Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE SEPTIÈME

LES VERTUS VIRILES

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J'ai eu plaisir à écrire ce titre. Dans ce temps de mollesse et de servilité, montrons où se forgeront des indépendances et des caractères. Répondons à ceux qui ne sauraient ouvrir un livre sur la famille sans s'imaginer qu'ils n'y trouveront que des idylles. Prouvons à ces douteurs volontaires que l'on peut faire très-large la part de l'amour sans diminuer celle du devoir, et que ce qui nous rend heureux est capable de nous rendre forts.

La famille a besoin des vertus viriles. Quand elles ne sont pas là, l'éducation fléchit, la tendresse elle-même diminue, le bonheur domestique s'en va; la vie du foyer ne survit pas longtemps à sa dignité et à sa vigueur.

La famille a droit aux vertus viriles de ses membres. C'est une obligation morale qui pèse sur la conscience des pères et des mères, des jeunes gens et des jeunes filles; s'ils s'abandonnent, s'ils se laissent aller, s'ils se dispensent des efforts énergiques et des élans généreux, ils manquent positivement à la mission que Dieu leur avait confiée.

Enfin, ce n'est pas là le fait le moins important à signaler, la famille ne réclame pas seulement les vertus viriles, elle les crée; nulle part comme chez elle on ne se forme au noble métier de créature morale et responsable.
Et pourquoi cela? Parce que la famille est, à un degré inouï, une école de devoir : la vraie famille, s'entend, car celle où le devoir n'est point à sa place est au contraire, nous l'avons vu, un agent d'affaiblissement et de mort. Mais la bonne, la vraie, quel air fortifiant on respire sous son toit ! Comme elle nous encourage à tout ce qui est élevé !

Le devoir, en effet, ne se présente nulle part sous une forme aussi pressante, il ne se laisse pas oublier une heure. L'homme qui vit sans famille ou dans une famille dont les liens sont relâchés, peut se figurer à certains moments qu'il ne doit rien à personne; que pourvu qu'il ne fasse à personne un mal positif, il a le droit d'être content de lui. L'homme de famille ne le saurait. Il ne se passe pas un instant où les joies, les douleurs, les fautes, les progrès des siens ne lui rappellent le ferme appui qu'il est tenu de leur prêter. Tout ce monde bien-aimé palpite sous son regard; il se sent chargé de veiller, de diriger, de protéger; les tendresses même qui l'entourent réveillent doucement en lui la conscience de ses devoirs.
Aussi la famille chrétienne forme-t-elle ces « héros éventuels, » dont a parlé Vinet. On s'y fortifie mutuellement. On y a médité ensemble, avec tremblement, le mot d'ordre héroïque de Jésus-Christ :
« Laisse les morts ensevelir leurs morts; toi, suis-moi. » « Si quelqu'un vient vers moi et ne hait pas son père, et sa mère, et sa femme, et ses enfants, et ses frères, et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » On a frissonné, et puis on a compris. Les paradoxes volontaires de l'Écriture ont un sens qui n'échappe pas aux coeurs aimants.

Celui qui nous a commandé d'aimer tous les hommes, à commencer par nos ennemis, ne nous a pas ordonne de haïr nos parents; il a voulu nous montrer par une de ces fortes paroles qui ne s'effacent plus, la place réservée aux grands sacrifices au milieu des meilleures affections d'ici-bas. Haïr sa vie c'est être prêt à la donner; haïr son père ou sa mère, c'est être prêt à immoler ce qui vaut mille fois mieux que la vie, notre félicité domestique, lorsqu'il s'agit d'obéir à Dieu, c'est-à-dire d'accomplir un devoir.
Ah, loin de haïr alors, on aime comme on n'a jamais aimé. C'est d'une voix frissonnante de douleur que nous prononçons les paroles de Polyeucte.

. . . . . . . . . . . .. . Je vous aime

Beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moi-même.

La voix de Polyeucte ne frémit pas assez en disant cela; il y a, pour mon goût, dans l'ensemble de son rôle, comme une soif du martyre qui n'est pas d'accord avec la simplicité de l'Évangile. Relisez les stances merveilleuses de l'acte quatrième :

Source délicieuse en misères féconde,

Vous y rencontrerez des paroles contre lesquelles on ne saurait trop protester :

Je consens ou plutôt j'aspire à ma ruine.
Monde, pour moi tu n'as plus rien;
Je porte en un coeur tout chrétien
Une flamme toute divine,
Et je ne regarde Pauline
Que comme un obstacle à mon bien.


Ce dernier vers est l'idéal de l'égoïsme chrétien, lequel ne vaut pas mieux que les autres égoïsmes. Mais, quelles que soit nos réserves au sujet de Polyeucte, le fait subsiste : les martyrs de la famille s'appellent légion; la légende héroïque de la famille est longue, grâce à Dieu. Il a été donné aux plus tendres, aux plus passionnés, de marcher meurtris et saignants par le sentier étroit du devoir. Leurs tendresses humaines n'avaient pas décru, leur amour pour Dieu avait grandi. Chaque chose était à sa place, et ils allaient, ils allaient, dans la douleur, dans la joie, accablés par l'amertume du sacrifice, relevés par les ravissements de l'obéissance et par la certitude du devoir.
Tel est le spectacle grandiose qui remplit les trois premiers siècles de notre ère. Et la famille a fait ses preuves depuis lors. Lorsque Jean Leclerc était martyrisé à Meaux, un cri se fit entendre : Vivent Jésus-Christ et ses enseignes ! Ce cri d'une mère a traversé les siècles. Connaissez-vous quelque chose de plus ferme et de plus navrant ? Lorsque Claverhouse et ses bourreaux parcouraient l'Écosse, l'héroïsme de la famille éclatait de toutes parts. Certes, je fais mes réserves au sujet des covenantaires et je n'admire pas ce qu'il y avait en eux d'étroitesse ou de formalisme; mais quelle énergie et quelle foi! Voici des jeunes filles qui acceptent doucement la mort; en voici d'autres qui visitent les leurs dans les cachots; et rien qu'à la pureté de leur visage, rien qu'au soin de leur personne et à la propreté exquise de leurs vêtements, rien qu'à la noble fierté de leurs regards, vous devinez que les outrages ne peuvent les atteindre; l'Évangile et la famille ont passé par là.

La famille se tenait debout en face de Jeffreys, pendant ses effroyables tournées; à ses cruautés, à ses bouffonneries sanguinaires, elle opposait le courage que donne la foi quand on est plusieurs à croire dans une maison. Elle se tenait à la Bastille, auprès de Bernard Palissy. «Mon bonhomme, lui dit le roi, si vous ne vous accommodez pour le fait de religion, je suis contraint de vous laisser entre les mains de vos ennemis. » Et le vieillard s'étonnait que le roi pût prononcer cette parole : « Je suis contraint; » et il lui donnait le secret de son indépendance: « le sais mourir (1). »

Qu'on ne m'attribue pas la pensée de ne voir de martyrs que chez mes coreligionnaires. La famille chrétienne a eu ses héros dans d'autres communions; et si je parle des héros de la famille, ce n'est pas que je conteste ceux du célibat, Qui donc, ayant un coeur, ne s'est pas senti ému à la pensée de ces missionnaires catholiques qui ont donné leur vie et accepté les tourments sur tant de points de notre globe? Il ne m'en coûte nullement de les admirer; il m'en coûterait de ne pas le faire et de fermer mon âme aux sympathies qu'inspirent les vertus viriles, partout où elles se déploient avec éclat.
Mais nos missionnaires mariés ne reculent pas non plus. La femme de Livingstone a laissé ses os dans les déserts de l'Afrique. Les familles qui sont allées annoncer (et montrer) l'Évangile sur la côte de Guinée, ont semé d'une longue rangée de tombes ces régions empestées où l'Européen ne pénètre guère que pour mourir. D'autres familles acceptent sans hésiter les misères des climats glacés, du Labrador et du Groënland. D'autres affrontent les anthropophages et dernièrement encore, en l'absence de leurs maris, les femmes missionnaires des îles Fidji allaient arracher aux sauvages les prisonniers de guerre consacrés à un horrible festin. Tremblantes et d'autant plus courageuses, elles couraient se jeter seules entre les victimes et le couteau.

La vraie famille n'a jamais affaibli personne. Non contente d'élever les enfants, elle élève les pères et les mères; la forte éducation qu'y reçoivent ceux-ci n'est pas le trait le moins frappant de son histoire.
Et pour lire cette histoire héroïque, il n'est point nécessaire d'ouvrir des récits de missions ou des actes de, martyrs, la vie ordinaire y suffit. Suivez du regard cette vaillante femme qui, sans bruit, dépense sa vie à mettre l'ordre et le bonheur dans sa maison; elle n'est pas riche, et elle trouvera cependant dit pain à offrir, avec un serrement de main qui vaut mieux que son offrande, au pauvre honteux qu'elle seule connaît. Elle est surchargée de travail, et elle trouvera le temps de visiter un voisin malade. Que la maladie soit contagieuse, elle n'hésitera pas: au nom de Dieu, elle ira à son devoir. Ce n'est pas elle qui calculera froidement le danger, s'abritant derrière son titre de mère de famille, derrière la nécessité de préserver ses enfants d'un mal qu'elle pourrait rapporter au logis.
Dites, cela n'est-il pas grand ? Ces familles sont-elles bien énervées, bien débilitées? Le plus beau des martyrologes, n'est-ce pas celui de la vie cachée?
Je sais que les époux sont particulièrement suspects. Qu'une mère de famille accomplisse de périlleux devoirs, qu'un jeune homme, qu'une jeune fille obéissent à l'impulsion généreuse que des parents fidèles leur ont donnée, qu'une Grace Darling aille avec son père sur une frêle barque et au travers de l'Océan en fureur arracher de pauvres naufragés à la mort, on ne s'en étonnera pas trop; mais il est admis et prouvé qu'un mari et une femme, quand ils s'aiment, deviennent faibles, égoïstes et poltrons.
Cela arrive quelques fois, je l'ai reconnu. Quand il s'agit des devoirs civiques, que les femmes comprennent moins et dont elles ne sont pas toujours bons juges, elles peuvent donner des conseils dictés par une tendresse trop peu patriotique et trop alarmée. - La chose publique ne se tirera-t-elle pas d'affaire sans nous ? Faut-il tant s'agiter? Nous de moins, l'État ne périra pas !
Il en est qui parlent ainsi; mais beaucoup savent tenir, quoi qu'il leur en coûte, un plus mâle langage. Celles-là se souviennent de la femme forte des proverbes, qui fait du bien à son mari et jamais de mal. - Jamais de mal; jamais elle ne le détourne d'un devoir.

Qu'on me permette de rappeler ici un fait qui m'a toujours frappé. Nous ne connaissons que nos armées célibataires; nous ignorons qu'à nos portes il en est d'autres, celle de la Suisse, par exemple, qui sont composées en grande partie d'hommes mariés et qui ne se battent pas plus mal pour cela.
Ces immenses armées américaines, qui luttent depuis quatre années bientôt avec tant d'intrépidité, renferment un grand nombre de pères de famille; ces généraux, ces officiers qui offrent si hardiment leur vie et qui succombent en si grand nombre, sont presque tous mariés. Dans les lettres que je reçois des États-Unis, je surprends l'expression d'angoisses et de douleurs dont nous avons à peine une idée. Il y a là, devant les batteries de Richemont, dans les boues de la Virginie, au milieu du typhus plus meurtrier que le canon, il y a un époux, il y a un père, un fils, un fiancé, un frère. C'est bien, Dieu le gardera, Dieu nous gardera; nous sommes dans ses mains; ne faut-il pas défendre le pays? N'est-on pas heureux de souffrir pour une telle cause ? Donner notre vie, donner notre bonheur, donner nos bien-aimés à la liberté et à la justice, n'est-ce pas un privilège ?
Ce que la famille déploie là-bas en ce moment de force et d'héroïsme, nul ne le saura, nul ne le dira. C'est une merveille, à nous consoler des petitesses et des lâchetés de notre temps. Les femmes, en particulier, sont admirables. Je suis bien aise de le constater, moi qui tout à l'heure admettais, trop légèrement peut-être, les lacunes de leur patriotisme.

Les femmes! Mais en fait de courage, elles nous égalent, si elles ne nous dépassent. Les voyez-vous faiblir à l'heure où il s'agit de soutenir l'énergie de leur bien-aimé ? Alors elles trouvent en elles, au risque de retomber brisées plus tard, des trésors d'indomptable vigueur.
La marquise d'Argyle, cette femme et cette mère de deux condamnés à mort, s'est-elle évanouie dans la prison de son mari? Non; elle l'a serré dans ses bras fidèles, elle a prié avec lui, elle a contemplé avec lui la patrie céleste qui devait les réunir; puis, ensemble, appuyés l'un sur l'autre, ils sont allés à l'échafaud. Ils ont souffert ensemble, vrai moyen de souffrir bravement.
Une autre épouse se tient auprès d'un autre échafaud. Elle ramasse à genoux et baise avec un respect passionné deux oreilles coupées. Et Daniel de Foë sent des larmes couler le long de ses joues, et son front se redresse; et par-dessus les outrages de la populace, il voit planer quelque chose de grand : l'amour de sa femme l'a fait monter dans les régions où les outrages ne montent pas.
M. Guizot nous a raconté un jour, dans un de ses plus beaux livres, le dévouement intrépide de lady Russel. Quel tableau que celui de l'amour dans le mariage! Que cela fait du bien ! La voilà assise auprès de son cher accusé. Elle prend des notes; elle suffit à tout, aux soins de la défense, aux consolations de l'âme, à la vie et à la mort.

Cherchez; après les exemples héroïques (non pas au-dessous), vous rencontrerez encore des époux qui se sont fortifiés et non affaiblis en vivant ensemble d'une vie de tendresse et de devoir. Si nous pouvions suivre les « femmes de la Bible, » pour ne citer qu'elles, dans les taudis des grandes villes, nous serions saisis d'une sympathie pleine de respect. Mères de famille, elles ne reculent ni devant les dégoûts, ni devant le danger. Elles surmontent les défiances ou les hostilités de l'accueil. Elles apportent là, avec l'Évangile, la propreté, l'ordre, le respect de soi, le rétablissement des liens brisés. Des affections depuis longtemps exilées rentrent dans de pauvres demeures; un rayon de soleil les illumine, on commence à s'aimer, on entrevoit le relèvement et le bonheur. Ces mères de familles refont des familles.
Fort bien, s'écrie-t-on; mais autant la famille peut favoriser les vertus chrétiennes, autant elle est contraire aux vertus civiques. Vous avez beau citer quelques exemples de sacrifices faits à la patrie, nous n'en demeurons pas moins à cent lieues de l'antiquité; c'est là qu'il faut s'adresser, quand on veut voir de vrais citoyens; aujourd'hui, le dedans fait tort au dehors; la vie du foyer l'a emporté sur celle de la place publique; on s'occupe trop de sa femme et de ses enfants pour s'occuper assez de son pays : les affections ont diminué les dévouements; la cité perd ce que gagne la famille.

Vous les avez entendus ces adorateurs quand même des grands hommes de la Grèce et de Rome, ces lecteurs de Plutarque, qui semblent avoir fait voeu de ne pas entreprendre d'autre lecture. Je ne vois pas que, pour leur répondre, il soit nécessaire de ne, point admirer ce qui est beau et de repousser une injustice par une injustice. Il suffit de faire observer que dans l'antiquité même, les grands hommes diminuent à vue d'oeil à mesure que la famille s'en va.
La Rome des consuls, où la famille, durement organisée, conserva quelque temps une réelle consistance, a eu d'héroïques citoyens à côté de ses chastes matrones; la Rome des empereurs, où la famille s'était écroulée, ou une corruption gigantesque, où la polygamie du divorce effréné avaient desséché jusque dans son germe le principe des pures tendresses, cette Rome-là n'avait pas plus de patriotisme que de moeurs.
N'abusons pas de l'antiquité, croyez-moi; ne lui demandons pas, même en fait de vertus civiques, plus qu'elle ne peut nous fournir. Ses grands hommes ont été clairsemés, quoi qu'on dise, et les temps modernes peuvent assurément soutenir la comparaison. Cependant l'antiquité n'était occupée qu'à former des citoyens; elle aurait dû y exceller, s'il était vrai que l'État fut mieux servi lorsque tout le reste lui est offert en holocauste. Il n'y avait alors que l'État, on ne vivait alors que pour l'État; l'État avait supprimé la conscience et la famille, l'individu avait disparu, l'indépendance personnelle était rare, et la vraie liberté politique n'existait pas; le désert moral s'était fait autour du Moloch auquel l'humanité offrait ce qu'elle avait de plus précieux, on avait la religion nationale, on vivait de la vie nationale, le Forum absorbait les hommes, et les femmes (je prends l'hypothèse la meilleure) végétaient au fond du gynécée. Eh bien, quel a été le résultat? J'en appelle, moi aussi, à Plutarque, et je veux bien ne pas invoquer Tacite. Oui, Plutarque lui-même servirait à démontrer cette thèse, qu'on n'augmente pas les vertus civiques en supprimant les vertus domestiques, qu'on ne donne pas à l'État ce qu'on Ôte à la famille, que la conscience et l'indépendance personnelle ne sont pas inutiles à la liberté générale, qu'il n'est pas superflu de se procurer des hommes quand on prétend avoir des citoyens.

En doutez-vous? Consultez notre histoire moderne. À quelle époque les citoyens y apparaissent-ils? Lorsque le régime antique des religions nationales commence à tomber, lorsque la liberté des âmes, base vivante de toutes les libertés, se fait jour au travers des décombres croulants du moyen-âge. Alors l'homme, peu à peu, reprend possession de lui-même; maître de sa croyance, il redevient responsable et rapprend son métier de chef de famille. Les deux grands despotismes sont tombés, celui de l'État antique, celui de l'Église du moyen-âge. On va bien fonder de nouvelles tyrannies; mais la liberté s'est montrée, et cela suffit, on ne l'oubliera plus; elle fera son chemin au travers des, violences, des inconséquences, des réactions, des administrations à outrance, des centralisations oppressives, des essais de retour alternatifs à l'un ou l'autre des despotismes anciens.

La famille ne se passe guère de la liberté. il lui faut, nous l'avons vu, d'énergiques croyances, c'est-à-dire des croyances qui soient à elle, qui ne soient pas simplement la pratique héréditaire d'un rite national. Aussi les liens de famille se resserrent-ils toujours là où la foi est un acte individuel, un choix volontaire et qui coûte quelque chose. Il se formait de vraies familles parmi les protestants de France au moment des persécutions; il se formait de vraies familles parmi les catholiques d'Irlande au temps de Cromwell.
Et ces familles-là forgent des citoyens. Je le demanderais volontiers au>: hommes les plus hostiles à la Reforment, n'est-il pas vrai que nos Huguenots, que les Hollandais luttant contre l'Espagne, que les Puritains aux prises avec les Stuarts, constituaient de fortes races, possédant toutes les qualités avec lesquelles on fonde? Ce que fondèrent les Puritains, chacun le sait. Les Pèlerins qui ont posé la première base des États-Unis avaient en eux ce qui fait des hommes et des citoyens. La famille était là; elle présidait à ses douloureux départs, à ces établissements hasardeux. Au nom de Dieu, ils étaient venus, parents et enfants, emportant la vieille Bible, dépouillés, ruinés, n'ayant sauvé que leur conscience, et jugeant que c'était assez.
C'était assez, en effet. En vain (l'homme est ainsi fait), en vain se débattent-ils quelque temps contre leur principe, essayant çà et là de pratiquer la tyrannie après en avoir souffert; leur principe est plus fort qu'eux, plus fort et meilleur; ils ont la gloire de montrer les premiers au monde moderne le noble régime sous lequel il est appelé à vivre, l'indépendance des âmes et sa double garantie : la liberté religieuse, la séparation complète de l'Église et de l'État.

La famille chrétienne est la grande école d'indépendance, parce qu'elle est la grande école de devoir. Où trouver ailleurs une résistance au nivellement socialiste qui menace de tout absorber? Socialisme civique de l'antiquité, socialisme théocratique du moyen-âge, socialisme démocratique de l'époque contemporaine; le dernier seul se dresse en face de nous, il n'est pas le moins redoutable des trois. La lutte du socialisme et de l'individualisme va remplir la dernière moitié du dix-neuvième siècle. Mais l'individualisme a besoin d'un abri; il lui faut le sûr rempart de la famille. Ôtez la famille, et vous verrez bientôt les têtes se courber devant le nouveau despote, d'autant plus dur qu'il se croit des droits sans réplique et qu'il s'appelle tout le monde.
L'individu seul peut le vaincre; seul il peut empêcher que dans cinquante ans nos enfants ne se trouvent citoyens de quelque immense nation cosmopolite où l'État sera tout et où l'homme ne sera rien. Or, l'individu a deux formes: la personne d'abord, qui a sa foi et sa liberté; la famille ensuite, qui met en commun tout ce que ses membres possèdent, leurs intérêts et leurs croyances, leurs affections et leurs libertés.

Par la famille, l'individualisme sort de l'isolement et de la faiblesse; une famille unie, c'est toujours quelque chose. Derrière le rempart de ces solidarités saintes, les caractères se forment, les convictions s'affermissent, et voici l'indépendance qui apparaît. lis le savent bien, ceux qui veulent nous réduire en poudre impalpable, ils savent qu'on ne bâtit rien avec de la poussière ni avec de la boue, et qu'une fois amenuisée par le socialisme, l'humanité ne leur fera plus obstacle nulle part.
Leur ennemi, c'est la famille, la famille que Dieu avait fondée, que l'Évangile a créée de nouveau et qui s'appuie sur l'Évangile. Aussi l'attaquent-ils de partout, dans l'indissolubilité du mariage, dans les droits du père, dans l'éducation des enfants, dans la conservation de l'héritage, et d'abord dans l'indépendance sans laquelle elle fléchit, dans la foi sans laquelle elle succombe.
Avec quelle puissance ne revient-elle pas maintenant à l'esprit, la parole de la Genèse : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul ! » Malheur aux isolés

On n'est nulle part plus seul que dans une foule; le jour où une nation ne sera plus qu'une foule, cette foule eût-elle tous les suffrages et tous les droits, l'oeuvre d'aplatissement sera achevée.
Voyez, au contraire, cet ouvrier qui rentre le soir chez lui. Sa femme l'attend et l'embrasse, l'humble repas est préparé, l'enfant sourit; il est vraiment, chez lui. Et là, il se redresse; il a retrouvé sa dignité, sa royauté, il est chef de famille.
Rappelons-nous la fière parole de la Sunamite
« J'habite au milieu de mon peuple. » Au milieu de mon peuple, oui, c'est cela; il faut que chacun puisse en dire autant. On n'est quelqu'un que quand on a un chez soi; le home est une forteresse, nous nous y retirons, pauvres et riches, aussi tranquilles que le châtelain du moyen-âge derrière ses fossés et ses ponts-levis. Là il y a une indépendance pour les plus dépendants, une force pour les plus faibles. Si humble que soit notre situation au milieu des hommes, nous sommes, dans notre famille, au niveau de tout le monde; notre autorité est aussi entière, notre bonheur repose sur le% mêmes bases. Nous habitons au milieu de notre peuple, les vagues du dehors viennent expirer sur notre seuil. Ainsi se révèle à l'un de ses traits principaux la grande égalité, celle qui s'établit par le haut et non par le bas. Ah, quand les posera-t-on dans leurs vrais termes, ces problèmes magnifiques de l'égalité et de la liberté?

La famille, lorsqu'elle est ce qu'elle doit être, traverse les joies et les épreuves, toujours intacte, toujours protectrice, toujours enfantant des hommes libres et des hommes forts. Pourquoi l'esprit humain semble-t-il parfois n'avoir plus la force de se tenir debout ? Parce que son appui lui a manqué. La personne humaine, la vraie personne, ne se passe pas d'un tel appui; pour être nous, il nous faut les nôtres. Douce loi que Dieu a donnée à l'homme et qui fait de notre bonheur le gardien de notre conscience ! La conscience et le bonheur vont ensemble, et notre conscience ne s'inquiète pas de nous seuls, et notre bonheur n'est pas un bonheur solitaire; entre l'individualisme et l'égoïsme la famille intercepte tous les chemins.

Autant l'individualisme est fier, autant l'égoïsme est servile. On l'a dit avec une haute raison, il y a aujourd'hui chez nous plus de servilité que de servitude. Étranges gens que nous sommes, qui nous imaginons que la liberté dépend surtout des institutions 1 Je n'en fais pas fi, mes amis le savent; mais la plus belle charte du monde ne vaut cependant pas à mes yeux le moindre progrès de l'indépendance des coeurs. Notre dépendance nous vient de nous bien plus que des autres, de notre état moral bien plus que de notre situation politique, du dedans bien plus que du dehors. Donnez-moi des hommes libres, et je vous garantis que vous aurez un peuple libre.

Qu'est-ce qu'un homme libre? Celui qui a beaucoup d'argent, qui occupe une place importante, qui donne des ordres et n'en reçoit pas? Chacun sait ce qu'il en est; nous connaissons tous des esclaves couverts de broderies; et tous aussi, nous connaissons, Dieu merci, des hommes libres auxquels font défaut les éléments de l'indépendance extérieure. Voyez-les, ils portent la tête haute; humbles devant Dieu, asservis au moindre devoir, sévères envers eux-mêmes, ils ne courtisent ni le pouvoir ni l'opinion. On m'approuvera ou on me blâmera, je suivrai mon chemin, j'obéirai à ma conscience, je servirai mon Dieu; mon bonheur et mon repos ne sont pas à la discrétion du premier venu; il ne sera pas dit qu'un bruit répandu, une calomnie colportée, une appréciation injuste de ma personne ou de mes oeuvres auront le pouvoir de troubler ma vie et d'assombrir ma demeure.
Que c'est beau de dire cela, de penser cela ! Que c'est beau, et que c'est bon ! et que c'est difficile ! et que c'est rare ! Trouvez-moi ici-bas rien qui soit plus fort, plus noble qu'un homme libre !
Nous dépendons des hommes dans la mesure exacte où nous ne dépendons pas de la vérité et de Dieu qui nous l'a donnée. Ceux qui reconnaissent les droits de la vérité, ceux qui subissent le saint esclavage du vrai, ceux-là seuls peuvent regarder en face le nombre, la violence et l'opinion.

Il faut du courage pour ne pas se courber devant l'opinion. Quiconque a écrit un livre, et je m'en souviens en ce moment, sait qu'il lui arrive souvent de tourner des yeux inquiets vers quelque chose de lointain, qui viendra plus tard, et qu'on nomme un article de journal. Je ne me fais pas plus stoïque que je ne suis, et j'avoue qu'un bon article, bien cordial et bien sympathique, me causera toujours un vrai plaisir; mais j'ajoute que lorsque le désir devient trop vif ou la crainte trop intense, nous descendons vite à un état de dépendance réelle.
Elle serait longue et lamentable la liste des concessions que nous avons faites au succès. Oui, nous-mêmes, qui nous croyons libres et fiers, si nous examinions de très-près nos actes et nos écrits, nous découvririons avec rougeur que mainte fois nous avons fait fléchir une conviction, nous avons ajourné une vérité inopportune, nous avons adouci une expression loyale et malavisée. C'était dans l'intérêt de nos idées, bien entendu, que nous montrions tant de prudence; pour nous-mêmes, oh, cela s'entend, nous n'aurions pas sacrifié un atome de vérité ou de justice ! Par malheur, il est assez difficile et encore plus dangereux de distinguer ainsi entre nous et notre cause; dans ces analyses subtiles, on risque de perdre un peu de sa droiture d'âme.
Le fait est que nous avons vu devant nous une coterie. Une coterie, c'est terrible. Cela manoeuvre comme un seul homme; cela ne pardonne jamais le crime d'indépendance; cela poursuit à outrance les esprits qui ne se laissent pas enrégimenter; cela n'a qu'une conscience collective, c'est-à-dire une conscience peu gênante. Telle coterie a des ramifications à l'infini; elle dispose de tout un public, elle fait l'opinion. Aussi voit-on de fort honnêtes gens qui attendent ses arrêts pour avoir un avis: ils penseront de cet acte, de ce livre, ce qu'elle aura jugé bon d'en penser. Malheur à qui encourt son déplaisir ou celui d'un de ses membres dirigeants! La coterie (mondaine ou chrétienne, il n'importe) éprouvera le besoin de faire un exemple.
Eh bien, hésiterons-nous à exprimer nos pensées, à soutenir la vérité et le bon droit, parce qu'un homme isolé n'est rien en face d'une vaste camaraderie? L'homme isolé n'est rien; mais Dieu est quelque chose, et lui seul donne ou refuse le succès. D'ailleurs la fidélité serait trop commode, si elle ne coûtait jamais un sacrifice.
Elle en exige toujours et partout. Pas n'est besoin d'avoir affaire aux coteries et aux journaux pour rencontrer le maître impérieux qui réclame nos hommages. Dans le moindre hameau, un paysan qui ne se mêle ni de politique, ni de littérature, ni de théologie, a précisément la même peine que nous à manifester son indépendance. N'y a-t-il pas là des voisins? N'y a-t-il pas des meneurs? N'y a-t-il pas des despotes? N'y a-t-il pas une règle de conduite adoptée, et en quelque sorte obligatoire? Que dira-t-on si vous vous révoltez, si vous vous écartez de l'ornière?
Que dira-t-on? Eh bien, la famille nous apporte ce qu'il faut pour poser cette redoutable question sans frémir. Elle nous offre un refuge de paix, elle nous environne de sympathies, elle nous accoutume à envisager avant tout le devoir, elle nous donne de mâles conseils.

Mais, je te le répète, si elle fortifie notre indépendance, il est certain qu'elle a droit d'y compter. Nous la recevons d'elle en bonne partie, et nous sommes tenus de la lui apporter aussi; ne songer qu'au bien qu'elle nous fera, ce serait mettre en oubli celui que nous devons lui faire. Nos obligations passent avant nos privilèges.
Nous aurons donc de l'indépendance pour la famille et de l'indépendance par la famille. Mais il est d'autres vertus viriles qui sont autant de devoirs. Sans prétendre épuiser la liste, je ne crois pas inutile d'en indiquer quelques-unes.
La vraie famille porte conseil, passez-moi l'expression; il est des choses qu'on ne fait pas, quand on habite au milieu de son peuple. Ces destinées, ces tendresses, ces consciences liées à la nôtre, nous font entendre au fond de l'âme comme un perpétuel garde à vous.
C'est ainsi que nous apprenons la droiture. (Nous avons tout désappris, nous sommes réduits à tout apprendre, hélas !) La sincérité absolue siège au foyer des chrétiens. Là, je tiens à le rappeler sans cesse, on ne fait point la part du feu, on ne se montre pas tolérant aux dépens de la morale et au grand péril des âmes. Les affections élevées ont le secret de reprendre sans blesser; elles acceptent une douleur momentanée plutôt qu'un durable abaissement.
C'est dans cette pure atmosphère que se développent les habitudes de loyauté. La passion austère du vrai s'empare des coeurs; on se met à être vrai dans ses sentiments et dans ses paroles; on répudie la théorie des mensonges à bonne intention. Dans un temps où l'on ment beaucoup, où l'éducation en particulier est étrangement faible sous ce rapport, la mission des familles véridiques ne sera pas médiocre. Quand on nous ferait quelques Alcestes chargés de tenir tête à la multitude des Philintes, je n'y verrais pas grand mal.
Nous ne manquerons jamais de gens pour nous dire :

Je prends tout doucement les hommes comme ils sont.

Donnez-nous en qui sachent dire :

Morbleu, c'est une chose indigne, lâche, infâme

De s'abaisser ainsi jusqu'à trahir son âme.


Il n'est pas d'âme « un peu bien située» qui ne tressaille d'aise à l'ouïe de telles paroles. Cela fait du bien, cela restaure. Ah, le culte du vrai! Quelle bénédiction lorsqu'il existe sous notre toit, lorsqu'on s'y aime dans la vérité, lorsqu'on y sert Dieu dans la vérité, lorsque chacun lui demande de renverser ses convictions les plus chères si elles sont contraires à la vérité, lorsque personne ne veut ni des mensonges agréables, ni des douces illusions, lorsqu'on s'attache à ne pas exprimer plus qu'on ne sent !
Les consciences alors deviennent délicates : vaste sujet, qui réclamerait aujourd'hui, non pas quatre lignes, mais un volume. - Les tentations de l'argent, par exemple, ont pris des formes tellement subtiles, que nous pourrions nous laisser aller à faire des choses indignes, sans nous adresser le moindre reproche sans nous poser la moindre question. Maître Guérin, cette conception énergique de M. Émile Augier, nous fait toucher du doigt les infamies qui tendent à se mêler aux affaires. C'est un grossier personnage et nul ne voudrait l'imiter en tout; cependant il formule une théorie que le, monde ne repousse pas toujours, quand il distingue entre la forme et le fond, se refusant à examiner le fond de trop près, pourvu que la forme des actes soit régulière et que la loi ne soit pas violée. L'entendez-vous adresser à son fils cette mercuriale, éloquente dans son cynisme : « Mon garçon, ton honneur a des élégances ruineuses ! »
Nous nous indignons, n'est-ce pas? Et toutefois les respectons-nous comme nous le devrions, ces élégances ruineuses et précieuses de l'honneur! Je crains que l'honneur, sans ces élégances-là, ne soit pas toujours assez chatouilleux. La simple probité, je parle d'elle, ne se passe pas de quelques scrupules.

La famille nous rend scrupuleux ; elle nous rend humains. L'humanité, n'en doutons pas, est aussi une vertu virile; elle convient aux hommes forts. Il faut être si lâche pour être cruel ! Vous êtes-vous demandé quelquefois ce que contient le coeur d'un homme capable de faire souffrir des prisonniers, ou des esclaves, ou de pauvres bêtes sans défense? Qu'aucune compassion ne s'éveille, qu'aucune générosité ne s'émeuve, lorsque la pauvre victime, qui ne saurait se venger, lève de doux regards désolés vers le ciel, cela suppose un abaissement moral qui épouvante la pensée.

Les familles où la cruauté est tolérée, applaudie peut-être, où l'on apprend aux enfants à rire des tortures d'un animal, où on les raconte avec complaisance, où l'on en plaisante devant eux, où l'on ne flétrit pas avec une sévérité implacable les attentats de cette nature, sont des familles qui manquent à leur premier devoir. Il n'est pas de signe auquel on reconnaisse mieux les saines influences de la maison paternelle que l'énergie et l'humanité des enfants. Cette bonté dans la force est le commencement d'un homme; il n'y a pas d'hommes sans cela.
Il n'y en a pas sans indignations vigoureuses. « Mettez-vous en colère et ne péchez pas, » dit l'apôtre. Heureuses les familles qui voient éclater des saintes colères ! On n'y prend pas son parti des injustices et des crimes; on n'y arrange pas des expressions parlementaires pour critiquer les infamies avec prudence et s'irriter avec modération. La mollesse du blâme est une complicité.
Les courageux ont moins de réserve. Et le courage figure, bien entendu, sur la liste des vertus viriles, auprès de l'indépendance, de l'humanité et de la droiture. Les rapports sont étroits entre la bonne conscience et le courage; rappelez-vous en quels termes Job a parlé des terreurs du méchant : « Il est toujours regardé par l'épée. » L'homme intègre ne vit pas sous cette incessante menace; il se sent en sûreté, il sait quel bras le protège; on le lui a enseigné dans sa famille. Là il a vu, je me borne à cet exemple, il a vu souffrir sa mère. L'énergie des femmes, qui la dira? Dans le travail et dans les inquiétudes de la vie, dans le péril, dans l'anxiété des résolutions à prendre, dans la maladie, dans les douleurs vives, dans les infirmités prolongées, dans les privations d'un affaiblissement sans remède, elles nous donnent des leçons admirables. Les égalons-nous? Nous devrions les surpasser; il s'agit de vertus viriles.

À l'école de leurs mères et de leurs pères, les jeunes gens des vraies familles deviendront ce qu'ils doivent être. Si la chevalerie doit jamais renaître, c'est de là qu'elle sortira. La chevalerie, qu'est-ce au fond? La rencontre du devoir et de l'enthousiasme.
Or, précisément la famille nous enseigne à la fois l'enthousiasme et le devoir: elle émeut les sympathies, elle met les âmes en vibration, elle fait aimer ce qui est bon, elle fait rêver de ce qui est grand, elle attendrit et elle fortifie. Les chevaliers des temps modernes (Il nous en faut) ne se formeront point ailleurs.
Mais cela ne s'accomplira pas tout seul. La famille n'agit sur nous que lorsque nous comprenons nos obligations envers elle. Dispensons-nous des efforts que réclament les vertus viriles, aussitôt le toit domestique perd son influence salutaire et sa dignité. Connaissez-Nous rien d'aussi banal que certaines familles? Il n'y a plus de sanctuaire, c'est le carrefour; on y vient et l'on ne se sent pas chez soi, on est à la rue. Pourquoi? Parce que l'indépendance fait défaut, parce que le refuge inviolable n'existe pas, parce qu'on dépend de l'opinion d'autrui, parce qu'on attend tout du dehors, parce qu'on vit de la vie de dehors. La famille n'est plus la famille, quand elle répudie sa belle devise : La force dans la tendresse.

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1 Le latin a exprimé le mot de Palissy avec cette concision qui n'appartient qu'à lui : Cogi nescio, mori scio. 
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