Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

L'Empire et l'Église d'Orient, de Justin II au IXe siècle.

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À la mort de Justinien (5651, la poussée barbare semblait enrayée, mais une vague formidable se préparait, à la suite de grands bouleversements survenus en Asie (1).

La Chine, au début du VI siècle, avait, après une période de splendeur, subi une invasion mandchoue. Un peu plus tard, l'Inde avait été occupée par les Hephtalistes. Cinquante ans après, les Turcs paraissent. Partis de l'Altai, ils renversent deux empires de l'Asie Centrale et dominent ce pays jusqu'aux frontières de la Perse et au nord de l'Inde. Leur chef, le Khagan, a l'aspect d'un potentat asiatique, trônant dans un fauteuil d'or massif, et l'empereur byzantin, plein de respect, noue avec lui des relations diplomatiques (de 567 à 576). Les Avars, fuyant devant eux, se répandent au sud de la Russie jusqu'au Danube. Pressés par eux, les Lombards, établis dans la plaine hongroise, se portent vers la Vénétie, en 568, et, en quatre ans, prennent l'Italie du Nord, tandis que l'exarque se maintient à Ravenne.

En Asie, les Perses, provoqués par l'empereur Justin II, neveu et successeur de Justinien, recommencent leurs attaques (572). ils pénètrent en Syrie, mais, deux ans après, le général Maurice les repousse et envahit leur territoire. En 591, l'Empire reprend presque toute l'Arménie persane. Mais Maurice, devenu empereur en 582, est renversé, en 602, par le centurion Phocas, et sa chute accroît l'anarchie. En 606, Chosroès II se jette sur l'Arménie romaine, Antioche et Damas, il s'empare de Jérusalem, qui, pendant trois jours est profanée (22-24 mai 614), et dont il envoie les saintes reliques en Perse, il pille terriblement Alexandrie (618). La Galatie succombe à son tour, et le Bosphore est menacé. L'Empire semble perdu... Il est sauvé par Héraclius (2).

Cet empereur remarquable (610-641), issu d'une grande famille arménienne, avait renversé Phocas en 610. En 622, après une longue préparation de la revanche, soutenu par le sentiment populaire et par Serge, patriarche de Constantinople, il recouvre quelques provinces. Il pénètre même en Perse, mais l'ennemi, réagissant avec vigueur, vient mettre le siège devant Byzance, mais sans résultat. Héraclius, qui avait été refoulé vers le Caucase, refait son armée et reprend l'offensive en 627. Il atteint le Tigre et menace Ctésiphon. Chosroès est massacré par ses sujets, et la Perse sombre dans l'anarchie.

Par malheur, en 634, se dessine une terrible menace, qui ne sera que trop suivie d'effet : les Arabes apparaissent dans le sud de la Palestine (3).

On connaît l'histoire surprenante de Mahomet. qui se posa en nouveau Moïse inspiré par Dieu, son émigration (hidjira), à Yathrib, qui devint « la ville du prophète » (al Madina en Nabi, ou Médine), sa prédication qui se réclamait d'Abraham (Ibrahim), le grand ancêtre des Arabes, et prescrivait aux croyants d'être « soumis à la volonté de Dieu » (musulman), sa lutte à main armée contre ceux qui ne l'acceptaient pas pour prophète (les infidèles), son grand livre religieux, dépôt de ses révélations, légalistes et sans mysticisme, le Coran (ou Lecture par excellence), avec ses cent quatorze sourates (rangées de versets), qui prêchent l'unité de Dieu, la mission de Mahomet, un paradis et un enfer matériels, et cinq pratiques rituelles : l'ablution, la prière, l'aumône, le jeûne du mois de ramahdân et le pèlerinage à la Mecque (4). On se rappelle l'essor rapide, presque foudroyant, de la puissance musulmane, stimulée par une foi absolue et farouche, la perspective des joies du paradis et la faiblesse des royaumes qu'elle attaquait, les succès de Mahomet au Hedjaz, les victoires d'Abou-Bekr, son beau-père et son « vicaire » (calife), qui, après sa mort, annexa toute l'Arabie (632-634). En 634, les Arabes battirent, au sud-ouest de Jérusalem, Théodore, frère et, en 636, l'empereur lui-même près du Jourdain. Ils prirent la Syrie, la Judée, Ctésiphon (sur le Tigre), capitale des Sassanides, l'Irak (l'ancienne Babylonie), Mossoul, la Mésopotamie, la Médie et, de 639 à 642, « le grenier du monde », l'Égypte, alors en pleine anarchie. Heureusement pour l'Empire, ils n'osèrent pas encore viser Constantinople.




Sous le règne d'Héraclius éclata une nouvelle controverse dogmatique, fille du conflit monophysite. Et le fut déchaînée par la théorie monothélitique, qui enseignait « l'unité de volonté » en Christ (5).

Ce fut l'empereur lui-même qui la provoqua. Désireux de gagner l'amitié des monophysites arméniens, il crut possible de trouver une formule d'union en plaçant sur le terrain moral l'épineux problème si âprement discuté. Dire que la volonté du Christ était une, n'était-ce pas donner satisfaction aux tenants de l'unité de sa nature ? Espoir d'autant plus raisonnable que les théoriciens de l'orthodoxie ne s'étaient pas jusqu'alors occupés de cette formule, ou même s'étaient servis d'expressions qui lui étaient favorables. Cyrille d'Alexandrie avait reconnu dans le Christ « une énergie vivifiante unique », et le Pseudo Denys l'Aréopagite avait proclamé lui aussi « l'énergie de l'Homme-Dieu ». En 630, Héraclius appela l'évêque Cyrus au siège d'Alexandrie. Cyrus réussit à faire accepter par les monophysites sévériens d'Égypte le dogme de Chalcédoine, en leur concédant l'unité d'« énergie » en Christ. Encouragé par ce succès, l'empereur pria Serge, patriarche de Constantinople, d'établir la vérité du monothéisme par des citations des Pères. Serge, qui était favorable à, l'union, accepta cette tâche, mais, pour accroître son autorité, il fit appel au pape Honorius qu'il savait acquis à la nouvelle doctrine.

Le projet impérial, en effet, était vivement combattu, non pas à Rome, mais à Alexandrie, par deux moines exaltés, Sophronius et Maxime, dit le Confesseur (le martyr). Le premier, devenu patriarche de Jérusalem, lutta jusqu'à la prise de la ville sainte par les Arabes, en 637. Il avait réuni un dossier (perdu) de six cents témoignages patristiques contre ce qu'il appelait la nouvelle hérésie (6). Quant à Maxime, il quitta l'Égypte quand elle fut tombée elle aussi au pouvoir des musulmans (640), et il alla faire une active propagande en Afrique. D'autre part, Honorius écrivit à Serge deux lettres où, tout en refusant de préciser le nombre des « énergies » du Seigneur, par peur de se compromettre, il s'arrêtait à la notion imprécise d'une « énergie s'exerçant de diverses manières » (polytropôs). En dépit d'une réplique de Sophronius, qui fit condamner le pape par un synode tenu à Jérusalem, Héraclius crut pouvoir imposer sa volonté à, l'Église entière, et il publia en 638, sous forme d'édit, un Exposé (Ekthésis) de la foi monothélite.




Constant Il, successeur d'Héraclius (641-668), effrayé par l'opposition violente, du pape Théodore qui, désavouant Honorius, avait excommunié Paul, patriarche de Constantinople, coupable d'avoir accepté l'Exposé, essaya de rétablir la paix religieuse en révoquant ce document ; mais son édit, le Typos (ou type de la foi), qui ordonnait un silence définitif sur la question controversée, loin de rafraîchir les esprits, fit passer sur eux une nouvelle vague de chaleur. La résistance s'incarna dans le pape Martin 1er, et le moine Maxime (7), qui arrivait d'Afrique. En 645, il eut avec Pyrrhus, patriarche de Constantinople, une discussion dont il sortit victorieux. De plus, un synode convoqué par le pape, en 649, dans son palais de Latran (8), condamna très énergiquement le monothéisme et les deux décrets impériaux. Saisi sur l'ordre de Constant Il par l'exarque de Ravenne et amené à Constantinople, Martin fut accusé de haute trahison et exilé à Cherson, en Crimée, où il mourut en 655. Quant à Maxime, l'empereur, irrité par son refus persistant de signer le Typos, le fit frapper et mutiler et le déporta en Colchide, où il succomba en 662 (9).

Ces actes de violence arrêtèrent la controverse. Les successeurs immédiats du pape persécuté évitèrent d'attaquer l'édit et, de son côté, Constant Il s'abstint d'exiger leur adhésion. Son successeur, Constantin IV Pogonat ou « le barbu » (668-685), désireux de donner une solution au conflit, convoqua, en 680, le sixième concile oecuménique, à Constantinople. Le pape Agathon fit alors rédiger par un synode tenu à Rome une adresse qui maintenait les décisions de celui de Latran.

Le concile délibéra sous la présidence de Constantin. Macaire, évêque in partibus d'Antioche, y soutint la doctrine monothélite, mais les légats romains, munis d'une lettre du pape aussi nette que celle de Léon-le-Grand à Flavien, démontrèrent son incompatibilité avec les décrets du concile de (Chalcédoine, puisqu'on ne peut admettre en Christ deux natures distinctes sans accorder à chacune d'elles une volonté particulière. L'assemblée convaincue affirma avec enthousiasme la coexistence de deux volontés « naturelles », distinctes mais inséparables, avec subordination de l'humaine à la divine. Le monothéisme fut condamné, Macaire excommunié et exilé, l'anathème lancé contre le pape Honorius.

Ce fut l'arrêt de mort de cette doctrine. Soutenue (en 711), par un synode puis rejetée par un autre, elle se maintint jusqu'au temps des Croisades dans la petite Église dissidente des Maronites, fondée dans les vallées du Liban, et groupée autour d'un couvent consacré à saint Maron. Au passage des croisés, ils se rattachèrent à l'Église de Rome, tout en gardant leur organisation propre, leur discipline et leur liturgie (10).




Au point de vue extérieur, la période qui s'étend de la mort d'Héraclius à, l'avènement de Léon III (641-717), fut marquée par les progrès de la poussée barbare. En vain Constant Il s'efforça, d'arracher aux Lombards l'Italie méridionale (662-663) ; en vain Constantin IN tenta, en 679, un débarquement en Dobroudja contre les Bulgares ; en vain une flotte occupa temporairement Carthage : au début du VIIIe siècle, l'Empire était cruellement amputé. La péninsule balkanique regorgeait de Slaves ; les plus belles provinces asiatiques, l'Afrique et l'Espagne étaient perdues ; en Italie, l'empereur possédait plus que la région de Borne, Venise, Naples, la Romagne et les Marches, avec la Corse et la Sardaigne. Et puis, il devait se défendre contre un ennemi devenu formidable...

Après avoir soumis l'Asie-Mineure et l'Arménie à la suite de luttes prolongées, les musulmans tentent deux fois, mais en vain, le siège de Constantinople, menace qu'ils renouvelleront en 717-718 mais qui sera écartée par Léon III. Multipliant leurs efforts, ils annexeront l'Afrique (709), puis l'Espagne, et, à l'autre extrémité du monde, ils planteront l'étendard de l'Islam sur Hérat, Kaboul et Samarkand, pour ne s'arrêter qu'à, la vallée de l'Indus. Heureusement, cette puissance si envahissante porte en elle des germes de faiblesse, qui sauveront l'Empire d'une ruine complète : diminution des Arabes authentiques, à demi submergés sous les races conquises, dissidences croissantes, d'autant plus hostiles qu'elles sont plus durement réprimées, médiocrité des califes omayades, dont le dernier, Maroan Il, finit par être massacré avec toute sa famille (750). Le triomphe des Abassides, avec Aboul's Abbas, arrière-petit-fils d'un cousin germain de Mahomet, inaugure une période plus calme. À l'offensive par le cimeterre succède la pénétration par rayonnement.

Les califes émigrent de Damas à, Bagdad, bâtie pour eux sur le Tigre (762), et ils résident dans le palais de la Porte d'or, splendidement décoré, avec tout un peuple de dignitaires et d'eunuques et le cérémonial compliqué des rois de Perse. Mais, à part Haroun-al-Raschid (786-809) et Mamoun (813-833), ils sont médiocres et souvent renversés. De leur empire se détachent peu à peu des gouvernements autonomes : l'Espagne, ralliée dès 755 à un Omayade établi à Cordoue ; l'Afrique, bravant Abou-Djafar, dit al Mançour (le Victorieux) ; le Maroc se concentrant à Fez, bâti en 808 ; l'Égypte, libérée par un aventurier turc, Ahmed, fixé à Foustat (le vieux Caire). Pourtant, l'empire islamique reste une réalité morale. À l'heure de la prière, tous les regards sont tournés vers la Mecque. Ce qui unit encore les croyants, c'est la communauté du langage et l'éclat d'une civilisation à son apogée. Avec les Abassides, en effet, s'élabore un art musulman, amalgame des techniques anciennes (11). Il emprunte à l'Égypte, pour ses mosquées, le plan du grand hall aux colonnades en quinconces (hall « hypostyle ») ; a la Perse sassanide, pour ses palais, la vaste coupole ovoïde, les décorations multicolores et les « arabesques » avant la lettre ; à Byzance, ses belles colonnes de marbre et ses mosaïques étincelantes. Les oeuvres des penseurs grecs, d'Aristote surtout, sont traduites et commentées (12). Mamoun fonde à Bagdad, en 832, une « Maison de la Sagesse », université et bibliothèque. Pour défendre la doctrine du Coran ébranlée par la, philosophie païenne, et accorder la foi avec la raison, on crée une Scolastique (le Kalam), qui fait pendant à celle des chrétiens. On se plonge dans la lecture des traités scientifiques grecs et des ouvrages algébriques et astronomiques hindous. On emprunte aux Perses des données médicales, des formes littéraires, le pût des poésies légères et des contes merveilleux...




L'Empire d'Orient se releva grâce à Léon III (13), dit l'Isaurien (14), ancien général en chef des armées d'Anatolie, illustré par sa brillante défense de Constantinople. Cet empereur énergique (717-746) réorganisa les finances, l'administration provinciale et l'armée, où il rétablit une sévère discipline par un petit code militaire. Il fit aussi un code favorable à la petite propriété et un autre, assez équitable, pour le commerce maritime. Il modifia la jurisprudence de Justinien en publiant un Choix de textes législatifs où, en accord avec ses convictions chrétiennes, il réformait le mariage et fortifiait le rôle de la femme dans l'éducation des enfants.
Le nom de Léon III est resté attaché à la célèbre « querelle des images ».

Sous son règne, en effet, éclata une forte protestation. au sein de l'Église, contre certaines formes de culte qui tendaient à prévaloir à Constantinople, en particulier dans le peuple, sous l'action du bas clergé et des moines. Elle visait surtout le culte des images (15). « On considérait les icônes, dit le Père Pargoire, comme des êtres animés, susceptibles de remplir les fonctions du parrainage au baptême ou à la vêture monastique... Des prêtres, raclant la couleur des tableaux et des fresques, mêlaient cette poussière au pain et au vin qu'ils distribuaient après la messe comme une communion. nouvelle » (16).

Parmi les plus indignés, on voyait les Pauliciens (17). Ces chrétiens radicaux réclamaient le retour à la simplicité évangélique. Ils rejetaient tous les sacrements, y compris le baptême et la communion, la vénération de la croix, le culte de la Vierge et des saints. Ils répudiaient même le dogme de l'Incarnation, et ne voyaient dans le Christ, qu'un prophète. Ils rejetaient toute hiérarchie sacerdotale et pratiquaient un ascétisme modéré.

Léon III, dans son désir de supprimer la principale cause du conflit qui grondait, et sans consulter les autorités ecclésiastiques, interdit, en 726, la vénération des images. Cette mesure trop brusquée dressa les uns contre les autres leurs adorateurs, peuple et clergé (les iconoudoles) et leurs adversaires, fonctionnaires, évêques et gens de cour (les iconoclastes). Il y eut des émeutes à Constantinople. Germain, qui, à quatre-vingts ans, en 715, en était devenu le patriarche, s'efforça de faire revenir l'empereur sur sa décision, mais contraint de se retirer, en 730, il mourut trois ans après. Anastase, son successeur, plus docile, accepta l'édit. Rome, elle aussi, fut agitée. Le pape Grégoire II protesta, en déniant à Léon III le droit de légiférer en matière de foi. Grégoire III, son successeur (en 731), fit excommunier par un synode, tenu à Rome, quiconque se soumettrait à la décision impériale. L'empereur riposta en retranchant du diocèse de Rome la Calabre, la Sicile et l'Illyrirum, pour les incorporer à celui de Constantinople. Il préparait ainsi le schisme entre l'Église d'Orient et celle d'Occident, et l'orientation de cette dernière vers le roi des Francs, auquel elle devait demander de « reconquérir » l'Italie.

Parmi les plus ardents champions des images, il faut faire une place à part à un moine du couvent de Saint-Sabas, près de Jérusalem, Jean Damascène (de Damas), théologien et hymnographe (18) que les byzantins surnommèrent Chrysorroas (« qui roule de l'or »). Il conquit la célébrité par ses trois discours Contre ceux qui rejettent les saintes Images. Après avoir réfuté les objections que l'on tirait de l'Ancien Testament, hostile à toute représentation de la divinité, il y soutient qu'un culte bien compris (non pas l'adoration même) peut être rendu aux images du Christ, de la Vierge et des saints. Ne sont-elles pas, d'ailleurs, un moyen d'instruction pour les ignorants, un stimulant au bien ? Chacun de ces trois discours se termine par une série de témoignages patristiques favorables à la coutume abolie par l'empereur. Jean Damascène mourut avant l'an 754, date où sa mémoire fut condamnée par un synode iconoclaste.

Après la mort de Léon III (740), la lutte contre les images fut reprise. par son fils, Constantin V (19), dit Copronyme (« l'ordurier »).

Absorbé d'abord par ses brillantes' campagnes contre les Arabes et les Bulgares, puis par la rivalité du grand général Artavarde, soutenu par tous les partisans du culte des images, même par Anastase, qu'il avait gagné à sa cause, Constantin Copronyme, enfin victorieux, convoqua en 753, au palais d'Héria, sur le rivage asiatique du Bosphore, un grand concile qui réunit 338 évêques, et il obtint de lui, après six mois de débats, la déposition des prêtres et l'excommunication des laïques qui refuseraient d'ôter les images des églises ou persisteraient à les adorer à domicile. L'empereur appliqua la sentence. Il fit la chasse aux icônes et aux peintures attardées dans les églises. Des fresques furent badigeonnées, des reliques enlevées, des moines poursuivis. Après la découverte d'un complot (765), il usa des dernières rigueurs. Il ordonna la fermeture des couvents, et fit même supplicier un patriarche. Il mourut en 775, laissant l'Empire en proie aux intrigues et aux troubles religieux.

Plus tard, en 787, le culte des images fut rétabli par Irène, Athénienne ambitieuse et autoritaire, tutrice du jeune Constantin VI. Elle s'attira ainsi de nombreuses inimitiés, et dut abdiquer (790). En 797, elle ressaisit le pouvoir en chassant son fils du trône, et elle s'y cramponna cinq ans. Ce fut la fin de la dynastie isaurienne. Mentionnons enfin la proscription, en 815, du culte des images par Léon l'Arménien, habile général devenu empereur, qui, par mesure de représailles, fut assassiné le jour de Noël de l'an 820 (20).

Pendant cette période si agitée, où il fut affaibli par d'oiseuses discussions, le christianisme oriental fit néanmoins quelques progrès chez certains peuples lointains. Julien, prêtre égyptien, le propagea en Nubie, sous le règne de Justinien. Les temples païens y furent changés en églises. En Éthiopie, le roi Elesbaan défendit les chrétiens d'une certaine tribu contre les persécutions d'un prince arabe devenu juif (vie siècle). Vers l'an 520, la foi nouvelle gagna la Colchide (à l'extrémité orientale du Pont-Euxin), sous l'action d'un prince qui, venu demander à Justin 1er de lui accorder la royauté, était retourné dans son pays, chargé de présents, pourvu du titre de souverain et mari d'une Grecque de noble naissance. Peu de temps après, les Abasges, voisins du Caucase, furent convertis par des missionnaires que Justinien avait envoyés (21). Au cours du même siècle, le voyageur Cosmas découvrit des Églises chrétiennes, sans doute d'origine perse, dans l'île de Taprobane (Ceylan), sur la côte du Malabar, à Calliana (probablement Calcutta) et dans l'île de Socotora, au sud de l'Arabie.

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(1) René Grousset, Histoire de l'Asie, T. II, Paris 1921. 
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(2) L. Drapeyron, L'empereur Héraclius et L'Empire byzantin au VIIe siècle, Paris 1869 ; Bury, A History of the later Roman Empire from Arcadius to Irene (de 395 à 800), Londres 1889. 
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(3) Huart, Histoire des Arabes, deux vol. Puvis 1912-1913, et l'Encyclopédie de l'Islam, Paris et Leyde, 1907 ss.
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(4) Voir le très beau livre du savant professeur genevois Edouard Montel, Le Coran, traduction nouvelle avec une introduction et de nombreuses notes, Payot, Paris 1929. 
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(5) Cf. l'art. Monothélifisme, par Jundt (Encycl, Licht.). 
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(6) On lui doit aussi une Vie de sainte Marie l'Égyptienne et des hymnes liturgiques populaires. Voir, sur Sophronius, Ed. Bouvy, Poètes et Mélodes, Nîmes 1886. et Vaillhé (Revue de l'Orient chrétien, 1902, p. 360-385).
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(7) Straubinger. Die Christologie des M. C., Bonn 1906. (8) Ce fut le premier synode de Latran. 
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(9) Il laissait des ouvrages d'exégèse, des hymnes, des traités de morale dont le principal est le Liber asceticus, d'un style affecté et obscur. 
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(10) F, Macler, Chrétientés orientales, art. cité, p. 341. 
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(11) 6. Le Bon, La Civilisation des Arabes, Paris 1884 ; Saladin et Migeon, Manuel d'Art musulman, Picard, Paris 1907 ; Halphen, Les Barbares, p. 230. 
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(12) Lacy 0' Leary, Arabie Thought and ils place in History, Londres 1922.
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(13) Collinet, The Eastern Roman Empire (717-1453), Cambridge 1923. 
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(14) Il était originaire d'Isaurie (Asie-Mineure). Sa dynastie a reçu le nom d'isaurienne. 
(15) Louis Bréhier, La Querelle (les Images, Paris 1904. 
(16) L'Église byzantine de 527 à 847, Paris 1905, p. 329.
(17) Ce nom vient de leur vénération pour saint Paul.
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(18) Ainslee, John of Damascus, 3e éd. Londres 1903 Ermont, S. J. Damascène, Paris 1904 (coll. : La Pensée chrétienne). 
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(19) Alfred Lombard, Constantin V empereur des Romains, Paris 1902.
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(20) Bury, History of the Eastern Roman Empire (de 802 à 857), Londres 1912. 
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