L'oubli de soi est d'ordinaire à la base
du support. Ce sont pourtant deux devoirs distincts
et qui veulent être étudiés
séparément. On rencontre des hommes
forts, patients, qui pardonnent ou acceptent sans
murmurer les torts des autres, pourvu qu'on leur
permette de s'absorber en eux-mêmes. Qu'on
les laisse tranquilles, c'est tout leur souhait;
ils ne troubleront d'ailleurs la
tranquillité de personne. Ils sont paisibles
à force d'être égoïstes.
Cénobites de la famille, ils se construisent
leur cellule bien solitaire, dans
un bon petit désert connu d'eux seuls,
où ils se sentent à l'aise, loin du
bruit, loin des dérangements, loin des
étrangers, et surtout loin des
leurs.
Notre grand ennemi, c'est
l'égoïsme. Il se glisse dans les
familles comme ailleurs, et dans les meilleures et
chez les meilleurs membres des meilleures familles.
Nous avons toutes les grandes vertus, nous
remplissons tous les grands devoirs nous
accomplirons peut-être tous les grands
sacrifices; seulement ne nous demandez pas les
bagatelles.
Les bagatelles ont leur importance, et
aussi leur valeur morale, par-dessus le
marché. Il est plus difficile souvent de
s'oublier dans le détail de la vie que de
prendre, à un jour donné, sous
l'excitation d'une circonstance exceptionnelle, une
héroïque résolution.
L'égoïsme des héros formerait le
sujet d'une étude humiliante pour
l'humanité ; elle prouverait qu'à
part un petit nombre, ceux qui se sont
illustrés par leurs hauts faits ont
oublié de se gêner pour leur famille,
et que souvent on a payé bien cher au logis
l'éclat de leur rôle public. Sur ce
point comme pour les autres, le classement
définitif nous réserve de rudes surprises; plus
d'un
grand
homme d'ici-bas se trouvera petit là-haut;
et, par mesure de compensation, nous
découvrirons là-haut des grandeurs
que nous n'avions pas daigné voir ici-bas,
les grandeurs du dévouement ignoré,
de l'oubli de soi, du don de soi, les saintes
grandeurs de la famille.
La famille réclame des sacrifices
sans gloire, des sacrifices de tous les jours.
C'est un de ses mérites de nous gêner,
de nous soumettre à la discipline du
renoncement. Elle donne beaucoup, parce qu'elle
exige quelque chose.
Si personne ne consent à immoler
ou à subordonner ses convenances, si chacun
s'abandonne à ses passions, même
légitimes, si nos plans, nos études,
nos goûts, nos préférences
deviennent des articles de foi, si c'est l'arche
sainte sur laquelle on ne jurait porter la main
sans sacrilège, si nous prétendons
aimer sans témoigner, avoir une famille sans
vivre en famille, être époux et
pères sans donner une heure de notre temps,
nous ne tarderons pas à reconnaître
qu'aucune plante ne supporte le vide; les plus
délicates sont celles qui y meurent le plus
promptement.
L'Évangile, qui a aboli les
sacrifices, nous a conservé cependant le
titre étrange de « sacrificateurs.
» D'où vient cela? La réponse
est aisée; il reste, il restera toujours des
victimes à immoler ; l'esprit de sacrifice
ne saurait cesser d'être le signe visible des
enfants de Dieu. Et les occasions de s'exercer ne
lui manquent pas; au sein de l'existence la plus
humble et la moins accidentée, loin des
périls de la place publique, loin des
persécutions et des Webers, le
chrétien a des sacrifices à faire,
sacrifices douloureux entre tous, bienfaisants et
doux entre tous, sacrifices de chaque heure, que le
monde ignore, que la famille elle-même ne
discerne pas toujours, et que rappelle le mot
écrit en tête de ce chapitre :
s'oublier.
La pente de l'égoïsme
honnête est glissante. Il en est de lui comme
de tous les vices honnêtes, qui ont coutume
d'être les plus dangereux de tous. Chez ce
père qui prépare l'avenir de ses
enfants, l'amour de l'argent prend une apparence
respectable; chez ce philanthrope ou chez ce
chrétien qui court de comité en comité, le
désir d'échapper aux devoirs de
famille et de dissiper sa vie au dehors a
emprunté un déguisement
derrière lequel personne n'ose le
reconnaître; chez ce savant qui immole le
bonheur des siens à ses recherches,
l'idolâtrie de ses convenances et de ses
goûts adopte un nom sous lequel elle devient
presque inviolable. Les vices honnêtes ont
cela de perfide qu'ils ne trompent pas seulement
les autres, ils nous trompent souvent
nous-mêmes. Semblables aux mauvaises bonnes
oeuvres, que protégea de tout temps une
impunité absolue parce que le bien qu'elles
renferment rend vénérable le mal
qu'elles font et ferme la bouche à ceux qui
voudraient le dénoncer, ils se maintiennent
glorieux, inattaquables et triomphants.
Prenons l'exemple le plus ordinaire. Un
homme a des travaux de cabinet à poursuivre.
Ne faut-il pas qu'il établisse de l'ordre
dans sa journée et qu'il mette ses heures de
travail à l'abri des dérangements?
Oui, certes, l'ordre est excellent en soi et je ne
vois rien à admirer dans le gaspillage de la
vie. Résister en face aux faux devoirs,
limiter le temps livré au monde et aux visites,
refuser de
courber la tête devant les
nécessités prétendues qui
rendraient impossibles la méditation et
l'étude, c'est obéir aux indications
du bon sens. Mais prenons-y garde, ce qui est
parfaitement simple et légitime peut devenir
détestable, pour peu que nous nous laissions
entraîner par notre passion.
J'en sais quelque chose. J'ai connu ces
entraînements-là, je les connais
encore; elle se fait encore entendre à mes
oreilles la voix qui dit : Tu perds ici ton temps,
ton temps précieux et dont tu ferais
ailleurs un si bon emploi. Pourquoi ne pas
abréger les heures consacrées a la
vie en commun? Pourquoi ne pas resserrer le cercle
des relations? Pourquoi ne pas rompre avec les
obligations sociales?
Une fois qu'on s'est mis à
raisonner de la sorte, on va loin. Dans la balance
où nous pesons tour à tour les divers
devoirs de famille et de société, le
plateau qui porte nos chères études
est si lourd que l'autre plateau a peine à
l'emporter, quel que soit l'objet qu'on y place. Je
me souviens, non sans remords, du temps où,
sottement absorbé par les occupations (fort peu
importantes) de chef du cabinet de
l'intérieur, je ne savais pas trouver une
heure pour une jeune femme exilée et
solitaire dans les appartements du
ministère. Je me souviens que, plus tard,
dominé par la pensée fixe de mes
recherches, je ne montais pas seul en voiture sans
prendre un livre avec moi. Que de fois je me suis
arrêté à la promenade, pour
écrire en hâte ma note,
m'efforçant de n'être pas vu, car nia
conscience au fond m'avertissait de mes
torts!
Mais la conscience en pareil cas ne le
prend pas de très-haut,
l'égoïsme du travailleur étant
un de ces vices honnêtes dont j'ai
parlé. J'ai connu deux hommes excellents
qui, à un moment de leur vie, en
étaient venus, l'un à réduire
sa femme et ses enfants au silence pendant la
soirée entière parce qu'il
était résolu à poursuivre ses
travaux auprès de l'unique lampe du salon,
l'autre à lire les journaux pendant ses
repas. Le grand Haller se gênait encore moins
: en présence de sa famille muette et
consternée, il avait pris l'habitude
d'étudier à table des ouvrages
scientifiques; on s'asseyait, on mangeait, on
buvait, puis on se levait sans
avoir échangé une parole; ces moments
réservés aux joies de la vie
domestique étaient confisqués au
profit de la science et de
l'égoïsme.
On peut n'apporter à table ni un
livre ni un journal, et y apporter un esprit tendu,
préoccupé ; on peut y poursuivre la
solution d'un problème et n'y prêter
qu'une oreille distraite aux mille riens que la
famille a besoin d'échanger pour vivre. Si
nous ne savons pas fermer à double tour en
le quittant la porte de notre cabinet, si nous
traînons partout avec nous quelque question
qui demeure au premier plan, nous manquons
positivement à notre devoir; ceux que nous
prétendons aimer et que nous aimons vont
dépérir autour de nous. Ils ont droit
à une portion de nous-mêmes, et nous
la leur refusons. Personne bientôt n'ose plus
ouvrir la bouche, si ce n'est pour disserter sur un
sujet grave ou pour proférer une maxime;
personne n'ose rire, que dis-je? on n'y pense plus.
Le pauvre rire a fui, comme le laisser-aller, comme
les caresses, comme les saillies sans
prétention. Peu à peu le froid gagne
; si cela continue, la famille
subira cet affreux supplice de la mort par
congélation.
Ou l'oubli de soi, ou l'oubli des
autres, voilà l'alternative en
présence de laquelle on est toujours
placé ici-bas. Supposez que des deux termes
qui la composent nous n'ayons pas choisi le
premier, que ferons-nous à l'heure où
surviendra un nouveau devoir? Les devoirs anciens
étaient déjà bien mal remplis;
celui-ci, comment le remplirons-nous? Un des
nôtres est tombé malade, sa maladie
sera longue, elle réclame nos soins, il
s'agit de donner du temps, il s'agit d'ajourner des
travaux, de modifier des arrangements dont
l'importance nous paraît extrême; il
s'agit, en un mot, de faire un sacrifice. Ce
sacrifice, le ferons-nous? Le ferons-nous de bon
coeur, ce qui est la seule façon de le bien
faire?
Ceux qui ont lu le chef-d'oeuvre de
Balzac, La recherche de l'absolu, savent à
quelles tragédies aboutissent de fort braves
gens lorsqu'au nombre de leurs vertus ils ont omis
de placer l'oubli d'eux-mêmes et l'esprit de
sacrifice. M.
Tan
Claes est un homme honnête, excellent, tendre
même, et qui finit par faire mourir à
petit feu (à grand froid, veux-je dire) la
femme qu'il aime passionnément. Que
voulez-vous? Avant sa passion il a mis son idole,
et à son idole il immole toutes ses
pensées, tout son temps, toutes ses
ressources. Il ne vit que pour elle; son
intelligence s'y absorbe, son coeur s'y atrophie ;
à la poursuite d'un résultat qu'il
est toujours sur le point d'atteindre et qui lui
échappe toujours, il va, va encore,
n'apercevant plus qu'une chose, marchant sur sa
famille, sur ses tendresses, jusqu'au jour
où auprès d'un lit de mort il voit,
je me trompe, il entrevoit un instant son
crime.
Dans ce monde, on tue autrement que par
le poison ou le couteau; chacun de nous a pu
rencontrer des assassins honnêtes gens. Ils
donnent la mort sans le vouloir, sans le savoir,
par distraction, par omission. Ils ont suivi leur
idée et oublié leur famille.
Quelquefois, chose touchante et
navrante, la contagion de l'idée a
gagné la famille elles-mêmes, elle
s'est offerte en sanglant holocauste. Je connais
quelque part, dans un pays que je
ne veux pas nommer, un homme d'un vrai talent et
d'un grand caractère, qui, consacré
au culte d'une pensée, a donné tout
ce qu'il avait, lui et les siens. Les siens se sont
donnés aussi. La famille a péri,
membre après membre, au service de
l'idée. Pas un murmure : il faut que son
chef travaille à cela et à cela
seulement; il faut qu'ils meurent pour cela, c'est
dans l'ordre. Et tous, le regard en haut, ils ont
soutenu sans faillir les assauts de la
misère et de la mort. Maintenant, il demeure
seul, lui; il survit à sa femme, à
ses enfants; il a fermé les yeux de sa
dernière Cille et son front blanchi ne
fléchit pas; il vit par l'idée,
l'idée le porte ; par-dessus ces tombes
qu'il a creusées, elle lui montre quelque
chose, et ce quelque chose lui tient presque lieu
de tout le reste.
Ah, ici je m'incline. La
consécration à une idée vaut
certes mieux que l'asservissement à des
habitudes et à des travaux. En
présence de telles immolations, en
présence de tant d'amour et de tant de
douleurs, j'ose à peine blâmer; je
reconnais que ce père qui a sacrifié
les siens, s'est sacrifié avec eux. Pourtant les
devoirs envers
la
famille ont-ils été remplis ?
C'est sérieusement que je pose la
question. Pour les vérités de l'ordre
moral (même pour les erreurs, quand elles
sont à nos yeux des vérités),
pour la foi, pour la justice, pour la
liberté, il est beau de marcher avec ses
bien-aimés au devant de la misère et
de la mort. Mais les vérités d'un
autre ordre n'ont pas les mêmes droits : nous
sommes époux et pères avant
d'être savants; aucune découverte ne
vaut la destruction du bonheur de famille.
Montrez-moi le plus grand homme du monde ; s'il
s'est absorbé dans ses poursuites au point
d'oublier ce qu'il devait aux siens, si autour de
lui on est mort de faim, de faim morale ou
physique, tandis qu'il nourrissait son âme de
sa passion, s'il a moins aimé sa famille que
son étude, s'il a eu une idole, je ne
craindrai pas de dire qu'il a foulé aux
pieds des obligations sacrées. Nos idoles
sont toujours dressées par notre
égoïsme; en nous immolant à
elles, c'est à nous que nous nous immolons.
Parmi les idoles, j'ai choisi la plus
belle; j'ai cité l'exemple le plus propre
à nous faire hésiter. Il y a chez
l'homme qui se donne à une idée,
quelque chose qui émeut notre âme et
intimide notre jugement.
Lorsqu'en outre cet homme a
cherché à défendre son coeur
contre sa tête, lorsque la sécheresse
scientifique ne l'a pas entièrement envahi ,
lorsqu'il est demeuré vivant et aimant, nous
hésitons à le condamner; notre
blâme, qui prend la forme d'un regret, est
accompagné de respect. Oui, nous ne nous
permettons guère d'aller au delà du
regret : Pourquoi n'est-il pas resté homme
de famille? Pourquoi n'a-t-il pas maintenu la
hiérarchie des devoirs? La science n'y
aurait rien perdu, au contraire; elle n'est jamais
cultivée avec plus de vigueur, d'entrain et
de succès, que lorsque le savant vit de la
vie normale, s'abreuve aux sources pures de la
tendresse, puise des forces journalières
dans le bonheur des siens. Mettre chaque chose
à sa place, ce n'est pas s'affaiblir ; il
n'est pas être trop tard;
nous nous serions identifiés à tel
point avec notre idée, qu'il nous
deviendrait impossible d'accepter un échec.
Nous en souffririons outre mesure, nos alentours en
souffriraient, il y aurait des conflits douloureux,
l'unité de sentiments de la famille serait
compromise.
Que si nous savons, en demandant le
secours de Dieu, nous décharger de nos
préoccupations et nous confier en Celui qui
connaît ce qui nous est bon, si nous
parvenons à réprimer en nous la
prétention insensée de
préparer et de régler l'avenir, alors
nous aurons la paix. Alors nos désirs ne
seront pins que des désirs ; ils seront doux
et soumis, ils perdront leur amertume, ils ne
troubleront plus nos tendresses, ils n'alarmeront
plus la sécurité du foyer.
Alors aussi nous découvrirons ce
qu'il y avait d'égoïsme latent au fond
de ces projets dont ne s'inquiétait pas
assez notre conscience. Dans la mesure où
nous nous oublierons nous-mêmes, nous les
reléguerons à leur rang
légitime.
C'est en termes bien plus
sévères qu'il faudrait parler d'une
autre passion dont l'influence desséchante
ravage un grand nombre de familles. Lorsque
l'ambition s'est emparée de nous, nous lui
appartenons en esclaves. Et pour être
ambitieux, il n'est pas nécessaire d'aspirer
à un portefeuille; la poursuite ardente des
succès extérieurs s'accomplit
à tous les degrés de la
hiérarchie sociale. Un succès de
village fait battre le coeur comme un succès
de tribune.
La femme de l'ambitieux a une rivale,
les enfants de l'ambitieux tiennent souvent moins
de place dans sa vie que l'intrigue qui le menace,
que le journaliste qui peut lui nuire, que les amis
flottants qu'il s'agit de rallier, que l'opinion
des hommes qu'il méprise, que les propos
d'un salon, que les bavardages de quelques
désoeuvrés.
Et avec quelle ardeur il poursuit son
but! Rassuré par la pensée que son
triomphe sera celui de la justice, il ne se demande
pas si le triomphe de la justice obtenu par
d'autres lui ferait le même plaisir. Il se
confond avec sa cause, et insensiblement sa cause
s'incarne en lui. Qui dira s'il n'est pas devenu sa première
pensée et
s'il ne serait pas prêt à effacer un
peu les couleurs de son drapeau ou à le
mettre un 'moment dans sa poche, plutôt que
de compromettre son succès personnel
?
Les tentations qui le sollicitent sont
fortes. À supposer même qu'il ait la
grande ambition, celle qui ne fléchit pas
pour réussir, il est certain que son
rôle public repousse à
l'arrière-plan ses devoirs de famille. Il
aime les siens, oui ; il leur consacre à la
hâte quelques instants ; mais sa grande
mission auprès d'eux est oubliée. Ce
n'est pas seulement l'abdication provisoire
qu'imposent parfois des circonstances
exceptionnelles, c'est une renonciation
réelle. Son esprit, en effet, est ailleurs ;
l'intérêt dominant de sa vie est
ailleurs.
J'ai connu ces émotions et je
sais ce qu'elles ont de malsain. On a beau
n'être qu'un simple soldat, on rêve les
épaulettes de général. Je me
rappelle mes débuts à la Chambre ; la
bienveillance de mes collègues les avait
facilités ; des encouragements imprudents
avaient éveillé ces pensers secrets
que nous avons presque tous, je crois, au fond de
nos âmes; la situation de
mon père semblait m'encourager aussi. Je
pressentis alors ce que pouvait devenir une
existence envahie à fond par l'ardeur
enivrante de la vie parlementaire : fixer les yeux
sur le public, consacrer ses forces à gagner
un à un les grades de l'avancement
politique, se dévouer aux affaires, y voir
son avenir, je n'ose dire son bonheur, tout cela
m'apparut, hélas, sans me rebuter. Dieu, qui
avait pitié de moi, me fit la grâce de
m'arrêter. Il mit sur mon chemin deux ou
trois de ces gros obstacles qu'il n'est
donné à personne de franchir : nos
réclamations protestantes, la liberté
religieuse, l'abolition de l'esclavage, la
réforme des abus attachés aux
sollicitations des députés. Il n'en
fallait pas tant ; je fus classé parmi les
esprits absolus et les hommes impossibles. Quelle
chance, et combien je m'en suis
félicité depuis !
Maintenant que je considère ces
choses de bien loin, J'ai eu tout le loisir de
faire mon examen de conscience. Or, voici ce que
j'ai reconnu, pour ce qui me concerne du
moins.
À côté de l'ardeur
légitime de servir notre pays et nos convictions,
une passion
toute personnelle vient souvent se glisser en nous.
Nous rêvons l'éclat et l'influence ;
nous palpitons à la seule idée de
certains succès; et notre âme se
dessèche, et nos devoirs de famille
s'effacent, et nos meilleures tendresses se sentent
menacées. Un pas de plus, et nous
deviendrons peut-être de francs
égoïstes, incapables de pratiquer ou
même de comprendre ce grand devoir qui se
nomme l'oubli de soi.
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