HUDSON TAYLOR
SIXIÈME PARTIE
MARIAGE ET OEUVRE A
NINGPO
1856-1860
CHAPITRE 35
Eben-Ezer et Jehovah-Jireh
septembre-octobre 1857
Vers cette époque, on vit un jour, dans
le salon où les chrétiens de Ningpo
se réunissaient pour le culte du dimanche
matin, deux écriteaux qui piquaient vivement
la curiosité. On y lisait de beaux
caractères chinois, faciles à
déchiffrer ; mais quel était le sens
de l'ensemble : I-pien-i-seh-er ; Je-ho-hua-I-la
?
Hudson Taylor, qui relevait de maladie
et avait gardé la chambre un mois durant,
aurait pu l'expliquer. C'était alors, dans
des heures de paisible communion avec Dieu, qu'il
avait saisi tout le sens des deux paroles bibliques
: Eben-Ezer et Jehovah-Jireh : « Jusqu'ici le
Seigneur nous a secourus » et « Le
Seigneur y pourvoira ». Comme il se
réjouissait, sentant ses forces revenir, de
mettre en lumière, à l'intention de
ses amis chinois, ce précieux message, en
les amenant à une connaissance plus profonde
du Dieu en qui, eux aussi, apprenaient à se
confier!
Ceux-ci formaient autour de lui un petit
cercle auquel il était très
attaché. Il employa ces heures de maladie du
mois de septembre à prier pour eux et, ne
pouvant pas avoir d'activité
extérieure, il avait plus de temps à
donner aux entretiens particuliers.
Parmi les plus assidus de ses visiteurs
et les plus encourageants, était un certain
Nyi. C'était un commerçant
bouddhiste, tout pénétré du
sentiment du péché et de
l'idée de la transmigration de l'âme.
Étant venu à passer, un soir, devant
la salle où Hudson Taylor prêchait, il
était entré et avait entendu le jeune
étranger en costume chinois lire un passage
de ses Livres Saints :
De même que dans le
désert Moïse a élevé le
serpent, de même il faut que le Fils de
l'homme soit élevé, afin que
quiconque croit en lui ait la vie
éternelle.
Car Dieu a tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils unique afin que
quiconque croit en lui ne périsse point,
mais qu'il ait la vie éternelle. Car Dieu
n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour
juger le monde, mais pour que le monde soit
sauvé par lui.
Il faut renoncer à décrire
l'effet que produisirent ces paroles, sur la
conscience de ce bouddhiste. Car Nyi cherchait la
Vérité, et il observait tous les
rites de sa religion. L'histoire du serpent
d'airain au désert, illustrant le
remède divin contre le péché
et ses terribles conséquences, les grands
faits de la vie, de la mort et de la
résurrection de Jésus, et la
réponse que ces choses apportaient à
ses propres besoins, entraînèrent
l'action du Saint-Esprit en lui. Oui, c'est le
miracle des siècles, et nous le voyons
encore aujourd'hui : « Moi, quand j'aurai
été élevé...
j'attirerai tous les hommes à moi.
»
Nyi était donc entré dans
la « salle de Jésus », ce
soir-là, lui, un membre de cette multitude
qui, « par crainte de la mort, est retenue
durant toute la vie dans la servitude ». Comme
il était là, assis, écoutant
ardemment, l'espérance commença de
poindre dans son coeur. Les choses vieilles s'en
furent et il devint conscient que toutes choses
étaient nouvelles.
La réunion finissait. Le «
maître étranger » avait
cessé de parler. Regardant tout l'auditoire,
Nyi se leva et déclara avec
simplicité :
« J'ai longtemps cherché la
Vérité, comme l'a fait mon
père avant moi, mais sans la trouver. J'ai
cherché auprès et au loin,
mais je ne l'ai pas
découverte. je n'ai pas trouvé de
repos dans le confucianisme, le bouddhisme, le
taoïsme ; mais je trouve le repos dans ce que
nous avons entendu ce soir. C'est pourquoi,
dès maintenant, je crois en Jésus.
»
L'effet de cette profession de foi fut
profond, car Nyi était très
estimé. Quelque temps après, il
rendit témoignage de sa foi dans une
réunion de la société à
laquelle il avait appartenu.
Il devint par la suite un auxiliaire
précieux pour les missionnaires et ce fut
lui qui, un jour, demanda à
brûle-pourpoint à Hudson Taylor
:
« Depuis combien de temps avez-vous
la Bonne Nouvelle en Angleterre? »
Le jeune missionnaire était
honteux d'avoir à le dire et répondit
vaguement qu'il y avait un certain nombre de
siècles.
« Comment ? répliqua Nyi
stupéfait, des centaines d'années!
Est-il possible que vous avez connu Jésus
depuis si longtemps et que vous ne veniez que
maintenant nous en parler! Mon père a
cherché la Vérité pendant plus
de vingt ans et est mort sans l'avoir
trouvée. Oh! pourquoi n'êtes-vous pas
venus plus tôt? »
À peine rétabli et alors
qu'il reprenait son activité, Hudson Taylor
fut appelé à une tâche
très différente, aussi difficile
qu'inattendue. L'un de ses amis de la Mission
Presbytérienne, M. Quaterman, fut atteint de
la petite vérole, et il se trouva être
le seul à pouvoir s'isoler avec lui. Nuit et
jour il l'assista, à la fois médecin
et infirmier, restant sans cesse à ses
côtés, pour éviter que la
maladie ne se propageât. Son malade ne se
remit pas.
Il a été recueilli
auprès de Jésus, écrivît
Hudson Taylor une semaine plus tard, et ce fut un
privilège pour moi de pouvoir servir le
Seigneur dans la personne de cet ami et de voir
combien Sa grâce peut nous
soutenir.
Mais il ne disait pas combien il
s'était attendu à Dieu pendant ces
jours terribles, ni dans quel état il se
trouvait maintenant. À vrai dire, il avait
d'autres préoccupations, qui lui rappelaient
ses deux devises.
Pendant cette réclusion, il avait
utilisé tous ses vêtements chinois,
qui devaient maintenant être détruits.
Il n'avait plus rien pour se vêtir et se
trouvait d'autre part dans
l'impossibilité de se
faire un nouveau costume. Non qu'il eût
jusque-là manqué d'argent. Au
contraire, depuis qu'il avait quitté la
Société pour
l'Évangélisation de la Chine, il
avait reçu, de différentes sources,
plus d'argent qu'il ne lui en fallait pour ses
besoins personnels. Mais il partageait tout avec M.
Jones et sa famille et avait récemment
envoyé trente-sept livres sterling à
un missionnaire dans le besoin. Il n'avait plus
rien, ses vêtements contaminés
allaient être détruits, son seul
recours était la prière.
Et, juste alors, si étrange que
cela pût paraître, lui arriva une
caisse contenant, entre autres choses, tous les
vêtements qu'il avait laissés quinze
mois auparavant à Swatow. Oui, Dieu est
vraiment un Père et Il connaît les
besoins de Ses enfants avant que ceux-ci les Lui
exposent.
C'était là un petit
incident! Soit, mais il venait enrichir le sens de
la devise de la Mission qui devait naître de
la croissance de son âme :
« Jusqu'ici le Seigneur nous a
secourus. Le Seigneur pourvoira. »
|