chronique, et lorsque la comtesse de Gruyères et d'autres dames nobles venaient la voir, il y avait grande fête au château, où l'on dansait au son du fifre et du tambourin.

Certes, si jamais cette forteresse-là était « prise pour Christ y », ce ne serait que par Lui-même. Tout près de Valangin se trouve le village de Boudevilliers, qui dépendait de Neuchâtel. Le 15 août 1530, les paysans arrivèrent des montagnes et des vallées voisines pour se rendre à Boudevilliers où la fête de l'Assomption se célébrait avec pompe. Parmi la foule, on remarquait un étranger à l'air grave et résolu, accompagné d'un jeune homme de dix-huit ou vingt ans. Les prêtres et les enfants de choeur chantaient déjà la messe et l'église était presque remplie lorsque les deux étrangers entrèrent. Le plus âgé se dirigea tout droit vers la chaire, et, sans s'inquiéter de la messe qu'on chantait, il commença à prêcher d'une voix retentissante, annonçant qu'il y avait au ciel un Sauveur, le Fils de Dieu.
Les assistants le regardèrent avec stupéfaction; cependant quelques-uns d'entre eux le connaissaient de vue, l'ayant rencontré dans les rues de Neuchâtel, et il y en eut qui se réjouirent tout bas de son arrivée. Le prêtre ne tint aucun compte de cette interruption, et continua à chanter la messe de toute la force de ses poumons. Peut-être lui aussi connaissait-il la voix de tonnerre et les yeux étincelants de Farel. Enfin le moment suprême de la transsubstantiation arriva, la cloche sonna, les paroles qui devaient consacrer l'hostie furent prononcées, elle était devenue Dieu lui-même. Le prêtre l'éleva aux yeux de la foule, et toute l'assistance tomba à genoux pour l'adorer. Un seul homme resta debout, c'était Froment; il traversa rapidement la multitude agenouillée, gravit les marches de l'autel, prit la boîte des mains du prêtre, et l'élevant lui-même il s'écria: « Ce n'est pas ce dieu de pâte qu'il faut adorer; le Christ vivant est là-haut dans le ciel; dans la gloire du Père. C'est lui qu'il faut adorer ! »

Il y eut d'abord un instant de profond silence; le peuple restait agenouillé et immobile, et le prêtre semblait avoir été frappé de la foudre. Alors la voix de Farel se fit entendre: « Oui, dit-il, Christ est dans le ciel; les cieux le contiennent jusqu'au rétablissement de toutes choses, et Il m'a envoyé pour vous parler de Lui »
Farel continua encore quelques instants, profitant de la stupeur générale pour proclamer la mort du Sauveur, le pardon des péchés et la vie éternelle. Mais son discours ne fut pas de longue durée; le prêtre épouvanté finit par recouvrer ses sens et courut sonner le tocsin à toute volée. Les habitants de Valangin et des villages voisins arrivèrent précipitamment, et bientôt une foule furieuse entoura l'église; les prêtres l'excitèrent à se jeter sur Farel et son jeune compagnon. Mais les deux serviteurs de Dieu s'échappèrent. « Dieu les délivra », dit la vieille chronique. Malheureusement les deux fugitifs étaient obligés de traverser, pour s'en aller, le bourg de Valangin, dont les rues étaient pleines de gens ameutés par le tocsin de Boudevilliers. Farel et Froment s'engagèrent dans l'étroit sentier qui contourne les rochers sur lesquels se trouve le château, mais leurs ennemis les aperçurent et une grêle de pierres les assaillit tout à coup.
De vigoureux prêtres, armés de pieux et de bâtons, accouraient en toute hâte; « ils n'avaient certes pas la goutte ni aux pieds ni aux mains dit un chroniqueur, car ils battirent les deux évangélistes jusqu'à les exterminer. » Pendant ce temps, la comtesse de Vergy, entendant du bruit, avait paru sur la terrasse du château; grande fut sa joie lorsqu'elle vit Farel et Froment entre les mains des prêtres. « A l'eau ! à l'eau ! » s'écria-t-elle; « noyez-moi ces chiens de luthériens, ils ont insulté le bon Dieu ! » Elle voulait dire l'hostie. Les prêtres allaient suivre le conseil de leur châtelaine; ils traînaient leurs victimes vers la rivière du Seyon qui coule au pied des rochers, lorsque parurent quelques paysans d'un val voisin. C'étaient de braves gens qui revenaient de Neuchâtel; ils connaissaient de vue Farel et comprirent qu'il allait être perdu. « Pourquoi voulez-vous noyer ces hommes dirent-ils habilement; attendez de les faire passer en jugement, vous saurez alors s'ils ont des adhérents. » Cette adroite suggestion sauva les deux évangélistes; les prêtres, renonçant à les achever sur l'heure, résolurent de les enfermer dans le château. Mais, pour s'y rendre, il fallait passer devant une chapelle de la vierge Marie; les prêtres y entrèrent, traînant après eux leurs victimes jusque devant l'autel. « Agenouillez-vous et adorez Notre-Dame», leur dirent-ils. Farel répondit: « Il ne faut adorer qu'un seul Dieu, le Dieu vivant et vrai, et non point des images muettes. »
A ces mots, les prêtres tombèrent sur Farel et le battirent de telle sorte que longtemps après on montrait encore les taches de son sang sur les murs de la chapelle. Les deux prisonniers furent ensuite portés, plus morts que vifs, au château et jetés dans le plus noir cachot. Ils auront sans doute pensé à Paul et à Silas dans la prison de Philippes. La nouvelle que Farel était captif parvint bientôt à Neuchâtel, et la dame de Vergy vit arriver sous ses murs une troupe nombreuse de citoyens neuchâtelois qui réclamaient les prisonniers. La vieille comtesse n'osa refuser, de peur de mécontenter Messieurs de Berne. Trois ou quatre mois plus tard, Farel reparut à Valangin; c'était à l'approche de Noël. La comtesse était allée entendre la messe dans l'église paroissiale. A peine était-elle arrivée que Farel, accompagné de quelques Neuchâtelois, entra et, traversant hardiment l'église, monta en chaire malgré les exclamations de la comtesse indignée. La noble dame ordonna à ses gens d'arrêter l'audacieux hérétique, mais le peuple se leva comme un seul homme en s'écriant: « Nous voulons avoir l'Évangile de Christ, nous voulons écouter maître Farel ! » La vieille dame quitta l'église et retourna dans son château, remplie d'indignation et de terreur. « Je ne crois pas que ce soit selon les vieux Évangiles; s'il y en a de nouveaux qui fassent cela faire, j'en suis esbahie », dit la pauvre dame. Toutefois, elle réussit encore pendant une année à maintenir la messe et à bannir l'Évangile, fermant l'église à clef si quelque prédicateur se montrait dans le voisinage.

Guillemette de Vergy adressa une lettré suppliante au Conseil de Berne afin qu'il la protégeât contre les prédicateurs. « Je veux, dit-elle, garder la foi de Dieu et de I'Église que j'ai tenue jusqu'à présent, en laquelle je veux vivre et mourir sans varier. Toutefois, samedi dernier, des gens de Neuchâtel, allant avec Farel, ont abattu à coups de pierres une croix qui était sur une mienne chapelle au pied du château. Et le dit Farel est venu prêcher devant mon église sans y avoir été invité par la majorité des gens du lieu... Et à Dombresson, au moment où le prêtre allait dire sa messe, voilà Farel qui arrive et qui prêche... Puis après, ils ont abattu, rompu et gâté toutes les images de l'église... Non contents de cela, ils sont allés prêcher dans d'autres églises... sans le consentement des bonnes gens et hier à Engollon, le dit Farel a interrompu la messe pour pouvoir prêcher... Je ne sais à qui me plaindre qu'à Dieu et à vous... Je vous prie de donner des ordres pour remédier aux violences et aux outrages qui me sont faits journellement et pour punir ceux qui s'en rendent coupables, sans quoi je comprendrai que nous sommes dans un monde nouveau où les seigneurs sont opprimés, la justice méconnue, la vérité et la loyauté disparues.

Je vous supplie de ne pas prendre en mauvaise part la requête de votre bourgeoise, une vieille dame sur sa vieillesse ainsi tourmentée. » Quelques jours après, la réponse de Messieurs de Berne parvint au château. En voici une partie: «... Quant à châtier ceux qui n'ont commis d'autres offenses que d'ouïr la prédication de l'Évangile, et ensuite ont rompu, abattu et brûlé les idoles, sachez que jamais nous ne le ferons, car ce serait combattre contre Dieu. Si vous voulez avancer votre profit et honneur, n'y pensez plus et tenez-vous-en à la réponse et au conseil que dernièrement nous vous avons donnés. » Ce conseil était celui de laisser les prédicateurs en paix et de leur fournir des locaux convenables pour prêcher, et, ajoutaient les seigneurs de Berne, nous prions Dieu de vous faire la grâce de discerner les erreurs et les séductions de l'Antichrist.

La pauvre vieille dame n'eut garde de suivre les bons conseils des Bernois; elle redoubla d'efforts pour empêcher la prédication et se débarrasser si possible de Farel et de Froment. Mais la fin de la lutte approchait; un évangéliste étant arrivé un jour sur la place du marché, tous les habitants de Valangin l'accueillirent avec joie; les uns disent que c'était Farel, d'autres Antoine Marcourt, le premier ministre qu'il y ait eu à Neuchâtel. De la tour du château on vit ce qui se passait, et les domestiques de la comtesse accoururent pour insulter le prédicateur et l'interrompre; ils se conduisirent si grossièrement que le peuple se révolta et, se précipitant dans l'église, il renversa les statues et les autels, brisa les vitraux peints et les reliques des saints, faisant disparaître jusqu'au dernier vestige de l'idolâtrie passée. Puis, voulant venger Farel des coups de bâton des prêtres, il envahit leurs demeures et détruisit tout ce qui servait au culte. La dame de Vergy et son méchant conseiller, Claude de Bellegarde, tremblaient dans leur château, d'où ils avaient pu voir ce qui se passait. Jusqu'alors, personne n'avait eu l'air de s'occuper d'eux, mais voici qu'en sortant de chez les prêtres, la foule prend le chemin du château. La comtesse se sentait au pouvoir de ses sujets, toute résistance était superflue. Aussi fut-elle bien soulagée d apprendre que la foule venait seulement réclamer le châtiment des valets qui avaient insulté le prédicateur. La comtesse y consentit. Les Valanginois se déclarèrent pour toujours affranchis de la domination du pape; on permit seulement à la dame de Vergy de faire dire la messe dans la chapelle du château, mais l'église paroissiale fut consacrée à la prédication de l'Évangile.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant