Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les paroles de Jésus

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Lecture : Luc IV, 14-22.

À qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de vie éternelle. (JEAN 6, 68).

Nous ne pouvons pénétrer dans les âmes que par ce qui jaillit d'elles ou par ce qui y tombe. Ce double moyen de communication entre les hommes est échu à la parole. La parole, c'est l'âme qui se projette, c'est de la lumière qui sort de nous ; la parole, c'est du grain que nous semons et qui tombe dans le coeur d'autrui ; la parole c'est un rayon qui émane de nous-mêmes et qui va se refléter dans un autre être comme une clarté dans un miroir ou dans une source.

Or, on a dit du Christ : jamais homme n'a parlé comme cet homme; lui seul a eu des paroles qui durent en vie éternelle. Voilà le témoignage des contemporains. Et si vous écoutez, en effet, parmi les grandes voix, celles qui retentissent le plus haut, comme le plus doucement à travers l'histoire ou la vie intime des hommes, vous remarquerez que c'est encore et toujours la voix de Jésus qui les domine.

C'est lui qui parle aux foules, aux nations, pour leur dicter sans cesse plus de justice et de fraternité. C'est lui qui parle dans le secret des âmes pour indiquer à chacune son devoir et pour l'élever dans le domaine de la spiritualité, de la bonté, de l'idéal.
Essayons donc de découvrir comment parlait le Christ, quelle était la forme dont il revêtait le plus ordinairement sa pensée.

D'abord, où parle Jésus? On peut répondre, avec Jean, qu'il est la parole incarnée ; il parle partout et sur tout. Il parle en public, mais, comme les anciens sages de la Grèce, il prolonge volontiers ses entretiens avec ses disciples. Il parle à un banquet, à une réunion de famille, à la synagogue, sur une colline, au bord d'un puits, devant un cercueil, sur la rive du lac, parmi les bateliers, les pécheurs et jusque sur la croix de son supplice. Les paroles de Jésus ont cette particularité que, malgré la traduction en langues modernes, elles ont le don de se graver dans le coeur à une profondeur que rien ne peut effacer. Qui les a entendues une fois, ne peut plus les oublier. À l'encontre de tant de discours dont les échos se perdent, elles restent et comme il l'a dit lui même : le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas, car elles sont esprit et vie. Elles ne supportent aucun changement, aucune retouche ; retrancher ou ajouter, c'est les affadir, c'est les dénaturer.
Les formes de la parole de Jésus peuvent se ramener en somme au nombre de quatre.

1° Il y a d'abord les petites sentences, les aphorismes, préceptes courts, formules bien frappées comme des médailles. Ce sont, pourrait-on dire, des grains de bon sens, des gouttes de lumière, des condensations de vérités.
Exemples :

À chaque jour suffit sa peine.
Demain aura soin de ce qui le regarde.
Que votre oui soit oui.
Nul ne peut suivre deux Maîtres.
On ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres.
Un bon arbre ne peut porter que de bons fruits.
Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu, etc...


2 ° Les paraboles.

C'est le genre préféré de Jésus. C'est un récit fictif, une scène, un tableau, une vérité morale ou religieuse présentée sous une forme pittoresque, quelquefois dramatique. Les paraboles sont au nombre d'une quarantaine dans l'Évangile. Citons les principales : le Semeur, l'Enfant prodigue, la Brebis perdue, le Bon Samaritain, le Pharisien et le Péager, et la longue série des paraboles dites du Royaume, destinées à nous faire comprendre la lente mais sûre croissance de l'idée.

3° Les discours. Jésus a prononcé de longs discours. Nous en avons l'assurance par certains vestiges assez considérables qui nous ont été conservés, comme le Sermon sur la Montagne dans les synoptiques et les entretiens du Cénacle dans l'Évangile de Jean.
Toute la gamme des tons y est représentée. À la foule, il jette ses appels les plus pressants ; à ses disciples, il dévoile les mystères de tendresse de son coeur ; aux Pharisiens hypocrites, il lance ses invectives indignées.

4° Enfin, Jésus nous apparaît encore avec toute la supériorité de la parole dans la polémique, la discussion, la répartie. Ici, il est tantôt sérieux et attristé, tantôt agressif ou ironique.
Dans les discussions avec ses adversaires, tantôt il résiste, et tantôt il attaque. Pour résister, il cite des paroles de l'Écriture, pose des questions embarrassantes aux casuistes du pharisaïsme et aux docteurs de la Loi. Dans l'attaque, ses armes sont le coup droit, l'accusation directe, l'apostrophe cinglante et par dessus tout la réduction à l'absurde, le dilemme, l'appel au bon sens et au bon coeur qui ferment la bouche aux plus acharnés.
Il se dégage donc de cette parole l'impression qu'elle tombe d'une hauteur surhumaine et qu'elle reste toujours actuelle, dominant les temps, les mentalités des races ou les progrès du développement humain.

Les premiers disciples du Maître ne s'y sont pas trompés. Ils ont senti en lui un révélateur qui était en même temps une puissance de salut. Ses paroles ont fait l'effet à tant de pauvres êtres, perdus dans la nuit, de lumière s'allumant sur leur tête pour les guider ; et au-dessus de l'humanité en marche vers des destins inconnus, elles subsistent encore aujourd'hui comme les grandes constellations immuables, seuls points fixes pour notre orientation. L'homme ne vit pas seulement de pain, a dit Jésus ; il vit de paroles, mais de paroles qui sortent de la bouche de Dieu. Et ces paroles-là, c'est lui qui nous les a apportées, car ce sont des paroles de vie éternelle que nulles autres ne pourront jamais remplacer.

O Dieu, nous avons besoin chaque jour, pour soutenir le dur combat de la vie, d'un mot qui nous guide comme une lumière, qui nous ravitaille de courage, qui nous relève dans le malheur, qui nous console dans la détresse, et dans le deuil ; d'un mot qui nous dicte le devoir et entretienne en nous l'espérance, la foi, l'idéal. Si ce mot nous manque, si ce mot révélateur nous fait défaut, nous restons dans le silence, sans directives, désemparés, désespérés, en proie aux emprises du mal et aux puissances de mort.

Apprends-nous donc à aller puiser cette parole de salut à la source divine jaillie de l'âme même du Sauveur. Nous y découvrirons toujours la vérité susceptible de nous guider, l'esprit de lumière, de patience, de bonté capable de nous remettre debout et qui nous permettra d'aller toujours plus loin avec courage et toujours plus haut avec confiance, car c'est en lui que résident les paroles de vie éternelle.


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L'oraison dominicale

 

MATTHIEU VI, 9 à 13.

Que peut mettre, dans chacun des termes de cette prière, le chrétien qui, trop souvent, la répète comme une vaine redite? Prenons l'une après l'autre, ces diverses requêtes pour en sonder les profondeurs. C'est une paraphrase que nous sommes tous appelés à faire, car la prière du Seigneur demande à être complétée par notre méditation personnelle, accrue de tous nos progrès dans la foi.

Quelqu'un a dit que tout homme de coeur, de foi ou de généreux idéal devrait la répéter chaque jour en fixant les yeux sur un planisphère, sur un globe terrestre où se jouent les destinées de l'humanité.

Notre Père!
O Toi, qui es le créateur des mondes et des êtres, l'inlassable semeur de la vie dans les gouffres de l'infini, nous te saluons comme notre Père ; mais nous te saluons aussi comme le père des familles et des races. C'est en Toi que nous, pauvres êtres éphémères, nous avons la sensation des durées. C'est en Toi que nous avons quelques racines dans le passé. Tu es le Père de nos pères ; le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob ; c'est en toi que nous nous sentons, nous les vivants d'aujourd'hui, leurs frères de misère et d'idéal, sur la vieille souche de nos ancêtres.

Notre Père qui es aux Cieux!
Tu es aux cieux, et nous sommes sur la terre. La distance est prodigieuse. Incommensurable est ta grandeur ; insondable ta sainteté devant notre petitesse et nos souillures! Mais nous savons que de là-haut, tu nous suis pas à pas. Te chercher, c'est déjà te trouver ; car lever les yeux vers les étoiles, c'est rencontrer la lumière de ton regard dans notre nuit, et c'est aussi entrevoir, dans les profondeurs de l'au-delà, les demeures mystérieuses où nous attendent nos chers disparus.

Que ton nom soit sanctifié!
Si tant d'êtres ou tant de choses, en qui nous avions mis notre confiance, notre estime, notre affection, nous ont cruellement déçus et trompés, que du moins ton nom, à toi, reste pour nous entouré d'une auréole sacrée. Alors que nous le prononçons ou l'entendons prononcer, donne-nous l'impression bénie de l'Ineffable, de ce qu'il y a de plus beau et de plus doux dans le langage des hommes.

Que ton règne vienne!
Qu'il descende dans chacune de nos âmes par l'influence de ton Christ, dont la parole et l'Esprit doivent être toujours mieux compris, toujours plus sincèrement obéis ; mais qu'il descende sur le monde entier pour changer, dans la masse humaine, la haine en amour, les luttes - fratricides en collaborations pacifiques, la race de Caïn en fils du Royaume de justice et de lumière!

Que ta volonté soit faite sur la terre comme aux cieux!
Ah ! que s'organise, sur cette planète, où tout est désordre et discorde parmi les hommes, un peu de cette harmonie merveilleuse que là-haut, nous constatons sur nos têtes! Que les âmes gravitent autour de toi, Père, dans ta clarté, avec la régularité des soleils dans l'infini! Que notre âme douloureuse, tiraillée par des forces contraires, apprenne à dire, sachant que c'est là la sagesse de l'homme libre et la liberté de l'homme sage : je veux ce que tu veux ; je veux parce que tu veux.

Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien!
O Puissance de bonté prévoyante, toi qui prends soin des lis des champs, des oiseaux de l'air, qui mûris les épis de nos moissons, qui donnes à nos corps le pain suffisant de chaque jour. Nous avons à lutter, à peiner, pour gagner, dans cette existence compliquée d'épreuves, les quelques parcelles de vivres qui apaiseront notre faim ; apprends-nous à réduire nos soucis, nos besoins, sans nous exténuer dans la recherche des biens superflus qu'on entasse inutilement : donne-nous notre pain de chaque jour!

Pardonne-nous nos offenses, comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés.
Seigneur, tu nous as créés pour vivre en commun dans de multiples groupements ; que toujours, dans ces milieux, nous évitions de nous laisser aller à la rancune, à la vengeance.
Répète-nous la parole du Maître : qu'il faut pardonner jusqu'à septante fois sept fois, nous ne ferons, en agissant ainsi, que t'imiter un peu dans ta miséricorde inépuisable à notre égard.

Ne nous laisse pas tomber dans la tentation.
Ne nous abandonne pas aux mille influences perverses qui peuvent mettre à l'épreuve notre capacité de résistance dans la lutte morale ou physique. Tu connais nos tares, nos faiblesses, ne permets pas que nous soyons tentés au delà de nos forces. Donne-nous le pouvoir de marcher sur les serpents ; de sortir victorieux des luttes avec nous-mêmes dans lesquelles nous succombons si tu nous abandonnes.

... Et délivre-nous du mal.
Ah! vers toi, nous levons nos bras chargés de chaînes. Nous étouffons sous les étreintes du péché. Brise, détruis ce cercle infernal, cette prison de Satan qui nous enserrent. De l'Air! de la Lumière! de la Vie! de l'Amour libérateur! Seigneur, aie pitié de nous! Du fond de l'abîme, nous crions vers toi... Délivre-nous du mal!...

Ainsi se termine, dans les plus anciens manuscrits, l'Oraison dominicale. C'est un cri d'angoisse lancé vers le ciel, avec un geste des mains crispées qui implorent. Les siècles postérieurs ont pu compléter la divine prière par l'harmonieuse adjonction d'une doxologie ; en réalité sa vraie fin, sa fin tragique et qui reste en suspens, c'est cette poignante supplication, cet appel au secours! jeté vers l'infini, et que le Fils de l'Homme a voulu faire jaillir du coeur de tous les hommes : délivre-nous du mal!

Cependant, avec l'Église universelle, avec tous les groupements de croyants quelles que soient leur origine, leur organisation, leurs doctrines ou leur histoire, nous éprouvons le besoin d'exalter notre amour et notre espérance en Celui que nous adorons au nom du Christ. Et nous répétons, en communion de coeur avec tous les chrétiens, cette magnifique conclusion du Notre Père qui est l'apologie sublime du Créateur des mondes, de cette âme de l'Univers qui guide ici-bas les hommes et les pénètre de son esprit : C'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen.


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La foi

 

« La Foi est une ferme conviction des choses qu'on espère, une absolue certitude de celles qu'on ne voit point ».
« Si vous aviez de la Foi gros comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore : déracine-toi et plante-toi dans la mer et il vous obéirait, et vous diriez à cette montagne : transporte-toi et elle se transportait. Grâce à la Foi, rien ne vous serait impossible ».
« Pourquoi n'avez-vous point de Foi. Pourquoi avez-vous peur, ô gens de petite Foi ».
« Que le Dieu de l'espérance, dit saint Paul, vous comble de la joie et de la paix qui viennent de la Foi ».
« Revêtez-vous de la cuirasse de la Foi ».
« Nous marchons par la Foi, non par la vue ».
« Veillez, demeurez fermes dans la Foi ».
« La victoire par laquelle le monde est vaincu, c'est notre Foi ».
« Seigneur, augmente-nous la Foi ».

C'est de la Foi, que je voudrais vous entretenir aujourd'hui, en prenant pour texte cette demande des disciples à Jésus : Seigneur, augmente-nous la Foi.
Certes, le mot est bien décrié de nos jours il semble naïf, enfantin, il sort peu à peu de la circulation comme une vieille monnaie usée. La Foi! c'est que ce terme a servi à tant d'interprétations erronées. Essayons de les rechercher, de les écarter et nous verrons ensuite ce qu'il faut entendre par cette sublime vertu que le Christ a exaltée comme la puissance des puissances.

Il y a une foi dont le produit est l'orgueil, le mépris des autres; cette foi vaniteuse qui relève le front dédaigneux du Scribe, du Docteur de la Loi ; cette arrogance farouche qui pousse à dire en jetant un regard suffisant au-dessous de soi, vers la multitude ignorante, mais douloureuse : « Cette foule grossière ne comprend pas la loi » suivant l'expression des anciens rabbins d'Israël. C'est cette foi, mère de l'orgueil, qui fait jaillir, comme « Amen » à toute prière, la phrase impie du Pharisien : « je te rends grâce, ô Dieu, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes ».

Il y a une foi qui peut égarer davantage encore, c'est celle qui nous entraîne dans les tristes régions où s'épanouit l'esprit de fanatisme, de secte, de parti ; plante aux feuilles rébarbatives, hérissées d'aiguillons vénéneux, à l'aide desquelles on fait des clôtures et des haies d'isolement. « Tu ne penses pas comme moi, s'écrie-t-on, donc je t'exclus de mon Église, de mon cénacle, de ma chapelle ; je prononce sur toi l'interdit, je repousse toutes tes avances, je me refuse à toute collaboration avec toi ». Cette foi est la plus terrible adversaire de cette conquête moderne, si fragile encore : la liberté de conscience.
Et enfin, il y a une foi qui ne relève ni de l'orgueil, ni du fanatisme oppresseur, mais de la timidité, de la peur.

C'est elle qui vous met dans cet état de transe singulière, où l'on redoute tout progrès critique, scientifique, historique, comme un ennemi ; où l'on se croit obligé de tamiser la lumière du dehors qui doit entrer dans le sanctuaire ; où l'on se figure, à chaque instant, qu'il faut dire à sa raison : « Tu viendras jusqu'ici, tu n'iras pas plus loin ». Ah! qu'ils sont à plaindre les porteurs timorés d'une telle foi! et comme leur attitude me rappelle celle de l'ombre falote du poète, qui, dans l'effroi perpétuel de voir s'éteindre un lumignon, murmure ces vers :

Je passerai comme un fantôme,
Comme un spectre mystérieux,
T'abritant derrière ma Paume
De l'air, des souffles et des yeux!

Eh bien, non! ce n'est pas de cette foi que je veux vous entretenir et vous munir. De ces déviations, de ces caricatures dangereuses de la grande vertu, sonnons nous-mêmes le glas funèbre ; et, empruntant un mot connu pour en annoncer la fatale et heureuse disparition, ne craignons pas de dire : cette foi se meurt, cette foi est mortel... tant mieux si elle disparaît.

Heureusement, il est une Foi qui ne meurt pas, qui ne peut pas mourir et qui, bien plus, fait vivre. C'est de celle-là qu'il me reste à vous entretenir. C'est elle qui doit entrer dans le soubassement de toute personnalité moderne qui veut s'édifier sur un roc solide et en harmonie avec tous les progrès du jour. La Foi que je vous propose est une confiance. Il faut la placer au point central de son être, au profond de sa nature, comme fait aujourd'hui tout architecte avisé qui, dans les demeures bien comprises, loge au coeur même des fondations les appareils générateurs de force, de chaleur et de lumière.
Et je me hâte d'expliquer cette idée de la Foi-confiance et non croyance, car il y a là une distinction utile à faire naître dans tout esprit qui réfléchit.

Dès que nous prononçons ce mot : la Foi, nous tombons presque infailliblement dans le dogmatisme ; nous dressons, devant la Raison, un bloc, une masse intangible, répulsive et qui forme un tout sacré, indivisible, de vérités religieuses : en enlever une, c'est porter atteinte à la solidité de l'ensemble.

Or, il est à remarquer que si les apôtres, les docteurs de l'Église emploient ainsi le mot d'une façon massive, pourrait-on dire, en insistant sur son caractère d'unité, que rien ne doit désagréger, Jésus au contraire, en parle dans un tout autre langage. D'après lui, la Foi est une de ces énergies colossales semblables à tant d'autres au sein de la Nature et dont il nous suffit de détourner une parcelle, de capter un filet pour posséder immédiatement une source prodigieuse de force, cent fois, mille fois supérieure à nos besoins.

Relisez l'Évangile et vous constaterez en effet que Jésus emploie le mot constamment dans un sens partitif. Gens de petite foi! - Si vous aviez de la foi gros comme une graine infime, vous déplaceriez des montagnes. Ou bien il parlera de la foi particulière à chacun, celle qu'on s'est assimilée : va, ta foi t'a sauvé, ou ta foi est grande. Et si de temps à autre Jésus parle, au sens général, de la Foi, il fait suivre le mot d'un qualificatif : la Foi en Dieu, car c'est là l'épanouissement complet de la confiance totale en l'Univers.

Et alors, si nous redécomposons les rayons de cette magnifique vertu dont le grand foyer est, en quelque sorte, le coeur du Père Céleste, nous les voyons descendre, ruisseler, remonter, rejaillir entre le ciel et la terre, entre les choses et les êtres, car la Foi c'est de la confiance en chacun, en tout et en tous. Oui, chaque créature, si minime soit-elle, a sa goutte de foi, qui réfléchit son Dieu, comme chaque feuille a sa perle de rosée dans la forêt matinale et réfléchit le soleil.

La Foi! si nous savions la distinguer, elle est partout dans l'Univers. Elle est dans le germe qui aspire à sortir de terre pour dresser sa tige verdoyante à la lumière ; elle est dans l'astre formidable qui répète, sans se lasser, les splendeurs de l'aurore ; la Foi, elle est dans les espèces qui poursuivent avec d'obscurs désirs, les étapes de leur évolution cent fois millénaire!

De l'homme, comme des choses, se détachent, à chaque minute, des gerbes de confiance. Et la goutte d'eau peuplée d'infusoires, comme la colossale nébuleuse charriant des mondes répètent à leur façon, ivres de vie et de confiance en la vie, la prière du Seigneur : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».

Alors, il est aussi absurde de dire que cette foi-là peut mourir que de soutenir la disparition prochaine du sentiment maternel dans le coeur de la femme, ou de l'amour filial dans le coeur de l'enfant.

Et ainsi, la Foi allégée, débarrassée de toute entrave, ouvre des ailes gigantesques. Elle échappe à la prison des textes, au carcan des formules, à l'enclos étouffant des sacristies ou des conciles. Elle n'est plus la propriété exclusive, bornée et réservée d'une église ; elle passe, emportant avec elle le soupir des créations, l'hymne des Univers, le cantique des humanités terrestres ou stellaires, la clameur de tous les êtres réalisant leurs destinées ; elle est le cri de triomphe confiant de l'Esprit qui chevauche et dompte la matière et lentement la divinise!...

La vie est un effort constant et par cela même une lente déperdition d'énergie physique. Dieu n'a pas fait de l'homme une oeuvre de durée. Il vient un temps où le corps connaît la fatigue, où l'épreuve s'abat sur nous. Tantôt elle fond, comme l'oiseau de proie, et déchire en un instant notre chair ; tantôt elle s'installe à demeure, avec des raffinements de lent bourreau pour se rassasier de nos tortures. Et c'est par des cris de rage impuissante ou par des blasphèmes que nous l'accueillons, à moins que ce ne soit avec la morne résignation, le silence désespéré devant l'inévitable. C'est alors qu'il faut utiliser sa foi pour en extraire de la force et de la résistance.

Va, vous répétera alors le Christ, ta foi te sauvera. Et qui sait? peut-être qu'un jour, victorieux de la terrible visiteuse, vous pourrez prendre pour vous cette parole, si souvent répétée dans l'Évangile : « Ta foi t'a guéri ! ».

O Dieu, nous avons besoin de croire en nous-mêmes, pour agir, lutter, pour aimer, pour souffrir. Nous avons besoin de croire à la bonté et au secours des autres pour leur tendre la main et nous appuyer sur eux. Nous avons besoin de croire à notre destinée particulière, à la marche au progrès du monde pour garder de l'espérance et surtout de croire en toi, ô Père, source de toute puissance vitale et de toute inspiration spirituelle ; et c'est pourquoi nous te répétons la prière des disciples à leur divin Maître : « Seigneur, augmente-nous la Foi! ».

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