Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XXI

Le maître d'école.

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Au sud-est du lac Léman, non loin du Rhône, se trouve le bourg d'Aigle, à l'entrée d'une vallée boisée, au bord d'une rivière appelée la Grande-Eau. Pendant l'hiver de 1526, un étranger arrivait à Aigle, sous le nom de maître Ursinus. Il annonça qu'il allait ouvrir une école pour enseigner à lire et à écrire aux enfants qu'on voudrait bien lui envoyer. Les villageois en furent bien aises, parce qu'en hiver il y a peu de travaux dans les champs et qu'il n'y avait point d'autre école dans le voisinage. Bientôt les enfants dirent à leurs parents que tout en leur enseignant à lire et à écrire, le mettre leur racontait de belles histoires sur le Seigneur Jésus, comment il avait aimé les pécheurs, avait été puni à leur place et comment après avoir été mort, Il était ressuscité et s'était assis à la droite de Dieu dans le ciel, où Il continue à être l'Ami des pécheurs.
Les parents écoutaient avec étonnement, puis l'un après l'autre, ils allèrent demander à maître Ursinus ce que c'était que cette merveilleuse histoire. Ursinus, qui était un homme bienveillant, leur expliqua avec empressement ce qui se rapporte à Jésus, à son amour et à sa grâce. Il leur dit aussi que le purgatoire n'existait pas et que ceux qui sont sauvés par le Seigneur Jésus deviennent aussi blancs que la neige, qu'ils sont rendus parfaitement dignes d'entrer au ciel et qu'en quittant ce monde de péché et de misère, ils Vont directement dans la maison du Père, dans la gloire de Dieu. Ursinus expliquait aussi que c'était au Seigneur Jésus Lui-même qu'il fallait s'adresser pour obtenir grâce et non à Pierre, à Marie, aux saints, ni aux anges.

Ces pauvres gens écoutaient avec joie, reconnaissants qu'un étranger fût venu de France leur faire connaître le Sauveur dont ils n'avaient jamais entendu parler. Comme jadis les Israélites regardaient au serpent d'airain, élevé par Moïse, ainsi ces pauvres habitants d'Aigle, hommes et femmes, regardèrent au Sauveur dans la gloire et, croyant en Lui, ils reçurent la vie. Il n'y avait pas de curé à Aigle dans ce moment-là; l'ancien venait de mourir et n'était pas encore remplacé.
Un jour Ursinus monta en chaire et révélant son vrai nom de Guillaume Farel, il s'engagea à prêcher régulièrement. Jusqu'alors le Conseil de Berne lui avait interdit la prédication, parce qu'il n'était pas consacré, cette interdiction venait d'être levée. « Notre bon plaisir, disait le Conseil, c'est que tous les prédicateurs du pays enseignent la Parole de Dieu, librement et ouvertement et que nul ne les empêche de prêcher ce qu'ils croient conforme à l'Écriture, même s'ils se trouvent contredire par là les ordonnances et les commandements de n'importe quels hommes. »

Le peuple n'avait jamais entendu parler de Farel, mais les prêtres du voisinage le connaissaient bien. Remplis de colère et craignant le courroux des seigneurs de Berne, ils durent se contenter de chercher à soulever le peuple et de répandre toutes les calomnies imaginables contre lui. Farel écrivait à cette époque ce qui suit: « Le père du mensonge lance ses serviteurs chaque jour contre moi, et il voudrait bien me décourager de mon travail; mais Christ, au service duquel je suis, est beaucoup plus puissant que Satan. En m'appuyant sur Lui, je ne crains pas d'écraser l'ennemi sous mes pieds, d'envahir son royaume et d'arracher à sa tyrannie au moyen de la Parole, ceux que le Père attire à Christ. Appuyé sur le Seigneur, je me sens le courage de proclamer la Parole de Dieu, de renverser les traditions et les inventions des hommes, et d'inviter tous ceux qui sont fatigués et chargés à venir au Sauveur. Et je supplie tous ceux qui sont déjà venus à Lui d'intercéder auprès du Père, afin que le St-Esprit répande l'amour de Dieu dans tous les coeurs, en sorte que sa Parole soit obéie et qu'un vrai culte puisse enfin s'élever vers Lui, un culte en esprit et en vérité, comme a dit le Seigneur: Ni sur cette montagne ni à Jérusalem, mais un culte et un service qui soit offert par ceux qui se sont donnés à Lui de coeur et d'amour. »

Le Seigneur bénit abondamment la parole de son serviteur, des foules furent sauvées; on venait de tous les environs pour l'entendre. À ce moment Farel fut invité à rentrer dans sa bien-aimée France. Un jour de grande réception à la cour de France, deux jeunes gens furent présentés à la princesse Marguerite; c'étaient les fils de Robert de la Marck. « Profitez de l'occasion pour leur parler de Christ, » dit Marguerite à Gérard Roussel qui était présent. Roussel le fit et découvrit que ces jeunes gens avaient déjà entendu l'Évangile et qu'ils étaient très bien disposés. Il les engagea alors à employer tout leur pouvoir à répandre la vérité parmi leurs sujets. Les jeunes étrangers répondirent qu'ils le feraient volontiers, mais qu'ils étaient trop jeunes et trop ignorants pour cela. Si seulement, disaient-ils, un prédicateur voulait venir dans nos États, nous l'encouragerions par tous les moyens possibles. Je connais un seul homme tout à fait propre à cette oeuvre, dit Roussel; c'est Guillaume Farel, invitez-le. Les jeunes princes prièrent Roussel de se charger d'inviter de leur part le prédicateur, assuré que leur père en serait enchanté. «Il vivrait au palais avec nous, comme s'il était de la famille, dirent-ils, et tous lui feront bon accueil. Qu'il vienne dès le commencement de l'année » (1527). Bientôt Farel reçu des lettres où Roussel et Pierre Toussaint joignaient leurs instances à celles des jeunes princes pour l'engager à rentrer en France. Les jeunes princes comptaient si bien sur son arrivée qu'ils avaient déjà fait préparer une imprimerie, afin que Fard pût avoir des traités à distribuer.

Gérard Roussel écrivait toutes ces choses à son ami Guillaume et il ajoutait: « Toutefois, vous comprenez bien qu'il faudra vous abstenir de mentionner les sujets qui pourraient amener des dissensions (comme la messe, par exemple), et vous contenter de prêcher Christ et la vraie portée des sacrements». Guillaume eut donc à chercher encore une fois la volonté du Seigneur; il n'avait de nouveau qu'un mot à dire et le désir de son coeur aurait été accompli: il aurait pu rentrer dans son pays bien-aimé. Il refusa encore cette fois. Il ne pouvait se résoudre à cacher les vérités que Dieu lui avait fait connaître. Si même elles devaient causer des dissensions, il fallait qu'il les prêchât. Son Maître avait dit: « Pensez-vous que je sois venu donner la paix sur la terre ? Non, vous dis-je, mais plutôt la division. » Eh bien, ne valait-il pas mieux suivre les traces de Jésus que celles de Gérard Roussel et de la princesse Marguerite?

En outre, Farel n'aurait pu quitter l'ouvre que le Seigneur lui avait confiée en Suisse; maintenant il se sentait certain d'y avoir été envoyé par son Maître. Son travail était béni et accepté d'une manière merveilleuse; les âmes affamées et altérées qui l'entouraient étaient aussi des brebis du Christ. C'était de sa Parole qu'elles avaient faim et soif, c'était son Evangile qu'elles venaient entendre en foule; aussi, en berger fidèle, il ne pouvait les abandonner. Et la bonne nouvelle se répandait de village en village et de ville en ville dans les vallées et sur les rives du Léman; comme du temps des apôtres, beaucoup de croyants furent ajoutés au Seigneur.

Avez-vous jamais réfléchi à ce que signifient ces mots: «ajoutés au Seigneur », non pas simplement pardonnés, convertis, mais ajoutés à Celui qui est la Tête du Corps, l'Église, ajoutés à Celui dont tous ceux qui croient deviennent les membres, unis au Seigneur par le Saint-Esprit ? De sorte que si vous et moi nous sommes des croyants, nous avons des devoirs et des privilèges qui nous sont dévolus comme membres du corps de Christ, membres les uns des autres. Nous ne sommes pas seuls ici-bas et nous ne sommes pas seulement appelés à nous aimer les uns les autres. Il existe maintenant un lien plus intime que celui de l'amour réciproque: « Nous tous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps », appelés non seulement à nous aimer les uns les autres, mais à agir, à penser et à parler comme n'étant qu'un, tous les membres agissant de concert sous la direction de la tête, ayant chacun leur place dans le corps, mais agissant sous la même autorité, comme le font les membres de nos corps terrestres.

Telles étaient les choses que Farel enseignait aux croyants. Il leur démontrait qu'ils étaient un désormais avec tous les enfants de Dieu, non seulement en Suisse, mais sur toute la terre. « Qu'il n'y ait pas dans le corps de Christ, disait-il, des bras, des yeux ou des oreilles agissant séparément, mais un seul coeur que rien ne puisse diviser. »


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CHAPITRE XXII

Le message refusé.

 

 Satan ne laissait pas la Bible se répandre et la lumière éclairer village après village sans faire d'opposition! Un nombreux parti de moines et de prêtres paresseux et ignorants commencèrent à trembler des conséquences de ces prédications qui amenaient des âmes à Christ. " On va nous abandonner, dirent-ils; on va bientôt crier: À bas l'Église! "
Ils gagnèrent à leur cause le gouverneur d'Aigle et le conseil de la ville. Le bon vouloir témoigné par les seigneurs de Berne à Farel, loin de lui donner de l'influence, n'avait fait qu'exciter la jalousie et l'envie de ces hommes dont on n'avait pas demandé la protection.

Si Farel s'était quelque peu appuyé sur le bras de l'homme, il allait voir combien ce soutien est fragile. Le gouverneur lui dit qu'il était un hérétique et lui défendit non seulement de prêcher, mais encore de continuer son école!

Messieurs de Berne envoyèrent immédiatement un messager avec ordre d'afficher un placard à la porte de toutes les églises, par lequel ils donnaient avis que leur déplaisir était extrême en apprenant qu'on avait défendu au savant Farel de prêcher publiquement les doctrines du Seigneur. Le résultat de cette démarche fut un soulèvement général des habitants d'Aigle et des environs. Le 25 juillet 1527, une foule furieuse s'ameuta en déchirant les placards et en criant: " Plus d'obéissance à Berne! À bas Farel! " Puis la foule se précipita sur lui pour le saisir, mais la puissance mystérieuse qui avait déjà souvent préservé le serviteur du Seigneur, fut plus forte que l'ennemi. Les croyants s'étaient groupés autour de Farel, prêts à le défendre en cas de besoin, ce qui ne fut pas nécessaire. Ses adversaires n'osèrent pas l'approcher et la foule se dispersa comme elle était venue.

Pendant quelques jours Farel quitta Aigle et s'en alla dans les villages d'alentour, puis il revint à ses travaux dans l'église et l'école. Les prêtres se contentèrent de lui crier des injures à distance; ils savaient bien que Farel en appellerait à la Bible s'ils discutaient avec lui; or, ils étaient trop ignorants pour le réfuter.

Farel apprit qu'il y avait à Lausanne un prêtre, Natalis Galeotto, plus intelligent et moins prévenu que les autres. Il était chapelain de l'évêque de Lausanne et avait la réputation d'un homme droit et sincère. Farel lui écrivit: " Le Seigneur Jésus écoute toujours les pécheurs qui s'adressent à Lui, Il ne s'est jamais détourné du plus misérable d'entre eux. En conséquence, je vous prie de vouloir bien suivre les traces de votre Maître en m'accordant quelques instants d'attention, bien que je n'aie ni grand savoir ni grande importance. " Puis Farel lui racontait sa propre histoire, comment le Seigneur l'avait amené des ténèbres à sa merveilleuse lumière. Il suppliait Natalis d'examiner s'il prêchait bien le même Evangile béni que Dieu, dans sa miséricorde, avait enseigné à Faber et à lui-même. D'ailleurs, ajoutait-il, vous ne pourrez pas faire autrement que de l'annoncer, si par la miraculeuse grâce de Dieu vous avez été, vous aussi, délivré du pouvoir du péché et de Satan.
Mais, hélas! il y en a quelques-uns qui portent sur leurs fronts la marque des ennemis de Dieu. Ils se mettent à la place de Dieu, annonçant un autre moyen de salut et de pardon que celui que Christ a enseigné. Ils mettent leurs commandements à la place de la Parole de Dieu, bien que ces commandements soient aussi contraires à la Bible que les ténèbres le sont à la lumière. Et malheureusement les hommes sont tellement aveuglés qu'ils se cramponnent à ces inventions humaines et ne veulent pas les lâcher, tandis qu'ils abandonnent si facilement la foi qui sauve. Il n'y a plus rien à attendre de cet arbre mauvais et pourri qui a été planté par l'homme. On ne peut rien y faire si ce n'est de regarder à Dieu qui, dans sa miséricorde, peut en prendre quelques rameaux et les greffer sur le vrai cep.
Mais nul ne peut être uni à Christ sauf par le Saint-Esprit seul; les rites et les ordonnances n'y peuvent rien. Et qu'est-il résulté de ce que les hommes se sont mêlés des choses de Dieu ? Que même les choses extérieures que Dieu nous avait commandées ont disparu. Où est le souper du Seigneur ? Qui nous rendra cette fête sacrée par laquelle nous sommes appelés à célébrer le Seigneur, annonçant sa mort jusqu'à ce qu'Il revienne ? Hélas! les hommes vivent comme s'ils étaient voués aux dieux païens ; lequel d'entre eux s'occupe du retour de Christ?» Il supplie Natalis d'observer que toutes ces erreurs et cette méchanceté proviennent d'une même raison, à savoir l'égoïsme et la rapacité du clergé, l'amour de l'argent qui est la racine de tous les maux.
Il continue sa lettre par ces paroles que tous feraient bien de méditer: « Puissent nos coeurs être brisés en voyant l'honneur de Dieu dans la poussière, son Eglise en ruine, les murs renversés, le sanctuaire profané I Si nous croyons réellement que Christ est mort pour nous, si nos coeurs ont jamais été émus par le souvenir de son sang versé pour nous, si le Saint-Esprit nous a jamais révélé quelque peu de l'amour divin, si nous savons que nous rendrons compte à Dieu des âmes auxquelles nous avons prêché et que ce sera un jour terrible pour nous si nous les avons conduites dans une mauvaise voie, si toutes ces choses sont ainsi, nous n'avons pas un moment à perdre. Commençons tout de suite à faire retentir les louanges de Dieu, avertissons et alarmons les méchants à cause de leurs péchés et ensuite offrons-leur les richesses de la grâce évangélique. Prêchons Christ comme l'unique Sauveur. Enseignons ce que Christ et les apôtres enseignaient et rien autre. Si cet enseignement n'est pas suffisant, où en trouver un qui le soit ? Si cette doctrine n'est pas parfaite, laquelle le sera ? Si celle-là ne convertit pas les pécheurs, qui est-ce qui les convertira ? Si ces enseignements-là ne produisent pas le fruit de la justice, qu'est-ce qui les produira ? Si toutes choses ne sont pas contenues dans la Parole de Dieu où chercherons-nous ce qui manque ? La sagesse de Dieu n'a besoin d'aucune autre sagesse pour la perfectionner. Je ne veux point en prêcher d'autre, je ne veux pas savoir autre chose.»

Farel termine en suppliant Natalis de mettre de côté toutes les inventions humaines et dé prendre la Parole de Dieu seule pour son trésor, duquel il tirerait tout ce qu'il prêcherait, se soumettant entièrement à cette Parole et à elle seulement. Natalis Galeotto ne répondit à cette lettre que par un silence dédaigneux, mais il s'en souviendra un jour. Le moment viendra pour lui de paraître devant le tribunal de Christ, et ce messager d'amour et de grâce divine reparaîtra en témoignage contre lui; c'est l'appel de Christ par la bouche de son serviteur, qu'il a refusé d'ouïr. C'est une chose bien solennelle pour nous lorsque, par n'importe qui, nous sommes invités à examiner notre conduite à la lumière de la Parole de Dieu. Un tel message ne peut venir que de Dieu, et si quelques-uns de ceux qui lisent les paroles de Farel voulaient accepter ce que Natalis Galeotto a refusé, ce serait un grand bonheur pour leurs âmes. C'est une chose agréable à Dieu si nous nous mettons à comparer attentivement notre foi, notre conduite et notre manière de rendre culte avec sa Parole bénie, étant prêts à abandonner tout ce qui ne pourrait se justifier par l'Écriture. Plus d'un ami bien aimé serait offensé, et il faudrait mettre de côté pis d'une forme à laquelle nous tenons peut-être, mais Christ serait glorifié et sa présence manifestée. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime, et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai et je me manifesterai à lui. »

Nous disons que par les Écritures nous sommes « accomplis et parfaitement instruits pour toute bonne oeuvre» (2 Tim. III, 17). Puissions-nous montrer qu'en effet nous sondons la Parole de Dieu pour toutes choses, et puissions-nous dire de chacune des choses que nous faisons: « L'Éternel l'a commandé ainsi. »

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