Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE TROISIÈME

L'ACTION DE L'ÉVANGILE PAR LA FAMILLE

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Nous avons vu ce qui se passe dans la famille lorsque Dieu est là; voyons maintenant ce qui se fait par elle. Ceci est immense; aucun levier moral n'agit ici-bas avec une pareille puissance. La vraie famille, je le dis sans emphase, est chargée de relever l'humanité.

Voici des sociétés d'évangélisation qui se fondent toutes seules, qui ne demandent rien à personne et qui ne publient point de rapports. Voici des Églises, je puis bien les nommer ainsi avec les apôtres (1), des Églises qui annoncent Christ du matin au soir, par le seul fait qu'elles existent. Voici une oeuvre universelle, incessante, qui puise ses forces en elle-même, que rien ne peut arrêter. Elle atteint partout; elle s'installe à la ville, au village, dans l'atelier ; ici elle est savante, là elle est ignorante, elle parle patois, elle se met à la portée des plus humbles. Les méthodes sont simples et les procédés peu dispendieux : Les Écritures ouvertes sur une petite table et lues avec respect, une prière que l'un prononce et que les autres redisent au fond de leur coeur, quelques âmes unies par une sainte tendresse, des vies qui se déploient dans les conditions du bonheur élevé, il n'en faut pas davantage.

Considérez une de ces maisons autour desquelles il y a comme un rayonnement de foi vivante et de charité. Nous ne nous en approchons pas impunément, et toutefois nous aimons à nous en approcher ; nous nous trouvons si bien dans son voisinage, à portée de sa lumière et de sa chaleur! Ce n'est pas une prédication que nous rencontrons là, C'est une contagion.
Contagion bienfaisante et que rien ne peut remplacer sur la terre. Il faut qu'on prêche l'Évangile, mais il faut surtout qu'on le pratique; il faut qu'on l'annonce, mais il faut surtout qu'on le fasse aimer ; il faut qu'on le démontre, mais il faut surtout qu'on le montre.

Et c'est en cela qu'excelle la famille chrétienne, malgré ses inévitables imperfections. La vie selon Dieu, la vie en Dieu, se produit chez elle comme nulle part ailleurs, sans étroitesse, sans affectation, j'ajouterais volontiers, sans préméditation et sans parti-pris. C'est une vie, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus spontané ici-bas.

On ne se défie pas de la vie. Vis-à-vis d'un docteur, nous nous mettons en garde; vis-à-vis des sympathies naïves, du sérieux qui se manifeste simplement, du bonheur qui ouvre la main pour répandre ses trésors nous sommes désarmés.

Nous avons vu ce que devient la foi religieuse dans la famille, ce qu'elle y revêt de vigueur, de charme, de beauté. La famille nous apporte trop de leçons humiliantes, trop d'occasions de rentrer en nous-mêmes et de nous repentir, elle met trop d'obstacles devant nos plans, elle nous impose trop de sacrifices, elle brise trop sûrement nos despotismes, elle crée à notre usage un apprentissage trop habituel du renoncement, pour fabriquer des docteurs.
Qui pourra mieux qu'un membre d'une 'vraie famille parler de la religion de support et d'amour? Qui parlera mieux du péché? Qui racontera mieux les douleurs que Dieu envoie et les consolations qu'il prodigue? Qui décrira mieux ses grâces et les joies ineffables que l'on goûte à son service ? Le Sauveur a fondé la grande évangélisation, le jour où il a dit :
« Faites luire votre lumière devant les hommes. »

Quand la lumière luit, les plus légers deviennent attentifs. Rencontrer des heureux, chose étrange ! Comment ne pas se poser alors des questions sérieuses ? De tous les spectacles que la terre peut présenter, le plus grand, le plus inexplicable assurément, c'est une vraie famille, une famille unie. qui marche dans la sanctification, qui pleure avec espérance, qui se réjouit avec actions de grâces. L'humanité ne fait pas par elle-même de tels miracles ; ici est le doigt de Dieu.
Le monde demande des miracles et il a raison. Une religion sans miracles, un christianisme qui produit des vies triviales, cela ne peut pas ramener les consciences. Sortons de la trivialité, la vraie famille nous remettra sur la voie du miraculeux et de l'idéal. Elle le fera, parce qu'elle exigera beaucoup de nous.

L'Évangile nous l'a donnée ou rendue ; ou, avec lui, et c'est un de ses plus beaux caractères, on n'est jamais au bout ; nous n'avançons un peu qu'à condition de tomber souvent, et toujours devant nous s'étend une longue route qui nous reste à parcourir. Je n'ai pas encore rencontré un chrétien qui fût arrivé.
Le moment semblerait venu de décrire les moyens qu'emploie une famille chrétienne pour répandre autour d'elle la connaissance du salut. Mais à quoi bon? Le premier moyen, nous l'avons vu, c'est elle, c'est sa vie. Pour ceci comme pour l'éducation, j'aime mieux ne pas entrer dans les questions de méthodes. Où la vie existe, elle se fait ses méthodes, elle trouve son chemin.
Et ses méthodes sont d'autant meilleures, qu'elles lui appartiennent plus directement, qu'elles jaillissent de source. Les parents qui demandent à un traité comment ils doivent s'y prendre pour élever leurs enfants, et les familles chrétiennes qui s'informent de la marche à suivre pour propager l'Évangile, sont également dans le faux.
J'en dirai autant des oeuvres de bienfaisance. Toute famille digne de ce nom, qu'elle soit pauvre ou riche, fera du bien autour d'elle, cela est certain ; mais elle ignorera, je l'espère du moins, les procédés officiels de la charité; elle ne fera pas ce qu'il faut faire, mais ce que son coeur lui dit de faire. Le coeur est un grand maître, et l'expérience, d'ailleurs, ne tardera pas à lui venir en aide. Une famille charitable sait bientôt sur ce point tout ce qu'il importe de savoir.
Rien n'est touchant et gracieux comme de la voir à l'oeuvre. Y a-t-il un pauvre malade dans le voisinage? Chacun tient à lui venir en aide; le père et la mère arrivent les mains pleines de consolations et de secours ; le jeune garçon demande la permission de lire auprès du lit ses plus belles histoires et de montrer ses plus belles estampes; tous donnent quelque chose, jusqu'au petit enfant qui apporte une fleur.
Et c'est ainsi que la charité cesse d'être l'aumône. Secourir sans aimer, ce n'est pas secourir; aimer sans secourir, ce n'est pas aimer; aimer en secourant, aller au pauvre en frère, serrer la main où l'on met quelque chose, s'inquiéter de l'âme en pourvoyant aux besoins du corps, relever au lieu d'abaisser, voilà ce qui gagne les coeurs. La famille a l'art de donner; elle fait la charité d'un regard, d'une prévenance aimable, d'un peu de superflu; elle ne se plaint point de rencontrer beaucoup d'ingrats.

Ne prescrivez pas aux familles le chiffre de leurs dons; elles ont une conscience qui devient plus scrupuleuse en avançant, et chaque année, lorsqu'elles arrêtent leur budget, il est un article de dépense (et de joie) qu'elles éprouvent le besoin d'accroître. Ne rédigez pas à l'usage des familles la liste des occupations charitables auxquelles elles doivent initier leurs enfants; cette initiation s'accomplit d'elle-même, il n'est personne, jeune ou vieux, au sein d'une vraie famille, qui se sente le droit de vivre inutile et inactif. Si la famille est une société d'évangélisation, elle est aussi un comité de bienfaisance, et le meilleur de tous.

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1 Sur ces maisons qui sont des Églises, voyez Romains, XVI, 5; 1 Corinthiens, XVI, 19; Colossiens, IV, 15
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