Méditations sur le Cantique de
Salomon
CHAPITRE IV
VERS.
8.
« Viens
avec moi du Liban, ma fiancée, viens du Liban avec
moi; regarde du sommet de l'Amana, du sommet du
Senir et de l'Hermon, des tanières des lions, des
montagnes des léopards. »
|
Nous pouvons quelquefois, dans nos égarements insensés,
nous trouver bien plus près que nous le pensons de la «
tanière des lions », et n'avoir pourtant nulle conscience de
notre danger. Sous tout ce qui, dans l'ordre naturel, attire
et charme le coeur, peuvent être cachés nos plus mortels
ennemis. Le « Liban, » comme type, s'unit en nous à l'idée
de l'exaltation terrestre la plus grande. Mais là, ce qui
exerce sur l'oeil extérieur un tel pouvoir de fascination,
ce qui est si enchanteur pour les sens, abrite le lion
dévorant et le cruel léopard. La richesse même et la beauté
du lieu sont un abri sûr pour l'ennemi. Charmé outre mesure
par les scènes magnifiques que déroulent sous ses yeux le
Liban et l'Hermon, le voyageur peut être tenté de s'arrêter
jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour gagner la plaine en
toute sécurité.
Tu feras bien, ô mon âme, de t'arrêter un
peu ici. Souviens-toi que les scènes terrestres les plus
belles sont infestées d'ennemis plus subtils
et plus dangereux que les lions et les léopards du Liban. «
Pèse le chemin de tes pieds et que toutes tes voies soient
bien réglées. » Pourquoi cette disposition à errer, à
t'arrêter au milieu des choses visibles? Apprends à
connaître ta propre faiblesse, tes propres penchants.
Quelques-uns des saints du Seigneur, tu peux l'avoir
observé, sont détournés par la conformité au monde ;
d'autres, par la lecture de livres qui fascinent l'esprit,
mais dessèchent l'âme ; un grand nombre, hélas ! sont pris
au piège en suivant leur propre volonté et la voie qui
semble droite à leurs yeux, et tout cela mène également à la
« tanière des lions, aux montagnes des léopards », ou à des
expériences et des occupations d'un danger certain pour
l'âme. Il n'y a qu'un oeil qui puisse découvrir le piège -
qu'une seule voix qui puisse retirer le coeur du lieu de
péril: « Du sommet de l'Amana, du sommet du Senir et de
l'Hermon »,voulait dire l'amour divin, « regarde à moi ». De
cette manière, le monde pour ainsi dire, disparu à tes yeux,
sera sous tes pieds. « Amana,» remarque-le, signifie vérité,
intégrité. Du point de vue de la vérité, considère toutes
ces choses, et persévère à attendre la venue du Seigneur
Jésus.
Rien de plus beau et de plus touchant que
la manière dont le bien-aimé Sauveur cherche ici à appeler
l'Épouse loin du théâtre du danger. « Viens avec moi, » tel
est son langage d'incomparable tendresse. Il ne dit point :
« Va ! dépêche-toi de fuir, le danger est proche, tu es sur
le bord du repaire des lions. » Oh ! non,
ce n'est pas ainsi qu'il parle. « Viens », dit-il, «viens du
Liban, avec moi, ma fiancée, viens du Liban avec moi ». Il
cherche à détacher son coeur du Liban, le lieu des joies
terrestres, mais du danger spirituel. Quelle grâce ineffable
respire dans ce mot, « Viens. » La phrase toute entière
exhale les sympathies les plus tendres, la plus profonde
sollicitude de son coeur. Comme « Viens » sonne infiniment
plus doux à l'oreille que « Va ! » Le premier dit communion,
l'autre parlerait de séparation.
« Viens, toi et toute ta maison dans
l'arche, » dit l'Eternel à Noé. Il ne dit pas: « Va, toi »,
mais «viens, toi ». Dans sa grâce, le Seigneur, étant entré
dans l'arche avant son serviteur, et se trouvant là, il
pouvait dire «Viens ! » et de cette manière l'homme de foi
était assuré que le Seigneur était avec, lui dans l'arche du
salut. Quelle consolation de savoir que le Seigneur se
trouve avec nous dans la nacelle, quelque battue qu'elle
puisse être par les eaux agitées ! Mais de plus, voici dans
quels termes il s'adresse à la maison rebelle d'Israël: «
Venez et plaidons ensemble, dit l'Eternel. » (Es.
I, 18.) Remarquez aussi le ton plein de grâce de son
raisonnement. Israël, ayant obéi à son invitation de venir,
il ne leur fait point de reproche, mais leur dit avec
douceur : « Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils
seront blanchis comme la neige ; et quand ils seraient
rouges comme le vermillon, ils seront blanchis comme la
laine. » Oh ! l'heureuse manière de parler à un pécheur
coupable ! Le Seigneur seul peut agir ainsi. Béni soit son
nom, nous trouvons cette même grâce déployée pour le monde
entier dans cette invitation de la portée la plus large:
«Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes
chargés, et moi, je vous donnerai du repos. » Cette parole
n'est pas plus tôt l'objet de la foi, que le repos est
assuré. « Moi, je vous donnerai du repos, repos du fardeau
du péché, repos de vos propres stériles efforts, repos avec
Jésus dans le paradis de Dieu. Adorable Sauveur, puisse
cette invitation si précieuse « venez » être davantage
appréciée par ceux qui sont encore loin! Mais à toi la
gloire et la louange de la grâce. Un mot encore. Qui n'a pas
admiré ce qu'a de ravissant la dernière page de l'Écriture
sainte avec ses nombreux «Viens?» «Et l'Esprit et l'épouse
disent : Viens, et que celui qui entend dise : Viens, et que
celui qui a soif, vienne, que celui qui veut, prenne
gratuitement de l'eau de la vie.» (Apoc.
XXII, 17.)
Mais il y a dans le tendre appel de
l'époux deux autres mots qui peuvent être pour le coeur la
source de la joie la plus profonde : « Avec moi. » « Viens à
moi. » Pourrait-on trouver deux mots plus propres à éloigner
toute crainte et à remplir le coeur de confiance, quelles
que soient les circonstances ? Impossible. Si le rugissement
du lion a retenti à nos oreilles et que nous sachions qu'il
est proche, nous pourrions bien être remplis d'effroi, vu
que nous ne possédons en nous mêmes
aucune force pour lui résister? Mais ces trois mots d'une
grâce sans pareille: «Viens à moi » répondent, à tout ce
dont le coeur à besoin. Avec Lui elle est parfaitement en
sûreté, quelque étendue que soit la chaîne de montagnes
qu'elle a à franchir, et quelle qu'en puisse être le danger.
Mais la grâce d'échapper au repaire des lions, est la plus
petite des bénédictions comprises dans ces trois mots. Ils
expriment l'extrême plaisir qu'il prend dans sa compagnie.
La présence de l'épouse est sa joie. Vérité merveilleuse,
bénie ! De toutes les pensées, c'est la plus riche: Il prend
ses délices en nous, son désir est de nous avoir lui-même !
Non, sans doute, qu'il soit dépendant de la créature, ou
qu'il lui soit redevable, pour sa suprême félicité, car il
est Dieu aussi bien qu'il est homme et se suffit à lui-même.
Il est le Dieu indépendant, le Dieu éternel, le Dieu vivant,
il est Jésus, Jéhovah. Mais, comme Fils de l'Homme, dans sa
merveilleuse grâce et son amour infini, il a voulu que nous
fussions nécessaires à la pleine manifestation de sa gloire
et à ses éternelles délices. L'église, qui est son corps,
est sa plénitude. (Eph.
I, 22-23.) Et quant à la fille de Sion, Il lui dit
aussi: « Écoute, fille ! et vois; et incline ton oreille; et
oublie ton peuple et la maison de ton père; et le Roi
désirera ta beauté ; car il est ton Seigneur; adore-le. » (Ps.
XLV, 10, 11.)
Ce beau passage sera appliqué avec une
puissance divine au coeur de l'épouse, le résidu juif, quand
le Seigneur reviendra. Il cherche là à
détourner leurs pensées et leurs sympathies de l'ancien
ordre de choses juif, et leur parle de «la maison du Père»,
afin qu'ils soient entièrement formés pour le nouvel ordre
de choses sous le Messie dans sa gloire milléniale. C'est
sur la terre dans le pays d'Emmanuel, que la bénédiction
d'Israël aura lien.
L'Esprit de Dieu a pris de tels soins
pour la révélation de cette grande vérité, « avec Christ »,
que tu peux bien, ô mon âme, en faire quelques instants le
sujet de tes méditations. Elle a son fondement dans le
conseil immuable de Dieu, et court comme un fil d'or à
travers toutes les circonstances qui se déroulent. «Lui qui
n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour
nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi,
librement, de toutes choses avec lui. » (Rom.
VIII, 32.) Quelle pensée ! «Toutes choses... Christ» -
en communion avec lui. Santé ou maladie - pauvreté ou
richesse, dans chacun de ces états, je suis avec lui: je le
possède dans tous ces états. Selon le raisonnement de
l'apôtre, le plus grand renferme le moindre, et le moindre
est possédé avec le plus grand.
Le chrétien se trouvât-il tellement
réduit à l'étroit par les circonstances, qu'un morceau de
pain sec et un verre d'eau froide fussent son plus riche
repas, qu'il pourrait encore dire triomphalement, tout
pauvre qu'est ce repas: Je l'ai avec Christ, et j'ai Christ
avec lui. Depuis la plus humble condition sur la terre
jusqu'au faîte le plus élevé dans la gloire, nous
avons tout avec Christ, et notre bénédiction la plus riche
consiste en ce que nous sommes un avec Lui. Notre unité avec
Christ, chef de l'église, est si merveilleuse, si réelle, si
parfaite, que l'apôtre dit: «Je suis crucifié avec Christ »,
et de tous les chrétiens: « Sachant que notre vieil homme a
été crucifié avec lui.» Et en diverses parties de
l'écriture, il parle de cela sous sept aspects distincts, ce
qui nous donne l'idée de quelque chose de divinement
complet:
1° Nous sommes crucifiés ensemble;
2° vivifiés ensemble;
3°, ressuscités ensemble;
4° assis ensemble ;
5°héritiers ensemble ;
6° souffrants ensemble ;
7° glorifiés ensemble.
Et cette unité, cette identité de
l'église avec lui-même est tellement précieuse au coeur de
Jésus que, dans tous les endroits où il est parlé dans
l'écriture de notre état futur, il est précisé comme étant
avec Christ. « Aujourd'hui tu seras avec moi dans le
paradis. » «Absent du corps, présent avec le Seigneur. » «
Ayant le désir de déloger et d'être avec Christ, car cela
est de beaucoup meilleur.» Et ainsi nous serons toujours
avec le Seigneur. » « Il y a plusieurs demeures dans la
maison de mon Père; s'il en était autrement, je vous l'eusse
dit. Je vais vous préparer une place. Et si je m'en vais, et
que je vous prépare une place, je reviendrai et je vous
prendrai auprès de moi, afin que là où moi je suis, vous,
vous soyez aussi. » C'est là le repos, le parfait repos pour
le coeur à jamais. Rafraîchie, comme tu l'es, retourne à tes
méditations sur le beau Cantique des
Cantiques, toutefois pour sonder encore plus attentivement
le livre de son coeur, qui seul sait aimer.
«Ton meilleur repos sur la terre est
encore interrompu; des ennemis vigilants, le léopard
tacheté, le lion rugissant en quête de sa proie, envahissent
et troublent ton «Liban». mais viens avec moi dans des
entretiens divins, et je te conduirai En des lieux dont ne
peuvent approcher les animaux destructeurs, ni aucun
adversaire ; où mes rachetés, dans la joie triomphale des
cantiques éternels, agitent autour de ton trône, dans une
félicité ineffable, leurs palmes victorieuses; où il n'y a
plus ni péché, ni mort, ni vicissitude, ni aucune chose
semblable, mais où tout est joie. Mon épouse, toi que je me
suis acquise au prix de mon sang, regarde de l'Amana, du
Senir et de l'Hermon, des tanières des lions, des montagnes
des léopards, regarde au loin ! Établie sur la base des
promesses, contemple toujours ton glorieux repos. »
VERS.
9 à 11.
« Tu m'as
ravi le coeur, ma soeur, ma fiancée; tu m'as ravi
le coeur par l'un de tes yeux, par l'un des
colliers de ton cou, que de charme ont tes amours,
ma soeur, ma fiancée ! Que tes amours sont
meilleures que le vin, et l'odeur de tes parfums
plus que tous les aromates ! Tes lèvres, ma
fiancée, distillent le miel, le miel et le lait
sont sous ta langue, et l'odeur de tes vêtements
est comme l'odeur du Liban. »
|
Quelque incomparables que soient les perspectives diverses
qui du Liban se déploient aux regards du
voyageur, quelque splendides et ravissants pour l'oeil que
soient ces glorieux sites de la nature, tout embaumées des
plus suaves parfums que, soient ces montagnes si fertiles en
aromates, l'oeil et le coeur de l'époux se détournent de
tout cela pour être entièrement à l'admiration de l'amie qui
est là à côté de lui. Il voit en elle ce qu'il ne peut voir
autre part ailleurs.- les sentiments et les affections de
son propre coeur qui se réfléchissent sur lui-même du coeur
de l'épouse. Les beautés de la scène qui se déroulent autour
d'eux peuvent symboliser les choses que les hommes du monde
estiment comme très précieuses, exquises et distinguées ;
mais c'est dans la beauté et l'amour de l'épouse que le
royal époux trouve ses délices et sa satisfaction. Il voit
en elle les heureux fruits de son propre inextinguible
amour, les fruits du travail de son âme, et il en est
satisfait. (Es.
LIII, 11.) Vérité. précieuse pour le coeur de tout
croyant ! -
Un homme peut posséder une fort belle
position et l'apprécier beaucoup, mais jamais il ne saurait
avoir pour elle les mêmes sentiments qu'il a pour sa femme
et pour ses enfants. Ceux-ci font partie de lui-même, et non
pas sa position. Qu'étaient Pour le premier Adam tous les
plaisirs du paradis auprès des délices qu'il prenait en Eve
sa chère et belle compagne? Elle était une partie de
lui-même, et non pas la création. Il avait été plongé dans
un profond sommeil, et de son côté ouvert il lui
avait été formé une compagne. Lorsque l'Eternel Dieu lui
amena cette aide qui lui correspondait, l'homme s'écria: «
Cette fois, celle-ci est os de mes os, et chair de ma chair.
» Celle fois la lacune était remplie. Jusqu'à maintenant il
n'avait rien vu qui fut approprié à son coeur. La création
avec tout son éclat, les beautés d'Eden, n'avaient été, pour
ainsi dire, qu'un blanc pour le premier homme jusqu'au
moment où il posséda le fruit béni de la bonté de l'Eternel
Dieu à son égard, savoir une aide qui lui corresponde.
Ce qui n'a existé simplement qu'en type
dans le premier homme, s'est accompli réellement dans le
second homme, le dernier Adam. Il a été certes plongé dans
un profond sommeil, le sommeil de la mort; et, comme fruit
de son côté ouvert, une seconde Eve, pour ainsi dire, a été
formée toute belle et sans tache à ses yeux, qui bientôt
partagera avec lui les joies et l'empire de la nouvelle
création, de la création rachetée, et là, au milieu de ses
gloires, réfléchira son amour fort comme la mort, et se
réchauffera éternellement aux rayons de sa faveur sans
nuages. Pouvons-nous donc nous étonner qu'il admire avec
transports la ressemblance qu'elle a avec lui-même? La
toute-puissance pouvait créer un monde; il n'y a que l'amour
divin qui fût capable, par les souffrances et la mort, de
sauver un perdu. Qui saurait le comprendre cet amour, cet
amour pour un pauvre vil pécheur? Mais s'il faisait plus
habituellement, ô mon âme, le sujet de
tes méditations, tu t'étonnerais moins de ces paroles : « Tu
m'as ravi le coeur, ma soeur, ma fiancée. » Et pourtant,
malgré tout ce que tu connais maintenant, ou ce que tu
pourras connaître dans la suite, ces paroles seront à jamais
des plus merveilleuses. «Tu m'as ravi le coeur. » Vérité
étonnante ! Le coeur de Christ ravi, emporté ! et par quoi,
par qui? Par les attraits d'un pécheur sauvé par grâce, par
quelqu'un qui a été lavé de ses péchés dans Son sang
précieux, et qu'Il a lui-même orné de ses perfections, de
ses beautés sans pareilles.
Cette expression de l'amour du Sauveur se
trouve au centre du volume sacré, et, sous quelques
rapports, elle est la plus remarquable que nous lisions dans
l'écriture. Mais tout le chapitre dont elle fait partie est,
en quelque sorte, une manifestation plus merveilleuse de son
amour qu'aucune de celle que nous présente ailleurs le livre
de Dieu. Pour ce qui regarde les détails, il n'y a rien qui
ressemble au Cantique des Cantiques dans quelque autre
partie que ce soit de la Bible. « Tu m'as ravi le coeur, ma
soeur, ma fiancée. » Il prend ici la place de frère aussi
bien que celle d'époux. « Ma soeur, mon épouse. » Relation
bénie ! Heureuse union! bien connue et fort appréciée par
lui, quoique encore comparativement peu connue par elle !
Mais ce dont il s'agit surtout là, c'est du coeur, des
sentiments, de l'amour du Sauveur, non pas pour les Juifs
seulement, mais pour tous ceux qui croient en son
nom. Son association avec le résidu dont il parle comme de
sa soeur, sa fiancée, est pour lui l'occasion de déployer
pleinement son amour dans tout son éclat. Au milieu de
toutes les magnificences, l'épouse seule attire ses regards;
elle fait contraste avec tout ce qu'on peut trouver sur la
terre Qu parmi les anges du ciel. Nous ne lisons nulle part
que les beautés de la création ravissent le coeur du
Créateur. Ce mystère des mystères était réservé pour le
Rédempteur et les rachetés.
Ici s'élève tout naturellement une
question qui en a exercé plusieurs. Comment se fait-il que
nous ayons dans le Cantique des Cantiques une expression de
l'amour de Christ pour le résidu, aussi complète et aussi
détaillée en comparaison de ce que nous présentent les
épîtres qui sont adressées à l'église de Dieu, « l'épouse,
la femme de l'Agneau ? »
En premier lieu, on peut considérer le
Cantique des Cantiques comme la révélation du coeur de
Christ à tous les saints juifs ou chrétiens, terrestres ou
célestes. L'amour de Christ est parfait, et toujours
parfaitement développé selon la relation dans laquelle nous
le connaissons. C'est sous l'allégorie de l'amour de
l'épouse et de l'époux, que les sentiments et les affections
de son coeur sont exprimés ici, et dans une harmonie
parfaite avec cette position. Le roi Salomon, eu son jour
fut comme une lueur passagère de la gloire milléniale, et le
vaisseau choisi et approprié pour représenter ces réalités
bénies. Les paroles de Christ dans le
Cantique des Cantiques, ont une application morale qui est
ineffablement précieuse au chrétien. Heureux ceux qui sont
en état de boire à une pareille source !
Les remarques suivantes de la plume d'un
autre peuvent être utiles dans l'étude de ce précieux livre,
pour faire comprendre le caractère des affections qui y sont
développées par les Juifs, comparées avec celles des
chrétiens, et aussi la manière dont le Seigneur y exprime
son amour.
«Le Cantique des Cantiques prend l'homme
dans ses rapports avec Dieu, c'est-à-dire, le Juif, au moins
le résidu sous un autre point de vue que dans le livre de
l'Ecclésiaste, et montre les affections que le roi sait
créer en lui, et par lesquelles il l'attire à soi. Quelle
qu'en soit la force, ces affections ne sont pas développées
dans la position dans laquelle se forment les affections
chrétiennes proprement dites. En voici la différence. Elles
n'ont ni le calme, ni la douceur profonde d'une affection
découlant d'une relation déjà formée, déjà connue et
pleinement appréciée; d'une affection dont le lien est formé
et reconnu, et qui compte sur la pleine et constante
reconnaissance de cette relation; d'une affection dont
chaque partie jouit comme d'une chose certaine dans le coeur
de l'autre. Le désir de quelqu'un qui aime et qui veut le
coeur de celui qui est aimé, n'est pas l'affection parfaite,
l'affection douce et formée d'une épouse avec laquelle le
mariage a formé un lien indissoluble. Dans l'un des cas, la
relation est la conséquence de l'état du coeur; dans
l'autre, l'état du coeur est la conséquence de la relation
elle-même. Or, quoique les noces de l'Agneau ne soient pas
encore arrivées, néanmoins à cause de la révélation qui nous
a été faite de l'accomplissement de notre salut, ce dernier
caractère d'affection est ce qui, grâces et gloire en soient
rendues à Dieu, est propre à l'Église. Nous savons en qui
nous avons cru» (1).
En second lieu, il y a une grande
différence entre la position du Juif relativement à Christ
dans les cantiques et celle du chrétien dans les épîtres. Or
il est nécessaire de connaître cette différence, ou bien
nous manquerons, tant dans nos pensées que dans nos
affections à ce qui est dei au Seigneur, et nous
appliquerons à l'église ce qui se rapporte à Israël, et à
Israël, ce qui se rapporte à l'église. Nous connaissons la
vérité bénie de notre unité avec Christ, comme ressuscité et
glorifié. «Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit
avec Lui. » (1
Cor. VI, 17.) L'union en vie et en position avec
Christ glorifié, va bien au delà de ce que l'apôtre appelle
« la religion des Juifs ». Nous savons même, maintenant,
aujourd'hui, que nous sommes assis dans les lieux célestes
en Christ ; et quoique ici-bas sur la terre, pauvres,
coupables de bien des fautes, manquant en bien des points,
nous savons que nous sommes scellés du Saint-Esprit de la
promesse, qui est les arrhes de notre héritage jusqu'à
la rédemption de la possession acquise. (Eph.
I.) Mais, ce qui est infiniment plus doux que tout le
reste, c'est que nous connaissons la grandeur de son amour,
selon le sacrifice par lequel il nous a introduits dans
cette position céleste, et dans une association éternelle
avec lui-même. Nous savons, en conséquence, que la question
du péché a été complètement réglée, et que nous sommes
pleinement et pour toujours pardonnés, justifiés
parfaitement et agréables dans le bien-aimé. Christ a été
livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre
justification. (Luc
VII, 48; Jean
V, 24; Act.
XIII, 38, 39; Rom.
IV, 25.) Notre rédemption est accomplie, notre
relation est déjà formée; nous n'attendons plus que la
gloire, les noces de l'Agneau. Nous comptons sur sa promesse
: « Oui, je viens bientôt. » « Car encore très peu de temps
et celui qui vient viendra, et il ne tardera pas.» Mais tout
en attendant sa venue, nous connaissons et nous goûtons, par
la puissance du Saint-Esprit, quoique bien faiblement, les
affections de son coeur qui appartiennent proprement à cette
relation ineffablement bénie, et établie pour l'éternité.
La position d'Israël, tel que l'esprit de
prophétie la révèle dans les Cantiques, est bien inférieure
à celle-là. En tout cas, il n'y est point question de la
purification de la conscience ; le pardon et la
justification n'y sont point touchés: il s'agit davantage du
coeur, de créer, de former les affections pour la personne
du bien-aimé, et de les faire se produire.
Le résidu n'est pas encore. entré
pleinement dans la connaissance personnelle de Christ, dans
la certitude de sa relation avec lui, et n'en jouit point;
or, c'est là précisément ce que le coeur qui aime avec tant
d'ardeur désire voir réalisé, c'est de cela qu'il se
préoccupe. Naturellement, l'époux sait dans quelle relation
il est avec celle qu'il appelle « ma soeur, ma fiancée». De
là cette merveilleuse révélation qu'il lui fait, à elle-même
directement, de son coeur, afin qu'elle puisse connaître les
desseins de son amour. Il l'assure, avec insistance, de la
beauté, de la valeur, du prix qu'elle possède à ses yeux. Et
même après qu'elle a failli, en l'oubliant lui et son amour,
il vient à elle avec une affection qui ne saurait être
détournée de son objet. De cette manière, le coeur de
l'épousé est exercé par la manifestation de l'amour, de la
tendresse et de la bonté de Christ; ses affections
deviennent par là plus profondes, et à ses yeux le bien-aimé
est exalté au-dessus de tous les autres, et apprécié comme «
le premier entre dix mille... tout en lui est aimable». Son
coeur est ainsi graduellement formé pour l'époux lui-même,
et cela par la révélation de son coeur à lui. Le psaume
quarante-cinquième est la révélation de ce résultat béni.
Là, les Juifs - le résidu - sont salués comme les
«compagnons» du roi, et Jérusalem comme « la reine parée
d'or d'Ophir». Maintenant les nations lui font honneur avec
leurs présents et sollicitent sa faveur: désormais elle est
dans la relation la plus intime avec le roi, et se
voit introduite dans les palais d'ivoire.
Mais revenons à notre texte.
« Tu m'as ravi le coeur par l'un de tes
yeux, et par l'un des colliers de ton cou. » Ce peut être
difficile de déterminer ce que le Seigneur entend par les
mots « l'un de tes yeux, l'un des colliers de ton cou ». Il
se peut que ce soit une allusion à l'appréciation qu'il fait
de chacune de ses grâces, de chaque ornement spirituel que
possède le croyant, ou des délices qu'il prend dans chaque
croyant en particulier aussi bien qu'en tout son peuple
collectivement. Jamais, ni dans le temps ni dans l'éternité,
le moindre de tous les saints ne saurait être inaperçu de
lui, ou ne pas être distingué des autres. C'est comme
individus que nous sommes aimés, sauvés et glorifiés. Cette
vérité est clairement enseignée en Luc
XV, et Jean parle beaucoup aussi de notre bénédiction
individuelle, la famille de Dieu étant son thème principal,
comme l'église est celui de Paul, et le voyage à travers le
désert, celui de Pierre; pourtant c'est Paul qui dit, «qui
m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi». Paul parle
ici comme s'il était le seul que Christ ait aimé et pour
lequel il soit mort. La foi s'approprie ce que la grâce
révèle, et ce n'est que de cette manière que le coeur jouit
des révélations de la grâce. Comprends-tu cela, ô mon âme?
C'est de toute importance, et c'est du ressort de la foi
seulement. Quelque grande que soit la bénédiction, la foi en
fait une bénédiction personnelle. N'importe ce que la grâce
révèle en Christ comme la portion des
enfants de Dieu, la foi dit avec certitude «c'est à moi».
Mais dans notre heureuse demeure
d'En-Haut, ce n'est pas seulement du Seigneur que nous
serons connus personnellement: nous le serons aussi les uns
des autres. Pierre semble ne pas avoir eu de difficultés à
reconnaître, sur la montagne de la transfiguration, qui
était Moïse, et qui était Elie. Ainsi en doit-il être dans
l'état de résurrection où tout est parfait. La distinction
des personnes sera entière et manifeste. Paul ne sera jamais
pris pour Pierre, non plus que Pierre pour Paul, et chacun
aura sa propre couronne et sa propre gloire. Pensée bénie et
aussi solennelle ! chaque saint aura sa propre couronne:
tous seront connus là pour ce qu'ils sont dans
l'appréciation du Seigneur. Toutefois, ils seront tous
parfaits, tous heureux, dans la pleine joie du Seigneur, et
ils brilleront tous avec éclat dans sa glorieuse image,
qu'il porteront tous alors parfaitement.
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