Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VIII

LA CONSCIENCE DANS LA FOI

-------

Nous sommes, affaiblis; notre foi ne transporte plus, les montagnes.
C'est que notre conscience ne tient plus sa grande place auprès de nos convictions.
Prenons-y garde; saint Paul nous parle de ceux « qui, n'ayant pas conservé une bonne conscience, ont fait naufrage quant à la foi (1) ! »
La foi, séparée de la conscience! quelle douleur! Nous pensons la posséder encore, notre foi, nous y comptons, nous la considérons toujours comme notre rocher, et déjà elle est en l'air et ne pose plus sur rien.
Ce qu'il faut de droiture dans la foi ne se sait pas assez. La sincérité est indispensable à la vérité. Sortons-nous des sentiers de droiture, aussitôt il se produit en nous un écroulement dont on ne saurait peindre l'horreur.
Cela ne tient pas à la nature du fait que nous admettons; cela tient à l'intégrité que nous apportons à l'admettre.

Tel persécuteur frappant consciencieusement les ennemis de sa religion, peut conserver une conscience loyale. Tel idolâtre, injuriant et détruisant son idole, à laquelle il croit encore, blesse et perd sa conscience.
Ah! les consciences blessées! Ah! les figures complexes qui ne vous diront jamais si la conscience est tuée ou si elle se débat toujours ! Connaissez-vous une tristesse plus navrante ? L'angoisse ne vous saisit-elle point à leur rencontre? et me démentira-t-on si j'affirme que, sous ce rapport, Cromwell me fait plus souffrir que Philippe II?

Ce Cromwell, avec sa piété réelle et ses réels mensonges; ce Cromwell, qui, sans être ni un hypocrite, ni un coeur desséché, cherche à se persuader qu'il y a deux morales, l'une pour les rapports avec Dieu, l'autre pour les affaires publiques; ce Cromwell, tout composé d'inquiétantes énigmes, semble se dresser aux endroits périlleux du chemin, à des carrefours où nous serions tentés de quitter la voie droite, «faisant le mal afin qu'il en arrive du bien! » et nos regards, qui interrogent les traits compliqués de ce double visage, notre conscience qui parvient mal à en rectifier les lignes, tout nous dit: veille sur toi!
Oui, veillons. Le danger, imminent pour quiconque persiste aux détours, c'est de s'effondrer dans cet abîme, que l'Écriture nomme: péché contre le Saint-Esprit ! - le péché sans pardon.
Sans pardon, parce que le mal est sans remède; parce qu'une fois la conscience faussée, à n'y a plus de vie morale; parce que le sens moral est mort en nous, et que la mort ne se convertit Pas.

Pour mon compte, j'aime mieux la conscience sans la foi, que la foi sans la conscience.
Une conscience sans la foi, une conscience avant la foi laisse les portes ouvertes à l'action de l'Écriture, au souffle du Saint-Esprit: l'homme moral subsiste. Mais, quand la foi répudie la conscience, que reste-t-il?
La vérité même devient mensonge, pour quiconque l'admet au mépris de sa conscience; or le mensonge est une destruction.
La conscience, même sans la connaissance, a une telle valeur, que les stoïciens, bien éloignés certes de l'Évangile, nous inspirent par ce seul fait qu'ils reconnaissent la conscience et qu'ils la servent, un respect profond.
La conscience, même sans la foi, a une telle puissance, que souvent elle amène, bon gré mal gré, les coeurs les plus résistants à la foi.
« Ceux qui veulent faire la volonté de. mon Père, » disait Jésus, « connaîtront si je suis de Dieu ou si je parle de mon chef (2) » .
Ceux qui veulent faire, connaîtront ! Cela n'est-il point arrivé?
Oui, grâce à Dieu, et chaque jour nous rencontrons des hommes qui, commençant par faire, par essayer de faire, ont acquis à. cette noble école du travail et de l'effort consciencieux ce qu'ils ne cherchaient pas : l'Évangile,

La foi unie à la bonne conscience! Je voudrais trouver des accents dignes d'elle
L'homme de conscience et de foi voit incessamment sa conscience fortifier sa foi, et sa foi fortifier sa conscience.
L'homme de conscience et de foi vit en pleine vérité; ce mot dit tout. Il n'a pas, comme tant d'autres, à craindre qu'une vérité nouvelle ne mette en péril sa vérité provisoire. Il a saisi le définitif. Il a posé son pied sur le roc. Il respire à pleine poitrine. Il marche par ce chemin royal où la lumière va grandissant jusqu'à ce que le jour apparaisse dans sa splendeur.
Seul, l'homme de foi et de conscience peut chanter le cantique de Luther:
C'est un rempart que notre Dieu, Une invincible armure!


.

IX

LA CONSCIENCE VIS-A-VIS DES EVENEMENTS


L'école des événements est si corrompue qu'elle a gâté les plus nobles coeurs.
Il semble qu'il faille faire, aux dépens du vrai, la part du fait ou la part du feu. Il semble que l'on compromettrait la vérité de Dieu, en ne comptant que sur Dieu. Il semble que l'on compromettrait l'Évangile, en le privant de ces appuis qui s'achètent par des atténuations ou par des mutilations de, l'Évangile.

La politique religieuse, la pire de toutes, naît de ceci : que les consciences ont fléchi devant les événements.
Dès qu'on s'arrange pour rendre le christianisme agréable aux puissants du jour, supportable aux hommes d'esprit, accommodant aux tendances influentes, facile aux courants ; c'est que la conscience a déserté son poste, ou, pour mieux dire, c'est que la conscience nous gênant, nous nous en sommes débarrassés.
Les capitulations de conscience datent de tous les temps, hélas!

En présence d'un Henri VIII, maître, on le dirait, de sauver ou de perdre la cause encore si faible de l'Évangile en Angleterre, Cranmer se demandera - donnons cette interprétation a ses faiblesses - s'il n'est pas nécessaire de céder, de biaiser, de, mentir, de prêter les mains à ce qui est mal, afin de ne pas compromettre ce qui est bien.

Que demain on nous propose, à nous, les hommes des libertés modernes, d'employer quelque peu de violence pour ouvrir un grand pays à nos convictions, saurons-nous tous résister? protesterons-nous tous? En d'autres termes, notre conscience se tient-elle debout en face des événements? croyons-nous à la vérité ? croyons-nous en Dieu ?
Quand elle vit, notre conscience ne tolère aucune de ces habiletés; pas plus les petites que les grosses; pas même celles qui, par une violation quelconque de la justice, produiraient des conversions d'hommes par milliers.

Sacrifier un bout de vérité pour faire admettre la vérité, amoindrir la Bible pour introduire la Bible, c'est dire - Il n'y a point de Dieu là-haut!

Notre conscience qui croit, elle, qu'il y a un Dieu là-haut, dit. Périssent les succès, plutôt que la vérité de Dieu.


.

RÉSUMÉ

Nous nous entendons, n'est-ce pas?
En rappelant la grande place qui appartient à la conscience, je ne prétends certes point la mettre sur le trône de Jésus-Christ.
Le salut par la conscience n'est écrit à aucune des pages de l'Évangile; notre conscience repousserait avec horreur un tel blasphème, tant elle a, tant elle maintient chez nous le sentiment profond de notre misère et de notre indignité.
Ces choses dit salut, la conscience ne les aurait pas inventées, non; mais témoin fidèle de Dieu en nous - et contre nous - par sa voix intègre, par son regard droit, par l'examen de nous-même, par l'expérience de chaque jour, par la vue des fruits individuels et généraux du christianisme, par cette démonstration de la vie intérieure que rien ne remplace, par la divinité rendue visible d'une doctrine qui unit étroitement le bonheur à la sainteté, qui ne délivre pas du châtiment sans délivrer du mal, notre conscience nous fournit à chaque instant des raisons nouvelles de mieux croire ce que nous avons cru.
Vous voulez une preuve? la voilà, vivante; et c'est votre conscience qui vous la donne.
Elle nous met loin, convenez-en, des modes religieuses, des religions de parti pris, des religions du coffre-fort et de l'ordre public, des religions qui se présentent comme un signe de ralliement, comme une opinion bien portée, comme une tradition respectable, comme un lien de nationalité, comme un frein opposé aux passions violentes, ou même comme une satisfaction accordée aux besoins élevés de l'âme, comme une consolation, comme une espérance, comme une radieuse lumière jetée sur les tristesses d'ici-bas.

Ces titres-là n'ont aucune valeur pour la conscience. Un seul importe : la vérité! Ni erreurs commodes, ni mensonges bienfaisants, ni vérités acceptées sans sincérité. Une illusion, si douce fût-elle, ne séduira jamais la conscience. Une concession au prix de la loyauté ne rencontrera jamais son absolution. Elle aspire à la vérité, elle ne veut que la vérité, elle a foi dans la vérité.
Aussi le consciencieux ne ressemble-t-il nullement à ce portrait de fantaisie, à cette caricature qui nous le montre enveloppé de sa croyance comme d'un brouillard épais, redoutant les questions, redoutant les clartés, anathématisant la science, reculant devant la vie, se tenant immobile, abrité sous son demi-jour, ramassé sans son aveugle foi, semblable à l'oiseau de nuit qui a peur du soleil et qui se cache au fond de son trou.

Les chrétiens consciencieux ne se cachent pas. Les chrétiens consciencieux sont fiers de leur foi. On ne croit pas consciencieusement à une religion dont on n'est pas fier. On ne croit pas à sa croyance, quand on demande grâce pour elle à la science, à la liberté, au progrès.
Très peu fiers pour nous-mêmes - là conscience nous empêcherait bien de le rester ou de le devenir - nous nous déclarons très fiers de notre Évangile.
- Ce n'est pas un médiocre signé de sa vérité divine, qu'il s'accorde, toujours avec la conscience, qu'il la prenne, pour son alliée, pour son agent, pour son missionnaire auprès de chacun de nous.
Ce n'est pas un médiocre signe de sa vérité divine, que, cherchant le meilleur moyen de démonstration pour tous, nous ayons été contraints à ceci : En appeler à la conscience, partout et toujours !

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant