Je supplie en particulier les mères
d'éviter une tentation qui se
présente à elles presque toujours
donner à leur enfant la place de leur mari.
Cela semble si simple ! Le mari lui-même en
est si peu surpris! Lit passion exclusive de la
mère pour son enfant rencontre tant de
sympathies ! Et précisément,
voilà le danger. On ne pense plus
qu'à son enfant, et le mari, qui n'est ni
étonné, ni blessé, prend peu
à peu les habitudes du
second rang. Or, il n'y a pas de second rang pour
les époux; c'est tout ou rien; le vrai
mariage est ou n'est pas, voilà la seule
question.
Je parle du mariage tel que
l'Évangile l'a voulu, et non de celui que le
moyen-âge avait conçu.
Celui-là, honteux de lui-même,
rabaissé, sorte de pis-aller des âmes
imparfaites et de compromis avec la faiblesse
humaine, n'avait d'autre but, ou mieux d'autre
prétexte, que les enfants. Maintenant nous
avons recommencé, je l'espère,
à regarder vers un meilleur
idéal.
Si les enfants sont une grâce
précieuse, s'ils apportent avec eux de
nouveaux devoirs bien chers, s'ils ajoutent aux
joies de la famille et aux liens établis
entre les époux, il n'en demeure pas moins
vrai que le mariage est complet en soi, qu'il
possède par lui-même ce qui constitue
son essence, que Dieu met son cachet sur l'union
dès la première heure, qu'elle est
dès lors grande, belle, abondante en
bénédictions.
Oublier cela, c'est s'exposer à
descendre beaucoup. Toute mère qui
chérit son mari me comprendra. Elle se
sentira pressée de veiller sur elle,
d'écarter jusqu'à l'apparence d'une
rivalité intérieure, de redoubler de tendresse
envers celui
qui
est son bien-aimé, son unique,
d'empêcher enfin que ce qui doit redoubler
leur affection ne contribue à l'affaiblir.
L'enfant n'en sera que mieux aimé pour
être resté à sa place, et la
famille entière s'affermira en
s'agrandissant.
Nous avons encore un pas à faire
: la soumission de la femme et l'amour des
époux amènent à leur suite
l'intimité.
L'intimité, le beau mot! et la
belle chose ! Est-il rien de plus délicieux
? Voici un coeur qui compte absolument sur un autre
coeur; on a foi l'un dans l'autre. Oui, foi; en
dépit des témoignages, des
apparences, jamais un doute ne naîtra, jamais
une question ne sera posée. Nous nous
connaissons, nous avons traversé ensemble
les épreuves (si réelles) de la
tendresse ; maintenant tout est certain, tout est
de bon aloi, tout a passé par le creuset;
nous nous aimions, maintenant nous sommes
un.
Oh, ravissement de croire en celui qu'on
aime! Longtemps, l'affection n'a pas
préservé ne certaines craintes, la vivacité des
sentiments n'était pas encore devenue de
l'unité. Mais le jour arrive où,
à force de s'aimer et de marcher côte
à côte, on n'a plus l'un pour l'autre
rien qui soit obscur ou secret. On a achevé
de se révéler et de se donner. Et
alors, en dépit des défauts que nous
savons bien, car l'amour chrétien, qui n'est
pas celui de la fable, n'a jamais eu de bandeau sur
les yeux, en dépit des défauts et des
misères, nous sommes sûrs.
On n'arrive point là sans
efforts. C'est un noble et laborieux métier
que celui des gens qui gardent et accroissent leur
trésor de bonheur. Il y a là toute
une création à accomplir lentement,
jour après jour, au sein de la famille. Oui,
les époux se créent
réciproquement ; ils deviennent autres
qu'ils n'étaient, ils apprennent, ils
découvrent des horizons nouveaux; à
mesure qu'ils avancent ils s'aperçoivent que
le lot qui leur échut est bien meilleur
qu'ils ne l'avaient d'abord supposé, que
leur voyage de la vie traverse des contrées
bien plus ravissantes qu'on ne le leur avait dit ;
ils marchent, ils marchent, leur point
d'arrivée sera Loin de leur point de
départ.
Mais aussi que d'obstacles sur la route!
Il a fallu les franchir courageusement. Ils ont
rencontré ces froissements, ces orages que
connaissent les plus tendres unions. Des torts
réels se sont produits ; des malentendus
sont venus çà et là jeter un
trouble passager dans leurs coeurs. Ils ont eu
besoin de supporter, de pardonner et de se faire
pardonner aussi ils ont eu besoin de croire. Le
véritable amour croit et ne se repent pas
d'avoir cru. La patience est une de ses vertus; il
saura attendre, il n'attendra pas en vain.
C'est ainsi qu'on parvient
jusqu'à l'intimité. Au reste, pour
arriver là, la première condition est
de ne pas prendre les chemins qui s'en
éloignent.
L'intimité est impossible,
lorsqu'un tiers , quel qu'il soit, intervient entre
les époux. Ce que la femme ne dit pas
à son mari, elle le raconte alors, et en
grand détail, à ce tiers. Ce sera une
mère, ce sera une amie
préférée, ce sera un
conseiller, un directeur. Et qu'on ne s'y trompe
pas, les protestants peuvent aussi avoir des
directeurs, le mari peut en, prendre un comme la
femme. Lorsque nos confidences
ne se renferment pas dans le
tête-à-tête conjugal, lorsque
les questions délicates du foyer se posent
ailleurs, l'union se dénature, elle descend
et il n'est plus question d'atteindre à la
communauté absolue des pensées et des
sentiments : un sacrifice immense de bonheur et de
sanctification s'est accompli.
Le monde aime les directeurs et il n'y
renoncera jamais. Le monde, au reste, s'empresse
à nous fournir les autres moyens
d'éviter l'intimité ; il nous
enseigne à dire : Chacun sa famille, chacun
ses intérêts, chacun ses travaux.
Autant de maximes qui coupent comme le tranchant du
glaive ; l'union n'y résiste pas.
Chacun sa famille. - Je ne veux rien il
y aura toujours une différence pour nous
entre notre famille et celle où nous sommes
entrés en nous mariant. Pourquoi exiger
l'impossible ? L'unité des sentiments ne
réclame pas la suppression de certaines
naturelles; elle vit de vérité, et
par conséquent elle n'impose à
personne des sentiments exagères ou
artificiels.
Mais autant il est simple que chaque
époux conserve aux siens
un attachement spécial et ne s'étonne
pas si à ses côtés on ne
l'éprouve pas au même degré,
autant il serait dangereux que ces
différences
dégénérassent en antagonisme.
Aisément on se laisserait entraîner
à ouvrir entre les deux parentés une
sorte de compte par doit et avoir, portant au
crédit de sa famille les soins, les visites,
les marques d'amitié qui lui sont dus, et au
débit de l'autre famille tout ce qu'elle a
reçu déjà. Il naît de
là une disposition à la
susceptibilité. Au fond des mots trop
souvent répétés : « ma
famille, sa famille, » il y a
déjà de la désunion. C'est le
tien et le mien qui font leur triste apparition
dans le ménage. On s'en défie
d'autant moins qu'ils ont pris cette fois un air
qui n'a rien de l'égoïsme, qui
ressemble même au devoir et au
dévouement. Les vices déguisés
en vertus, quelle amorce ! et nous allons, nous
allons ainsi, cessant de nous comprendre sur
certains points, presque en garde l'un contre
l'autre. Ce n'est pas le moyen d'arriver à
l'intimité.
On ne surmonte le mal que par le bien,
on ne surmonte les dissensions naissantes que par
un redoublement et on quelque sorte un
déploiement d'amour; il
s'agit de faire un retour offensif et de
décourager l'ennemi. Cet ennemi, je viens de
le dire, à plusieurs manières
d'attaquer: hier il s'embusquait derrière
notre famille, demain il s'embusquera
derrière notre fortune ; toujours le tien et
le mien.
Il n'entre pas dans mon plan d'aborder
les discussions techniques, d'examiner le
régime dotal et celui de la
communauté. Partisan de la complète
union, je veux, bien entendu, ce qui l'affirme
plutôt que ce qui. la nie; mais les questions
de régime ne sont pas ici les grandes
questions; ce qui importe, c'est l'esprit
qu'apportent les époux dans le maniement de
leurs intérêts. Il dépendra
toujours d'eux, en définitive, de rapprocher
au lieu de distinguer; leur contrat ne sera pas
plus fort que leur volonté, et une
communauté bien réelle finira par
s'établir, en dépit des
pièges, des traquenards, des palissades,
dont la main des notaires aura semé le
terrain sur lequel ils doivent se
rencontrer.
Leurs fortunes demeureront distinctes ;
et que leur importe? Ils n'en feront pas moins
bourse commune.
En vertu d'un partage tout naturel et
conforme à leur situation
respective, le mari administrera en grand et la
femme. en détail; l'un aura le maniement des
biens, l'autre aura celui du ménage. Ce sont
deux royaumes, mais dont les frontières se
touchent et dont les souverains voisinent
volontiers. Ne me parlez pas de ces maris qui
gardent pour eux le secret de leurs affaires, comme
on garderait un secret d'État; et ne me
parlez pas non plus des femmes qui ne savent pas
mettre quelquefois leur mari dans la confidence des
difficultés de leur administration. Il y a
une bonne grâce infinie dans t'habitude de
vivre à coeur ouvert.
Quelque chose fait obstacle à
l'intimité, lorsqu'une femme ne sait rien
des recettes, elle qui doit pourvoir à la
dépense, lorsqu'elle n'est consultée
sur rien, lorsque les placements, les
déplacements s'opèrent sans qu'elle
en soit avertie, lorsque les grandes choses sont
tenues à distance, comme inabordables pour
sa faible capacité. Bien que son mari soit
évidemment appelé à
décider et que son rôle de chef de
famille trouve là une de ses applications
incontestables, cependant l'avis de la femme n'est
point à mépriser. D'ailleurs,
indépendamment des lumières qu'elle apporte par
cela même que
son point de vue n'est pas le nôtre, qu'elle
est plus circonspecte et plus effrayée des
grands partis, plus préoccupée de la
régularité des ressources
journalières, plus frappée parfois
des considérations de délicatesse et
d'extrême loyauté, il est bon de lui
parler parce qu'il est bon de tout dire, de
s'entendre en tout, de s'unir en tout.
Peut-être y aura-t-il des heures
difficiles à traverser, peut-être y
aura-t-il des menaces de ruine, des
décisions à prendre, des
retranchements à opérer ; est-ce trop
alors de se mettre à deux pour vaincre la
tempête et gouverner vers le port? De quel
poids nous pèsera alors notre coupable
isolement ! Et qui nous rendra ce qu'il y aurait eu
de douceurs dans nos confidences conjugales? Nous y
aurions appris à nous mieux connaître,
à nous mieux aimer, à nous mieux
soutenir. « L'aide semblable à nous
» (j'y reviens toujours) aurait montré
ce qu'elle est capable de faire. Nous ne l'avons
pas voulu.
Et qu'arrive-t-il ? Non-seulement le
secours, la joie, le progrès des affections
nous font défaut, non-seulement cette main
n'a pas serré la nôtre à
l'heure où nous aurions
tout donné pour une telle étreinte,
mais un état de tension douloureuse s'est
établi entre nous. Les femmes sont
perspicaces; on leur cache bien moins qu'on ne le
croit les embarras par lesquels on passe. Elles ont
deviné, deviné comme on devine,
à moitié. Et quand on devine à
moitié, ou s'exagère les choses; ce
qu'une explication bien cordiale aurait aplani, se
transforme en difficulté sérieuse qui
trouble le bonheur domestique et compromet
l'union.
Les hommes qui ont la
vénération des affaires et qui
tiennent à habiter seuils ces hautes
régions ne savent pas tout ce qu'ils
retranchent ainsi au charme de leur vie de famille.
Je viens de parler des jours difficiles ; pourquoi
ne parlerais-je pas aussi des moments de
prospérité? Quelle joie de rendre
grâce à deux, de comploter à
deux quelque emploi charitable d'un surcroît
de ressources ! Il est mille choses à se
dire en pareil cas, des choses qui unissent
toujours plus, des choses qui rendent heureux et
qui font du bien, L'intimité ne vit pas
d'abstractions et ne résidu pas dans les
nuages; elle séjourne sur la terre, au
milieu des réalités d'ici-bas. Si
nous ne lui donnons que des
phrases, de beaux principes, des intentions
admirables, si nous lui enlevons les faits, elle
périra d'inanition.
C'est bien autre chose encore, si nous
la repoussons brutalement. On ne se borne pas
toujours à séparer les
administrations, on sépare les
intérêts; non content d'envelopper sa
gestion de mystère, ou souligne) on aggrave
les distinctions de fortune que les vrais
époux oublient le plus possible tout en les
respectant. Voici les biens de monsieur et voici
ceux de madame; madame aura une pension pour sa
toilette et pour ses pauvres; que sais-je? Il me
répugne d'entrer dans ces détails.
Que nous sommes loin de la famille! Qu'il sera
difficile de s'aimer avec abandon après
s'être si bien barricadé chacun chez
soi ! Comment, comment, au travers de tant de
fossés et de remparts armés en
guerre, parvenir à
l'intimité?
Je ne saurais assez le
répéter ici, qui dit intimité
dit communauté. Si elle recule devant ces
mots : « Ma famille, ma fortune, » elle
ne recule pas moins devant ceux-ci : « Mes
études, mes idées, mes travaux.
»
Encore une forme sous laquelle le tien
et le mien se glissent au foyer. Rien ne semble, au
premier abord, plus innocent. La vocation du mari
est-elle celle de la femme? De quel droit lui
imposerait-il l'ennui d'une association contre
nature? Faudra-t-il qu'elle fasse de la politique
s'il est à la Chambre, du droit s'il plaide
au Palais, de la médecine s'il est docteur,
des spéculations s'il est commerçant,
de l'agriculture s'il est fermier?
Eh bien, oui, il faut qu'elle en fasse.
Il y a bien des manières de s'occuper de
chaque chose. Je n'exige pas (cela la regarde)
qu'elle recommence son éducation et se mette
à l'étude pour mieux s'associer
à ce qui préoccupe son mari; je
prétends seulement qu'elle n'y saurait
demeurer étrangère, si elle aspire
à l'intimité. Les bons maris et les
bonnes femmes, laissez-moi les nommer ainsi, ne me
démentiront certes pas. Ils savent à
quel point est aisée au fond, et douce, et
nécessaire, cette mise en commun des
idées.
Est-il bien possible, quand on s'aime,
de s'isoler les trois quarts du jour, pour se
retrouver un moment, et
recommencer ensuite deux existences
réellement séparées? Nos
idées, c'est une grande part de
nous-mêmes et cette part, nous ne la
donnerions pas ! Sous quel prétexte? Je le
cherche en vain.
Quelqu'un aurait-il le courage de
soutenir que les femmes ne sont pas capables de
nous suivre dans nos sublimes méditations?
J'en doute. Si elles semblent parfois
absorbées par les chiffons, si tout ce qui
n'est pas leur ménage paraît les
ennuyer, la faute en est à nous. De quel
droit avons-nous méconnu le rôle
sérieux que Dieu leur destinait. De quel
droit avons-nous mutité leur vie? Nous seuls
les avons condamnées à
l'oisiveté intellectuelle; si elles avaient
été nos compagnes, dans le sens
élevé et complet du mot, elles ne
seraient pas ces créatures frivoles ou
bornées dont nous affectons de parler,
tantôt avec le dédain
qu'éprouvent les êtres
supérieurs, tantôt avec une adoration
où l'âme entre pour peu de chose et
qui n'est pas moins dépourvue de
respect.
Il ne s'agit pas de leur faire faire
à leur tour nos études
professionnelles; mais chaque vocation a son
côté profane, si j'ose parler ainsi,
par lequel elle est accessible
à quiconque pense et
réfléchit. Ce côté, qui
n'est pas le moins important, est celui que les
femmes, douées d'une intuition si prompte,
aborderont toujours aisément. Il n'y a pas
ici de règle absolue à poser: les
unes, plus intelligentes, plus
éclairées, peut-être plus
passionnées, iront assez loin; les autres
s'arrêteront vite en chemin. Qu'importe, pour
toutes le mur de séparation sera
tombé, la communauté des occupations
et des préoccupations sera
fondée.
Vous craignez de les fatiguer!
Rassurez-vous. Ce qui les fatigue, c'est de
végéter dans le vide, de passer
à côté de l'existence si pleine
de leurs époux sans être admises
même à s'y intéresser.
Lorsqu'on ne peut parler de rien de sérieux,
il faut bien recourir aux banalités, et
voilà la famille réduite à ce
maigre régime. Croyez-vous que cela fasse
des destinées bien agréables? Non
certes. Aussi chacun s'échappe-t-il
dès qu'il peut. Le mari a hâte de
retourner à ses livres, au travail de la
pensée, du moins aux amis qui sont en
état de le comprendre. La femme a, elle
aussi, son cercle de pensées et son cercle
d'amis.
Après avoir dans la mesure
convenable, l'ennui de se
rencontrer sans se rien dire de ce qui remplit
l'intelligence, on s'en va à ses vraies
affaires, à son vrai centre, à sa
vraie vie.
Entendons-nous bien, car ce sujet-ci est
semé d'embûches et il convient de
prendre ses précautions quand ou se risque
à le traiter. Personne ne songe à
transformer nos demeures cri académies, nos
repas et nos entretiens intimes en passes-d'armes
scientifiques ou littéraires. Lorsqu'un
homme rentre chez lui, il ne faut pas que sa
profession s'y poursuive; son désir,
très-naturel, est de s'en distraire, de
respirer un autre air, de parler un peu de tout, de
se retremper dans la tendresse des siens, dans les
douces distractions du foyer, le babil des enfants,
la musique, les causeries à bâtons
rompus. Il a envie de perdre un peu son temps. Il
maudirait, le malheureux, le pédantisme
domestique qui, embusqué derrière le
seuil, lui mettrait le pistolet sur la gorge et le
forcerait à discuter des
thèses.
Personne, on peut le croire, n'en est
plus convaincu que moi. Les thèses
m'attirent peu en général, et les
belles conversations tendues ne sont pas mon fait;
si je les voyais
entrer
par ma porte, je serais capable de m'enfuir par la
fenêtre. Mais rassurons-nous, les femmes les
aiment encore moins que nous, et ce ne sera jamais
par elles que l'ennemi sera introduit dans la
place; elles tiennent trop à cet abandon
plein de charme que réclament les rapports
de famille et dont elles ont le secret.
Il ne s'agit donc pas de professer; il
s'agit de comprendre son mari, d'établir
entre soi et lui le va-et-vient des impressions et
des sentiments. S'intéresser aux grandes
affaires qui le préoccupent, accueillir ses
confidences, lui faire trouver chez lui ce que tant
d'hommes cherchent ailleurs, une intelligence
à sa portée, tenir quelquefois
conseil ensemble sur les partis à adopter,
parler sérieusement quand il le faut, mettre
réellement en commun de part et d'autre
toutes les pensées, il me semble que c'est
quelque chose. Cela n'exige ni grande étude,
ni grands efforts, ni capacité hors ligne de
la part de la femme; cela exige, de la part du
mari, quelques encouragements, mi peu d'ouverture
de coeur, et d'abord un certain besoin
d'intimité.
La crainte de fatiguer ou d'ennuyer
notre femme en agissant ainsi est, j'ose le dire,
une crainte légèrement hypocrite. Les
femmes éprouvent plus que nous le besoin de
l'intimité. Abandonnées dans leur
ménage, isolées de la vie
intellectuelle de leur mari, elles se sentent en
dehors de leur position normale et privées
d'un droit qui leur appartient. C'est bien alors
que l'ennui les saisit, que les terribles
tentations du vide assaillent leur âme,
qu'elles vont cherchant de droite et de gauche
l'aliment qu'on leur refuse et dont elles ne
sauraient se passer. Il y a un pain quotidien de la
pensée; tâchons qu'il abonde sous
notre toit; ne nous imaginons pas qu'on
améliore ceux qu'on appauvrit, et qu'en
s'enfermant avec roideur dans le domaine
réservé des occupations viriles on
rende la vie de famille plus saine ou plus douce
autour de soi.
En tous cas, nous serons les premiers
à souffrir de la séparation que nous
aurons créée. Nous aurions pu trouver
tant de joies, tant de secours cachés,
auprès d'une femme devenue notre vraie
compagne! Je me représente en particulier
l'homme qui se livre au rude
labeur de la pensée. Sa plume lui
suffira-t-elle? Est-ce assez pour lui de ses
livres, de ses méditations solitaires, de
ses relations avec d'autres hommes ? Ne
manquera-t-il pas quelque chose d'essentiel, je ne
dis pas seulement à son bonheur, mais
à sa valeur intellectuelle et morale, s'il
fait de son cabinet une cellule et si,
marié, il mène la vie d'un
cénobite?
Nos femmes nous complètent, bien
plus que nous ne l'imaginons. Il est tout un
côté des affaires humaines qui nous
échappe et qu'elles savent voir; il est des
nuances délicates que notre nature un peu
gauche saisit mal; il est aussi des devoirs qui les
trouvent plus résolues que nous. Et puis,
qui s'est dévoué à une grande
cause sans avoir rencontré l'une de ces
heures de découragement et de
défaillance où nous sommes
tentés de croire que rien de bon ne peut
réussir ici-bas, où les nobles causes
sont désertées par les hommes et
semblent en vérité être
abandonnées par Dieu lui-même ? Quel
bien alors ne nous ferait pas la rencontre d'une
véritable sympathie! Ce n'est pas au premier
venu que nous avons besoin. d'aller, les
condoléances vulgaires et les sèches
leçons nous causeraient
une égale horreur. Où est-elle notre
amie, notre confidente-née, celle qui aurait
souffert avec nous et plus que nous, qui nous
aurait relevé, qui nous aurait parlé
le langage de la foi persévérante et
sûre de vaincre? Hélas, elle n'est pas
loin et elle est bien loin. Entre elle et nous nous
avons mis la distance de notre sécheresse,
de notre sot orgueil, de notre isolement
intellectuel, et qui pis est, de nos habitudes.
Toute habitude est un tyran; on craint de lui
déplaire. L'habitude est prise, nous n'osons
changer. Il faudrait un effort, nous ne le ferons
pas. Ce serait un événement, nous
serions forcés d'expliquer cela; nous ne
saurions comment nous y prendre. Et le silence
continue, et l'isolement devient sans
remède, et tandis que le mari tourne le dos
à l'intimité, le champion des bonnes
causes se dégoûte ou
s'affaiblit.
Encore si nous ne nuisions qu'à
nous-mêmes 1 Par malheur, il n'en est pas
ainsi. Elle est là, celle qui ne nous
demandait qu'un peu de confiance, celle qui,
doucement, tendrement, serait venue à nous
aux heures difficiles, celle qui nous aurait
compris, qui, nous aurait suivis, fût-ce de
loin. Elle est là, celle que nous pouvions rendre
heureuse, qui se serait donnée si nous nous
étions donné, celle dont la main,
déjà tendue, aurait saisi la
nôtre. Nous aurions pu marcher ensemble;
c'était son droit d'être guidée
par nous dans les chemins où une femme
n'avance pas seule. Nous possédions le
privilège de féconder cette
intelligence, de donner un intérêt
puissant à cette vie ; nous ne l'avons pas
voulu. Nous n'avons pas voulu qu'elle fût
notre aide, et nous avons refusé
d'être le sien. Nous l'avons repoussée
vers les vanités desséchantes du
monde. Maintenant, sa vocation de femme est
manquée, et notre maison retombe au rang des
choses banales : nous ne nous disputerons pas, nous
ne nous séparerons pas, nous mènerons
régulièrement nos affaires, nous
élèverons honnêtement nos
enfants, nous arriverons sans encombre au bout de
la vie, nous passerons pour des gens heureux; mais
le vrai bonheur, le grand, qui nous avait un jour
frôlés de son aile, se sera
envolé loin de nous, nous n'aurons pas
porté un sent instant à nos
lèvres la coupe enchantée de
l'intimité.
À fuir l'intimité on
risque plus encore, et je n'ai garde de garantir à
qui
que ce soit même celle félicité
négative dont je viens de parler.
Quelques-uns, les mieux partagés,
ne dépasseront pas les limites d'un
isolement convenable. Le mari et la femme auront
chacun leur dicastère, où ils se
tiendront enfermés. L'un aura le
département des affaires l'autre celui de la
frivolité. Du reste, liberté de part
et d'autre, il est entendu qu'on ne veut pas se
gêner réciproquement.
La solitude dans l'union, c'est un lourd
fardeau; toutefois on aurait mauvaise grâce
à s'en plaindre :
N'est-ce pas le sort commun? N'est-ce
pas même, au dire, de bien des gens, le beau
idéal en fait de mariage? Au régime
dotal et à celui de la communauté n'a
t-on pas eu le talent d'ajouter ce que j'appellerai
le régime de la séparation
morale?
Et, en effet, tant qu'il n'y a rien de
plus, on ne se plaint pas , on se contente de
souffrir en dedans lorsqu'on a encore un coeur, et
d'être content (ceci fait frissonner) lorsque
les grandes aspirations de l'âme ont
achevé de se dessécher et de
périr. Mais les informations que le monde
déplore se tiennent bien près du faux bonheur
qu'il a
inventé. Les unions sans intimité
sont pareilles à des arbres plantés
dans une terre peu profonde, qui restent verts les
premières années et qui jaunissent
ensuite, dès que leurs racines ont atteint
le sous-sol; loin de se fortifier avec le temps,
elles dépérissent; les pauvres
illusions superficielles du début s'en vont
une à une; il ne reste plus que le fait
brut, un ménage, des intérêts
matériels, des enfants, et ce qui tient
parfois lieu de tout le reste, des
habitudes.
Qu'il survienne alors un incident, un
entraînement, ou simplement un malentendu, le
drame domestique, qui n'était qu'ennuyeux,
se fait déchirant. Je ne veux pas raconter
ce que chacun ne sait que trop; il me suffira de
rappeler ce que nous apprend à lui seul le
redoutable chapitre des malentendus. Si
l'intimité dit tout et sait tout, si elle
vit tranquille au plein jour de la confiance
mutuelle, l'union prosaïque, elle, ne dit rien
et ne sait rien, elle avance à tâtons
au travers (les ténèbres. De
là les soupçons, et les faux
rapports, et les apparences trompeuses, et enfin
les sanglantes tragédies du foyer. Oui, les
unions sans intimité ont
leurs catastrophes; ceux qui s'accommodent
volontiers peut-être du triste bonheur
qu'elles donnent devraient penser aux cruelles
douleurs qu'elles enfantent aussi.
Que ne puis-je leur dépeindre
surtout le charme de l'union intime ! Le charme,
c'est bien cela. Là apparaît et se
déploie de jour en jour cette tendresse
particulière, unique, dont notre premier
amour lui-même n'avait pas
possédé le secret, cette tendresse
qui subsiste en se transformant et grandit au
travers des différents âges de la vie.
L'intimité a le don de l'éternelle
jeunesse; on dirait une adolescence aimable et
grave qui ne se flétrit jamais.
Associée aux, pensées, aux travaux,
à l'existence entière de son mari, la
femme devient cette vraie compagne, cette «
aide » des bons et des mauvais jours, qui nous
soutient du coeur, de la voix, du regard, qui n'est
jamais. lasse de nous faire du bien. Elle est cela,
et demeure cependant, la douce
ménagère, humblement, vouée
au, gouvernement de sa maison.
C'est un de ces cas (il en est de tels,
grâce à Dieu) où la
réalité dépasse de bien loin
la poésie. Qu'elles sont
gracieuses, ces ménagères-là !
Et comme elles excellent cependant à mettre
en lumière tout le sérieux de l'union
! L'intimité des époux
chrétiens tend sans cesse, à les
rendre meilleurs. On ne vit pas impunément
en pleine lumière; nos vices ont besoin de
se cacher pour durer; amenés en plein jour,
ils sont à moitié vaincus. Et puis ne
se met-on pas deux à les attaquer par la
vigilance, par l'humiliation, par la prière?
Les avis fidèles qui se donnent ainsi ne
nous touchent-ils pas jusqu'au fond de l'âme,
par cela même qu'ils ne ressemblent jamais
à une leçon et parce que nous sentons
que les fautes ont été mises dans la
communauté, comme le reste?
L'intimité nous enseigne la
loyauté. Il est une grande loyauté,
imprudente, chevaleresque, qui aime à
naître de la sorte, au sein des existences
à ciel ouvert. Accoutumés à
n'avoir pas de secrets l'un pour l'autre, nous en
venons à ne plus comprendre les cachotteries
et les détours de l'habileté
vulgaire. La vérité est entrée
chez nous ; elle y est devenue souveraine. Ah, ce
n'est pas peu de chose d'échapper aux
étroites combinaisons, aux demi-mensonges,
aux intrigues qui habitent trop
souvent sous le toit des gens médiocrement
unis. Là, ce que la tendresse et la
confiance ne sauraient faire, on le demandera
peut-être à la ruse; on aura des
flatteries, des paroles mielleuses pour parvenir
à son but; on dira ce qu'il faut dire, on
pensera ce qu'il faut penser, on tombera dans ce
misérable train de diplomatie domestique
où viennent s'user et se rapetisser tant
d'âmes qui eussent été capables
de mieux que cela.
L'intimité crée des
caractères, car elle crée des
indépendances. On se sent si fort à
deux ! Derrière ce rempart on redoute si peu
l'ennemi ! Vous pouvez m'attaquer, me refuser votre
appui et vos sympathies; j'en souffrirai, sans
doute, mais j'ai un asile. Réfugié
là, je cesse d'entendre les bruits du
dehors.
Je suis rentré avec une blessure
; une main amie s'est posée sur elle et m'a
guéri. Nous avons parlé de cela, de
mâles conseils m'ont relevé, j'ai
senti qu'il y a quelque chose qui passe avant
l'approbation, le devoir.
Et c'est ainsi que l'intimité
poursuit l'oeuvre admirable que Dieu l'a
chargée d'accomplir : elle nous dépouille de
nous-mêmes. Il ne suffit pas d'abdiquer
l'égoïsme en gros, il faut encore y
renoncer en détail.
Ce que l'Évangile nous a
enseigné, l'intimité
chrétienne nous le fera mieux saisir. Je ne
connais pas de milieu où les
préoccupations personnelles se sentent plus
mal à l'aise; nous nous trouvons odieux,
nous ne nous pardonnons pas de penser à
nous, nous comprenons, que dis-je, nous
possédons un bien supérieur mille
fois aux pauvres jouissances d'amour-propre qui
nous tenaient asservis.
Il est brillant et ferme, l'alliage qui
naît de la fusion de deux vies. Pour qu'il y
ait alliage, il faut plusieurs métaux, et ce
qui sort d'eux vaut mieux qu'eux. Voici deux
âmes : l'une est plus simple peut-être,
l'autre est plus délicate, chacune a ses
qualités et ses défauts; que
l'intimité allume son feu puissant et doux:
bientôt un métal nouveau, un noble
métal et qui défie les
siècles, jaillira de cette ardente
fournaise.
J'ai appuyé sur les devoirs des
époux et, en général, sur ce qui se rapporte au
mariage parce que là se trouve, nous l'avons
vu, la base même de la famille. Mon
insistance n'aura pas plu à tout le monde ;
les partisans, et ils sont nombreux, d'un lien
beaucoup moins étroit, réclameront
à qui mieux mieux. Je les entends d'ici
:
« Nous n'avons pas de
prétentions si hautes. Vous nous
découragez en exigeant trop, et presque en
promettant trop. Ce bonheur que vous peignez de
couleurs si vives, il nous ferait peur, nous ne
saurions qu'en faire. Parlez-nous des unions telles
que nous les voyons autour de nous sans monter
ainsi jusqu'au ciel, des unions toutes simples,
toutes bonnes, toutes bourgeoises, où l'on
ne recherche ni les grandes passions, ni les
intimités envahissantes, ni les sentiments
alambiqués quels qu'ils soient.
»
S'il ne s'agit que d'exclure les
sentiments alambiqués, nous sommes d'accord.
J'ajoute que la simplicité est un des
caractères de la tendresse. Comme celle-ci
est la vérité même, elle ne
supporte rien qui ne soit vrai. Les affectations,
les mièvreries de langage, les mignardises,
les recherches feraient au sein de l'intimité le
même effet que des sens faux au milieu d'un
concert. Forcer ses sentiments ou ses paroles quand
on s'aime, quand ou se connaît, quand on vit
à coeur ouvert, ce ne serai, pas seulement
absurde, j'ose affirmer que ce serait
impossible.
L'intimité ne parviendrait pas,
le voulût-elle, à tomber dans
l'afféterie. Le simple, ce n'est pas en bas,
c'est en haut qu'il faut le chercher.
Mais voilà justement ce qu'on ne
veut point. Pourquoi s'élever ? Pourquoi
faire effort? Le bonheur terre à terre
n'est-il pas le plus souhaitable de tous ! Est-il
donc nécessaire de se donner tant de peine
pour être heureux !
Oui, certes ; Dieu a voulu que le
bonheur, comme tout ce qui est bon, nous
coûtât quelque chose ; il a voulu qu'il
fût un fait moral, et non pas un accident.
Voilà pourquoi il l'a si étroitement
uni au devoir, en sorte qu'en étudiant la
famille, cet instrument de bonheur auquel rien ne
peut se comparer ici-bas, nous avons
été forcés de commencer par le
devoir et le bonheur, le devoir et l'amour, le
devoir et le mariage, le devoir et la famille, il y
a là une
connexité, puissante qu'on ne parvient pas
à mettre en doute.
Aussi notre modestie en fait de bonheur
est-elle percée à jour; elle
s'appelle égoïsme. Nous n'avons de
petites ambitions en matière de tendresse
que parce que nous redoutons les grands
dévouements. Il nous déplaît de
sortir de nous-mêmes, de nous donner, et
alors nous nous hâtons de renoncer aux
intimités hors ligne, aux unions «
exceptionnelles. »
Qui a parlé d'unions
exceptionnelles ? C'est du mariage ordinaire qu'il
a été question. Le mariage doit
être cela, sous peine de cesser d'être
ce que Dieu a voulu qu'il fût. Que notre
imagination ne se mette pas en quête de
situations brillantes, de caractères
ravissants, d'intelligences supérieures;
prenons les conditions habituelles de la vie, les
difficultés, les défauts; dans ce
milieu, aussi obscur et aussi vulgaire que nous
voudrons le supposer, mettons l'amour et la foi,
aussitôt tout sera transfiguré. Des
époux qui s'aiment et. qui prient, je ne
vous en demande pas davantage ; ignorants
peut-être, médiocres peut-être,
ne dépassant en rien le niveau commun, ils
n'en monteront pas moins dans
les hautes régions que j'ai essayé de
décrire. Le coeur est toujours le coeur ;
toujours en voyant ce qui en sort, les
égoïstes épouvantés
crient au miracle et courent chercher un refuge
dans la théorie des bonheurs
exceptionnels.
Nous avons en nous de tristes instincts
qui nous ramènent tout près de terre.
Prenons-y garde, le sentiment qui nous porte
à diminuer notre vie et à
modérer nos ambitions de
félicité n'est autre que celui qui
nous porte à éloigner de nous les
tâches viriles, à redouter les
efforts, à tourner le dos aux
progrès.
S'asseoir dans la fange des lieux bas,
ce n'est pas être humble ou
modéré, c'est être lâche.
La crainte de gravir les pentes, voilà ce
qu'il y a au fond de cette indifférence que
nous professons pour l'air vivifiant des sommets.
Je ne vois rien de glorieux à mettre notre
repos avant tout, avant le devoir, avant le
perfectionnement moral, avant le bonheur des
autres, avant notre propre bonheur.
Depuis que le monde existe,
l'école des bonheurs modérés
est ouverte, et elle ne manque pas de disciples.
N'être pas trop sensible, pas trop ardent,
pas trop ami, pas trop parent,
pas trop mari, pas trop citoyen, engourdir son
coeur, rétrécir sa vie, se faire une
petite retraite où ne
pénètrent que quelques compagnons,
où les plaisirs soient tranquilles et
où nous soyons à l'abri des
émotions, voilà quelle est la
théorie de cette école. « Rien
de trop, » le mot est resté. Quand on
est de cet avis, on lit Horace, on le traduit au
besoin, on ne se marie pas ou on se marie aussi peu
que possible. Il va sans dire qu'on n'a que faire
de l'intimité.
Il est certain que l'intimité est
gênante. Le bonheur est gênant, la vie
est gênante. En la réduisant au
minimum, en atténuant les battements de nos
coeurs, nous nous épargnerons bien des
embarras. Peu vivre pour peu souffrir, c'est un
calcul que je connais. À côté
de ce bien-être des existences
mutilées, qu'elles me semblent
désirables et belles, je ne dis pas les
joies, mais les douleurs des existences
complètes! Là du moins il y a du
travail, du progrès; là du moins la
vie a un sens ; voilà des âmes qui
avancent dans la lumière et vers la
lumière.
Avancer, tel est le grand point. Aucun
de nous n'est arrivé; ce
que je disais en commençant je le
répète ici : nous sommes gens en
route. Nous avons tous bien des pas à faire
sur le chemin de l'intimité, du devoir et du
bonheur. Mais nos regards sont fixés sur le
but. C'est là-haut, là-haut qu'il
faut parvenir. Nous parviendrons ; nous mesurons
des yeux, sans découragement d'aucune sorte,
la distance qui s'étend encore devant nous ;
il est si doux de monter en contemplant ensemble
les grandes cimes et en se tenant par la main !
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