Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI

Les deux grands Ordres mendiants

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(1) Une vive impulsion fut donnée au monachisme et à la vie religieuse par les deux grands Ordres mendiants, (Ordines Mendicantium), les Franciscains et les Dominicains, qui prirent naissance au XIIIe siècle.
Ils parurent à une époque critique, où la chrétienté restait déprimée par la faillite des croisades et troublée par les hardiesses des hérétiques, et comme il arrive aux médecins énergiques, l'infusion d'un sang neuf qu'ils lui firent leur valut un prodigieux succès.

François d'Assise et Dominique ne se ressemblaient guère. « Le premier, dit David Schaff, était le plus simple et le plus aimable des saints monastiques, le second était froid et austère. François était un apôtre évangélique. Dominique un fondé de pouvoir ecclésiastique. L'un vécut pour sauver les âmes, l'autre pour hisser l'Eglise sur des corps pantelants d'hérétiques... L'un était tendre, l'autre dur comme un marteau-pilon » (Vol. V, 1re partie, p. 381). Ils se rencontrèrent au moins à trois reprises, et la question de fondre leurs organisations en une seule se posa, mais heureusement sans aboutir.

Les Franciscains et les Dominicains se distinguèrent des Ordres précédents par quelques traits saillants. Ils eurent un plus grand rayonnement social. prêchant au peuple, bienveillants pour les indigents. Ils créèrent des « fraternités » laïques, qui permettaient aux fidèles de pratiquer les vertus ascétiques, tout en exerçant leur profession. Ils s'adonnèrent à l'enseignement. Les Franciscains, infidèles à l'esprit de saint François, qui avait réprimandé Pierre Staccia pour avoir ouvert une école à Bologne, acquirent un grand renom, surtout à Oxford, par leurs établissements d'instruction. Ils créèrent une école de théologie dans un de leurs couvents à Paris en 1230, à la suite des Dominicains qui avaient fondé en 1217 leur monastère de Saint-Jacques, et les deux Ordres reçurent du chancelier de l'Université le droit de conférer des degrés. À Paris, Oxford, Cologne et ailleurs, parurent de grands scolastiques : chez les Dominicains, Albert le Grand, Thomas d'Aquin ; chez les Franciscains, Bonaventure, Duns Scot, Roger Bacon. Parmi les grandes personnalités religieuses, il faut citer encore, chez les premiers, Eckart, Tauler, Savonarole; chez les autres, l'exégète Nicolas de Lyre, les auteurs d'hymnes Thomas de Celano et Jacopone de Todl.

Ce qui caractérise enfin ces deux Ordres, c'est leur soumission absolue à la papauté, dont ils devinrent les gardes du corps. Ils l'aidèrent à dominer les évêques et les rois et à pourchasser l'hérésie. Grégoire IX chargea les Dominicains, en 1232, de pratiquer l'Inquisition, mais les Franciscains reçurent eux aussi une part de ces cruelles fonctions. Les papes surent récompenser leur fidélité en les comblant de privilèges (2) dont ils étaient avides (3), et en les défendant contre le clergé séculier, dont ces moines usurpaient les droits, écoutant les confessions et donnant l'absolution. Ils les protégèrent aussi contre l'Université, indignée de leur insoumission et de leur arrogance (4). Quand Guillaume de Saint-Amour, professeur à Paris, critiqua leur mendicité et leur hypocrisie, dans son traité Les Périls des derniers Temps (De Periculis novissimorum Temporum), Alexandre IV, dans sa bulle du 5 octobre 1256, déclara ce livre « tout à fait pernicieux et détestable » et le fit brûler. Guillaume fut privé de sa chaire et il se retira en Franche-Comté, où il mourut.




L'histoire de François d'Assise, père du mouvement franciscain, est restée longtemps voilée de légendes. Le grand ouvrage (5) de Lucas Wadding, qui l'a racontée, avec celle de son Ordre jusqu'en 1540, n'utilise pas assez les sources anciennes. Les Bollandistes (6) n'ont guère publié que la Vita prima de François, écrite par Thomas de Celano, et la Légende des trois Compagnons (7). L'étude de ce saint extraordinaire et de son temps a intéressé des historiens tels qu'Ernest Renan (8) et d'autres, mais elle n'a pris tout son essor qu'avec les savants travaux d'un merveilleux écrivain, Paul Sabatier. Sa Vie de saint François d'Assise, parue en 1893 et suivie par de sensationnelles découvertes de manuscrits et par de remarquables publications, la Collection d'Études et de Documents sur l'Histoire religieuse et littéraire du Moyen-Age et les Opuscules de critique historique, a remis en lumière la vraie figure du Poverello et ramené à lui la fervente curiosité du grand public et des érudits. Des colonnes toujours plus nombreuses de pèlerins sont venues envahir la Portioncule et Saint-Damin, « poursuivant, selon l'expression de Paul Sabatier, l'ombre de saint François ». D'autre part, au témoignage de l'historien danois Johannès Jorgensen, « lés remarquables travaux de Lempf, Van Ortroy, Lemmens, Mandonnet, Minocchi, Goetz, Tilemann, Boehmer, des Pères Felder et Edouard d'Alençon, de Sechnürer, etc., tout cela est né, ou du désir de suivre et de compléter Sabatier, ou de l'obligation de le réfuter » (9). La mort l'a empêché de rédiger l'édition refondue qu'il préparait, mais sa veuve, aidée par Arnold Goffin, franciscanisant belge, en a publié une qui est définitive, complétée par des Études inédites extraites de ses papiers (10).
Quelles sont les sources dont nous disposons à l'heure actuelle pour reconstituer l'histoire de saint François ?

Il y a d'abord ceux de ses écrits qui nous sont parvenus (11). Signalons en premier lieu ses hymnes : son Cantique du Soleil ou Hymne des Créatures (12) que, d'après Célano, il chanta sur son lit de malade ; sa laude (louange) du Seigneur (Laudes Domini), transcription de l'oraison dominicale, suivie d'un chant de louange contenant des passages bibliques, exécuté par les frères de la Portioncule en punition de leur bavardage ; sa laude des vertus de là Vierge, poème dont l'authenticité est attestée par Célano et par des expressions bien franciscaines telles que les invocations à la « sainte dame Pauvreté » ou « à notre soeur l'Humilité » ; la laude de Dieu (Landes Dei), un des trois autographes qui nous restent de saint François. Elle figure sur le revers d'un parchemin où il avait écrit une Bénédiction pour le frère Léon, en l'an 1224, pendant leur séjour sur le mont Alverna. Ce disciple porta cette Bénédiction sur lui jusqu'à sa mort (14 novembre 1271), et elle est restée au couvent franciscain (Sagro Convento) d'Assise. Cette laude, qu'on peut lire, à demi effacée, dans le beau reliquaire d'argent où elle a été placée, consiste en une série d'épithètes adressées à Dieu : Tu es fortis, tu es magnas, tu es altissimus. etc. (13). Parmi ses écrits en prose, il reste quelques prières, des lettres (14), en particulier celle ad omnes Custodes, retrouvée à Volterre par Paul Sabatier (15), les deux Règles de l'Ordre celle de 1221 et celle de 1223 (16), des « admonitions » (effusions spirituelles), et enfin son Testament, dont le style et la pensée sont bien franciscains et dont l'authenticité est prouvée par des citations de Célano, de Grégoire IX et de la Légende des trois Compagnons.




Venons-en à une source de renseignements bien plus riche, les biographies de saint François.

On y a reconnu quatre groupes successifs. Le premier s'appuie sur la Vita prima du saint, de Thomas de Célano, admis dans l'Ordre vers 1214 après avoir été custode (custos, supérieur de couvent) en Allemagne. Écrite « sur l'ordre du glorieux pape Grégoire IX » et approuvée par lui en 1229, elle est un témoignage sincère et ému, malgré l'élégance de son style parfois recherché (17). Elle a servi de base à la Légende de Julien de Spire, ancien maître de chapelle, parue vers 1231 (18).

Un second groupe est constitué par deux biographies auxquelles a participé le frère Léon, grand ami et secrétaire de saint François : la Légende des trois Compagnons et la Vita secunda de Célano. Elles sont issues du désir exprimé, en 1244, par le « chapitre général » franciscain de Gênes, inquiet de l'altération qu'avait subie l'esprit primitif de l'Ordre, de rassembler les souvenirs inédits du maître. Crescent de Jesi, général d'alors, reçut une collection d'anecdotes envoyées du couvent de Greccio (dans la vallée de Rieti), par les frères Léon, Rufin et Ange Tancredi. Une lettre-préface (19), datée du 11 août 1246, nomme les collaborateurs Masséo et Jean, et explique que ce recueil était simplement une gerbe de traits épars, un bouquet de fleurs, indication en désaccord avec le contenu de la Légende, qui est une vraie biographie. Sur les dix-huit chapitres, huit racontent la jeunesse et la conversion de François, et les dix autres sa carrière, sa mort et sa canonisation.

Certains passages de la Légende, cités par Wadding et absents du texte qui nous est parvenu, ont donné lieu à la suggestion de Paul Sabatier que ce texte n'était qu'une partie d'un ouvrage plus étendu. Elle a été confirmée par la découverte de presque tous les éléments qui manquaient. En étudiant le manuscrit (Paris 1509) d'une compilation franciscaine (20), écrite vers 1345 (imprimée à Venise en 1504), ce savant a trouvé 118 chapitres différents du reste en style et en esprit, visiblement rédigés par des témoins oculaires (nos qui cum ipso fuimus), dans lesquels il crut reconnaître Léon, Ange et Rufin. Puis, par un heureux hasard, il les a retrouvés réunis dans un manuscrit (n° 1743) de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, originaire du couvent de Namur, intitulé Speculum perfectionis fratris minoris. La Légende des trois Compagnons a pu être reconstituée approximativement par deux érudits italiens, Marcelin da Civezza et Théophile Domenichelli (Rome, 1899), à l'aide d'une vieille traduction italienne du XIVe siècle contenant de nombreux passages (tu Speculum perfectionis (21).

Quant à la Vita secunda de Célano, elle est une adaptation, en beau style, parue en 1247, de la Légende des trois Compagnons, qui avait été remise à ce frère pour en faire un livre (22). On y trouve des éléments inédits qu'il tenait sans doute de ces compagnons (23). Il reste aussi de Célano, un complément le Traité des Miracles (de François), rédigé à la demande de Jean de Parme (24). Il contient des traits touchants, tels que la visite de Jacqueline de Settesoli au lit de mort de François.

Une troisième tradition est représentée par la Legenda S. Francisci (Legenda major), écrite par saint Bonaventure, général des Franciscains, sur l'invitation du chapitre général de Narbonne (1260). Après s'être rendu à Assise et avoir consulté le frère Léon et un autre, il fit une compilation des Vies antérieures en y ajoutant quelques traits (25), et en adoucissant l'idéal primitif de pauvreté absolue. Le chapitre de Pise (1263) l'approuva et décida la destruction des autres Légendes. La plus visée fut la Vita secunda de Célano (dont deux manuscrits seulement ont survécu), ainsi que la partie de la Légende des trois Compagnons qui y correspondait. La première partie de ce dernier écrit, de même que la Vita prima, furent moins maltraitées parce qu'elles parurent moins propres à surexciter les esprits.

Passons au groupe du Speculum perfectionis découvert par Paul Sabatier. Ses principaux éléments viennent des rouleaux (rotuli) de parchemin où frère Léon avait écrit « maintes grandes choses » (multa magnalia) de son maître, ainsi que des feuillets (shedulae) de souvenirs (26). Il semble avoir été rédigé pour peindre le vrai François. Sabatier, s'en tenant à la date (1227) inscrite sur le manuscrit de la Mazarine, y voit la plus ancienne biographie du saint (27). Au Speculum se trouvent rattachés, dans quelques manuscrits, les Actus beati Francisci et Sociorum ejus (28), mieux connus sous le titre italien de Fioretti, collection de récits très précieux qui rapporte des paroles et des actes des frères Bernard, Masséo, Rufin, Léon et de la sÏur sainte Claire. Le plus célèbre est celui de l'entretien de François avec Léon sur « la joie parfaite ». À ces souvenirs des « anciens frères » (antiqui fratres) s'ajoutent des chapitres sur Égide et d'autres Franciscains postérieurs. De ce groupe dépend aussi la Legenda antiqua, compilation rédigée par un Franciscain des provinces de la mer Baltique, ancien élève d'Avignon, avec de larges emprunts au Speculum et aux Fioretti (29).

Citons enfin le grand ouvrage de Barthélemy de Pise, les Conformitates, longue série de parallèles entre le Christ et saint François. C'est une étude critique de toutes les sources existantes, commencée en 1385 et approuvée par le chapitre général de Pise (1399).

François Bernardone naquit à Assise vers l'an 1182 (30). Son père était marchand d'étoffes. Sa jeunesse fut dissipée, mais il sut rester affable et poli (Légende, 3). Il se montra passionné pour la chevalerie et libéral pour les pauvres, et sa mère, lui sentant de la noblesse d'âme, disait : « J'espère bien, s'il plaît à Dieu, qu'il deviendra un bon chrétien. » Il partît un jour fort bien équipé, pour guerroyer aux côtés du fameux Gauthier de Brienne, mais, dès le premier soir, il s'alita fiévreux et il dut revenir à Assise. Pâle et les traits tirés, cruellement déçu, car il se croyait destiné à devenir « un grand prince », il errait dans la campagne, sourd aux appels de ses anciens compagnons de fête. Un jour, pourtant, il parut leur céder. Il les invita à un somptueux festin. Mais, après une course folle dans les rues, ils s'avisèrent de son absence et finirent par le trouver perdu dans un rêve. « Il songe à prendre femme », dit une voix ». - « Oui », répliqua-t-il avec un sourire mystérieux, « une femme plus belle, plus riche, plus pure que vous ne sauriez vous l'imaginer » (Légende, 7 ; Vita prima, 7). Il rechercha encore plus la solitude, et il fut tendre pour les pauvres gens. À Rome, au cours d'un pèlerinage, désireux de connaître l'indigence et ses angoisses, il emprunta les haillons d'un mendiant et fendit la main toute une journée (Légende, 8-10). Un jour, rencontrant un lépreux, après un commencement de fuite il revint lui baiser la main, puis il visita la léproserie. Une autre fois, tandis qu'il priait dans la chapelle de Saint-Damien, près d'Assise, les yeux fixés sur un crucifix, il crut voir le visage de Jésus s'animer et il perçut une douce voix. Alors son union mystique avec lui s'accomplit. Le devoir s'impose à lui de réparer l'édifice en ruines. Il court à Foligno, y vend des étoffes et même son cheval, et remet au pauvre prêtre de la chapelle l'argent qu'il vient d'obtenir. À partir de ce jour, « il s'est donné au Crucifié sans partage et sans retour » (P. Sabatier, Vie, p. 76).

Bernardone, jugeant dangereuse la vocation de cet enfant prodigue, le maltraita et le cita devant les consuls de la ville mais son fils en appela à l'évêque, « le père et le seigneur des âmes ». Invité à rendre l'argent, il se dépouilla de ses vêtements et les tendit comme une indemnité. Le père les emporta, hué par la foule, et François partit, couvert d'un manteau donné par l'évêque (Vita prima, 1-0). Des bandits le lui prirent, en le jetant dans un fossé plein de neige. Il vécut, quelque temps d'aumônes, admiré par les uns, raillé par les autres. Au printemps de 1208, il termina la restauration de Saint-Damien, aidé par des volontaires qu'il encourageait par ses chants joyeux. Puis il répara Sainte-Marie de la Portioncule (petit lot de terre), appelée aussi Notre-Dame-des-Anges, où la messe fut célébrée par un bénédictin de l'abbaye du mont Subasio, qui en était propriétaire. C'est là (le 24 février 1209, semble-t-il) qu'il eut sa révélation irrésistible... Dieu, l'Eglise, Jésus, la pauvreté, tel sera désormais son grand souci, son seul amour...
À partir de ce moment, il se montre à Assise, vêtu d'un sarreau gris, un capuchon sur la tête et une corde autour des reins, prêchant la paix avec Dieu, avec les hommes et avec soi-même. On l'écoutait avec respect. Son premier disciple connu fut Bernard de Quintavalle (Légende, Vita prima). D'abord stupéfait, Bernard l'admira lorsque, l'ayant invité à coucher dans sa chambre, il eut constaté qu'il avait prié toute la nuit (Fioretti, 2). Au cours d'une consultation demandée aux Livres saints dans une église, il tomba sur trois textes qui prescrivaient le renoncement, et il se mit aussitôt à distribuer ses biens aux pauvres. Pierre de Calane, savant juriste, leur ami, l'imita sur-le-champ.

Ils quittèrent Assise et se construisirent, près de la Portioncule, un abri de feuillage. Le 23 avril, un homme de la ville, Égide, vint les y rejoindre. Il prouva aussitôt sa bonne volonté en donnant à un indigent son beau manteau. Il fut une incarnation de l'esprit franciscain primitif, chaste et désintéressé.

François et ses trois amis, auxquels vinrent s'ajouter trois autres, prêchèrent la conversion dans la région d'Ancône. Ils mendiaient et rendaient des services. on les prenait, pour des hommes des bois (silvestres homines), mais on se rassurait en écoutant leurs chants joyeux. Puis leur chef les envoya en mission deux à deux. Ils recevaient assez souvent un mauvais accueil. On redoutait leurs larcins ou la contagion de leur exemple. Ils étaient tournés en ridicule, traînés sur le dos par leurs capuchons (Vita prima, 15 ; Légende, 37-39). Pénibles épreuves, qu'ils supportaient avec patience...

À Florence, Bernard et Égide, d'abord mal reçus par un propriétaire, le désarmèrent par leur piété et leur attitude pleine de dignité (Légende, 38-41). Quant à François, il évangélisa la vallée de Rieti à peu près païenne, se retirant souvent dans une grotte déserte pour y prier. Il en sortait retrempé et pleinement armé.

Pendant l'été de 1310 (Wadding, Sabatier), François partit pour Rome avec onze frères, pour faire approuver sa règle par Innocent III. Elle était très simple : elle impliquait une vie conforme aux préceptes de l'Évangile. Le pape et ses cardinaux hésitèrent à l'approuver, la trouvant trop dure. Mais, ému par une parabole ingénieuse que François lui raconta, il lui accorda une autorisation provisoire, non sans faire de son institution laïque une création cléricale en le soumettant, lui et ses frères, à la tonsure. Repartis joyeux en prêchant sur leur route, ils s'arrêtèrent quelques mois au refuge de Rivo-Torto, près de la léproserie d'Assise. Quand on apprit à Assise l'approbation de sa règle, on voulut l'entendre, et, monté dans la chaire de la cathédrale de Saint-Rufin, il remua les coeurs par ses accents à la fois pressants et pleins de tendresse. Il réussit même à réconcilier riches et les pauvres, très divisés.

Chassés de Rivo-Torto par un paysan brutal, les frères revinrent à la Portioncule, qui leur fut cédée â perpétuité. Ils y célébrèrent, dit Sabatier, « le culte de la pauvreté ». Elle fut pour eux « une fiancée ». Les membres de l'Ordre nouveau reçurent de son fondateur le titre de Minoritae ou Frères mineurs (Fratres minores) (31). Signalons quelques nouveaux disciples : Sylvestre et Rufin, adonnés à la contemplation, Masséo, grand, beau, éloquent, très humble et toujours joyeux, Junipère ou Genièvre, très obligeant, dont François disait : « Que n'avons-nous tout un bois de génevriers comme celui-là ! » Il y avait aussi Jean, surnommé « le simple », paysan inculte des environs d'Assise, qui, les yeux fixés sur le maître, copiait tous ses gestes, et surtout Léon d'Assise, venu vers 1211 (Sabatier), confesseur et secrétaire de François, qui, par réaction contre son prénom, l'appelait « le petit agneau de Dieu » (pecorella di Dio). Il fut et resta le chef de ses disciples fidèles (Besse).

La plus touchante recrue de François fut sainte Claire (32). Elle aimait à s'appeler « La petite plante (plantula) du bienheureux père François ». Née à Assise en 1194 d'une famille noble, elle avait été secouée par ses prédications. Elle vint lui ouvrir son coeur et, le soir du dimanche 18 mars 1212, elle prit furtivement le chemin de la Portioncule, et lui, simple diacre, reçut ses voeux et coupa ses cheveux d'or.
Il la conduisit dans un monastère de Bénédictines, où elle resta sourde aux menaces de son père et à ses supplications. Elle entra ensuite dans un couvent moins proche, celui de Saint-Ange, sur les flancs du Subasio. Quelques jours après, elle vit venir sa sÏur Agnès, et après une scène affreuse où cette jeune fille, entraînée par son père et quelques parents, injuriée et battue, s'évanouit, elle la ramena au couvent. Une troisième sÏur, Béatrice, vint plus tard les rejoindre.

François installa Claire et Agnès au monastère de Saint-Damien, dont l'aînée devint abbesse en 1215. Elle en fit, selon son expression, « la tour fortifiée de la suprême Pauvreté ». Travail et mendicité, telle fut la règle de vie (forma vivendi) que son maître écrivit pour elle. Elle s'y distingua par son extrême humilité, sa bienfaisance et sa dévotion. Elle dormit longtemps sur un morceau de cuir, portant une ceinture de poils rudes, et elle jeûnait si durement que François dut l'obliger à manger chaque jour un peu de pain. Elle refusa obstinément les biens matériels que son ami dévoué, le cardinal Hugolin - qui devait être le pape Grégoire IX (1227) - voulait lui donner.

Elle mourut en 1253 après quarante et un ans d'une vie monacale, éprouvée par une très longue maladie et par la fin prématurée de son maître, auquel elle avait voué une tendresse à la fois discrète et passionnée. Deux jours avant sa mort, elle obtint d'Innocent IV, « pour elle et pour ses soeurs, le droit d'être pauvres et de le rester ». Elle s'endormit comme une sainte. « Avec qui parles-tu ainsi ? » lui demanda l'une d'elles. Elle répondit : « Avec mon âme ! » Puis elle ajouta : « Et toi, ma soeur, ne vois-tu pas le Roi de gloire ? »




Le mouvement franciscain, qui prenait toujours plus de force, fut encouragé par l'octroi d'une « indulgence de la Portioncule ». François l'obtint, en 1216, du successeur d'Innocent III, le vieillard bienveillant et désintéressé qu'était Honorius III. Il lui fut accordé que quiconque entrerait dans cette église « bien repentant et après s'être bien confessé, serait absous de toute peine et de toute coulpe » un jour par an, à perpétuité.

L'habitude se prit de réunir à la Portioncule, un jour à chaque Pentecôte, un « chapitre général » mettant le maître en contact avec ses disciples. C'étaient des réunions d'édification, des retraites spirituelles. Celui de 1217 est connu par son organisation des missions franciscaines en Italie et ailleurs. Mais, peu à peu, l'idéal primitif s'altéra. Ces communautés libres, devinrent un Ordre discipliné, sous l'action du cardinal Hugolin, son protecteur, et du frère Elie de Cortone, puissant esprit et habile organisateur (33). François sentit douloureusement cette évolution, et au chapitre de septembre 1220, il déclara qu'il n'avait plus « la force et les qualités » nécessaires à la direction de sa grande « famille », et il la passa à Pierre de Catane, qui devait mourir le 10 mars 1221.

En accord avec la décision de ce chapitre de rédiger une règle nouvelle, François composa celle dite de 1221. Elle est très longue, d'une haute inspiration, mais imprécise. La dualité d'influences s'y montre : elle met à la tête de l'Ordre un général assisté d'un conseil, mais l'idéal primitif de pauvreté y est encore affirmé. Il l'est encore dans la règle de 1223, qui eut la sanction papale, mais elle proclame l'obéissance au pape et l'usage quotidien du bréviaire romain.

En 1224, François s'installa, avec Léon et quelques disciples, sur le mont Alverne, dans le Casentin (vallée supérieure de l'Arno), masse basaltique couverte de hêtres et de pins. Après la fête de l'Assomption, il monta seul en un lieu sauvage, où, selon l'expression des Fioretti, « il se plongea en Dieu ».

Le 14 septembre, après une demande instante adressée au Christ de ressentir en son corps les souffrances de la Passion, « il se sentit changé tout à fait en Jésus », et à la suite d'une vision, celle d'un séraphin volant vers lui cloué sur une croix, il découvrit sur lui les stigmates du Crucifié (34). Il dut porter des bandages, que Léon changeait. Rufin, qui lavait son linge, y remarqua du sang, venu de la plaie du flanc droit.

Le 30 septembre, tout joyeux de ce douloureux privilège, le stigmatisé quitta l'Alverne avec Léon, et, monté sur un âne, il revint à la Portioncule. À peine arrivé, il se mit en route pour une mission parmi les lépreux, mais il dut s'arrêter, épuisé, gêné d'ailleurs par une ophtalmie rapportée d'Égypte. Il se retira dans sa hutte de branchages de Saint-Damien, que Claire lui avait fait élever. C'est sur ce misérable grabat, et dans les ténèbres, qu'il composa « l'hymne joyeux du frère Soleil » (canticum fratris Solis). Il y louait le Seigneur d'avoir donné le soleil, la lune et les étoiles, le vent, l'eau, le feu et la terre, qu'il traitait de « frères » et de « soeurs ».

En 1225, on le trouve à Rieti, où Elie l'avait décidé là venir faire soigner ses yeux, traitement douloureux, avec brûlures au fer rouge, et inutile, qu'il supporta sans souffrance (Speculum perfectionis, ch. 115). Il passa une partie de l'hiver à Sienne, au doux climat. À la suite de violentes hémorragies, on le ramena à Assise, en évitant Pérouse qui aurait pu s'emparer de sa personne.
Sa ville natale le reçut avec une joie frénétique et intéressée, sentant que nul ne pourrait plus lui enlever son saint, impatiente même d'avoir cette relique de première grandeur. Pour plus de sûreté on l'installa à l'évêché, et l'on plaça des gardes à l'entrée. Il fut soigné par Léon, Ange, Rufin et Masséo. Il y souffrit beaucoup à la pensée de l'altération de son Ordre, et il dicta une lettre touchante adressée à tous ses membres, pour être lue à l'ouverture des chapitres.

Il eut la joie de réconcilier l'évêque, l'irritable Guido, avec le podestat d'Assise. Transporté dans sa chère Portioncule, « il alla vers la mort en chantant » (Vita secunda, 3, 139). Il dicta son Testament (35), document plein de spiritualité, vénéré par les Franciscains demeurés fidèles à son idéal. Il y commandait de ne rien ajouter et de ne rien retrancher à la règle. Il reçut la visite d'une pieuse Romaine, Jacqueline de Settesoli, qui resta près de lui jusqu'à son dernier soupir.

Sa vie s'acheva au milieu des cantiques et des pieuses lectures. Il mourut le 3 octobre 1226 à la nuit tombante. Son corps passa par Saint-Damien, où la douleur des soeurs fut déchirante, puis il fut déposé dans l'église Saint-Georges.

Le 26 juillet 1228, Grégoire IX vint à Assise présider la cérémonie de la canonisation et poser la première pierre de la merveilleuse basilique gothique de saint François, en contraste violent avec l'humilité du Poverello.

Ce qui fait la grandeur de saint François, c'est un ensemble de vertus à la fois surhumaines et familières, sérieux profond jailli d'une conversion définitive, renoncement total qui ne s'est pas démenti un instant, amour tendre et pacifiant qui s'étendait jusqu'à tout ce qui vit et souffre, même jusqu'aux choses inanimées, et l'invitait à saluer un frère dans un agneau et dans la cigale une sÏur (36), amour des âmes surtout, qui le poussait à tout braver pour leur apporter l'Évangile.
Il fut grand aussi par sa religion toute spirituelle, ancrée en Jésus qu'il tâchait d'imiter jusque dans sa Passion, plongée dans la prière où il s'attardait parfois durant des nuits entières, pour se retrouver le matin tout fortifié, prêt à chanter sa joie.

Catholique, il l'a été en ce sens qu'il s'est montré fils obéissant de l'Eglise, mais, selon le mot d'Abel Bonnard, « il n'a aucune couleur cléricale » Ne parlait-il pas fort librement du veuvage de sa Dame la Pauvreté, qui depuis le Christ jusqu'à lui n'avait pas trouvé d'époux ? « Je veux, disait-il encore, que mes frères soient des disciples de l'Évangile ! »

Toutes réserves, faites sur le genre de vie qu'il adopta et les lacunes de son idéal, avouons qu'il donna un grand exemple salutaire. « Il a sauvé la religion, que perdait l'Eglise », déclare Machiavel (37). Il fut, ainsi que ses frères, « un sujet de consolation », dit avec soulagement le cardinal Jacques de Vitry, de passage en Italie en 1216, très affligé par le spectacle de la cour pontificale si absorbée par les affaires temporelles qu' « il était presque impossible d'y parler des questions religieuses » (38). Ajoutons que la piété franciscaine façonna pour longtemps le christianisme italien.




Après la mort de François, les deux tendances, l'une stricte, l'autre large, s'affrontèrent. Le conflit éclata au sujet du droit de propriété. Grégoire IX, favorable à la seconde, accorda à l'Ordre la faculté de collecter pour bâtir des couvents et faire des missions. Innocent IV y ajouta, en 1245, la permission d'avoir des livres, des outils, des maisons et des terres, à titre d'administrateur des dons reçus.

Les « stricts », ou « observants », « spirituels », « zélateurs » (zelanti), résistèrent. Elie de Cortone, qui avait succédé au « général » Pierre de Catane, fut dur pour eux (39). Il expulsa le frère Léon, qui avait osé briser un vase de marbre destiné à recevoir les contributions pour une grande église à ériger à Assise sur les restes de saint François.

Influents sous Jean de Parme, devenu général (1247-1257), les stricts furent vaincus par Bonaventure, qui, dans sa Vie officielle du saint, passa sous silence son testament et qui renforça la discipline. Leur mécontentement gronda en 1274, quand ils apprirent que Grégoire X avait l'intention d'obliger l'Ordre à être propriétaire. Il y eut des incarcérations, dont celle de l'écrivain Ange Clareno, de la Marche d'Ancône (40). Plus tard, une bulle de Nicolas III, confirmant le décret de 1245 (celui d'Innocent IV), fut acceptée par le général Bonagratia et ses deux successeurs, mais rejetée par Pierre-Jean Olivi (mort en 1298) et le prédicateur observant Hubert de Casal. Le premier, tout en admettant l'usage de nécessité » (usas pauper), repoussait l'usage modéré » (usus moderatus) revendiqué par les disciples larges, les « Conventuels ». Après sa mort, Jean de Murro, général franciscain, brûla ses écrits et jeta ses partisans en prison. Comme on le verra plus loin, les spirituels devaient reprendre l'avantage sous Clément V pour être combattus ensuite par Jean XXII.

Les Frères mineurs déployèrent un zèle d'évangélisation conquérant. En Allemagne (41), il faut signaler l'activité (à partir de 1221) de César de Spire, aidé par Thomas de Célano et Jourdain de Giano. En Angleterre (42), ils furent bien reçus (1224) et se fixèrent à Londres, Oxford, Cambridge et ailleurs. Ils s'y tirent apprécier par leurs prédications familières et par leur philanthropie qui les poussait à visiter les quartiers les plus misérables, et ils y fondèrent soixante-six couvents. Mais avec les honneurs et les terres devait venir la décadence. Leurs collectes en faveur du trésor pontifical les rendirent impopulaires. « Le pape, écrivait Matthieu Paris, les a changés de pêcheurs d'hommes en pêcheurs de gros sous. » Leurs maisons devaient être fermées sous Henri VIII.

Le troisième Ordre (Tiers-Ordre) de saint François (43), les Tertiaires ou Frères et soeurs de Pénitence (44), se composa de laïques, hommes ou femmes, mariés ou non, décidés à réaliser dans la vie sociale l'idéal monacal. Leur règle primitive, dite Regula antiqua (45), en treize chapitres, prescrivait sans esprit sectaire des exercices ascétiques et religieux. Les femmes mariées ne pouvaient y être admises sans le consentement de leurs maris, et ceux qui avaient des familles étaient tenus de prendre soin d'elles (VI, 6). L'Ordre fut reconnu par le Saint-Siège en 1289, et modifié par Léon X qui le divisa en deux classes : les séculiers et les réguliers. Il subsiste encore dans l'Église romaine.

À côté de l'Ordre des Franciscains, parfois en rivalité avec lui, grandit celui des Dominicains.
Domingo (Dominique), son fondateur (46), naquit en 1170 à Calaguera (Castille). Devenu chanoine après de fortes études, il accompagna son évêque dans un voyage à Rome et en France (1203) et, à Montpellier, il entra en rapports avec des moines cisteriens chargés de convertir les Albigeois. Il forma le projet de créer un Ordre de prédicateurs itinérants, à l'exemple des ministres cathares. Il fut soutenu par le comte Simon de Montfort et Foulques, évêque de Toulouse, qui lui donnèrent des châteaux et une partie des dîmes. Après une campagne de prédications, il alla voir Innocent III, qui l'encouragea non sans lui conseiller d'adopter une règle déjà autorisée. Il choisit celle de saint Augustin, complétée par celle des Prémontrés et adopta un vêtement noir et blanc. Il aménagea, pour ses compagnons et pour lui, le couvent de Saint-Romain à Toulouse, et, en 1216, il fit approuver par Honorius III son Ordre de « frères prédicateurs », chargés de la conversion des hérétiques. Quatre ans plus tard, après une visite qu'il fit à François d'Assise, il résolut de lui imposer la pauvreté évangélique (47).

Dès 1217, les filiales commençaient à surgir. Dominique fonda un couvent de femmes à Madrid et un couvent d'hommes à Séville. Le premier monastère ouvert à Paris dans la maison dite « de Saint Jacques », parce qu'on y avait hébergé des pèlerins allant à Compostelle, valut aux dominicains de France le nom de « Jacobins ». Les « frères prédicateurs » s'abattirent aussi sur l'Allemagne et l'Angleterre (48). À Bologne, dont le vaste couvent était devenu la résidence de Dominique, se tint, en 1221, un « chapitre général » qui organisa l'Ordre à peu près comme celui de saint François. Il fut divisé en « provinces », sous la direction d'un magister generalis, élu par le chapitre général qui pouvait le destituer, et soumis directement au pape. Dominique mourut en 1224 et fut inhumé dans l'église du couvent de Bologne. Il devait être canonisé par Grégoire IX en 1233.

À sa mort, l'Ordre comptait soixante couvents, répartis dans huit provinces auxquelles quatre autres vinrent s'ajouter. Elles furent régies par les « Constitutions de 1228 » (49). Le but de l'Ordre fut défini ainsi : prédication et salut des âmes (50). On imposa aux prédicateurs une forte préparation : quatre ans d'études philosophiques et théologiques et même un supplément de trois années. En 1238, le canoniste Raymond de Pennaforte, troisième général de l'Ordre, donna à cette règle sa forme définitive. Dominique avait exigé la pauvreté, et sa dernière exhortation l'avait prescrite en même temps que la charité et l'humilité, mais ses successeurs, tout en continuant à mendier, ont moins pratiqué cette vertu que les Franciscains, et l'on constate qu'une bulle d'Honorius III (1216) leur reconnaissait le droit de posséder.

Cet Ordre est étroitement lié à l'Inquisition. Son fondateur s'y consacra, et, d'après Dante, il fut « bon pour ses amis, cruel pour ses ennemis ». Il s'était adjoint pour sa tâche une milice, composée d'hommes et de femmes mariés ou célibataires. Ce fut en 1232 que les « frères prédicateurs » s'adonnèrent à l'Inquisition, dans le nord de la France, en Espagne et en Allemagne, avec une rigueur qui coûta la vie à plusieurs d'entre eux. Ils furent appelés de bonne heure « dominicains », et l'on fit même le jeu de mots domini canes (chiens du Seigneur), qu'Honorius III confirma en leur donnant pour emblème un chien portant dans sa gueule une torche enflammée (51). La papauté récompensa leur zèle en leur donnant le droit - réservé au clergé séculier - de confesser, d'absoudre et d'imposer des pénitences, faveur qui amena des conflits entre eux et les prêtres et même les magistrats.

Les Dominicains firent grand usage du rosaire (rosarium), grand chapelet de quinze Pater et de cent cinquante Ave Maria. D'après une légende, la Vierge avait ordonné à Dominique de s'en servir pour la conversion des hérétiques. Bien que Léon XIII lui ait attribué cette pratique, il y a lieu d'observer avec le franciscain Holzapfel que les Constitutions de 1228, dans leur mention du culte de Marie, ne la nomment pas. La première confrérie du rosaire devait être fondée, en 1475, par le fameux inquisiteur allemand Jacques Sprenger dans l'église des dominicains de Cologne.

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(1) Avec eux s'ouvre la 4e des cinq périodes du monachisme distinguées par Harnack (Mönchtum). Les autres se rattachent aux solitaires du IVe siècle, à saint Benoît. Cluny et les Jésuites.
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(2) Innocent IV, il est vrai, dans une bulle (1254) qui parut « terrible » aux Ordres mendiants, leur en ôta quelques-uns, mais à peine fut-il mort que son successeur les rétablit.
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(3) Saint François, pourtant, avait prescrit à ses disciples de ne pas rechercher les faveurs papales.
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(4) Ces moines prétendaient professer à Paris ou conférer des degrés à leurs étudiants sans se soumettre à ses statuts. Ils furent frappés d'exclusion, mais Alexandre IV la fit lever. 
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(5) Annales Minorum, huit vol., Home, 1628-1654. 
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(6) Jésuites d'Anvers, chargés d'éditer la grande collection des Actes des Saints (Acta Sanctorum). Les trois principaux furent Jean Bolland et ses élèves, Henschen et Papenbroeck (XVIIe siècle). 
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(7) Dans le vol. II d'octobre 1768. 
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(8) Nouvelles Études d'Histoire religieuse, Paris 1884. Cf. Henri Thode, S. F. d'Assise..., Berlin 1885 (trad. franç., Paris 1909), et Gebhart, l'Italie mystique, ch. III. 
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(9) S. Fr. d'Assise, sa Vie et son Oeuvre, trad. Wyzewa, Perrin, Paris 1917. Ajoutons que Karl Muller a placé la Vie de Sabatier « au sommet de la littérature historique moderne » (Literaturzeitung, 1895, p. 179-186). Voici les principaux ouvrages à signaler : Arvède Barine, S. F. d'Assise et la Légende des trois Compagnons, Paris 1901; Goetz, Die Quellen zur Gesch. Pr. von Assisi, Gotha 1904 ; Schnürer, P. von Assisi, Munich 1905 ; Tamassia, S. F. d'Assisi et la sua Leggenda, Padoue 1906 ; Il. Lemaitre et A. Masseron, S. F. d'A., son Oeuvre, son Influence, Paris 1928 ; Abel Bonnard, S. F. d'A., Flammarion, Paris 1929, etc.
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(10) Paul Sabatier, Vie, etc., et Études inédites publiées par Goffin, Fischbacher, Paris 1931 et 1932.
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(11) Édition Lucas Wadding, franciscain irlandais (Anvers 1623) ; éditions plus critiques en 1904 (d'après le ms d'Assise N° 338 dans la bibliothèque du couvent) : celle de Boehmer (Tubingue et Leipzig), celle des Franciscains (Quaracchi, près de Florence).
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(12) Texte dans le Speculum perfectionis, dont nous allons parler.
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(13) Son authenticité, soutenue en 1895 par Paul Sabatier contre Kraus, archéologue allemand, est attestée par une déclaration autographe de Léon sur la Bénédiction.
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(14) Wadding en admettait 17, Quaracchi 7, Boehmer 6. La lettre à Antoine de Padoue est généralement rejetée.
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(15) Collection d'Études et de Documents, vol. II, p. 135 ss.
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(16) La Règle pour les Clarisses et celle pour le Tiers-Ordre franciscain, sous leur forme présente, ne sont pas de lui (Jorgensen, p. XXX).
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(17) Éditée dans le grand ouvrage du Père Edouard d'Alençon, S. P. Assisiensis Vita et Miracula, Rome 1906.
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(18) Éditée dans les Analecta Bollandiana, T. XXI, 1902. Cf. van Ortroy, Julien de Spire, Bruxelles 1890. À cette source se rattachent la Légende versifiée (Vila metrica) d'Henri de Pise, dessinateur et compositeur distingué, et diverses Légendes liturgiques pour les offices des choeurs.
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(19) Reproduite en tête des 14 mss de la Légende qui ont survécu.
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(20) Speculum Vitae S. Francisci et Sociorum ejus.
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(21) A ce groupe se rattache une Vie de saint François (manuscrit anonyme de Pérouse), contenant une biographie d'Égide faite, semble-t-il, par Léon. Elle doit être postérieure à 1290, car on y trouve citée la Légende de Bernard de Besse, secrétaire de saint Bonaventure (De Laudibus beati Francisci), parue vers cette date.
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(22) Attribution confirmée par la Chronique du frère Salimbène, de Parme, écrite vers 1285 (éd. à Parme, 1857)
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(23) Éditée par Edouard d'Alençon, Rome 1906.
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(24) Fragments découverts par Sabatier dans un ms d'Assise (publiés en 1894). L'ouvrage intégral a été trouvé par Van Ortroy dans un ms de Marseille (publié en 1899).
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(25) On les trouve indiqués dans Thode, S. Fr. d'Assise. Il reste 179 mss de l'ouvrage de Bonaventure (édité à Quaraechi. 1898).
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(26) Fr. Léonard Lemmens, Documenta antiqua franciscana I Scripta fratris Leonis, Quaracchi 1901.
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(27) Cette date est fort discutée. Minocchi, Jorgensen, Tilemann et Goetz la regardent comme une erreur de copiste, et proposent de lui substituer celle de 1317, qui figure sur un ms identique découvert par Minocchi dans la bibliothèque du couvent d'Ognissanti, à Florence. Pour eux, le Speculum est une compilation, dont certains éléments seraient antérieurs à la Vita secunda. Muller et Lempp y voient, au contraire, une « source de premier ordre », remontant à la première moitié du XIIIe siècle.
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(28) Édition Paul Sabatier, Paris 1902, et Fornaciari, Florence 1902.
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(29) Elle a été, éditée par Minocchi (Florence 1905). Il faut la distinguer de la Legenda vetus, qu'on lisait à haute voix dans le couvent franciscain d'Avignon sur l'ordre du général Michel de Cesena désireux de raviver l'esprit primitif. D'après Tilemann (Speculum perfectionis, Leipzig 1902), elle a été la Légende des trois Compagnons sous sa forme originale et complète.
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(30) Rappelons ici les principales biographies et leurs dates : Speculum perfectionis, 1227 ; Vita prima, 1229 ; Légende des trois Compagnons (en abrégé Légende), 1246; Vita secunda, 1247 ; Legenda major (Bonaventure), 1263. - Cf. P. Sabatier, Vie..., 1931.
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(31) Il disait : Minores ideo vocati suit fratres mei ut majores fieri non praesument.
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(32) Sources : Testament de Claire (éd. Quaracchi, 1897); bulle de canonisation d'Alexandre IV : Clara claris (1255) : sa Vie, par Barthélemy, évêque de Spolète.
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(33) Lempp, Frère Elie de Cortone, Paris 1901.
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(34) Ce miracle est raconté aussi dans la Vita prima et le Tractatus de Miraculis de Célano. Un témoignage plus sérieux est celui de Léon, qui affirme de sa propre main la réalité des stigmates, en même temps que l'authenticité d'une Bénédiction que saint François lui avait adressée. Les lettres d'Elie de Cortone aux Franciscains, relatant le miracle, sont moins convaincantes, car le désir d'accroître ainsi le prestige du Saint et de son Ordre a pu les inspirer (Karl Hase). En tout cas, la nouvelle s'accrédita vite. La plus ancienne peinture de François (1236) porte les stigmates, et en 1237 Grégoire IX invita l'Église entière à y croire.
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(35) Traduction dans Sabatier. Vie, p. 460-463.
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(36) Relire trois pages exquises de Gebhart, 114-116.
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(37) Discours sur Tite Live, L. III, ch. l.
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(38) Voir Paul Sabatier, Vie, ch. XII.
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(39) Cf. le Catalogue des 24 premiers généraux de l'ordre écrit de 1297 à 1305 (Anal. franç., t. III, 1897) ; la Chronique des 24 (premiers) généraux de l'ordre, de saint François jusqu'en 1374 (Anal. franç., t. III).
À consulter : Karl Muller, Les Origines de l'ordre des Mineurs, Fribourg 1885 ; Père Gratien, Hist. de la fondation et de l'évolution de l'ordre des Frères mineurs au XIIIe siècle, Paris, 1928 ; E. Jordan, Le premier Siècle franciscain (dans le grand ouvrage d'H. Lemaître et A. Masseron, Paris 1928, p. 90-147).
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(40) Auteur d'une Histoire des sept tribulations de l'ordre des Frères mineurs.
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(41) Chronique de Jourdain de Giano, 1262, imprimée dans les Analecta Franciscana, T. 1, Quaracchi 1885.
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(42) Chronique du frère Thomas d'Eccleston, entre 1264 et 1270 (Analecta franç., T. I).
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(43) Du second (Ordre des Clarisses ou « soeurs de Saint-Damien »), disons simplement que la règle que François lui avait donnée fut modifiée en 1219 et remplacée en 1263 par celle de saint Benoît.
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(44) Pierre Madonnet, Les Origines de l'Ordo de Poenitentia, Fribourg 1898, et Les Règles et le Gouvernement de l'Ordre de Poenitentia au XIIIe siècle (1212-1234), Paris 1902.
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(45) Éditée par Paul Sabatier.
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(46) Vie de Dominique, par Jordan, son successeur, éd. Berthier, Fribourg (en Suisse) 1892 ; H. Lacordaire, Vie de saint Dom., Paris 1840, 8e éd., 1882 ; E. Caro, Saint Dom. et les Dominicains, Paris 1853 ; A. Danzas, Études sur les Temps primitifs de l'ordre de S. D., Paris 1873-1885 ; Balme et Delaidier, Cartulaire ou Histoire diplomatique de S. D., Paris 1892 ; J. Guiraud, S. Dom., Paris, 2, éd., 1899 ; Lea, Hist. of inquisition, T. 1, p. 242-304 ; Lescher, S, D. and the Rosary, Londres 1902 ; Holzapfel, S. D. und der Rosenkranz, Munich 1903.
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(47) Paul Sabatier, Vie de saint François d'Assise, 1931, ch. XIV.
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(48) Le pont des « Moines noirs » (black friars) à Londres tire son nom d'un de leurs monastères.
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(49) Denifle, Die Constitutionem des Predigerordens vom Jahre 1228 (Arch. 1885, p. 165-227).
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(50) Ordo noster specialiter ob praedicationem et animarum salutem ab initio constitutus (Prologue).
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(51) Un tableau, dans leur couvent de Sainte-Marie-Nouvelle, à Florence, représente des chiens noirs et blancs chassant des renards (les hérétiques), sous les regards satisfaits du pape et de l'empereur.
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