Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE X

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Avant de dire un non définitif au projet de Paris, Vinet, nous l'avons vu, avait suspendu pendant quelques semaines l'examen de cette question difficile, absorbé qu'il était par l'étude de la moderne philosophie allemande. Cette étude lui était imposée par un gros travail : plusieurs articles de philosophie à écrire pour le Semeur. Sur la réduction des dualités, de la spontanéité de l'esprit humain en matière de philosophie, l'individualité et l'individualisme, tels sont les titres de quelques-uns de ces articles, qu'il devait réunir plus tard sous le titre d'Essais de philosophie morale et de morale religieuse.

La première de ces études, qui servira d'introduction au volume, fait ressortir ces « dualités incurables et désespérantes qui finissent par nous sembler les conditions fatales de la pensée et de l'existence humaine. »

Il est vrai, dit l'auteur, qu'en examinant ces principes rivaux, ils nous paraissent tout à la fois vrais en eux-mêmes et contradictoires entre eux. La personnalité de Dieu, aussi nécessaire et aussi inconcevable que son impersonnalité ; sa justice absolue et sa bonté absolue, exigées par notre raison et impossibles à concilier entre elles ; notre conscience qui nous condamne, et notre sensibilité qui revendique le bonheur ; la conscience ou le devoir réclamant la soumission absolue du moi humain, demandant à l'absorber tout entier, et le moi humain se réclamant lui-même tout entier, et partout prétendant se retrouver intact, sain et sauf, complet ; l'individualisme et la sociabilité : partout cette même rencontre du nécessaire avec l'impossible. Chacune des sphères de la vérité est gardée par un sphinx armé d'une énigme, et tout prêt à dévorer l'imprudent qui la soulève et ne la devine pas.

Ces derniers mots remettent en mémoire ceux que prononçait Vinet plusieurs années auparavant : «J'essaierai de redescendre dans mon Tartare, avait-il dit. J'y chercherai encore quelques-uns de ces doutes insolents, et jusqu'à ces effroyables visions de la raison contre lesquelles je ne sais qu'un asile... La douceur de cet asile inviolable, il la goûtait mieux encore qu'autrefois. Non pas qu'il eût jamais consenti au sacrifice de ses convictions intellectuelles, à ce qu'il appelle « un scandaleux divorce entre la pensée et la vie. » Mais il a appris toujours mieux à « se jeter vers Dieu et à se mettre tout entier à son ombre. » Et cette ombre, pour lui, est devenue lumière, Chrétien, il sait que :

L'Evangile renferme, en principe et en fait, la réduction de toutes les dualités qui affligent à la fois la pensée, la vie et la société. Une seule idée, ou plutôt un seul fait, suffit à la solution de tous ces problèmes, tellement qu'à chacun d'eux ne correspond point une explication isolée, mais que tous ensemble, et de concert, comme s'ils n'étaient qu'un seul problème (et en effet ils ne sont qu'un) ils cèdent à la puissance irrésistible d'un même et unique mot. Ce mot est un nom, Jésus-Christ; ce mot est une image : la croix ; ce mot est un fait : l'expiation.

Ce mot organise la pensée et le monde:

Montrer, dit-il, faire pressentir du moins comment Jésus-Christ est le médiateur des pensées désunies et colluctantes, comment Jésus-Christ apporte au monde la paix de l'intelligence aussi bien que celle du coeur et de la vie, telle est la pensée qui a dominé mon esprit dans la composition de ces Essais et qui plus ou moins et sous des faces diverses, se reproduit dans chacun d'eux (1).

On se représente difficilement ce qu'il fallait d'énergie, pour de tels travaux, à un homme sur qui s'acharnaient à la fois les maux physiques et les plus cruels soucis. Son fils, dont il se reproche sans cesse de ne pas s'occuper assez, se développait très imparfaitement. Maintenant presque tout à fait sourd, l'enfant se trouvait confiné par cette infirmité dans un monde à part, dont on ne réussissait guère à le tirer pour le mettre en contact avec les êtres et avec les choses. Il apprenait peu, et ce peu il le retenait mal. Honnête, affectueux, mais assez paresseux et pas mal entêté, il désolait ses parents, à certains jours, par ses défauts d'esprit et de caractère, tandis que d'autres fois un trait aimable, une marque de bon naturel venaient les réjouir et leur rendre l'espoir d'un meilleur avenir.

Mais voilà que se manifeste chez l'adolescent une crise singulière, à laquelle on ne sait pas, ou peut-être qu'on ne veut pas donner un nom. Des jours, des semaines passent sans que la crise se renouvelle. En apparence, tout est rentré dans l'ordre : le fantôme de son frère Henri, le pauvre épileptique, qui hantait les nuits du malheureux père, semble exorcisé. Puis soudain, après plusieurs mois, nouvelle atteinte, plus nettement déterminée. Les parents ne peuvent plus se faire illusion : leur fils est épileptique. On lit à la date du 30 octobre 1835, dans l'agenda où Vinet avait pris l'habitude de noter menus faits et pensées : « Ce soir, le malheur dont nous sommes atteints dans la personne d'Auguste m'a percé l'âme de toutes ses pointes. » Et le 1er janvier de l'année suivante : « Commencé l'année dans les larmes et par la prière. »

De son côté, Stéphanie languit, s'étiole. Cette santé débile, qu'on s'attachait à fortifier par un bon régime et par des soins constants, semble compromise à sa source.

L'enfant, presque jeune fille déjà, reste aimable, douce, assez développée au point de vue religieux, mais incomplète, et il devient évident que sa vie ne sera jamais qu'une vie ralentie, diminuée. Et même vivra-t-elle ? Cette pâle fleur en bouton, à laquelle manque la force de s'ouvrir, ne sera-t-elle pas déracinée sans s'être épanouie? Son père fixe souvent sur elle des yeux où malgré lui montent les larmes. Sans l'appui de Sophie qui domine mieux sa douleur, sans la tendresse de toutes les heures dont elle l'entoure, sans le rayonnement de cette foi plus sereine que la sienne, on se demande si le pauvre père aurait eu la force de traîner ses pieds ensanglantés parmi tant de cailloux et d'épines. En feuilletant encore l'agenda, on tombe sur ces mots : « Passé la journée dans un état d'inexprimable angoisse et de tristesse, tempère quelquefois par l'attendrissement à la pensée de l'amie que Dieu m'a donnée. »

Je suis Incapable de toute application d'esprit et presque de tout intérêt Intellectuel, écrit-il à un ami, et sans la compagnie de ma femme dont la présence, même silencieuse, me console et me récrée, Je ne sais comment le temps se passerait... (2)

Et dans l'agenda encore : « La conversation, les distractions me relèvent... »

C'est que, malgré tout, à travers tout, la vie reste en lui active et ardente. Il ne perd ni son goût des idées, ni sa sympathie pour les êtres, ni même cette élasticité d'esprit nécessaire pour jouir d'une oeuvre d'imagination. Un matin, avec son courrier, un roman lui arrive : Le Presbytère, par Rodolphe Toepffer. En hâte, il coupe les pages, lisant quelques lignes ici, là un plus long paragraphe ; ses yeux bruns pétillent sous ses lunettes, ou bien, par instants, l'émotion les voile... Il appelle Sophie, lui lit un passage. Celle-ci, tout heureuse de cette diversion aux écrasants chagrins, propose d'inviter quelques amis : on se réunira demain chez eux, et Vinet, qui aime la lecture à haute voix et qui lit si bien, leur fera les honneurs du roman tout juste sorti de presse.

On s'est rassemblé avec empressement autour de moi pour lire le Presbytère, écrit-il à l'auteur. Si vous aviez, monsieur, assisté à cette veillée de parents et d'amis, et que vous eussiez vu des larmes dans tous les yeux, que vous eussiez entendu tout ce qui s'est dit, je n'aurais, moi, plus rien à vous dire... Vous avez cette baguette divinatoire, cette branche de coudrier que vos confrères en fiction ont tant, de peine à se procurer ; elle vous indique les sources du pathétique du vrai et du neuf, ou de l'antique, car c'est tout un... (3)

A propos d'un autre livre de Toepffer, il lui écrivait un peu plus tard, trouvant au bout de sa plume une de ces images brillantes à force d'être justes et vraies qui abondent chez lui :

Le fond des pensées est si sérieux et si fort, qu'il me semblait à chaque instant les voir prêtes à rompre l'enveloppe légère que vous leur avez donnée ; vous portez des lingots d'or dans une étoffe de gaze... (3)

Il faut envier, plus qu'il ne faut les plaindre, ceux dont le lot ici-bas est d'exceptionnelle douleur, mais aussi d'exceptionnelle vie de l'intelligence et de l'âme. Si redoutable que se fasse l'assaut ennemi, ils ne seront pas terrassés. Ils ont une défense, l'attrait qu'ont pour eux les idées et le charme plus puissant encore peut-être qu'exerce sur eux la beauté. Pensée, poésie : on peut bien dire que ces deux divinités formèrent, avec l'amour sous les traits de Sophie, la trinité tutélaire à laquelle Vinet dut, après sa foi, de n'être pas, en ces jours mauvais, submergé par la tristesse. Ainsi, malgré ses soucis, ses tourments, il avait gardé intact son culte pour Racine. Souvent quelques vers du divin poète suffisaient à lui rendre la sérénité. Malade, il écrit à M. Alexis Forel :

Vous ne vous êtes sans doute pas aperçu ce matin qu'un ami commun nous mettait en contact, ou du moins me conduisait près de vous. Cet ami commun, c'est Jean Racine, à qui, au fort de mon malaise, j'ai demandé de me consoler, et qui m'a fait oublier tous mes maux et tous mes soucis tant que j'ai lu son Bajazet. Je n'ai pu cacher mes ravissements à ma femme, et je lui ai dit que je vous souhaitais ici pour les partager avec moi... Quel poète, quel écrivain, quel moraliste ! Et tout cela d'un seul coup et par la même Impulsion. Plus j'avance, plus Racine me devient cher, plus sa lecture me paraît précieuse ; et si jamais j'étais professeur d'homilétique, j'y trouverais pour mes disciples (heureux si pour moi-même) les règles et le secret d'un bon sermon. Aussi, dans la nouvelle édition de ma Chrestomathie, je me suis donné carrière sur cet admirable écrivain, et je me suis dit comme quelqu'un: « Parlons-en tout à notre aise. » Il faut ramener les esprits vers ces grands gaillards du XVIIe siècle, comme dit notre ami Manuel. (4)

La lecture n'est pas seulement pour Vinet une occasion d'admirer : autre bienfait, elle met en branle sa faculté critique, elle l'excite à penser. Si d'aventure il rencontre Rousseau, un génie d'une nature si opposée à la sienne, il y rêvera longuement, et pendant quelques heures, en y rêvant, il sentira moins les blessures de son corps et de son coeur. Avant d'éteindre sa lampe pour chercher le sommeil, il prendra dans le tiroir de sa table à écrire le petit carnet où en langage chiffré quelquefois, il note ses impressions du jour, ou bien quelque pensée qu'il désire ne pas laisser échapper :

J. J. Rousseau, écrit-il sur la page blanche, nous révèle dans ses Confessions bien des turpitudes. On admire sa candeur. Moi je prétends qu'il y a des choses cent fois moins scandaleuses et cent fois plus difficiles à avouer. L'orgueil peut se prêter à des aveux comme ceux de Rousseau, et même y trouver son compte. Il y en a pour lesquels il faut être vraiment humble.

Ou bien, sur Rousseau encore :

Rencontre-t-il une vérité ? Il n'a pas de repos qu'il n'en ait fait une erreur.

Puisque nous avons jeté un coup d'oeil sur l'agenda, profitons-en pour tourner encore quelques pages :

Il y a des plantes, comme le myrthe, dont les feuilles recèlent un parfum exquis ; mais elles ne l'exhalent que lorsqu'on les a froissées,

lisons-nous; et ailleurs :

Le christianisme a fait suer à l'humanité toute sa méchanceté.

Ailleurs encore :

La théologie du Réveil Impose une marche au développement de la vie religieuse. Il y a une histoire orthodoxe de la conversion et de ce qui la suit. Les choses doivent se passer d'une certaine manière, dans un certain ordre, et non autrement. Bien averti de tout cela, on s'y prête ; en s'en impressionne artificiellement ; on se fait des sentiments factices. L'âme perd toute naïveté, la spontanéité disparaît, et la religion du coeur devient une mécanique.

Un peu plus loin :

Bonheur de ces quelques jours passés en tête à tête avec Sophie !

Ou bien ces mots, que devraient méditer ceux dont l'intelligence paresseuse, se plaisant dans la région des brumes, établit une distinction commode entre le « fond » qu'ils estiment posséder, et la « forme » pour laquelle ils ont un beau dédain :

En fait de pensée, on n'a en toute propriété que ce qu'on a donné, c'est-à-dire exprimé.

Dans ses nuits souvent privées de sommeil, Vinet connaît trop bien l'angoisse d'être poursuivi par les préoccupations de la journée. Ruminations fatigantes, stériles la plupart du temps. Mais d'autres fois se prépare, dans une demi-inconscience, quelque page qu'il écrira le lendemain presque sans rature, ou bien encore la réponse à une lettre qui lui demande un conseil. Les questions d'éducation sont parmi celles auxquelles il pense le plus. A l'égard de ses propres enfants, il s'accuse d'être négligent, impatient ; il s'en veut de ne pas savoir tirer meilleur parti des pauvres matériaux que lui offrent ces natures incomplètes, droites cependant, et affectueuses. Là est même un des motifs essentiels qu'il a de s'estimer mauvais chrétien.

0 Dieu ! soupire-t-il, ne pourrais-je donc revivre, même à la onzième heure, et après avoir tant babillé christianisme, devenir enfin chrétien !

Ces défaillances qu'il s'exagère ne font que lui donner, plus profond et plus vif, le sentiment de sa responsabilité paternelle, qu'il étend aux enfants de ses amis et à la jeunesse en général. Aussi les lettres qui viennent assez souvent le consulter à propos d'éducation sont-elles les dernières qu'il laisserait sans réponse. Mais qu'on ne lui propose pas, dans cet ordre d'idées, quelque haute situation officielle ! Petit professeur il est, petit professeur il veut rester, se bornant de temps à autre, là aussi, à une action de partisan sur le flanc de l'armée des éducateurs en titre. On voudrait en haut lieu, dans le canton de Vaud, le nommer vice-président du Conseil de l'instruction publique, c'est-à-dire lui en confier la direction effective. Il répond :

Une place comme celle dont il est question suppose une culture beaucoup plus étendue et plus solide que la mienne... Je ne me suis point occupé de pédagogie... Je n'ai point étudié ce que les Allemands ont écrit, et pour vous dire tout, je m'y suis médiocrement intéressé. Tout entier à la pratique, j'y ai puisé la petite et imparfaite théorie dont j'avais besoin. Je n'enseigne peut-être pas trop mai. Bon pour être instituteur, non pour diriger l'instruction publique de tout un pays. Ne croyez pas que j'aie méprisé en principe les théories pédagogiques, mais mon goût ne m'y a pas porté ; chose assez singulière puisque j'aime l'enseignement. Plus préoccupé de ma branche particulière que de l'enseignement en général, j'ai fait de la grammaire dans ma classe et de la demi-théologie dans mon cabinet : voilà comme mon temps a passé. Sous ce rapport, je ne suis point l'homme qu'il vous faut.

Il vous faut de plus un homme pratique, un homme de tête, d'ordre et d'action, précisément ce que je ne suis pas ; un homme ferme, et je suis timide ; un homme décidé, et je suis éminemment sceptique ; un homme qui connaisse le monde, et je ne le connais point. Le moindre tête-à-tête me trouble, un visage inconnu me déconcerte. Je n'ai d'audace que dans ma chaire. Jugez d'après cela si je vous conviens. (5)

Ce n'est pas qu'en matière d'instruction et d'éducation Vinet n'aie son opinion très nette sur les tendances qui sont celles du jour : suppression pour de nombreux jeunes gens; des humanités, programmes « modernes » qui gagnent du terrain, la culture de l'esprit négligée au profit d'un bagage de notions positives, soi-disant scientifiques, hâtivement acquises et mal digérées. On a dispensé de l'étude du latin les élèves des classes supérieures de l'école primaire, qui depuis quelque trois cents ans y étaient astreints. Il le déplore, tout prêt qu'il serait à dire avec Saint-Marc Girardin : «Je ne demande pas à un honnête homme de savoir le latin : il me suffit qu'il l'ait oublié. » En attendant, il écrit à M. Auguste Jaquet:

Je ne saurais vous dire ce que nous éprouvons (je parle de mes collègues au paedagogium) en face des classes réalistes (6) qu'on a formées depuis quelques années. Nous sentons que l'esprit de la science est absent, que l'esprit philistin l'a remplacé, et que ces jeunes esprits se prévalent d'une manière déplorable de l'aveu qu'on a fait en fondant ces classes, d'où l'on a exclu tout ce qui ne sert pas directement à l'avantage matériel. Et que serait-ce d'une école réaliste dont les maîtres seraient réalistes de coeur : il faut avoir vu et voir tous les jours ce rabougrissement intellectuel et presque moral de jeunes êtres dont quelques-uns sont doués de belles facultés, pour calculer tout ce dont l'esprit réaliste menace la génération qui s'élève. (7)

Parmi les secours que Vinet trouve en lui contre les assauts de la douleur, n'oublions pas sa communion étroite avec la nature. Un coin de ciel bleu aperçu de son lit, une promenade dans les environs de Bâle un jour un premier printemps, le souvenir du Léman magnifié par l'absence, souvent il n'en faut pas plus pour guérir sa tristesse. A la mélancolie douloureuse succède alors une gravité attendrie qui lui rend sa sérénité.

Il me semble, écrit-il à Charles Secrétan, que j'ai retrouvé quelque chose de cette enfance du coeur dans mon petit voyage à Badensweiler. Avez-vous vu Badensweiler ? Il faudra que vous y alliez. Il n'y a nulle partie de ce doux paysage qui ne semble vous murmurer ce vers si tendre et si vrai de Lamartine:

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime... (2)

Aussi quelle admiration chez lui, quelle reconnaissance, pour ceux qui chantent cette nature comme lui-même voudrait savoir la chanter ! Chateaubriand est au premier rang de ces bardes magnifiques. Il lui a consacré dans le Semeur «un noble et grand article», au dire de Chateaubriand, qui lui vaut une lettre dont il ne peut pas moins que d'être heureux, flatté, et dont Sophie et Elise, appelées pour en écouter la lecture, sont encore plus fières que lui.

Toujours sans se nommer, et en signant simplement l'auteur des articles du Semeur, Vinet répond à son illustre correspondant :

Une génération d'esprits voués tout entiers à l'art et à la pensée semble ne vous demander que les fruits du génie. Donnez-lui davantage. Faites ressortir à ses yeux l'unique foi que vous ayez conservée, la seule espérance « qui ne confond point ». Préparez à cette jeunesse, qui doit vieillir et se détromper, la seule indemnité de la foi qu'elle doit perdre un jour. Employez-y ce génie que Dieu semble, pour cet usage, avoir mis à l'abri du temps. Votre parole est trop puissante pour ne pas communiquer cette tristesse selon la nature qui fait mourir : serait-elle moins puissante pour enseigner cette tristesse selon Dieu qui fait vivre (2 Cor. VII, 10), et sur laquelle croît une sainte joie, comme une céleste fleur sur la couronne d'épines ? (8)

(1) Philosophie religieuse, p. 127, 

(2) Inédit.

(3) Semaine littéraire, 16 juillet 1827. 

(4) Lettres, I, 407.

(5) Lettres, I, 335.

(6) « modernes ». 

(7) Lettres, I, 369.

(8) Lettres, 1, 464.
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