Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ESPRIT

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La source

 

Vous avez vu, sur les hauteurs sauvages, la lutte du torrent cherchant à frayer son passage. Les glaces, les avalanches et les éboulis semblent se coaliser pour lui barrer la route, et le contraignent souvent à disparaître. On pourrait le croire à jamais perdu. Mais il revient au jour, tantôt par minces filets dispersés, impatients de se rejoindre dans un cheminement joyeux, tantôt par une seule trouée, où les eaux délivrées semblent, par leur fracas, célébrer leur victoire.

Ainsi, au travers des ruines accumulées par les siècles, court la source ou les hommes boivent l'espérance et la certitude. Aux désordres et aux obstacles de la nature. les hommes ajoutent des désastres qui multiplient encore les obstructions. Mais le miséricordieux dessein de Dieu, qui voit notre âme concentrer et intensifier les forces du mal, fait aussi, de cette âme, le réceptacle et le canal de l'esprit de vie. L'homme est mauvais, mais Dieu l'incite à chercher la justice ; il est égoïste, il aspire au saint amour ; il marche à la mort, il rêve aux horizons éternels. C'est pourquoi, devant le Christ, tôt ou tard il s'arrête, et veut déchiffrer sur cette face sanglante et glorieuse, le secret de la vie. Dès lors, il aperçoit les raisons de ses avances, de ses fluctuations, de ses enthousiasmes passagers, de son impiété renaissante, et il les laisse à leur juste place. Il a perçu le courant, tantôt caché, tantôt découvert et victorieux, où Dieu invite l'homme pécheur à goûter les bienfaits de la grâce. Péché et Grâce, réalités profondes, données fondamentales du drame de l'existence... « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur! »

 

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Des ailes !

 

Des ailes ! Des ailes ! soupire l'âme dans sa nostalgie du ciel immense et des profondeurs de l'espace. Et pourtant, cet Espace, nous le parcourons à chaque seconde ; nous y tombons, comme la terre, avec une rapidité folle. Et nous n'y pensons pas, parce que le tout serait de le remplir.
Il en est de même du Temps, source d'espérance et bientôt de poignante détresse. Durer! Mais nous nous déplaçons sur le fleuve. Nous ne saisissons que l'insaisissable Présent qui vient d'arriver et s'éloigne à jamais! Ce qu'il faudrait, c'est l'envahir, ce Temps, le remplir, et par conséquent, le stabiliser, l'immobiliser.
Nos courses rapides et trépidantes sont de pauvres symboles, par quoi nous trompons les impatiences de l'esprit. Car cet esprit croit à la relativité du Temps et à celle de l'Espace, et à leur défaite, pour peu qu'il laisse se déployer les ailes de l'espérance qu'il porte en lui.

Voici, de la table où j'écris, je parcours des distances et des distances ; je visite les villes et les campagnes ; je revois les nobles Paysages, les ciels somptueux. Fantaisie, et vous, désirs profonds, où voulez-vous que je vous conduise? Ce que j'ai vu, et même ce que je n'ai pas vu, tout est à vous. Le point que j'occupe, et si pauvres que soient mes ressources, je l'étends, je l'élargis, et jusqu'aux extrémités du monde. Non pas seulement moi, sans doute, mais l'Homme qui est présent aussi en moi.
Dieu a mis en nous sa substance, traînée, hélas ! dans beaucoup de poussières et de fanges, mais qui ne peut pas mourir. Car, cet esprit, je ne l'ai pas fait, et ce que j'ai fait n'a pas pu le défaire.

L'Espace et le Temps, ces deux majestés que rien n'arrête et que rien ne limite, n'ont, en réalité, qu'une commune royauté. Et cette royauté, partagée et confondue, je la pressens menacée, entamée, quelque exigu qu'en soit le lambeau jusqu'ici arraché. Je vis aussi mon passé et une part du passé du monde. Et si j'étais cet historien, doublé de cet astronome, triplé de ce géophysicien, augmenté encore de ce biologiste, si j'étais tout cela dans une âme consacrée et sanctifiée, que de provinces perdues seraient déjà retrouvées, et que de siècles abolis sortiraient de leur tombe !

0 Temps mystérieux et insaisissable, en te ressuscitant, l'Homme t'envahit et te possède. Tu es là dans sa mémoire. Nul ne sait ce qui y dort encore et ce que l'esprit en marche va successivement réveiller. Espace ! L'esprit a reculé tes limites, en te remplissant de mondes innombrables. La suprême réalité de l'Espace, n'est-ce pas cette nébuleuse effroyablement lointaine, au delà de laquelle l'infini n'est plus qu'un rêve confus !

Ainsi, l'esprit retrouve le Temps et l'Espace en retrouvant les mondes et les faits ; car le Temps et l'Espace valent exactement ce qui les remplit. N'est-ce pas à l'ampleur de ses connaissances que l'esprit mesure l'immensité des âges? Depuis que les géologues et les paléontologues ont, de leurs découvertes, jalonné les ténèbres de la préhistoire, ils ont créé du temps, beaucoup de temps, au delà duquel recommence le rêve confus de l'éternité.
Esprit, dispensation miséricordieuse et ineffable, tu règnes sur les siècles ensevelis en les relevant de leur poussière. Tu mesures, par des faits, les distances du temps et de l'espace, et les faits les plus grands sont les étapes de ta victoire. La grandeur du temps et de l'espace, c'est ton oeuvre. Sans doute, elle a toujours été, mais tu l'aperçois en la mesurant, et tu la mesures aux pas de ta lumière!
Qui ne voit que la majesté de l'esprit grandit avec celle du vaste monde ; mais laquelle est la vraie? Celle qui découvre et fait apparaître, ou celle qui est découverte et qui apparaît?

« Le temps à naître et les temps écoulés sont les ombres vaines du vol de la pensée ... »
SHELLEY.


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L'aide de l'Esprit

 

Que l'Esprit vienne en aide à notre faiblesse, c'est bien évident ; Dieu a permis à l'homme faible et désarmé de surmonter les dangers qui l'environnaient de toutes part, et d'asservir les forces de la nature pour assurer sa royauté sur les êtres et les choses. L'Esprit, c'est la raison qui observe, coordonne et conclut, c'est le coeur avide de sécurité et de joie, c'est l'âme tourmentée, insatisfaite, aspirant à la justice et à la sérénité. Il saute aux yeux qu'au cours de son existence plusieurs fois millénaire, l'homme a été soulevé par l'Esprit au-dessus d'une animalité misérable, et conduit à fonder des civilisations, des philosophies, des sciences, et par-dessus tout, des religions où son âme inquiète cherche sa sécurité et sa paix.

Oui, l'Esprit vient en aide à notre faiblesse; mais cette vérité a deux faces, que les événements contemporains nous révèlent avec un éclat tragique. L'intelligence, le savoir-faire, la science que l'homme doit à l'Esprit, il peut les détourner de leur juste destination et les faire servir à ses appétits désordonnés, a tout ce que Dieu condamne et maudit. Tout le drame de l'existence humaine est là, dans cette perversion d'un pouvoir qui devait nous conduire à la vie, et qui par le péché engendre la mort.

Dieu ne permet pas que l'Esprit détourné de sa destination puisse servir à la vie. Comme on l'a dit : « La faute et le châtiment croissent sur la même tige. » Et il est terriblement évident que la perversion de l'Esprit produit les destructions et les hécatombes. L'homme qui mésuse des biens acquis par l'Esprit, travaille pour le malheur et pour les larmes, car il n'est pas en son pouvoir de renverser la loi divine qui veut que le péché engendre la mort.

Aux yeux de Dieu, ce qui compte, ce qui fait de la vie, et la vie, ce ne sont pas les spoliations, ni les frontières reculées jusqu'aux extrémités du monde. Ce qui fait la vie, c'est le juste usage de l'Esprit, usage qui met dans les actions et dans les choses, la durée, la croissance, une force victorieuse de l'usure et de la mort.

Inspiré de Dieu, appelé et respecté par l'homme, l'Esprit agit alors et déploie sa divine puissance. Il vient en aide à la faiblesse de la créature humaine blessée par les violences de la terre, et qui, par-delà les fumées et les poussières des combats meurtriers, regarde au Dieu qui nous a visités et sauvés en Jésus-Christ. L'Esprit vient en aide à notre faiblesse, il apaise notre âme et l'arme pour les pires conjectures. Il nous rappelle que la figure de ce monde passe, que nous sommes étrangers et voyageurs ici-bas, et qu'au plus grand exemple du triomphe apparent des forces démoniaques, Dieu a attaché le plus grand exemple du triomphe de l'Esprit. Ceux qui ont mis le Seigneur en croix pouvaient croire la vérité liée à jamais, leur violence n'a point empêché sa victoire. Du Fils de Marie soumis aux infirmités de notre chair, l'Esprit qui l'a soutenu dans les plus sévères tentations, qui l'a fortifié dans les angoisses de Géthsémané, a fait le triomphateur du Vendredi-Saint sur le péché, le triomphateur de Pâques sur la mort. Et ceux qui ont marché par l'Esprit, les apôtres, les martyrs, les persécutés de tous les âges, ont éprouvé la valeur de la promesse du Sauveur : « L'Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité. » Ils étaient comme nous de chair fragile, mais leur coeur pieux, ouvert à l'action de l'Esprit, les a soutenus dans les vicissitudes et leur a donné d'y trouver de nouvelles raisons d'espérer.

 

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Le Secours

 

La doctrine chrétienne de la Création enseigne que toute existence dépend de Dieu : Dieu crée et soutient tout, depuis la vie du monde inorganique jusqu'à l'homme où la vie prend conscience d'elle-même. Mais dans un monde troublé par le mal, les existences n'achèvent pas toutes leur destin, et celle de l'homme est la plus exposée aux défaites et à la faillite. Car pour une créature, accomplir son destin, c'est exprimer, de la vie, ce qu'elle est capable de mettre au jour. Une plante qui doit porter fleurs et fruits, et qui n'en produirait jamais, se rapprocherait du minéral qui l'avoisine. Un animal qui resterait totalement inerte nous semblerait mort et le serait sûrement, si son inertie venait à durer au delà de certaines limites. Et l'homme qui est appelé a être un porteur de l'Esprit, trahit sa destinée lorsqu'il recule devant la tache de servir la cause du Royaume de Dieu.

Pour que l'homme vive sa vie, il faut que Dieu vienne au secours de son âme affaiblie par le mal. Sans le secours de l'Esprit, l'homme est une puissance qui contrarie les desseins de son Créateur et qui, le plus souvent, sommeille et s'avilit. Mais si l'Esprit s'incarne dans sa chair fragile, il s'engage dans la voie où Dieu l'achemine vers la vie éternelle.

L'Écriture dit qu'un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort. Une âme abandonnée de Dieu parce qu'elle-même l'a abandonné, n'est plus qu'une ruine. Supprimez par la pensée tous les témoins de l'Esprit qui ont paru dans l'histoire, depuis le Saint de Dieu, les prophètes et le grand législateur de l'ancienne alliance, sans oublier les patriarches et jusqu'aux sages des nations païennes, et mesurez si vous le pouvez l'épaisseur des ténèbres qui s'étendraient sur la terre au fur et à mesure de leur disparition. C'est l'histoire elle-même qui s'évanouit pour laisser la place à un chaos que l'imagination renonce à se représenter.

Je ne sais pas d'appel plus grandiose que celui d'Ezéchiel : « Esprit, souffle des quatre vents ! » Tout ce que le mal a éparpillé, perdu, jeté aux souffles du monde, précipité dans les abîmes, l'Esprit va le ramener au jour, lui rendre figure et vie.
Quelle source d'effroi pour le méchant 1 Quelle espérance pour l'âme qui refuse de s'abandonner au train meurtrier de ce monde!

L'Esprit souffle des quatre vents et son action vivifiante apparaît dans les prières, dans les repentirs féconds, dans les régénérations inespérées. Pentecôte permanente ou les âmes renaissent à la vie, et se lèvent pour le témoignage et l'obéissance, travaillant à la formation de l'humanité bienheureuse où Dieu sera tout en tous.

 

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L'esprit du monde

 

L'esprit du monde déforme tout ce qu'il touche; il n'est jamais plus détestable que lorsqu'il fait son affaire des choses de Dieu. Servir Dieu dans l'esprit du monde c'est se servir de Dieu pour gagner le monde.
L'Évangile est alors parodié par l'orgueil ou par l'ambition; sans doute, il faut faire la part large aux hésitations et aux erreurs des âmes sincères, qui ne saisissent que peu à peu. et au travers de dures expériences, la plénitude de la vérité salutaire. Mais cela dit, que d'attitudes mensongères, ridicules et odieuses, s'étalent parfois sous le nom de religion chrétienne et de piété !

Les uns s'imaginent pouvoir monopoliser les grâces divines et ne les accorder qu'aux âmes de leur choix. Ils décident du sort éternel des créatures selon qu'elles cèdent ou regimbent devant leurs exigences. D'autres méprisant les expériences séculaires de la Chrétienté, se croient aptes à juger de la vérité à la seule lumière de leur conscience personnelle. Ainsi l'homme mêle ses prétentions, son orgueil, sa paresse, et souvent aussi sa bêtise, au souffle pur de l'Évangile; il élève ses petitesses à la hauteur de l'éternel et les transfigure en clartés divines ! Ou bien encore, méconnaissant la Croix du Seigneur, des âmes recherchent et inventent des souffrances pour s'assurer le salut, pendant que d'autres s'abandonnent à leurs caprices sous prétexte que ce salut est une affaire définitivement réglée entre Christ et Dieu, et qu'il ne nous appartient pas d'en approfondir les conditions. La religion devient alors un scandale pour les uns, une perdition pour les autres, et le Royaume de Dieu reste dans l'attente, dans un monde qui pourtant soupire après lui.

 

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La chair et l'Esprit

 

Lorsque la Bible oppose l'Esprit à la chair et au sang, elle n'entend pas reprendre dans d'autres termes la distinction classique du corps et de l'âme. Elle englobe dans la chair et le sang l'homme naturel tout entier, son corps et son âme, leurs besoins, et les désirs, et le savoir, et les ambitions et les rêves. Nous appartenons à une famille, à un peuple, à une société. Nous avons été formés à la maison, à l'école, puis, au travail, par l'étude, par la vie sociale, par l'expérience. Tout cela n'est que la chair et le sang, tant que l'Esprit de Dieu n'a pas visité notre âme. Précisons encore : notre foi n'est que chair et sang si elle n'est qu'acceptation passive de la tradition familiale et ecclésiastique. Ce n'est que doctrine inerte, un drapeau roulé. Or la chair et le sang n'hériteront point du Royaume des cieux.

Il y a donc deux moyens de saisir la réalité un moyen naturel, apport du milieu familial et social, savoir, connaissances, mêlés d'erreurs, faussés par de mauvais exemples, aggravés de redoutables contradictions. Et un moyen surnaturel : l'action de l'Esprit dans l'âme pieuse et vigilante.

À considérer le moyen naturel, l'héritage de la chair et du sang, on voit comment, pressés par le besoin, les hommes ont augmenté leur industrie et leur savoir. Grâce à des individus d'élite, ils se sont organisés ; l'exploitation de la nature s'est faite plus variée et plus féconde, les chemins du droit et de la justice se sont dessinés. Sans doute ce moyen naturel s'est souvent doublé de l'action de l'Esprit dans quelques âmes. Mais nous ne considérons ici que le moyen naturel, même enrichi des secours de la Grâce, parce que, nous l'avons dit, les dons de Dieu ne sont pas aperçus par l'homme étranger à la piété.

Il se passe donc ceci, que l'héritage de la chair et du sang se complique, et que l'homme voit son pouvoir augmenter à chaque génération. Et si cet homme est impie, s'il est méchant, s'il choisit dans la masse acquise les moyens de se satisfaire, il est infiniment plus redoutable qu'un sauvage prisonnier de l'ignorance et de la terreur. Pour assouvir ses appétits multipliés, ses moyens d'action sont immenses et sa perversion s'aggravera d'autant plus qu'il aura bénéficié de l'apport de ses devanciers. La chair et le sang introduisent l'homme dans la réalité, mais pour l'impie cette réalité est sans hiérarchie. Il en tire ce qui lui plaît; et ce qui lui plaît, c'est ce qui sert ses ambitions ou ses passions. La réalité de la chair et du sang est parfois grande, elle est souvent grotesque, plus souvent encore meurtrière. Héritage en vrac, où l'on trouve la justification de tout, a la seule condition d'en supprimer ce qui est tombé, venant du ciel, par le coeur et l'âme des hommes de bonne volonté.




Le moyen surnaturel est un don de la Grâce, offerte à tous les hommes. Il nous est fourni par l'Esprit que Dieu promet et accorde à qui le lui demande. Et comme la lumière, en nous révélant les formes et les couleurs, nous fait distinguer les objets les uns des autres, l'Esprit nous fait discerner le vrai du faux, le juste de l'injuste et le bien du mal. Il ajoute à la réalité de la chair et du sang une autre réalité. Le monde est bien le même, mais un rayon l'a transfiguré, et l'âme vivifiée aperçoit et entend ce pourquoi la chair et le sang sont aveugles et sourds.
Et, il faut bien l'avouer, c'est aussi pourquoi Dieu est peu écouté et son Esprit peu demandé. Il est dur pour l'homme d'entendre l'ordre reçu jadis par Abraham : « Sors de ton pays et de ta parenté ! » C'est-à-dire : « Lève-toi, ceins tes reins, prends tes responsabilités, quoi qu'il puisse t'en coûter, et cherche premièrement le royaume de Dieu et sa justice. »

Mais partout où Dieu est obéi, partout aussi s'élève et s'éclaire la destinée de l'homme. La lampe de la foi s'allume avec Abraham, Moïse dresse la charte de l'humanité, les prophètes proclament une justice enracinée dans l'obéissance ; et bientôt, Jésus, le Christ, le Fils du Dieu vivant, jette de telles clartés dans le mystère de nos âmes, que la Croix elle-même devient notre refuge, et que le spectacle du monde, vu au travers de sa Parole cesse d'être une monstrueuse énigme.

 

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Hôtes indésirables

 

Notre âme est le lieu des plus graves conflits. Elle est peuplée d'esprits qui luttent pour l'asservir. Anges et démons sont incarnés dans notre chair fragile et s'y rencontrent dans la plus composite des assemblées.

Il faut que le mystère de l'Incarnation se reproduise dans chacune de nos âmes, il faut y accueillir l'Esprit du Sauveur pour qu'il en chasse les hôtes dangereux et pervers. « Si quelqu'un entend ma voix, dit Jésus, et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi. »

La porte ouverte a l'Esprit c'est, selon l'étonnante image du Sauveur, Jésus lui-même s'approchant de la table ou, dans les; profondeurs secrètes de notre âme, sont installés de nombreux et inquiétants personnages : ceux qui vivent en nous par hérédité et ceux que nous avons accueillis parfois bien imprudemment au cours de nos jours. Devenus sang de notre sang et chair de notre chair, ils se querellent en nous, ils formulent des désirs contradictoires. Ils se neutralisent aussi et leur action partagée nous explique à nous-mêmes nos hésitations et nos détours, et ces suggestions qui nous viennent, tantôt perverses, tantôt généreuses.

Et voici le grand mystère de notre foi l'Esprit a raison de tous les hôtes douteux et indésirables qui sont installés en nous et qui nous ruinent. Il expulse les impurs, il contraint les révoltés à l'obéissance, encourage les honnêtes et les justes, et les coalise pour faire d'un être déchiré et malheureux une personnalité nouvelle.
Tant que le Seigneur n'est pas en nous, peu importe qu'il soit tout ce qu'il fut, est et sera pour les autres ou pour d'autres; il faut, selon sa touchante image, qu'il soupe avec nous et nous avec lui.

Que le Saint veuille faire sa demeure en nous, c'est déjà surprenant, mais il veut que nous, nous soupions avec lui. Comme aux jours de sa chair, il s'approche de ces Pharisiens, de tous ces gens de mauvaise vie qui sont en nous, qui sont nous, et, de cette pauvre et honteuse compagnie, par sa présence miséricordieuse, par l'action de l'Esprit, il tire une vie divine que rien ne pourra désormais diviser ni détruire. « La lumière est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue, mais à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous pleine de grâce et de vérité. »

 

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La foi et la vue

 

Disons-le nettement, la foi n'a que faire de nos théories. Jésus est venu dans ce monde, il l'a quitté après avoir accompli victorieusement sa tâche. Le mode de sa résurrection et de son ascension, nous échappe comme celui de son apparition dans les rangs de l'humanité, et s'il est loisible à chacun de tenter une explication, la tentative reste a bien plaire. Nous ne serons pas jugés sur la manière dont nous aurons résolu ces problèmes ; nous n'aurons pas à subir un examen de physique ou de physiologie. Quelle que soit la valeur de ces disciplines pour la vie temporelle, gardons-nous de renverser l'ordre de la vie elle-même. Dieu nous jugera, Dieu nous juge tous les jours sur l'énergie de notre foi et sur la fidélité qu'elle entraîne dans l'accomplissement de sa volonté.

Jésus dit : « Vous savez où je vais et vous en savez le chemin », et le divorce apparaît entre ses vues toutes spirituelles et nos conceptions si souvent terre à terre. Prisonniers du monde visible, nous avons peine à porter sur les faits le regard de l'Esprit. Nous scrutons des reflets et nous négligeons la lumière. « Vous savez où je vais », dit Jésus, et le plus souvent nous ne savons pas le savoir. Nos yeux examinent la carte du monde visible. Nous cherchons un territoire, pendant que Jésus nous montre Dieu. Nous cherchons un chemin et Jésus nous montre sa personne. Nous voulons trouver le ciel pour trouver Dieu, et Jésus nous invite à trouver Dieu pour voir le ciel.

Libérateur et Sauveur, Jésus ouvre aux hommes charnels le monde de l'Esprit. Sa grandeur et son élévation ne sont pas de l'ordre de l'espace, elles sont de l'ordre de la vie. Et quand il quitte la terre où sa fidélité lui a valu tant de peines, quand il sort de cet océan tourmenté où son esprit a soulevé tant de tempêtes, ce n'est pas pour les abandonner, mais c'est pour y régner.

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