À la mort de
Justinien (5651, la poussée barbare semblait enrayée, mais une vague
formidable se préparait, à la suite de grands bouleversements survenus
en Asie (1).
La Chine, au début du VI siècle,
avait, après une période de splendeur, subi une invasion mandchoue. Un
peu plus tard, l'Inde avait été occupée par les Hephtalistes.
Cinquante
ans après, les Turcs paraissent. Partis de l'Altai, ils renversent
deux
empires de l'Asie Centrale et dominent ce pays jusqu'aux frontières de
la Perse et au nord de l'Inde. Leur chef, le Khagan, a l'aspect d'un
potentat asiatique, trônant dans un fauteuil d'or massif, et
l'empereur
byzantin, plein de respect, noue avec lui des relations diplomatiques
(de 567 à 576). Les Avars, fuyant devant eux, se répandent au sud de
la
Russie jusqu'au Danube. Pressés par eux, les Lombards, établis dans la
plaine hongroise, se portent vers la Vénétie, en 568, et, en quatre
ans, prennent l'Italie du Nord, tandis que l'exarque se maintient à
Ravenne.
En Asie, les Perses, provoqués par
l'empereur Justin II, neveu et successeur de Justinien, recommencent
leurs attaques (572). ils pénètrent en Syrie, mais, deux ans après, le
général Maurice les repousse et envahit leur territoire. En 591,
l'Empire reprend presque toute l'Arménie persane. Mais Maurice, devenu
empereur en 582, est renversé, en 602, par le centurion Phocas, et sa
chute accroît l'anarchie. En 606, Chosroès II se jette sur l'Arménie
romaine, Antioche et Damas, il s'empare de Jérusalem, qui, pendant
trois jours est profanée (22-24 mai 614), et dont il envoie les
saintes
reliques en Perse, il pille terriblement Alexandrie (618). La Galatie
succombe à son tour, et le Bosphore est menacé. L'Empire semble
perdu... Il est sauvé par Héraclius (2).
Cet empereur remarquable (610-641),
issu d'une grande famille arménienne, avait renversé Phocas en 610. En
622, après une longue préparation de la revanche, soutenu par le
sentiment populaire et par Serge, patriarche de Constantinople, il
recouvre quelques provinces. Il pénètre même en Perse, mais l'ennemi,
réagissant avec vigueur, vient mettre le siège devant Byzance, mais
sans résultat. Héraclius, qui avait été refoulé vers le Caucase,
refait
son armée et reprend l'offensive en 627. Il atteint le Tigre et menace
Ctésiphon. Chosroès est massacré par ses sujets, et la Perse sombre
dans l'anarchie.
Par malheur, en 634, se dessine une
terrible menace, qui ne sera que trop suivie d'effet : les Arabes
apparaissent dans le sud de la Palestine (3).
On connaît l'histoire surprenante de
Mahomet. qui se posa en nouveau Moïse inspiré par Dieu, son émigration
(hidjira), à Yathrib, qui
devint « la ville du prophète » (al Madina en Nabi, ou Médine), sa
prédication qui se réclamait d'Abraham (Ibrahim), le grand ancêtre des
Arabes, et prescrivait aux croyants d'être « soumis à la volonté de
Dieu » (musulman), sa lutte à main armée contre ceux qui ne
l'acceptaient pas pour prophète (les infidèles), son grand livre
religieux, dépôt de ses révélations, légalistes et sans mysticisme, le
Coran (ou Lecture par excellence), avec ses cent quatorze sourates
(rangées de versets), qui prêchent l'unité de Dieu, la mission de
Mahomet, un paradis et un enfer matériels, et cinq pratiques rituelles
: l'ablution, la prière, l'aumône, le jeûne du mois de ramahdân et le
pèlerinage à la Mecque (4). On se
rappelle l'essor rapide,
presque foudroyant, de la puissance musulmane, stimulée par une foi
absolue et farouche, la perspective des joies du paradis et la
faiblesse des royaumes qu'elle attaquait, les succès de Mahomet au
Hedjaz, les victoires d'Abou-Bekr, son beau-père et son « vicaire »
(calife), qui, après sa mort, annexa toute l'Arabie (632-634). En 634,
les Arabes battirent, au sud-ouest de Jérusalem, Théodore, frère et,
en
636, l'empereur lui-même près du Jourdain. Ils prirent la Syrie, la
Judée, Ctésiphon (sur le Tigre), capitale des Sassanides, l'Irak
(l'ancienne Babylonie), Mossoul, la Mésopotamie, la Médie et, de 639 à
642, « le grenier du monde », l'Égypte, alors en pleine anarchie.
Heureusement pour l'Empire, ils n'osèrent pas encore viser
Constantinople.
Sous le règne d'Héraclius éclata une nouvelle
controverse dogmatique, fille du conflit monophysite. Et le
fut déchaînée par la théorie
monothélitique, qui enseignait « l'unité de volonté » en Christ (5).
Ce fut l'empereur lui-même qui la
provoqua. Désireux de gagner l'amitié des monophysites arméniens, il
crut possible de trouver une formule d'union en plaçant sur le terrain
moral l'épineux problème si âprement discuté. Dire que la volonté du
Christ était une, n'était-ce pas donner satisfaction aux tenants de
l'unité de sa nature ? Espoir d'autant plus raisonnable que les
théoriciens de l'orthodoxie ne s'étaient pas jusqu'alors occupés de
cette formule, ou même s'étaient servis d'expressions qui lui étaient
favorables. Cyrille d'Alexandrie avait reconnu dans le Christ « une
énergie vivifiante unique », et le Pseudo Denys l'Aréopagite avait
proclamé lui aussi « l'énergie de l'Homme-Dieu ». En 630, Héraclius
appela l'évêque Cyrus au siège d'Alexandrie. Cyrus réussit à faire
accepter par les monophysites sévériens d'Égypte le dogme de
Chalcédoine, en leur concédant l'unité d'« énergie » en Christ.
Encouragé par ce succès, l'empereur pria Serge, patriarche de
Constantinople, d'établir la vérité du monothéisme par des citations
des Pères. Serge, qui était favorable à, l'union, accepta cette tâche,
mais, pour accroître son autorité, il fit appel au pape Honorius qu'il
savait acquis à la nouvelle doctrine.
Le projet impérial, en effet, était
vivement combattu, non pas à Rome, mais à Alexandrie, par deux moines
exaltés, Sophronius et Maxime, dit le Confesseur (le martyr). Le
premier, devenu patriarche de Jérusalem, lutta jusqu'à la prise de la
ville sainte par les Arabes, en 637. Il avait réuni un dossier (perdu)
de six cents témoignages patristiques contre ce qu'il appelait la
nouvelle hérésie (6).
Quant à Maxime, il quitta
l'Égypte quand elle fut tombée elle aussi au pouvoir des musulmans
(640), et il alla faire une active propagande en Afrique. D'autre
part,
Honorius écrivit à Serge deux lettres où, tout en refusant de préciser
le nombre des « énergies » du Seigneur, par peur de se compromettre,
il
s'arrêtait à la notion imprécise d'une « énergie s'exerçant de
diverses
manières » (polytropôs). En dépit d'une réplique de Sophronius, qui
fit
condamner le pape par un synode tenu à Jérusalem, Héraclius crut
pouvoir imposer sa volonté à, l'Église entière, et il publia en 638,
sous forme d'édit, un Exposé (Ekthésis) de la foi monothélite.
Constant Il, successeur d'Héraclius (641-668),
effrayé par l'opposition violente, du pape Théodore qui, désavouant
Honorius, avait excommunié Paul, patriarche de Constantinople,
coupable
d'avoir accepté l'Exposé, essaya de rétablir la paix religieuse en
révoquant ce document ; mais son édit, le Typos (ou type de la foi),
qui ordonnait un silence définitif sur la question controversée, loin
de rafraîchir les esprits, fit passer sur eux une nouvelle vague de
chaleur. La résistance s'incarna dans le pape Martin 1er, et le moine
Maxime (7),
qui arrivait d'Afrique. En 645, il eut avec Pyrrhus, patriarche de
Constantinople, une discussion dont il sortit victorieux. De plus, un
synode convoqué par le pape, en 649, dans son palais de Latran (8),
condamna très énergiquement le monothéisme et les deux décrets
impériaux. Saisi sur l'ordre de Constant Il par l'exarque de Ravenne
et
amené à Constantinople, Martin fut accusé de haute trahison et exilé à
Cherson, en Crimée, où il mourut en 655. Quant à Maxime, l'empereur,
irrité par son refus persistant
de signer le Typos, le fit frapper et mutiler et le déporta en
Colchide, où il succomba en 662 (9).
Ces actes de violence arrêtèrent la
controverse. Les successeurs immédiats du pape persécuté évitèrent
d'attaquer l'édit et, de son côté, Constant Il s'abstint d'exiger leur
adhésion. Son successeur, Constantin IV Pogonat ou « le barbu »
(668-685), désireux de donner une solution au conflit, convoqua, en
680, le sixième concile oecuménique, à Constantinople. Le pape Agathon
fit alors rédiger par un synode tenu à Rome une adresse qui maintenait
les décisions de celui de Latran.
Le concile délibéra sous la
présidence de Constantin. Macaire, évêque in partibus d'Antioche, y
soutint la doctrine monothélite, mais les légats romains, munis d'une
lettre du pape aussi nette que celle de Léon-le-Grand à Flavien,
démontrèrent son incompatibilité avec les décrets du concile de
(Chalcédoine, puisqu'on ne peut admettre en Christ deux natures
distinctes sans accorder à chacune d'elles une volonté particulière.
L'assemblée convaincue affirma avec enthousiasme la coexistence de
deux
volontés « naturelles », distinctes mais inséparables, avec
subordination de l'humaine à la divine. Le monothéisme fut condamné,
Macaire excommunié et exilé, l'anathème lancé contre le pape Honorius.
Ce fut l'arrêt de mort de cette
doctrine. Soutenue (en 711), par un synode puis rejetée par un autre,
elle se maintint jusqu'au temps des Croisades dans la petite Église
dissidente des Maronites, fondée dans les vallées du Liban, et groupée
autour d'un couvent consacré à saint Maron. Au passage des croisés,
ils
se rattachèrent à l'Église de Rome, tout en gardant leur
organisation
propre, leur discipline et leur liturgie (10).
Au point de vue extérieur, la période qui s'étend
de la mort d'Héraclius à, l'avènement de Léon III (641-717), fut
marquée par les progrès de la poussée barbare. En vain Constant Il
s'efforça, d'arracher aux Lombards l'Italie méridionale (662-663) ; en
vain Constantin IN tenta, en 679, un débarquement en Dobroudja contre
les Bulgares ; en vain une flotte occupa temporairement Carthage : au
début du VIIIe siècle, l'Empire était cruellement amputé. La péninsule
balkanique regorgeait de Slaves ; les plus belles provinces
asiatiques,
l'Afrique et l'Espagne étaient perdues ; en Italie, l'empereur
possédait plus que la région de Borne, Venise, Naples, la Romagne et
les Marches, avec la Corse et la Sardaigne. Et puis, il devait se
défendre contre un ennemi devenu formidable...
Après avoir soumis l'Asie-Mineure et
l'Arménie à la suite de luttes prolongées, les musulmans tentent deux
fois, mais en vain, le siège de Constantinople, menace qu'ils
renouvelleront en 717-718 mais qui sera écartée par Léon III.
Multipliant leurs efforts, ils annexeront l'Afrique (709), puis
l'Espagne, et, à l'autre extrémité du monde, ils planteront l'étendard
de l'Islam sur Hérat, Kaboul et Samarkand, pour ne s'arrêter qu'à, la
vallée de l'Indus. Heureusement, cette puissance si envahissante porte
en elle des germes de faiblesse, qui sauveront l'Empire d'une ruine
complète : diminution des Arabes authentiques, à demi submergés sous
les races conquises, dissidences croissantes, d'autant plus hostiles
qu'elles sont plus durement réprimées, médiocrité des califes
omayades, dont le dernier,
Maroan Il, finit par être massacré avec toute sa famille (750). Le
triomphe des Abassides, avec Aboul's Abbas, arrière-petit-fils d'un
cousin germain de Mahomet, inaugure une période plus calme. À
l'offensive par le cimeterre succède la pénétration par rayonnement.
Les califes émigrent de Damas à,
Bagdad, bâtie pour eux sur le Tigre (762), et ils résident dans le
palais de la Porte d'or, splendidement décoré, avec tout un peuple de
dignitaires et d'eunuques et le cérémonial compliqué des rois de
Perse.
Mais, à part Haroun-al-Raschid (786-809) et Mamoun (813-833), ils sont
médiocres et souvent renversés. De leur empire se détachent peu à peu
des gouvernements autonomes : l'Espagne, ralliée dès 755 à un Omayade
établi à Cordoue ; l'Afrique, bravant Abou-Djafar, dit al Mançour (le
Victorieux) ; le Maroc se concentrant à Fez, bâti en 808 ; l'Égypte,
libérée par un aventurier turc, Ahmed, fixé à Foustat (le vieux
Caire).
Pourtant, l'empire islamique reste une réalité morale. À l'heure de la
prière, tous les regards sont tournés vers la Mecque. Ce qui unit
encore les croyants, c'est la communauté du langage et l'éclat d'une
civilisation à son apogée. Avec les Abassides, en effet, s'élabore un
art musulman, amalgame des techniques anciennes (11).
Il emprunte à l'Égypte, pour ses
mosquées, le plan du grand hall aux colonnades en quinconces (hall «
hypostyle ») ; a la Perse sassanide, pour ses palais, la vaste coupole
ovoïde, les décorations multicolores et les « arabesques » avant la
lettre ; à Byzance, ses belles colonnes de marbre et ses mosaïques
étincelantes. Les oeuvres des penseurs grecs, d'Aristote surtout, sont
traduites et commentées (12).
Mamoun fonde à Bagdad, en 832, une
« Maison de la Sagesse »,
université et bibliothèque. Pour défendre la doctrine du Coran
ébranlée
par la, philosophie païenne, et accorder la foi avec la raison, on
crée
une Scolastique (le Kalam), qui fait pendant à celle des chrétiens. On
se plonge dans la lecture des traités scientifiques grecs et des
ouvrages algébriques et astronomiques hindous. On emprunte aux Perses
des données médicales, des formes littéraires, le pût des poésies
légères et des contes merveilleux...
L'Empire d'Orient se releva grâce à Léon III (13),
dit
l'Isaurien (14),
ancien général en chef des armées d'Anatolie, illustré par sa
brillante
défense de Constantinople. Cet empereur énergique (717-746) réorganisa
les finances, l'administration provinciale et l'armée, où il rétablit
une sévère discipline par un petit code militaire. Il fit aussi un
code
favorable à la petite propriété et un autre, assez équitable, pour le
commerce maritime. Il modifia la jurisprudence de Justinien en
publiant
un Choix de textes législatifs où, en accord avec ses convictions
chrétiennes, il réformait le mariage et fortifiait le rôle de la femme
dans l'éducation des enfants.
Le nom de Léon III est resté attaché
à la célèbre « querelle des images ».
Sous son règne, en effet, éclata une
forte protestation. au sein de l'Église, contre certaines formes de
culte qui tendaient à prévaloir à Constantinople, en particulier dans
le peuple, sous l'action du bas clergé et des moines. Elle visait
surtout le culte des images (15).
«
On considérait les icônes, dit le Père Pargoire, comme des êtres
animés, susceptibles de remplir les fonctions du parrainage au baptême
ou à la vêture monastique... Des prêtres, raclant la couleur des
tableaux et des fresques, mêlaient cette poussière au pain et au vin
qu'ils distribuaient après la messe comme une communion. nouvelle » (16).
Parmi les plus indignés, on voyait
les Pauliciens (17).
Ces chrétiens radicaux réclamaient le retour à la simplicité
évangélique. Ils rejetaient tous les sacrements, y compris le baptême
et la communion, la vénération de la croix, le culte de la Vierge et
des saints. Ils répudiaient même le dogme de l'Incarnation, et ne
voyaient dans le Christ, qu'un prophète. Ils rejetaient toute
hiérarchie sacerdotale et pratiquaient un ascétisme modéré.
Léon III, dans son désir de
supprimer la principale cause du conflit qui grondait, et sans
consulter les autorités ecclésiastiques, interdit, en 726, la
vénération des images. Cette mesure trop brusquée dressa les uns
contre
les autres leurs adorateurs, peuple et clergé (les iconoudoles) et
leurs adversaires, fonctionnaires, évêques et gens de cour (les
iconoclastes). Il y eut des émeutes à Constantinople. Germain, qui, à
quatre-vingts ans, en 715, en était devenu le patriarche, s'efforça de
faire revenir l'empereur sur sa décision, mais contraint de se
retirer,
en 730, il mourut trois ans après. Anastase, son successeur, plus
docile, accepta l'édit. Rome, elle aussi, fut agitée. Le pape Grégoire
II protesta, en déniant à Léon III le droit de légiférer en matière de
foi. Grégoire III, son successeur (en 731), fit excommunier par un
synode, tenu à Rome, quiconque se soumettrait à la décision impériale.
L'empereur riposta en retranchant du diocèse de Rome la Calabre, la
Sicile et l'Illyrirum, pour les
incorporer à celui de Constantinople. Il préparait ainsi le schisme
entre l'Église d'Orient et celle d'Occident, et l'orientation de cette
dernière vers le roi des Francs, auquel elle devait demander de «
reconquérir » l'Italie.
Parmi les plus ardents champions des
images, il faut faire une place à part à un moine du couvent de
Saint-Sabas, près de Jérusalem, Jean Damascène (de Damas), théologien
et hymnographe (18)
que les byzantins surnommèrent Chrysorroas (« qui roule de l'or »). Il
conquit la célébrité par ses trois discours Contre ceux qui rejettent
les saintes Images. Après avoir réfuté les objections que l'on tirait
de l'Ancien Testament, hostile à toute représentation de la divinité,
il y soutient qu'un culte bien compris (non pas l'adoration même) peut
être rendu aux images du Christ, de la Vierge et des saints. Ne
sont-elles pas, d'ailleurs, un moyen d'instruction pour les ignorants,
un stimulant au bien ? Chacun de ces trois discours se termine par une
série de témoignages patristiques favorables à la coutume abolie par
l'empereur. Jean Damascène mourut avant l'an 754, date où sa mémoire
fut condamnée par un synode iconoclaste.
Après la mort de Léon III (740), la
lutte contre les images fut reprise. par son fils, Constantin V (19),
dit
Copronyme (« l'ordurier »).
Absorbé d'abord par ses brillantes'
campagnes contre les Arabes et les Bulgares, puis par la rivalité du
grand général Artavarde, soutenu par tous les partisans du culte des
images, même par Anastase, qu'il avait gagné à sa cause, Constantin
Copronyme, enfin victorieux, convoqua en 753, au palais d'Héria, sur
le
rivage asiatique du Bosphore, un grand concile qui
réunit 338 évêques, et il obtint de lui, après six mois de débats, la
déposition des prêtres et l'excommunication des laïques qui
refuseraient d'ôter les images des églises ou persisteraient à les
adorer à domicile. L'empereur appliqua la sentence. Il fit la chasse
aux icônes et aux peintures attardées dans les églises. Des fresques
furent badigeonnées, des reliques enlevées, des moines poursuivis.
Après la découverte d'un complot (765), il usa des dernières rigueurs.
Il ordonna la fermeture des couvents, et fit même supplicier un
patriarche. Il mourut en 775, laissant l'Empire en proie aux intrigues
et aux troubles religieux.
Plus tard, en 787, le culte des
images fut rétabli par Irène, Athénienne ambitieuse et autoritaire,
tutrice du jeune Constantin VI. Elle s'attira ainsi de nombreuses
inimitiés, et dut abdiquer (790). En 797, elle ressaisit le pouvoir en
chassant son fils du trône, et elle s'y cramponna cinq ans. Ce fut la
fin de la dynastie isaurienne. Mentionnons enfin la proscription, en
815, du culte des images par Léon l'Arménien, habile général devenu
empereur, qui, par mesure de représailles, fut assassiné le jour de
Noël de l'an 820 (20).
Pendant cette période si agitée, où
il fut affaibli par d'oiseuses discussions, le christianisme oriental
fit néanmoins quelques progrès chez certains peuples lointains.
Julien,
prêtre égyptien, le propagea en Nubie, sous le règne de Justinien. Les
temples païens y furent changés en églises. En Éthiopie, le roi
Elesbaan défendit les chrétiens d'une certaine tribu contre les
persécutions d'un prince arabe devenu juif (vie siècle). Vers l'an
520,
la foi nouvelle gagna la Colchide (à l'extrémité orientale du
Pont-Euxin), sous l'action d'un prince qui, venu demander à Justin 1er
de lui accorder la royauté, était retourné dans son pays,
chargé
de présents, pourvu du titre de souverain et mari d'une Grecque
de noble naissance. Peu de temps après, les Abasges, voisins du
Caucase, furent convertis par des missionnaires que Justinien avait
envoyés (21). Au cours du même siècle, le voyageur Cosmas découvrit
des
Églises chrétiennes, sans doute d'origine perse, dans l'île de
Taprobane (Ceylan), sur la côte du Malabar, à Calliana (probablement
Calcutta) et dans l'île de Socotora, au sud de l'Arabie.
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