Ainsi a
parlé
l'Éternel, le roi d'Israël et son
Rédempteur, l'Éternel des
armées: Je suis le premier et je suis le
dernier, et hors de moi il n'y a pas de
Dieu.
(Esaïe,
XLIV,
6.)
Mes Frères,
Le
prophète
auquel j'emprunte ces paroles a la douleur
amère de voir son peuple se détourner
de Jéhovah. Israël a été
éclairé des plus pures
lumières. Seul, entre toutes les nations de
l'ancien monde, il connaît le Dieu unique, le
Dieu vivant, le Dieu saint; les moindres de ses
enfants peuvent lire ces admirables Psaumes dont
l'Évangile même n'a pas
dépassé la sublimité; ils
savent que Dieu est compatissant, lent à la.
colère, ému, envers ceux qui le
servent, d'une pitié dont les plus tendres
affections humaines ne sont que le pâle
reflet; ils savent ce qu'ignorent les nations les
plus puissantes et les plus civilisées; ils
peuvent boire à la source où
l'humanité tout entière doit un jour
étancher sa soif.
Et cependant, ces vérités,
ils les oublient ; ces privilèges, ils les
repoussent; ce Dieu, ils le renient.
N'écoutant que les inspirations
idolâtres des races sémitiques dont le
sang vicié circule dans leurs veines, ils
vont vers Moloch, vers Baal, vers Astarté;
les mères, les mères elles
mêmes dont le Dieu des miséricordes a
rendu l'union féconde, apportent leur fils,
leur premier-né, leur unique, qu'elles
déposent comme une oblation expiatoire sur
les bras d'airain rougis au feu de ces
épouvantables idoles « Cieux, soyez
étonnés et frémissez
d'horreur, a dit Jéhovah, car mon peuple
à fait deux maux - ils m'ont
abandonné, moi, la source des eaux vives,
pour se creuser des citernes, des citernes
crevassées qui ne peuvent Pas contenir
d'eau. » Alors le prophète plaide,
lutte, s'indigne, maudit ou supplie;' il montre
l'inanité de cette idolâtrie et
l'infamie de ces cultes hideux; il rappelle
à Israël la grandeur de ses origines et
de ses destinées; il évoque devant
lui la sainte figure de Jéhovah, il adresse
au peuple cette parole que Dieu lui-même a
mise sur ses lèvres: « Ainsi a
parlé l'Éternel, le roi d'Israël
et son rédempteur, l'Éternel des
armées :
Je suis le premier et je suis le
dernier, et hors de moi il n'y a pas de Dieu.
»
Mes
frères, cette
histoire est la nôtre. Une lumière
plus grande que celle qui éclairait
Israël s'est levée sur les peuples
chrétiens. Au-dessus du monde visible,
l'Évangile nous a ouvert les horizons sans
fin du monde spirituel; au-dessus de la
fatalité des causes secondes, il nous a
montré la cause première intelligente
et libre; au-dessus des iniquités
présentes, il a affirmé la justice
invincible; par delà les solitudes immenses
des espaces silencieux il nous a fait entendre les
palpitations du coeur divin, source
inépuisable des miséricordes
infinies; par delà les perspectives
glacées de la mort, il a annoncé la
résurrection et la vie
éternelle.
Or, qu'a-t-on fait de tout cela et
où vont les générations qui
grandissent? Que verra ce vingtième
siècle dont nous approchons à grands
pas? Ah 1 sans doute, les idoles de pierre et de
bois ne peuvent plus être redressées.
Mais, n'est-ce pas une idole aussi que cette
fatalité sombre devant laquelle on veut que
nous inclinions notre raison? N'exige-t-elle pas,
elle aussi, des immolations cruelles?
Est-ce peu de chose que de lui
sacrifier, comme on nous le demande, le sentiment
de notre liberté morale, la foi en la
direction providentielle du monde et la certitude
du revoir au delà de la mort? Ne nous y
trompons pas ! C'est bien là le but que l'on
poursuit. Il ne s'agit plus ici des dogmes qui
divisent les Églises, ni des
subtilités de la théologie. C'est au
centre même que pénètre
l'attaque, c'est l'idée de Dieu qui est
menacée, et cette vieille parole
d'Ésaïe que je vous apporte doit
être aujourd'hui répétée
avec énergie : « Je suis le premier et
je suis le dernier, et hors de moi il n'y a pas de
Dieu. » C'est sous l'impression de ces
sérieuses pensées que nous allons
essayer de recueillir les enseignements qu'elle
contient.
Je suis le premier. Il y a là
pour nous, tout d'abord, l'affirmation de la
doctrine fondamentale d'un Dieu créateur
souverain. La Genèse biblique s'ouvre par
ces mots : « Au commencement, Dieu créa
les cieux et la terre », puis en une seule
page elle déroule devant nous l'apparition
successive des choses, depuis la matière
chaotique encore informe jusqu'à la venue
d'un être tiré de la poussière
de la terre, mais qui est fait à l'image de
Dieu. Ce n'est pas que nous prétendions
qu'il faille chercher dans la Bible une cosmogonie
systématique, au nom de laquelle on
viendrait arrêter les libres investigations
de la science, et (pour dire ici toute notre
pensée) rien ne nous paraît plus
imprudent que ces tentatives de faire concorder,
à tout prix, le texte des Écritures
avec les dernières théories de la
géologie, car il n'est que trop
évident que ces théories se
renouvellent sans cesse, et que l'harmonie factice
d'aujourd'hui serait le désaccord de demain.
La Bible est avant tout le document
d'une révélation religieuse,
l'histoire du salut de l'humanité. Il faut
lui demander ce qu'est Dieu pour nous, ce que
l'homme doit être et quelles relations
doivent exister entre l'homme et Dieu, et c'est
parce que la Bible répond essentiellement
à ces questions-là, c'est parce que
sa sobriété contraste d'une
manière si frappante avec les
élucubrations cosmogoniques des religions
orientales, que nous voyons dans ce livre, non pas
l'effort de la curiosité humaine essayant
d'expliquer l'infini, mais la
révélation de Dieu disant à
l'homme ce qu'il a besoin de savoir pour être
sauvé. Voilà ce que nous enseigne
l'Écriture, mais, dans sa
sobriété même, quelle richesse!
Dans ces premières pages de la
Genèse, quels rayons de lumière
projetés sur notre destinée! C'est
l'existence de Dieu, c'est son unité se
dressant en face du matérialisme
athée et du polythéisme; c'est la
liberté souveraine du Dieu créateur
réfutant d'avance le panthéisme qui
confond Dieu avec l'univers ; c'est la bonté
originelle de l'oeuvre divine proclamée en
opposition à toutes les philosophies
antiques qui attribuent le mal à la
matière; c'est le caractère moral et
libre de l'homme primitif affirmé
contrairement aux théories qui ne veulent
voir en lui qu'un animal parvenu; c'est
l'entrée de la douleur et de la mort dans
l'humanité expliquée par une
révolte de la liberté humaine; c'est
l'assurance enfin qu'un jour le mal doit être
vaincu. Grandes et précieuses
lumières qui, seules, ont pu dissiper
l'ombre épaisse, lourde et malsaine du
fatalisme antique, et conduire la marche des
croyants de l'ancienne alliance jusqu'au jour
où s'est levé sur l'humanité
le soleil de justice qui porte la santé dans
ses rayons !
Aujourd'hui,
vous le
savez, on prétend nous enseigner une autre
Genèse du monde; on reprend les vieilles
doctrines d'Epicures; on nous parle d'une
matière éternelles de milliards
d'atomes qui, en tourbillonnant dans l'espace, se
sont donné d'une manière inconsciente
et spontanée un mouvement conforme aux lois
mathématiques qu'ils ont eux-mêmes
engendrées. On nous dit que d'une
combinaison mécanique est sortie tout
à coup une cellule vivante, et qu'avec le
concours de milliards d'années, cette vie
est devenue végétative, puis animale,
puis, consciente, puis intellectuelle, puis morale
enfin; on nous invite à saluer cette
progression ascendante de la matière,
d'abord molécule inerte, puis protoplasme
doué de sensation, puis plante qui un jour
se meut, s'avance et devient l'animal hideux,
rampant dans la fange des marais primitifs, pour se
dresser enfin dans sa majesté conquise eu
s'appeler Platon, Aristote, Jésus-Christ. Et
après avoir expliqué ainsi la
formation des choses, on prend en pitié ceux
qui recourent encore à l'intervention d'un
Dieu créateur, on pense de lui ce que disait
le savant Laplace à Napoléon 1er :
« Sire, je n'ai pas eu besoin de cette
hypothèse », et on reconduit Dieu
à la frontière du monde, en le
remerciant des services provisoires qu'il a pu
rendre à la science, jusqu'à ce que
celle-ci ait appris à se passer de
lui.
Eh bien! je le dirai simplement : devant
cette Genèse que l'on appelle scientifique,
ce n'est pas seulement ma foi qui se
révolte, c'est ma raison qui
répète, avec l'enthousiasme d'une
conviction plus ferme que jamais, la
première affirmation du vieux symbole des
chrétiens: « je crois en Dieu le
Père tout-puissant, créateur du ciel
et de la terre », car s'il y a dans ma raison
un principe inébranlable, c'est bien
celui-ci : qu'aucun effet n'existe sans Cause, que
tout ce qui est dans les effets doit se trouver
dans la cause, que jamais, par conséquent,
la matière brute n'a pu produire
l'intelligence, ni le chaos enfanter l'harmonie,
parce que jamais le moins n'a pu enfanter le plus.
Détruisez cet axiome, et il n'y a plus de
science, que dis-je? il n'y a plus même de
raisonnement possible. Ainsi l'a compris la raison
humaine par ses représentants les plus
grands et les plus authentiques, car
l'athéisme systématique n'est qu'une
monstrueuse exception dans l'histoire. Devant cet
effet qui s'appelle le monde, la raison a toujours
conclu à une cause du monde, de quelque nom
qu'elle ait pu l'appeler; c'est le premier mot de
toutes les religions; et, quand la pensée,
de religieuse, est devenue philosophique, elle n'a
jamais renié cette loi; Aristote a vu le
mouvement, et il en a conclu à un premier
moteur.
Platon a vu l'ordre et l'harmonie et il
en a conclu à un ordonnateur suprême.
Moïse (à ne le considérer, si
vous le voulez, que comme un homme de génie,
bien qu'à nos yeux son inspiration soit plus
haute) a vu la loi morale, et il en a conclu
à un législateur souverain.
Et nous, éclairés par
Jésus-Christ, et voyant dans le monde et
dans l'homme, non pas seulement le mouvement, non
pas seulement l'ordre, non pas seulement la loi,
mais le sentiment de la justice, de la
sainteté, de l'amour infini, nous remontons
avec l'adoration ardente de nos coeurs
reconnaissants jusqu'à Celui qui en est le
suprême auteur, jusqu'au Dieu souverain qui,
seul, peut dire : « Je suis le premier. »
Le confesser, c'est la joie de notre âme, et
c'est le plus magnifique usage de notre
raison.
Je suis le premier. Cela nous rappelle
encore, mes frères, que, comme Dieu est la
cause suprême, il doit être le but
suprême de tout ce qui existe, l'objet vers
lequel doivent se porter les pensées et les
affections de tous ceux qu'il a
créés. Toutes choses, dit saint Paul,
sont par lui et pour lui. Chaque être a une
destination, et la destination supérieure de
tous les êtres, c'est ce que
l'Écriture appelle la gloire de Dieu. Comme
la gloire de l'ouvrier se réfléchit
dans son oeuvre comme la fresque du
Parthénon raconte la gloire des statuaires
de la Grèce antique, comme la basilique de
Saint-Pierre de Rome raconte la gloire de Bramante
et de Michel-Ange, de même les magnificences
de la terre et des cieux racontent la gloire du
Dieu fort, ou plutôt, car il n'y a pas en
elles de langage, elles la montrent à
l'homme, afin qu'il puisse lès raconter pour
elles.
Et ce qui est vrai de l'ensemble des
êtres doit s'appliquer aussi à chaque
être individuel. Chacun, s'il comprend sa
destination, sert à la gloire divine :
savant, homme d'État, magistrat,
commerçant, ouvrier, paysan, manoeuvre, tous
sont appelés à servir Dieu dans la
personne de leurs frères, et
l'infortuné que la maladie cloue à
son lit de douleurs où il doit attendre
longuement la mort, est appelé, lui aussi,
le glorifier Dieu par sa Patience. Telle est la
destination simple et magnifique que
l'Écriture assigne à tout ce qui
existé : seule, elle Peut satisfaire la
raison, parce que, seule, elle nous donne notre
place véritable dans la hiérarchie
des êtres; seule, elle peut créer
l'harmonie, parce que l'harmonie est
irréalisable Sans un centré commun ;
en vain vous rêverez la fraternité sur
la terre, Si vous ne maintenez Pas la
paternité dans le' ciel. Voilà
l'idéal sublime que l'Evangile nous propose
et qu'il appelle le règne de Dieu.
Vous savez ce qu'est devenu cet
idéal, et ce que le péché en a
fait. Partout Dieu méconnu, ici gravement ou
cyniquement, par l'athéisme, là
pratiquement par l'indifférence du mondain
qui vit comme si Dieu n'était pas, donnant
la dernière place, dans ses Pensées
et dans ses actes, à Celui qui a dit :
Je suis le premier. Partout aussi, le
désordre, car l'âme, n'allant plus
à son centre, est emportée comme un
astre errant par toutes les passions qui la
sollicitent; partout l'égoïsme,
égoïsme international qui fait d'un
peuple l'ennemi d'un autre peuple et qui, dans ce
siècle de progrès, a répandu
sur les champs de bataille plus de torrents de sang
que dans aucun autre siècle des temps
modernes; égoïsme social, qui fait
affluer, comme vers deux Pôles contraires,
ici les richesses et les jouissances jusqu'à
la satiété, là les privations
et la misère jusqu'à la souffrance
aiguë; égoïsme se manifestant tour
à tour dans l'explosion sauvage de l'orgueil
et de la passion sensuelle, ou dans la lâche
torpeur d'une vie frivole, inutile et perdue.
Écoutez l'histoire de
l'humanité: c'est une longue plainte qui
s'en exhale; écoutez ce que pensent du coeur
de l'homme ceux qui l'ont le mieux connu; la Bible
elle-même n'a pas, pour le juger, de paroles
plus énergiques et plus accablantes;
écoutez votre conscience, elle vous dira ce
que vous devriez être et ce que vous
n'êtes pas. Et le mai est partout, dans ces
îles lointaines et fortunées où
les déistes du dix-huitième
siècle plaçaient des races
innocentes, et où nos missionnaires ont
rencontré le cannibalisme et les cultes
infâmes; dans nos grandes cités dont
les dehors brillants cachent tant de. souillures et
de souffrances, et où, chaque soir, la nuit,
en révélant dans les profondeurs des
cieux les splendeurs du firmament
étoilé, semble faire sortir de ses
repaires la débauche qui rampe dans nos
rues. Et lorsque, fuyant nos villes, nous cherchons
dans les campagnes une atmosphère morale
plus saine et plus fortifiante, nos regards, en
s'arrêtant sur le visage de l'homme, y
rencontrent, comme ailleurs, les traces de la
douleur, du souci dévorant, des deuils qui
ne s'oublient plus et, parfois, le stigmate honteux
du vice, marquant une face humaine du sceau de la
dégradation.
Et c'est en présence de ces faits
que l'on nous convie à glorifier l'homme et
à remplacer, dans nos sanctuaires, le culte
de Dieu par celui de l'humanité, comme si la
famille humaine pouvait se reconstituer autour d'un
pareil centre! Ah! laissez aux époques de
décadence les apothéoses humaines.
Pour nous, nous avons hérité de nos
pères une horreur invincible pour ces
glorifications de la créature. C'est plus
haut que nous portons nos hommages. Notre raison
n'est satisfaite, notre coeur n'est apaisé,
notre conscience ne trouve sa loi que lorsque nous
nous sommes inclinés devant l'Être des
êtres, devant la sainteté parfaite et
l'amour infini, devant Celui qui nous dit : «
Je suis le premier. En dehors de moi, il n'y a pas
de Dieu. »
Je suis le premier. Cela veut dire
encore que Dieu est à l'origine de tout ce
qui se fait pour relever et sauver
l'humanité, pour la ramener à la
vraie vie qu'elle a perdue en se séparant de
lui. Dieu est à l'oeuvre dans
l'humanité; c'est la grandeur des nations
qui l'ont une fois connu, qu'elles ne peuvent
jamais renoncer à un certain idéal,
et qu'un irrésistible besoin de
lumière, de liberté, de
progrès, les tourmente et ne leur laisse pas
de repos. Même lorsqu'elles semblent avoir
abandonné la foi religieuse, elles demeurent
inquiètes, cherchant comme à
tâtons le bien qu'elles ont perdu. Il arrive
souvent au milieu d'elles que, lorsque les
chrétiens de nom ont renié
l'Évangile dans son esprit même et ne
professent plus qu'une orthodoxie morte et servile,
incapable de rien enfanter de grand, des
incrédules, des athées même se
mettent à leur place et font leur oeuvre,
comme ces déistes du dernier siècle,
qui combattirent là torture, l'esclavage et
toute§ les tyrannies, et
déployèrent devant le monde
étonné, lé drapeau de
là fraternité chrétienne
qu'une Église persécutrice avait
laissé tomber dans le sang des dragonnades
et dans la fange de la Régence, où
lé cardinal Dubois traînait la robe
illustre de son prédécesseur
Fénelon.
Or,
d'où vient,
mes frères, cette aspiration
supérieure qui nous agite? D'où vient
que nous résistons à ces lâches
résignations, à ce fatalisme qui, en
Turquie, comme aux Indes, comme dans les vastes
régions de l'extrême Orient, Courbe
lés peuples dans un abaissement
séculaire? D'où vient que nous
luttons pour tous les droits, pour toutes les
dignités de l'homme pour tous lés
faibles que l'on opprime, pour tous les
déshérités que l'oh exploite?
D'où vient que toujours nous opposons
à la réalité présente
un idéal supérieur D'où vient
que noire conscience est sans cesse avertie
stimulée blessée par un invisible
aiguillon qui l'empêche de céder
à là torpeur morale que produisent
les doctrines fatalistes, ou à l'enivrement
des jouissances et de la vie sensuelle qui partout
déborde aujourd'hui?
Dira-t-on que nous obéissons
à ce qu'on appelle la loi naturelle du
progrès? Mais, comment attribuer à
une force que l'on dit inconsciente cette recherche
intelligente et passionnée de la justice et
du bonheur de tous? D'ailleurs, cette
prétendue loi du progrès, qui devrait
être continue si elle était vraiment
une loi, quels lamentables échecs, quels
avortements n'a-t-elle pas subis pendant des
siècles et dans l'histoire de nations
entières qui descendent lentement vers la
servitude et la mort?
Dira-t-on que ce qui nous inspire et
nous sauve, c'est la science, la science dont on
veut faire, aujourd'hui, la rédemptrice de
l'humanité? Ah! certes, la science est une
puissance admirable, et les chrétiens
auxquels l'Evangile donne le nom magnifique de fils
de la lumière ne peuvent qu'applaudir
à ses progrès. Qu'elle vienne donc,
qu'elle ouvre devant nous les profondeurs des cieux
et les entrailles de la terre! qu'elle unisse les
nations par des voies nouvelles, qu'elle dompte les
forces brutales de la nature, pour en faire les
esclaves de l'intelligence! qu'elle lance la
pensée humaine, portée par un fil
mystérieux, à travers les sombres
abîmes de l'Océan, jusqu'aux
extrémités du monde 1 Mais n'attendez
pas d'elle ce qu'elle ne pourra jamais vous donner.
Mes frères, il y a trois faits, les plus
universels et les plus actuels, le
péché, la douleur et la mort, sur
lesquels la science n'a jamais projeté de
lumière, et devant lesquels elle doit
s'arrêter, aussi muette, aussi impuissante
aujourd'hui que jamais.
Quand votre conscience est
torturée par le remords, quand le souvenir
de vos fautes vous accable, quand votre coeur est
ulcéré par les tristesses, par les
déceptions de la vie, par l'amertume des
affections rompues, quand vous êtes en
présence d'un lit où agonise un
être qui vous est plus cher que
vous-même, et que la question du néant
ou d'un revoir éternel vient
étreindre votre âme, quand vous avez
faim et soif de consolations, d'amour et de
sympathie, est-ce un livre de science que vous
ouvrirez, est-ce à la porte d'un savant que
vous irez frapper? La question serait cruelle, si
elle n'était pas dérisoire, car
combien y a-t-il, dans cet auditoire, d'esprits
capables de comprendre la science, et que
faudrait-il penser de cette prédestination
d'un nouveau genre qui, au lieu de s'adresser,
comme le fait l'Évangile, aux pauvres et aux
petits de la terre, réserverait ses
lumières et ses consolations à
l'aristocratie intellectuelle de l'humanité?
Soyez tranquilles, du reste, la question
ne se posera pas de la sorte, car les savants
souffrent comme nous des troubles de la conscience,
des déchirements du coeur et des cruelles
séparations de la mort, et j'en ai vu, parmi
les plus grands, brisés par la douleur,
venir chercher la consolation à une source
où la trouvaient, avec eux, les plus humbles
et les plus ignorants de la terre. Non, la science
seule ne pourra jamais convertir,
régénérer un peuple, ni sauver
ou consoler une âme; la science n'est qu'un
instrument qui peut servir parfois
d'étranges causes. Supposez la science sans
la conscience, supposez la science aux mains d'un
peuple impie, supposez l'instruction universelle
apportant à chaque foyer un livre
corrupteur, supposez des engins de guerre
perfectionnés mis à la portée
de chaque enfant du peuple, supposez le
pétrole et la dynamite maniés par des
mains bien dressées, puis, qu'un souffle de
folie descende sur ces générations
ainsi préparées, et vous verrez...
Hélas! il faut dire : vous avez vu ces
scènes inoubliables et sanglantes dont nous
voudrions effacer à jamais le souvenir, si
elles ne trouvaient aujourd'hui des apologistes et
des admirateurs!
Ainsi donc, c'est plus haut que la
science qu'il faut aller chercher les sources
cachées du fleuve de vie qui apporte au
monde la régénération, la
consolation, l'espérance éternelle.
D'où viennent-elles donc? Nous,
chrétiens nous le savons; elles sont sorties
des profondeurs de la révélation
religieuse que le Dieu que nous servons a
donnée à l'humanité. Le Dieu
créateur est aussi le Dieu
rédempteur, et, dans l'ordre de la
grâce comme dans l'ordre de la nature, il
peut dire : « Je suis le premier.» C'est
lui qui, des les temps de l'ancienne Alliance, a,
par la voix de ses prophètes, soutenu la
conscience humaine, jusqu'aux jours où, dans
la personne de son Fils, il a accompli l'oeuvre de
salut qu'il avait annoncée. il y a eu un
jour dans l'histoire où il a
réellement parlé à
l'humanité, un jour où le royaume des
cieux a été proclamé sur la
montagne des, béatitudes, un jour où
la rédemption a été
scellée sur la cime de Golgotha.
En ce temps, vraiment, le ciel a
visité la terre, et l'âme de l'homme a
frémi sous cet embrassement divin. Il y a eu
un jour où l'homme s'est rapproché de
l'homme, et où la fraternité a
germé ici-bas aux chauds rayons de la
paternité divine pour la première
fois comprise, Il y a eu un jour où, devant
un sépulcre ouvert, les larmes de ceux qui
pleuraient ont été taries, parce que
Celui qu'ils avaient vu mort leur est apparu
vivant. Et c'est parce que l'Église
chrétienne. a senti qu'avec
Jésus-Christ toutes choses ont
été faites nouvelles, qu'elle a
placé sur les lèvres du Fils de Dieu
les paroles mêmes de Mon texte : « je
suis le premier et je suis le dernier, » Vous
siffla, en effet, que, par trois fois, dans
l'Apocalypse ces mots sont attribués
à Jésus-Christ: « Je suis
l'alpha et l'oméga, dit-il, le premier et le
dernier, le commencement et la fin »
(Apoc,
XXII, 13). Et les premiers
croyants se sont plu à exprimer partout
cette pensée. Dans les catacombes de Rome,
sur les sarcophages chrétiens
retrouvés dans, l'Italie ou dans les Gaules,
et sur les murailles des anciennes basiliques rien
n'est plus beau que de rencontrer l'alpha et
l'omega qui entourent le Monogramme de
Jésus-Christ Par. ces deux lettres
symboliques les premiers chrétiens aimaient
figurer la fermeté de leur foi,
fondée. sur l'éternité du Fils
de Dieu, Et nous, sachant tout ce que nous devons
au Christ, sachant qu'avec lui, s'est levée
sur l'humanité l'ère de la
rédemption, de la justice et de
l'espérance, nous associons, dans le culte
que nous rendons à Dieu le Père,
Celui qui a pu dire : « Je suis l'alpha, je
suis le premier ! »
Mes
frères, ce
qui s'est accompli dans le monde doit s'accomplir
dans chaque être individuel, et la
rédemption de l'humanité n'est rien
mi elle ne s'opère pas au plus profond de
l'âme de ceux qui doivent en recueillir les
fruits. Or, je le demande à tous ceux qui,
dans cet auditoire, croient à la
réalité de leur salut. En est-il un
seul qui ne soit prêt à
reconnaître que Dieu en est la source et le
premier auteur? Qui dit grâce dit une faveur
non payée, une faveur que l'on ne peut pas
payer. Vouloir mériter le ciel par son
honnêteté, par ses oeuvres ou par ses
souffrances, est une prétention qui
n'entrera jamais dans l'âme d'un
racheté de Jésus-Christ. Avec quelle
joie au contraire il redit après saint Jean
: « En ceci l'amour de Dieu a
été manifesté, c'est que ce
n'est pas nous qui l'avons aimé les
premiers, mais c'est lui qui nous a aimés!
» Avec quelle reconnaissance il
répète la parole du Psalmiste :
« Non pas à nous, non pas à
nous, Seigneur, mais à ton nom donne gloire!
» Il regarde en arrière et partout il y
retrouve les traces de cette divine
miséricorde par laquelle Dieu l'a
prévenu.
Il les voit dans ses plus lointains
souvenirs d'enfance, dans la
bénédiction que sa mère
prononçait sur son berceau, dans le sourire
d'un aïeul dont la tête blanchie se
penchait sur la Bible de famille, dans les derniers
adieux d'un mourant dont le regard semblait
pénétrer au delà des horizons
terrestres, dans les premiers élans de
l'âme que le monde ne pouvait satisfaire,
dans l'éveil de sa conscience
troublée parla loi divine, dans les
ravissements du pardon possédé, dans
ces délivrances, ces consolations, ces
épreuves par lesquelles Dieu lui a
révélé tour à tour sa
justice et sa miséricorde, et. surtout dans
cette divine patience qui, après tant
d'infidélités et de révoltes,
ne s'est jamais lassée et lui permet
aujourd'hui encore de se réjouir en
possédant l'assurance bienheureuse de la
communion de son Dieu. 0 sainte et divine histoire,
que plusieurs ici pourraient raconter! 0 pures
clartés de l'aurore de la grâce
annonçant le lever du jour de la vie
éternelle! Non, la lueur matinale
éclairant de ses rayons d'or les hautes
cimes des Alpes dans l'azur profond des cieux n'a
pas pour nos regards plus de ravissement et de
charme, que n'en a pour l'âme
chrétienne la première certitude
assurée de l'amour qui ne doit plus finir.
Aussi, rassemblant tous les bienfaits de son Dieu,
cette âme en fait hommage à l'auteur
de toute grâce, à Celui qui, dans
l'oeuvre du salut de chacune de ses
créatures, comme dans l'oeuvre du salut du
monde, peut seul dire : « Je suis le premier.
»
Et le Dieu des Écritures ajoute :
« Je suis le dernier. »
Par là, nous devons d'abord
entendre, mes frères, que Dieu n'abdique
jamais et qu'il reste le Maître
suprême, quand les maîtres d'un jour
auront passé après avoir fait un peu
de bruit sur la terre. Il plaît à Dieu
de laisser les hommes lui disputer là place,
c'est le mystère de la liberté qu'il
ne veut pas étouffer, même lorsqu'elle
va jusqu'à la révolte et jusqu'au
blasphème. Il est patient, car Il est
éternel. Voilà ce que chantaient les
premiers chrétiens sous les Néron et
les Dioclétien, Voilà ce que
répétaient nos pères sous
Louis XIV ; voilà ce que nous redirons
devant ces démagogies athées qui
rêvent d'établir une irréligion
d'État, qui empruntent à
l'intolérance ses armes rouillées,
ayant domine l'Eglise qu'elles combattent, leurs
grands pontifes, leurs calendriers et leurs saints,
leurs excommunications et leurs anathèmes,
et jusqu'à leurs congrégations de
l'index excluant, si elles le pouvaient, dès
écoles primaires tout livre qui renferme la
simple notion de Dieu. Pauvres insensés qui
passeront demain, et que nous ne maudirons point,
puisque c'est pour eux que descend du Calvaire la
prière éternelle : «
Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce
qu'ils font ! »
Je suis le dernier. Cela veut dire
encore que Dieu reste le souverain juge, et qu'en
conséquence l'heure de la justice finira par
sonner. Et ici, remarquez la contradiction
flagrante de tant d'incrédules
contemporains. D'un côté, ils
affirment la justice, ils la veulent, ils la
servent avec un dévouement qui peut nous
humilier; de l'autre, ils nient la vie future et
Dieu. Or que devient la justice s'il n'y a pas tout
à la fois un oeil toujours ouvert, un
témoin infaillible de tout ce qui se passe
au fond des coeurs et un justicier suprême
des actions commises ? Que faudra-t-il penser de
tant d'hypocrites heureux qui se sont endormis dans
leur succès et de tant de justes indignement
sacrifiés ? Si la vie actuelle est le seul
théâtre où puisse triompher le
bon droit, alors il faut travestir la parole du
Christ, il faut dire : « Malheur à ceux
qui ont faim et soit de justice, car ils ne seront
jamais rassasiés! » Ah! je sais bien et
je rappelais il y a un instant que le jour de cette
justice est lent à venir. Nous sommes
ici-bas à l'heure du désordre,
où le spectacle des choses humaines semble
donner à Dieu un insolent démenti;
parfois des ombres épaisses nous enveloppent
et font pénétrer dans nos âmes
un mortel frisson.
La révolte nous tente au moment
où nous devrions dire : « Gloire
à Dieu! » Aussi tout l'effort de
l'esprit du mal tend-il à nous faire douter
de sa justice et de sa bonté. Il faut faire
ici une remarque frappante. Dans son symbolisme
profond, l'Écriture appelle le roi des
révoltés Satan, c'est-à-dire
le calomniateur. Elle pourrait l'appeler le
menteur, le tentateur, le meurtrier des âmes
; ce sont là les noms qu'il faut lui donner
si l'on considère avant tout son action sur
les hommes; mais l'Écriture, parlant au
point de vue de Dieu, l'appelle le calomniateur :
car son oeuvre dans les siècles, c'est de
diffamer cette gloire divine que tous les
êtres devraient raconter. Il nous dit :
« A quoi bon l'adoration ? à quoi bon
l'amour? Dieu, s'il existe, c'est le despote
éternel. Regardez de près ces oeuvres
qui vous enchantent. Partout vous y verrez la
souffrance. Ce monde n'est qu'un sépulcre
immense, ces rocs mêmes qui forment les
assises de notre sol sont faits de milliards de
corps amoncelés et durcis ; partout du haut
en bas de l'échelle animale, c'est
l'extermination, c'est l'être se nourrissant
de l'être, c'est l'entre-tuerie universelle,
et cela, sans un moment de relâche. Regardez
l'humanité même; écoutez ses
gémissements. Que viennent faire ces
générations qui grandissent dans la
misère et dans la souillure ? que signifient
ces milliers d'existences auxquelles il est
impossible d'assigner un grand but ? Où est
l'action providentielle dans la destinée de
ces nations depuis longtemps disparues, de ces
multitudes innombrables qu'une
épidémie balaie ou que chaque
année la mortalité moissonne comme le
vent d'automne les feuilles de nos bois? Où
est-elle dans la vie de cet être
chétif, perdu dans l'immensité de
l'univers et qui a cru, pauvre naïf, que sa
prière était entendue, et qu'il
pouvait modifier l'inexorable fatalité des
lois inflexibles qui vont ici anéantir sa
récolte, et là frapper de mort son
enfant unique et bien-aimé? »
Ainsi montent vers le ciel les
malédictions de la terre, et un
pamphlétaire fameux leur a donné leur
expression logique quand il s'est
écrié Dieu, c'est le mal.
»
Ils te maudissent, ô grand Dieu,
et voilà pourquoi nous te bénissons.
Ah! sans doute, ton oeuvre nous apparaît
pleine de mystère et d'effrayants
problèmes, mais du moins nous en savons la
fin; or, cette fin, c'est toi, et tu es la justice,
tu es la beauté suprême, tu es
l'amour, tu es la miséricorde infinie, et
cela nous suffit pour attendre, pour adorer, pour
espérer, pour bénir. « Je suis
le dernier, dit l'Éternel, je suis la fin.
»
Il est le Juge suprême. Songez y,
vous qui m'écoutez. Etes-vous bien
sûrs d'aimer la justice, et n'y a-t-il pas en
vous des intérêts inavoués et
des passions coupables qui là nient et qui
vous portent à croire que le Jour du
jugement ne se lèvera jamais? Dans
l'illusion de l'orgueil, dans l'enivrement des
plaisirs sensuels qui étouffent la voix de
la consciente, nous ne croyons pas à cette
rencontre dernière. Nous ne voyons alors
devant nous que les voies détournées,
que les routes sinueuses et charmantes où
nous appelle la passion qui nous enchante; l'air
est tiède, la joie enfle notre âme. Si
parfois un remords vient troubler notre conscience,
avec quelle secrète colère nous
l'étouffons pour n'écouter que les
sophismes de nos compagnons de plaisirs! Comment
croire alors à la possibilité du
jugement? ... Hélas! que faut-il pour que la
réalité apparaisse, pour que nous
découvrions que même en ce monde on ne
peut pas longtemps éviter l'heure de
là justice ? Peu de chose ! Un revers de
fortune, une atteinte légère de la
maladie, un scandale enfin qui mette en
évidence le mal longtemps caché. Tout
à coup, les brumes de l'ivresse se
dissipent, l'horizon s'étend au loin morne
et livide; le chemin devient solitaire; les
compagnons de fête ont disparu, et devant
nous voici la colline de la vie qu'il faut
descendre, sous le poids le souvenir accablant des
années à jamais perdues, dans le
sombre tête-à-tête avec une
conscience coupable et sous les regards moqueurs du
monde devenu impitoyable à l'heure du revers
pour ceux auxquels hier il semblait sourire. 0
jeunes frères qui m'écoutez, puisse
cet avertissement retentir dans les profondeurs de
vos âmes 1 Puissiez-vous comprendre que
l'heure de l'expiation finit par sonner dans toute
vie humaine, et que tout chemin, si
détourné qu'il soit, nous
ramène au juste Juge, à Celui qui
nous dit: « Je suis le dernier, je suis la
fin. »
Je suis le dernier. Cela nous rappelle
encore que Dieu est le refuge suprême de
toute âme qui l'invoque, le seul qui subsiste
quand tous les autres ont disparu.
Comprenez-le, vous dont le coeur a
été déçu après
s'être attaché aux promesses de la
vie. De tous vos rêves passés,
lesquels ont été satisfaits ? On l'a
dit avec raison, la vie est un voyage du midi vers
le nord, du printemps vers l'hiver. Dès les
premiers pas, Dieu vient à notre rencontre,
nous offrant son amour, qui seul peut ôter
à nos joies tout égoïsme et
à nos douleurs toute amertume. Mais combien
y en a-t-il qui l'écoutent ? A combien ne
pourrait-il pas dire : « Il y a si longtemps
que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu 1
» Les joies comme les épreuves nous le
cachent, et nous allons demander au monde ce que le
monde ne pourra jamais nous donner. 0
mystère de patience! Dieu ne se lasse pas,
et aujourd'hui encore il vous appelle.
Hélas! qu'avez-vous à lui apporter?
Un corps usé, un coeur fatigué
peut-être, une vie dont le monde a eu tous
les élans et tous les enthousiasmes; pour
vous Dieu est le dernier des refuges, et pourtant
ce refuge vous est ouvert. « Je suis le
dernier. »
Il est le dernier. Comprenez-le, vous
qui sentez que la mort s'approche et qu'elle
menace, soit de donner le dernier coup à vos
forces épuisées, soit de vous ravir
un être auquel votre coeur est
étroitement uni. La mort, pour le mondain,
c'est l'acte au delà duquel il n'y a rien,
c'est l'entrée dans le néant ou dans
le redoutable inconnu. Grands ou petits, riches ou
pauvres, nous aurons nos six pieds de terre, et ce
sera notre seule propriété
assurée ici-bas; c'est là qu'il en
faut venir, et devant cette hideuse
décomposition du corps qui retourne à
la poudre, devant cet épilogue navrant de
toutes nos espérances, notre raison
s'arrête sombre et déconcertée;
ici, c'est bien la fin !
Non, nous répond Celui qui a les
promesses de la vie éternelle, je suis la
fin, je suis le dernier; et, au delà du
sombre passage, nous apercevons le Vainqueur de la
mort; dans l'horizon se dessinent la terre nouvelle
où la justice habite, la cité sainte
où règne la lumière
éternelle, où il n'y aura plus de
séparation ni de mal, la maison du
Père, où sont ceux que Dieu nous a
repris. Ainsi, quand nous marcherons dans la
vallée de l'ombre de la mort, quand nos yeux
seront obscurcis par les ténèbres de
l'heure suprême, quand notre âme devra
livrer le combat de l'agonie, quand ceux qui nous
soutenaient jusque-là ne pourront plus
marcher avec nous et devront s'arrêter sur le
seuil éternel, nous nous confierons à
toi, car mourir avec toi, c'est vivre; il n'y aura
plus de fin pour celui auquel tu dis : « Je
suis la fin. » Amen!
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