Le
Christianisme se répandit largement en Asie Orientale, au IIIe siècle,
surtout sous l'influence d'Origène, venu se fixer à Césarée. Parmi les
écrivains les plus en vue, nommons Jules surnommé l'Africain, esprit
curieux et chrétien assez superstitieux et étrange, officier,
architecte, historien et savant, avec une ingénuité qui fit de lui un
adepte des sciences occultes, particularité qui n'a rien de surprenant
à cette époque de grande fermentation intellectuelle, si bien dépeinte
par Jean Réville. Né à Jérusalem vers l'an 175, il fit divers voyages
et finit par s'établir à Nicopolis (l'ancien Emmaüs), où se trouvait
une colonie de vétérans. Vers 222, ses concitoyens le chargèrent de
demander à, Alexandre Sévère la restauration de leur ville. Pendant
son
séjour à Rome, il fonda pour l'empereur une bibliothèque au Panthéon.
Il mourut à Nicopolis vers 240. Son ouvrage le plus important est une
Chronologie, en cinq livres, largement utilisée par Hippolyte, Eusèbe,
etc. (1).
Partant de l'idée préconçue que la Bible donnait la chronologie exacte
des grands événements, il notait, dans des tableaux synchroniques
parallèles, les dates importantes de l'histoire profane et de
l'histoire sacrée, depuis la Création jusqu'à l'année 221. Il divisait
la durée totale du monde en six jours de mille ans chacun, et en
plaçait la fin à près de trois siècles après lui. Il écrivit aussi les
Cestes, ou Broderies (grec Kestoï), recueil varié de réflexions
militaires, de préceptes agricoles, voire
même de recettes magiques et aphrodisiaques... Il en reste d'assez
nombreux fragments.
À cette époque vivait Alexandre,
devenu vers 216, par l'insistance des chrétiens de Jérusalem, évêque
de
cette ville. On se rappelle l'appui qu'il accorda, tandis qu'il était
évêque en Cappadoce, à Clément fuyant la persécution. Il soutint aussi
Origène, lorsqu'il était en butte à l'hostilité de son évêque. Ancien
élève de l'École d'Alexandrie, il avait gardé, en effet, une affection
reconnaissante à ses maîtres, ses «pères à), comme il l'écrivait à
Origène. Il fonda dans sa ville une bibliothèque, qui devait être fort
utile à Eusèbe. Il mourut en 250, pendant la persécution de Décius.
Nommons après lui le prêtre
Pamphile, doué d'éminentes qualités, au dire d'Eusèbe, son ami, qui a
raconté sa vie. Il ouvrit à Césarée une École de science sacrée et
enrichit la bibliothèque qu'Origène y avait créée. Il corrigea de
nombreuses copies des livres saints d'après le texte établi par ce
dernier. Il composa pour lui une Apologie (2),
dans la prison où il devait périr au
cours de la persécution de 309.
Plus intense encore qu'en Palestine
fut l'activité des églises en Syrie, en particulier dans la métropole
d'Antioche (3).
Ses principaux évêques furent Sérapion, de 190 à 211, et surtout Paul
de Samosate, de 260 à 272 (4),
singulier personnage, aux moeurs
assez suspectes, qui paradait avec une escorte, s'asseyait sur -un
trône dans l'église et faisait chanter par des femmes des psaumes à sa
louange. Son laisser-aller, ainsi
que ses idées sur le Logos, dans lequel il voyait non une personne
mais
une propriété du Père, soulevèrent contre lui de vives oppositions. Un
synode se réunit, mais l'accusé s'y défendit avec habileté, et il n'y
eut pas de décision. À un second synode, tenu (d'après Bardy) en 268,
l'évêque, soumis à un interrogatoire très serré de Malchion,
dialecticien subtil qui dirigeait une École à Antioche, fut reconnu
coupable et déposé. Il refusa de céder, et la majorité de ses
paroissiens le soutint. Mais, en 271, Aurélien, passant à Antioche au
retour de sa victoire sur les princes de Palmyre et prié d'intervenir,
décida qu'on s'en remettrait au jugement des « évêques d'Italie et de
Rome ». Paul de Samosate fut condamné par un concile, et l'autorité
civile l'expulsa.
Il faut mentionner aussi le martyr
Lucien, mis à mort en 312, inspirateur de l'École exégétique
d'Antioche. Il fit une recension du texte sacré qui fut répandu, au
IVe
siècle, en Syrie, en Asie-Mineure et ailleurs.
En Cappadoce, Firmilien, élève
d'Origène, évêque de Néo-Césarée à partir de 230 environ, exerça une
grande influence. Dans le débat sur la validité du baptême conféré par
les hérétiques, il s'y déclara hostile et se rangea énergiquement du
côté de Cyprien contre Etienne, évêque de Rome, dont il blâma
l'intransigeance (5).
Il condamna les « innovations » de Paul de Samosate, mais, trompé par
les promesses de l'accusé, il se prononça pour une solution pacifique.
Désabusé, le noble évêque partit pour le second synode d'Antioche,
mais
il mourut avant la session.
Plus renommé fut Grégoire dit le
Thaumaturge (6),
de son vrai nom Théodore. Né d'une famille aisée de Néo-Césarée, il
devint chrétien après la mort de son père,
qui était païen, et prit le nom de Grégoire, cher aux fidèles. De
passage à, Césarée, il entendit Origène, et il fut subjugué. Il resta,
d'après son témoignage, huit ans auprès de lui, et, quand il partit,
il
prononça, devant une nombreuse assistance et en présence du maître
lui-même, un Discours de remerciement à Origène (7).
Il y raconte, avec un enthousiasme
qui n'exclut pas la finesse un peu maniérée du style, mais qui, au
jugement de Puech, annonce la grande éloquence chrétienne du IVe
siècle, sa rencontre avec l'illustre docteur, qui « alluma une flamme
au fond de son âme ». Il décrit cette ouverture d'esprit aussi large
que son savoir, qui lui permit d'utiliser les sciences et la
philosophie et d'éclaircir l'Écriture sainte. Il célèbre sa vie
dominée
par la vertu et sa ferveur communicative.
Peu de temps après, il fut nommé
évêque de Néo-Césarée, en une région retirée et assez sauvage. En 250,
lors de la persécution de Décius, on le voit se réfugier dans les
montagnes avec une partie de ses fidèles. Vers l'an 254, il consacra
tout son zèle à réparer les désastres causés à son pays par une
invasion des Goths. Il écrivit, à cette occasion, une épître canonique
à un évêque dont le nom est inconnu : il y condamne à la pénitence
tous
ceux qui avaient profité de la détresse générale pour s'enrichir. Il
exerça une action profonde sur ses contemporains, à tel point que la
légende s'empara de sa vie. On célébra son double rôle de missionnaire
et de thaumaturge (8)
Parmi les écrits authentiques ou non, qu'on lui a attribués, nous ne
citerons que son Exposition de la Foi, dirigée, croit-on, contre
l'hérésie sabellienne qui faisait évanouir dans l'unité divine la
pluralité des personnes de la Trinité. Grégoire y proclame « un seul
Dieu, père du Verbe vivant ; un seul Seigneur, Dieu
issu
de Dieu ; un seul Esprit saint, qui tient l'être de Dieu et a été
révélé par le Fils,... Trinité parfaite ».
Un dernier nom à citer dans
l'histoire de la chrétienté de l'Asie orientale, au IIIe siècle, est
celui de Méthodius, évêque d'Olympe, en Lycie, au sud de la montagne
qui a reçu ce nom (9).
Sa vie est racontée, non pas dans doute par Eusèbe, qui n'a pas voulu
le mentionner parce qu'il avait combattu Origène, mais par Jérôme, qui
signale six de ses écrits et son martyre en Grèce (De Viris, 83).
Son ouvrage le plus célèbre - dont
on a le texte grec intégral - est le dialogue intitulé Le Banquet des
dix Vierges. Il y célèbre l'ascétisme en un style parfois animé, où
l'on sent les procédés dramatiques de Platon, mais alourdi par de
fastidieuses longueurs. Ce dialogue a été composé sous l'influence du
Banquet du grand philosophe grec, dont les réminiscences y abondent,
mais l'auteur a substitué à Éros une Vertu bien chrétienne, la
Virginité, que dix jeunes filles exaltent tout à tour. Il suppose un
repas, présidé par Arété (la Vertu), fille de Philosophie, au pied
d'un
arbre symbolique (l'agnus-castus), dans une sorte de paradis
terrestre.
Marcelle, la plus âgée. vante la virginité avec tant d'ardeur qu'elle
semble condamner l'amour légitime, au point de provoquer une réplique
de Théophile. Thalie, qui parle la troisième, concilie leurs thèses en
s'inspirant d'Ephésiens V, où l'union mystique du Christ et de
l'Église
est proclamée. Six autres jeunes filles rendent ensuite leur
témoignage
enthousiaste à la chasteté. Arété donne la palme à Thécla (l'élève
prétendue de saint Paul), qui chante les couplets successifs d'un
cantique, dont le refrain est répété en choeur par ses compagnes.
Méthodius écrivit aussi un Traité du
libre Arbitre (conservé dans un texte slave). C'est un intéressant
dialogue, où un orthodoxe soutient, contre deux disciples de Valentin,
que le mal est imputable, non à la matière, car ce serait ériger un
second principe en face de Dieu, mais à l'homme qui a désobéi. Il faut
signaler aussi son dialogue intitulé Aglaophon ou La Résurrection. Un
médecin de ce nom, chez qui plusieurs amis sont réunis, rejette la
thèse de la résurrection de la chair. Si le corps renaissait, dit-il,
le péché renaîtrait avec lui, car c'est de la chair qu'il procède.
D'ailleurs, le corps doit passer puisque, comme l'a montré Aristote,
ses éléments se renouvellent sans cesse. Proclus, s'autorisant
d'Origène, n'admet qu'un corps spirituel. Il déclare que, seule, la
forme (grec : eidos) du corps physique peut ressusciter. Eubulius,
interprète de l'auteur, affirme, au contraire, que la chair n'est pas
mauvaise en soi, et, en des termes qui rappellent la Genèse ainsi que
le Timée de Platon, il célèbre l'oeuvre du Créateur. Le mal vient de
la
volonté humaine, et la chair peut et doit ressusciter. Mémian,
répondant lui aussi à Aglaophon, conteste sa théorie du flux perpétuel
de la matière. Il lui oppose le fait de la croissance des arbres, et,
en un poétique langage, il déclare que les corps des justes «braveront
le feu des derniers jours, comme l'agnuscastus verdoie sans être
éprouvé par le feu qui jaillit de la montagne d'Olympe ». Mémian
reproche ensuite à Origène d'admettre la disparition, dans la vie
future, de la « forme humaine, la plus charmante de toutes les formes
attribuées aux êtres vivante 3) (10).
Signalons ici, en terminant, à cause
de ses nombreux emprunts à Méthodius, le dialogue La Foi droite (Pèri
tés eis Théon orthés Pistéôs) (11),
antérieur à
Rufin qui le traduisit en latin. Ce dialogue a été attribué à, Origène
parce que le porte-parole de l'orthodoxie s'appelle Adamantius (de
fer), surnom de l'illustre docteur, mais la faiblesse de sa pensée
écarte cette hypothèse. Adamantius y discute avec deux Marcionites,
puis avec trois disciples de Valentin, et il réfute leur dualisme en
présence du païen Eutropius qui lui donne raison.
En Occident, le premier écrivain qui ait attiré
les regards, après Tertullien, est Hippolyte, fondateur d'une église
schismatique à Rome au début du IIIe siècle.
Sa vie, longtemps obscure, a été
éclairée par la découverte que fit en 1842, au Mont Athos, Mynoïde
Mynas, que M. Villemain avait envoyé en mission, d'un manuscrit (12)
contenant le grand traité, Réfutation de toutes les Hérésies (13),
où
l'on s'accorde, en général, à voir son oeuvre (cf
Appendice
I). Avant cette date, que savait-on de lui ? Eusèbe
lui attribuait les fonctions épiscopales, sans nommer la ville où il
les avait remplies (H. E. VII, 20, 22). Le poète latin Prudence lui
assignait comme siège le Portus romanus (Ostie), et disait qu'il avait
soutenu à Rome la cause du rigorisme (Hymne XIe). D'après Jérôme, il
prêcha une homélie devant Origène, venu à Rome (De Viris, 61). Une
inscription en hexamètres latins, apposée, au IVe siècle, par le pape
Damase, sur un mur de la crypte où Hippolyte avait été enseveli, le
long de la voie Tiburtine, déclare qu'il fut prêtre et martyr. Le
Liber
pontificalis (14)
raconte que la persécution de Maximin
(235), qui visait les têtes de l'Église, amena sa déportation avec
celle de l'évêque de Rome, Pontien, dans l'île insalubre de Sardaigne,
et que leurs corps furent ramenés à Rome. Enfin, on a retrouvé une
liste de ses ouvrages gravée à la base de sa statue, exhumée en 1551,
sur le terrain de l'ancien cimetière de la voie Tiburtine et conservée
au Musée de Latran.
On a pu compléter ces détails
sommaires par des renseignements puisés dans le grand ouvrage
d'Hippolyte contre les hérésies. Il nous apprend (L. IX) que son
auteur
était un schismatique, entré en conflit avec l'évêque de Rome,
Zéphyrin
et son successeur Calliste. Contre le premier (15),
défenseur de la « monarchie »
(unité de Dieu), il maintenait la divinité du Christ. Il le blâmait
aussi de se laisser dominer par Calliste, qui, à l'en croire, n'était
qu'un dangereux intrigant (IX, 1). En face de lui, il dressa sa propre
église, qu'il présenta comme la seule fidèle tradition et dont il
devint l'évêque. Lorsque Calliste remplaça Zéphyrin, Hippolyte lui
reprocha d'absoudre les péchés d'idolâtrie, d'immoralité et même
d'homicide et d'interdire la déposition des évêques en état de très
grave péché (IX, 12). Mais, lors de la persécution de Maximin, il dut
rentrer dans l'église régulière, puisqu'elle l'a regardé comme un de
ses martyrs et l'a honoré comme tel.
Le nombre de ses ouvrages est assez
considérable. La liste gravée sur son monument doit être complétée par
les catalogues d'Eusèbe et de Jérôme. D'après l'abbé d'Alès, le
chiffre
réel s'élève à quarante-deux (16).
Les plus célèbres sont ses deux
traités contre les hérésies. Le premier, le Syntagma, a été perdu,
mais, comme nous l'avons déjà
noté (p. 18), il a été en partie reconstitué, Le second, Réfutation
(Elenkos) de toutes les Hérésies, retrouvé en 1842, se compose de, dix
livres, dont le deuxième et le troisième manquent dans le manuscrit du
Mont Athos. On lui a donné le nom de Philosophoumena, titre arbitraire
qui ne s'applique qu'au livre I, exposé assez superficiel des idées
philosophiques grecques (17).
Après avoir traité de la religion
des mystères (ta mystica), dans les livres Il et III, Hippolyte
critique (L. IV) les théories courantes sur les « astres » et les «
grandeurs » (mathématiques). Examen partial, car il voyait avec
irritation dans ces systèmes et ces superstitions la source de toutes
les hérésies. Il y poussait l'outrance jusqu'à railler des savants
tels
qu'Archimède et Ptolémée. Dans les livres V-IX, il étudie sans
beaucoup
d'ordre les nombreuses hérésies, en particulier celles de Justin,
Simon
le Magicien, Valentin, Basilide, Marcion, Cérinthe, celles des
Ébionites, (les Docètes, des Montanistes, de Sabellius dont il raconte
les démêlés avec Zéphyrin et Calliste. Le livre X précise la vraie foi
et lance un vibrant appel à tous les hommes de bonne volonté.
Ce traité est postérieur à la mort
de Calliste (222 environ). L'exposition en est claire, la langue ni
incorrecte ni choisie, le style simple non sans artifices de
sophistique. Sa classification des hérésies n'est guère rationnelle.
Ses sources sont assez sérieuses. Parfois il suit Irénée, qu'il
complète à l'occasion. Les documents qu'il utilise, au livre Ve, sur
diverses sectes, ne sont pas l'oeuvre d'un faussaire, comme le
pensaient Salmon et Staehelin; d'après de savants critiques (Bousset,
E. de Faye), ils sont authentiques et méritent quelque confiance (18).
Quant
aux renseignements sur Zéphyrin et Calliste, malgré l'exagération probable
des
critiques, ils jettent une précieuse lumière sur une importante
période
de l'histoire de la papauté.
On doit aussi à Hippolyte des
ouvrages d'exégèse, de forme homilétique, en particulier des
commentaires sur le Cantique des Cantiques et sur Daniel. Dans le
premier (19),
il se livre comme Origène, mais avec beaucoup moins de savoir et de
pénétration, à l'interprétation allégorique qui cherchait à voir le
Christ préfiguré dans l'Ancien Testament. À ses yeux, c'est lui qui
est
le fiancé ; les bonds de ce dernier sur la montagne figurent les
grands
actes de sa vie. Dans la fiancée il voit la synagogue, d'où sortira
l'église. Son commentaire sur Daniel (20),
pour réconforter les fidèles
éprouvés ou menacés (21), annonce
le retour du Christ, dont
il finit par fixer la date à l'an 500 après sa naissance.
Hippolyte s'est occupé aussi de
chronologie. Il écrivit un livre de Chroniques, compilation sans
critique, d'après l'Ancien Testament et les chronographies antérieures
(22).
Il y indique l'âge des patriarches, la répartition géographique des
fils de Noé, et la succession des empires jusqu'à la dernière année du
règne de Septime Sévère (234-235), date où Il fut déporté en Sardaigne
(23).
Ses principaux ouvrages de
dogmatique sont le traité sur la Résurrection (il n'en reste que de
courts fragments) ; celui sur l'Antichrist (conservé), où il fait des
peintures catastrophiques, d'où le règne de mille ans est d'ailleurs
absent ; celui sur l'Univers, en deux livres (fragments), où il décrit
l'enfer et le paradis et annonce la résurrection des corps. Sa
dogmatique proclamait la doctrine du Verbe, qu'il subordonnait,
d'ailleurs, au Père.
La tendance schismatique à Rome,
enrayée par la résipiscence d'Hippolyte, devait se raviver, au milieu
du IIIe siècle, avec Novatien.
Ce prêtre, intelligent et ambitieux,
protégé par l'évêque Fabien, jouissait à Rome, d'une autorité
considérable. À la mort de ce dernier, il écrivit, au nom de l'église,
deux lettres importantes au sujet des renégats (Iapsi). La première,
en
réponse à une communication de Cyprien et en accord avec ses vues,
préconise une sévère discipline à leur égard. La seconde, motivée par
une nouvelle lettre de l'évêque de Carthage, le loue de sa fermeté à,
l'égard de quelques lapsi qui refusaient de se soumettre à la
pénitence. Quand le clergé et les fidèles de Rome appelèrent Corneille
à l'épiscopat, en mars 251, Novatien, cruellement déçu, se fit sacrer
par trois évêques de la campagne et fonda une église schismatique. Sur
ces rivalités se greffèrent des divergences de vues au sujet de la
question des apostats. Le pseudo-évêque déniait à l'Église le droit de
leur pardonner, pour le réserver à Dieu seul. Mais son parti n'était
pas assez puissant. Excommunié à Rome, comme à Carthage, il se
dispersa
jusqu'en Espagne et en Syrie, et il fut assez vivace pour subsister
jusqu'au Ve siècle, en Orient.
Des divers ouvrages que lui attribue
Jérôme (De Viris, 70), il ne nous reste que deux traités, sur la
Trinité et les Aliments juifs.
Le De Trinitate (24),
premier ouvrage théologique écrit
en latin à Rome, avant l'an 250, expose avec une logique ferme et en
un
style précis une doctrine suivie, voisine de celle de Tertullien, sur
Dieu le Père, Jésus-Christ et le Saint-Esprit, et la façon de
concilier
la divinité du Fils avec l'unité divine. Le De Cibis judaïcis (25)
est une lettre pastorale, ingénieuse et agréable, adressée par
Novatien
à ses fidèles sur le sens à donner à la distinction établie par le
Lévitique entre les animaux purs et impurs. Désireux de lui ôter son
étrangeté, il lui assigne une interprétation allégorique, qui devait
être amplement reprise au Moyen-Age (26).
Il y voit un moyen employé par
Dieu pour détourner des vices représentés par le porc, la fouine et
autres bêtes « impures », et pour inspirer le goût des vertus
symbolisées par les ruminants, les poissons et autres bêtes réputées «
pures ». Il faut noter, dit de Labriolle, le spiritualisme et la
largeur de cette réglementation.
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