Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'HOMME

-------



Un solliciteur

 

 On voit parfois, au seuil des maisons isolées, paraître un mendiant, en quête d'ouvrage, de nourriture ou d'argent. Il arrive qu'il accepte quelque besogne passagère. Il arrive aussi que ne trouvant personne au logis, il y pénètre furtivement et dérobe ce qu'il y trouve : victuailles, vêtements ou valeurs. Et, il arrive encore que devant la faiblesse ou la crainte de ceux qu'il implore, il se fasse insolent, menaçant et même criminel : saisi tout a coup d'une passion démoniaque, il attaque, il frappe, blesse ou tue, pour se saisir sauvagement de quelque aubaine tachée de sang.
Ce mendiant redoutable et méprisable, est pourtant, par certains aspects, le type de l'humanité dans son ensemble et telle qu'elle agit à l'égard des êtres et des choses et même vis-à-vis de ses propres membres.

Jeté sur la terre inclémente, l'homme tend forcément la main pour se nourrir et pour se vêtir. Le fruit qu'il convoite, l'abri qu'il a repéré, lui sont disputés par d'autres êtres. Il a toujours derrière lui un ennemi qui le guette pour le déposséder. Qui ne se rappelle, si une fois il l'a lue, la page émouvante ou Joseph de Maistre évoque la violence animant tous les êtres, les armant in mutua funera, et dénonce de ces êtres le plus meurtrier, l'homme, « dont la main destructive n'épargne rien de ce qui vit... Roi superbe et terrible, il a besoin de tout et rien ne lui résiste. »
« Roi superbe et terrible. » Est-ce bien là l'épithète qui nous convient? Nous éprouvons quelque malaise devant une si haute qualification! Sans doute, l'homme a affirmé sa puissance par bien des conquêtes sur la nature massive. Il a multiplié ses chances ; il a appris à prévoir et même à espérer de grandes choses. Mais devant les maux actuels, devant l'abîme côtoyé par une civilisation qu'on imaginait hors de toute atteinte mortelle, l'homme ne nous apparaît plus comme un roi. Nous le voyons plutôt tel que le mendiant évoque tout à l'heure, aiguillonné par la faim, par les soucis et par le désir. Oui, le roi cherche encore sa couronne, il tend encore la main, il demeure sous le fouet des nécessités premières, humble, contrit, avide et résigné, frappant à toutes les portes pour tenter quelque allégement de son destin.

À considérer l'immense effort de l'humanité et le peu de bonheur qu'elle en tire, nous constatons une disproportion telle, que sans autre' lumière, nous serions amenés à de bien sombres pensées. Avec toute notre science, admirée le plus souvent non pour ce qu'elle est, mais pour ce qu'elle rapporte, nous sommes comme ces barbares qui s'affublent, après le pillage, des objets qui les amusent et dont ils ignorent le prix, consommant leurs violences dans un ridicule tragique quand il n'est pas meurtrier.

Il est bien remarquable que, à ce mendiant que nous sommes tous, l'Évangile dise aussi : « Demandez, cherchez, frappez ! » et qu'il promette : « Quiconque demande, reçoit; qui cherche trouve; et l'on ouvre à qui frappe. » Si l'homme est encore contraint de tendre la main, ce n'est pas que l'Évangile fasse une fausse promesse, c'est que l'homme s'obstine à désirer ce qui n'est pas fait pour lui. Il s'encombre d'objets dont il n'a pas l'usage, et fût-il chargé de biens, il reste le plus souvent la plus privée des créatures, parce qu'il n'a pas trouvé le pain de son âme.

Mais il faut accepter tout l'Évangile. Le tranchant : « Tout ou rien, c'est à prendre ou à laisser », qui a cours dans les affaires, est ici, et ici seulement, solennellement grave et souverainement à sa place.

L'Évangile dit qu'il y a une correspondance certaine et sûre entre notre tache, nos besoins, nos désirs, et la grâce divine, et que cette grâce est la seule chose nécessaire, parce que tout dépend d'elle, et qu'en dehors d'elle, il n'y a ni sécurité, ni paix, ni joie. L'Évangile ne dit pas, il n'a jamais dit que Dieu soit un pis-aller dont on use dans les jours difficiles et malheureux, et qu'il faille attendre pour le chercher et le trouver que les choses nous manquent et nous fassent sentir leur froide indifférence. Il nous dit que les rapports que nous établissons, nous pécheurs, entre nous et le monde, sont faux, inadéquats et maudits, que le pain que nous mangeons et les biens dont nous jouissons diffèrent du tout au tout, selon que nous sommes sous la grâce, ou au contraire. dans les conditions ordinaires des créatures mortelles.

Pour l'homme naturel, il y a loin de la coupe aux lèvres. Dans les affaires d'ici-bas, il tremble devant l'imprévu, les fluctuations de la mode, la fragile bonne foi de ses correspondants ou de ses collaborateurs; il impute à la chance son bonheur ou son infortune. Les uns sèment en vain, d'autres récoltent où ils n'ont point semé, ou dilapident ce qu'ils n'avaient point amassé. L'histoire ne connaît qu'une réussite authentique et parfaite, c'est celle de celui qui, tourné vers le Père, a obtenu de lui tout ce qu'il a demandé : la force d'obéir, la force de souffrir et la force de mourir. Et quand - supplication suprême, - il dit à Dieu : Je remets mon esprit entre tes mains!» Dieu le recueille, cet esprit, dans ses mains miséricordieuses et le fait rayonner sur le monde et dans les âmes, d'âge en âge et jusqu'à nous, afin que nous puissions éprouver à notre tour que « quiconque demande, reçoit, qui cherche trouve, et qu'on ouvre à celui qui frappe. »

Par trois fois, et dans des termes dont la progression est bien évidente, Jésus nous invite à puiser aux sources divines: « Demandez, cherchez, frappez! » La demande implique le désir ; la recherche trahit la faim et la soif d'obtenir, mais l'acte de frapper révèle une décision que nulle considération n'arrête. À considérer l'objet désiré, il apparaît d'abord comme une grâce offerte, puis comme une grâce cachée qu'il faut découvrir, comme une grâce enfermée enfin qu'il faut mettre au jour.

Dieu n'est pourtant pas un monarque qui se fait prier et ne cède qu'à la violence. « Quand les fidèles dorment, dit Calvin, Dieu fait le guet pour leur salut, en sorte qu'il prévient leurs prières. » Non, c'est que la promesse de Jésus est, en même temps, une exhortation. Si la demande implique un choix qui doit se faire obstiné, puis exclusif et définitif, c'est que l'homme a dressé, entre son âme et Dieu, la masse opaque de ses faux désirs, l'obstacle de ses convoitises ; le péché est en nous avant la grâce, plus exactement, son emprise est plus immédiate. Déjà, le coeur tendre de l'enfant devine confusément la détresse de l'homme; de bonne heure, il écoute, il guette, il interroge, et dans la prison où son âme s'agite, il perçoit les forces anonymes et redoutables qui paralysent ses élans ou l'incitent à une dangereuse témérité. Et parce qu'il est environné d'exemples et que la contagion le courbe sous le joug de l'orgueil et du mensonge, s'il lui arrive de demander, il est plus rare qu'il cherche, plus rare encore qu'il aille jusqu'à frapper à la porte. Comme la plupart des hommes, il attend qu'elle s'ouvre toute seule, reculant devant le geste libérateur.

C'est pourquoi il est dit : « Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume des cieux ». C'est pourquoi la religion est tout ou rien ; elle est la force rayonnante et consolatrice, ou elle n'est qu'un mauvais remède, mal administré, mal accepté, aussi impuissant à guérir que nos dégoûts passagers le sont à nous redresser et à nous mettre en paix avec nous-mêmes.

Quand on regarde aux pauvres braises qui, sous le nom de piété, se raniment misérablement de temps à autre, là où devrait briller la flamme ardente de l'adoration et de la sainte espérance, on ne s'étonne plus de la grande pitié de notre terre et de la détresse de l'humanité.

Si les rapports de l'homme naturel avec le monde restent stériles et illusoires., il ne faut pas croire que la conversion de l'âme ait pour effet de les supprimer. La conversion les redresse, ces rapports, les remet à leur place et rétablit la hiérarchie de leur valeur, selon que Dieu l'ordonne. Il y a une connaissance et une expérience perverties et destructives et il y a une connaissance et une expérience qui sont dons de la Grâce, fécondes et régénératrices. « Toutes choses sont à vous, dit saint Paul, et vous êtes à Christ et Christ est à Dieu. » Lorsqu'un coeur se donne a Dieu, le monde suspend, au moins pour lui, le cours de sa folie. Et ce coeur, s'il est grand, entraîne avec lui la régénération des multitudes et les ramène aux réalités. Saint François, dit le monde, n'est qu'un doux rêveur, mais sous la brise vivifiante et exquise de sa parole, il fait fleurir et refleurir les âmes expirantes. Luther et Calvin, ces révolutionnaires, redressent la conscience du monde chrétien à force de consécration.

Le regard tourné vers le Christ, ils demandent, ils cherchent, ils frappent, et la porte s'ouvre par où descend l'Esprit, qui nous réjouit de grâces nouvelles et nous affermit dans la foi au Dieu rédempteur.

 

.
Le coq chanta

 

Il est dit qu'après l'arrestation de Jésus, dans la cour du souverain sacrificateur, Pierre, pressé de questions, se mit à faire des imprécations et à jurer par trois fois : « Je ne connais pas cet homme ! »
Et aussitôt, le coq chanta.

Nous souffrons tous de la discordance de la nature avec nos douleurs. Le soleil brillant frappe, comme une injure, le coeur déchiré. Et parce que nous confondons la foi en Dieu avec la confiance dans l'ordre du monde, il arrive à la foi d'être renversée par le malheur.

L'homme, sentant son infirmité, blessé par l'indifférence d'une Nature qu'il appelle vainement à l'aide, dit alors : « Je ne suis rien, mon soupir se perd dans la sourde solitude de l'espace. Qu'est-ce que ma peine dans la marche immense des mondes, dans l'écoulement des heures et des siècles ? Courbe la tête et tais-toi ! »
Cependant, voyez ce Meurtri qui répond à son juge : « Tu le dis, je suis roi, je suis le Fils du Dieu béni. »
Voyez aussi, dans la nuit expirante, cet homme reniant un Maître qui occupe toutes ses pensées, et dont il dit pourtant : « Je ne le connais pas. »
Voyez enfin et écoutez ce coq qui chante... voix de la nature indifférence, réglée en bas par des lois infrangibles, plus haut, par l'infaillible instinct.
Ici, le grand drame, les passions violentes, le morne désespoir, et là, un coq qui salue l'aurore prochaine, comme tous les jours... Que lui importe, et aux étoiles qui pâlissent et au soleil qui va paraître, qu'importe que Jésus soit venu, qu'il soit courbé sous la main des méchants, et que la croix se prépare qui dominera le monde aux siècles des siècles !

Il y a plusieurs étages à la maison de vie, et l'homme, qui en occupe au moins deux, est pris entre l'indifférence cruelle de la Nature et l'appel de l'Esprit. Où en sommes-nous? Près du coq qui chante? Près de Pierre qui pleure? Ou près de ce Christ qui souffre pour que le Règne du Père arrive?

Et le coq chanta : encore un jour, et ce jour verra la crucifixion du Maître, recueillera son dernier soupir : « Tout est accompli! » Et puis encore un jour, et d'autres jours encore et toujours... Mille neuf cents fois, la terre a parcouru sa carrière, et pendant ce double millénaire, le Temps a-t-il broyé autre chose que le désespoir ou l'espérance des prophètes?
Eh bien, oui ! Il a broyé leur parole comme un grain et les destinées de l'humanité ont été changées. Le coq chante toujours, mais au-dessus de lui, se déroule magnifique et ténébreux, le drame des martyres et des reniements.

Et voici que cette nature impassible sert - et par quelles obscures correspondances - la cause de l'âme et de son salut. Le coq chante, et Pierre tressaille... et les choses un moment oubliées, sortent de leur torpeur, et l'homme pleure amèrement! Et désormais, chaque fois que le coq chantera, marquant le rythme invariable des jours, son cri, ruinant toute distance de la nature à l'âme, ira toucher le même remords, presser le même point névralgique. N'as-tu pas, ô mon frère, le chant de quelque coq pour te rappeler ta misère?
La Nature sait-elle notre histoire? Ne repoussons pas ses appels, si symboliques qu'ils soient. Sans son coq, Pierre restait à l'étage de la vie instinctive, et malheureuse. Réveillé par l'inconscient et incorruptible témoin, il s'attache aux pas de Celui qui s'en va mourir, il entre dans l'engrenage ou déjà le temps moud le bon grain pour le salut du monde.


.
Le semeur

 

Par un jour d'arrière-automne, au sein d'une nature de plus en plus dépouillée et déjà presque endormie, le semeur vaque à son travail. Vous vous êtes arrêtés pour considérer cet homme solitaire, qui avance d'un pas singulier, sans cesse suspendu et sans cesse repris, et balance son bras d'un geste à la fois large et mesuré. Et vous avez compris que cet homme ait été exalté par les artistes et par les poètes. Les vers appris dans votre enfance ont chanté dans votre mémoire :

« Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours
On sent à quel point il doit croire
À la fuite utile des jours. »

Et vous avez revu la célèbre Semeuse dont Roty dota la France et qui, pendant de belles années de gloire, porta l'effigie de la République à travers le monde.
Le geste du semeur fournit un symbole facile à saisir; c'est le geste de la civilisation. Tandis que le barbare vit au jour le jour, au hasard de sa chasse, de sa pêche ou de ses pillages, le semeur, lui, s'est élevé dans l'ordre des créatures, et son action, qui nous paraît simple, mérite de nous émouvoir, à cause de ses conséquences incalculables.
Cet homme a observé, réfléchi et décidé de préparer un avenir meilleur. Il a démêlé une part de la nature des choses, appris à compter sur le rythme des saisons, sur la vitalité du grain, et sur la valeur attachée à ses propres peines. Il a découvert le travail, non pas celui qui détruit mais celui qui féconde. Il a assuré sa nourriture et celle des siens et, garanti pour un temps de la disette, il a ouvert la voie au génie inventif, d'où sortiront peu à peu les richesses de l'humanité. Dans la conclusion du poème cité tout à l'heure, il y a plus qu'une magnifique image ; il y a, prodigieusement ramassée, toute la destinée de notre race.

« L'ombre où s'élève une rumeur
Semble grandir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur! »

Oui, le semeur, au geste civilisateur, est plus que la garantie d'une indispensable subsistance, garantissant elle-même la sécurité et les loisirs où l'intelligence peut esquisser de nouvelles entreprises. Il y a dans son âme, une foi qui l'a mis à part des autres créatures, l'a arraché à la sombre fatalité et placé sur le seuil de la vie spirituelle. L'appel mystérieux qui descend du ciel a trouvé une oreille pour l'entendre. Pensez au premier semeur, encore enfermé dans l'étroite nécessité, voué à lutter chaque jour pour sauvegarder sa chétive existence : il se confie dans un ordre qu'il n'a point déchiffré, et dans un avenir pour lui plein d'obscurités. Il sacrifie son bien le plus précieux, ce grain nécessaire à sa vie, il choisit le plus sain, le plus beau et le livre à la terre, aux hasards des hivers destructeurs et de toutes les inimitiés de la nature.

Premier semeur, faible créature affrontant l'hostilité du monde, armé seulement de ta jeune espérance, tu dessines déjà dans l'histoire la figure du « croyant »! Tu es l'obscur pionnier de l'esprit, tu traces la première sente par où passeront, en s'élargissant, les générations humaines!

Et nous y passons aujourd'hui, dans des conditions immensément multipliées, mais dont l'essence n'a point changé. Nous croyons à un ordre qui nous dépasse, à une destinée plus forte que les brutalités de la nature et du monde. Ne nous étonnons pas si l'acte du premier semeur, transposé dans d'innombrables domaines, engendré par la confiance et par le courage dont il est un si pur symbole, a pris un caractère de plus en plus grave, à mesure que grandissaient nos douleurs et nos espérances. « Ceux qui sèment avec larmes, dit déjà le psalmiste, moissonneront avec des chants d'allégresse; celui qui marche en pleurant lorsqu'il répand la semence, reviendra avec des cris de joie en portant sa gerbe. »

Mais pourquoi ces larmes? Pourquoi ces pleurs? Prenons garde à ceci, que le semeur fait surgir des ténèbres une loi jusqu'alors inaperçue : « Ce que l'homme aura semé, il le moissonnera aussi. » Retournez seulement l'antique parole du psalmiste, et vous comprendrez : à peine formulé, ce retournement vous donne la raison des larmes et des pleurs: « Ceux qui sèment dans la légèreté, en suivant la pente de leurs goûts... Celui qui s'avance en s'amusant et qui jette à tous les vents du monde ses mauvaises pensées et ses actes inconsidérés... » Ceux-là, comment reviendront-ils? Quelle moisson se sont-ils réservée? Ils n'ont pas songé à l'avenir qu'ils préparaient pour eux et pour leurs victimes. Ils ont beau prendre joyeusement la vie en en secouant les obligations saintes. Le jour vient où ceux qui ne voulaient rien sacrifier s'aperçoivent qu'ils ont tout perdu.

Il en est qui, tout en observant la loi, en consentant pour y satisfaire à bien des soucis et à bien des sacrifices, l'appliquent à des buts délibérément égoïstes, et par là, contraires à la volonté du Saint Législateur. En accaparant tout ce qu'ils peuvent, ils amassent des misères à la fois pour ceux qu'ils dépouillent et pour eux-mêmes, alors qu'ils voulaient s'assurer contre les aléas du destin. Ils ont lentement vidé leur âme de toute humanité, pour la remplir de soucis sordides. L'Écossais Carlyle donne une voix saisissante à un de ces hommes de proie : « Pourquoi ai-je réalisé cinq cent mille livres? Je me suis levé tôt, j'ai veillé tard, j'ai sué sang et eau ; et à la sueur de mon front et de mon âme, j'ai lutté pour gagner cet argent, afin que je puisse être en vue, et que je puisse avoir quelque honneur parmi mes compagnons. J'ai voulu qu'ils m'honorent, qu'ils m'aiment. L'argent, le voici, gagné du meilleur de mon sang de vie, mais l'honneur ! Je suis entouré de saleté, de faim, de fureur et de noir désespoir. Non honoré, à peine même envié ; seuls des insensés et la race des pieds plats vont jusqu'à m'envier. Je suis un homme en vue, en butte aux malédictions et aux éclats de briques... Plaise à Dieu que j'aie été un batailleur chrétien et non un Peau-rouge ! Avoir régné et lutté non pas en un esprit mammonique, mais divin. Avoir senti mon propre coeur me bénir, et que Dieu au-dessus, au lieu de Mammon au-dessous, me bénissait ; ceci eut été quelque chose Hors de ma vie... les cinq cent mille livres Je veux tenter quelque chose d'autre, ou compter ma vie comme une tragique futilité ! »




Qui veut vivre selon l'Évangile doit accepter un sort à la fois douloureux et magnifique : il ne peut y persévérer sans sacrifices, il ne peut s'en départir sans désespoir. Avant de goûter aux promesses, il doit compter avec les résistances, celles de son coeur partagé, celles de la chair fragile et tyrannique, celles aussi du monde, mobile, frivole ou pervers. Qui cède à l'Esprit se heurte à l'empire du péché. « Semer, avec larmes, marcher en pleurant » ce n'est point une transposition poétique des fatigues du chrétien; non, c'est l'écho des réalités poignantes qui mettent la foi à l'épreuve, et dont elle ne triomphe qu'en regardant a son Chef et Consommateur, le Seigneur crucifié.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant