Le « plus que vainqueur » n'est nullement un être étrange, mystérieux, ou merveilleux, - pas plus que ne le sont les autres créations de Dieu, une plante par exemple, ou une fleur, ou un fruit. Il sera merveilleux, oui, comme le sont tous les ouvrages du Créateur mais tout, chez lui, sera si naturel, si simple, qu'il paraîtra aussi « ordinaire » qu'une marguerite des champs. Beaucoup ne reconnaîtront pas en lui un fils de Dieu, pas plus qu'on n'a reconnu cette nature divine chez Jésus-Christ. Souvent même ce seront les « connaisseurs » en matière religieuse qui le reconnaîtront le moins. Il fera des oeuvres semblables en leur nature à celles de son Maître, mais peu de personnes auront « des yeux » pour les voir. Et plus il en fera, plus on le regardera comme « une brebis destinée à la boucherie. »
Son obéissance à Dieu ayant revêtu le caractère absolu, il y aura dans son caractère et dans sa vie quelque chose de cette simplicité parfaite qu'on voit dans la nature.
Il ne sera ni plus ni moins qu'un fils de Dieu. Mais quel ciel de grâce et de gloire et quelles solennelles obligations ce mot ne renferme-t-il pas pour ceux qui, se considérant comme ne s'appartenant plus, mais comme des « rachetés », comme la propriété d'un autre, - ne voudront envisager leur vie sur la terre sous un autre jour, jugeant de leurs droits et de leurs devoirs exclusivement à la lumière de ce titre de « FILS DE DIEU ».
Rachetés à un grand prix, ils ne vivront que pour glorifier Dieu dans leurs corps qui sont sa propriété. Glorifier Dieu, glorifier Dieu, voilà leur but unique.
Dans ce dernier chapitre je veux surtout indiquer quelques-uns des traits de la vie intérieure de ce fils de Dieu, de ce « plus que vainqueur ».
Et pour cela je
retournerai au point
de départ et je demanderai: Comment, de quelle
manière Adam a-t-il perdu sa royauté et sa
domination, comment a-t-il cessé d'être dans le
sens spirituel un fils et un vainqueur, comment, en un mot,
de vivant et régnant qu'il était, est-il
devenu mort et esclave ?
Adam tomba
simplement en cessant
d'écouter Dieu, et de demeurer dans la confiance
absolue en lui.
Il ouvrit ses
oreilles à la
voix du démon. Il eut foi en lui, il lui
obéit, et « le jour même », il
mourut. Son corps demeura vivant, mais Adam mourut au point
de vue spirituel.
Et « comme
en Adam
tous meurent » (de la même
manière qu'ils
sont morts en lui), de même en
Jésus-Christ ils revivent. Ils revivent par un acte
de confiance et d'obéissance absolues. Ils «
demeurent en Jésus » de même. Adam est
mort le jour
même de son acte
de
doute et de désobéissance, et, pour devenir
chrétien, on passe par un « jour » de
conversion; car quelque longue qu'ait été la
conviction du péché qui l'a
précédé, cette conviction aboutit
pourtant à un moment décisif.
La conversion ne peut être, au fond, qu'instantanée. Adam a eu son « jour » de perdition; le chrétien a son « jour du salut ». Il a un anniversaire spirituel aussi bien qu'un anniversaire naturel. Comme les Israélites il peut célébrer le jour de sa sortie de dessous le joug de l'esclavage. « Vous conserverez le souvenir de ce jour et vous le célébrerez... » disait Moïse.
Il n'y a eu rien de compliqué dans les causes de la chute d'Adam, et il n'y a rien de compliqué dans le salut. Le point central de l'un et de l'autre fait est un acte précis et définitif de confiance et d'obéissance. Tout dépend quelle est la personne qui est l'objet dé cet acte. Dans le cas d'Adam, c'était la foi au démon qui faisait appel à ses désirs naturels, lui demandant de les soustraire à l'obéissance à la loi de Dieu. Dans le cas du chrétien, c'est juste le contraire. Il s'abandonne à Dieu, croit en lui et soumet à ses lois, d'une manière absolue, tous ses désirs naturels. Et comme je le disais à la fin du chapitre sur « la sainteté », il ne confond pas ces désirs humains et naturels avec le péché. Il n'y a pas plus de péché en eux qu'il n'y en avait dans ceux d'Adam.
Le « plus que vainqueur
»
est donc un homme qui n'écoute
que Dieu. Il ne s'écoute
pas; il n'écoute pas le démon; il
écoute Christ en lui, il écoute cette nouvelle
et divine vie qui est venue régner au dedans de lui.
Il regarde à Jésus vivant en lui. Pour toutes
choses, il s'en réfère à Jésus.
Il vit pour Jésus. Il vit par Jésus. Il
demeure en Jésus. Il écoute
Jésus.
Voilà pourquoi, au
commencement du dernier livre de la Bible, l'Apocalypse,
où, d'un bout à l'autre, il n'est question que
de vie et de victoire (comme, au jardin d'Eden, il a
été question de mort et d'esclavage),
Jésus-Christ répète sept fois : «
A celui qui vaincra », et, à cette parole, il
associe sept fois la suivante: « A celui qui a des
oreilles ».
Le vainqueur est un être
qui n'a
des oreilles que pour Dieu. Il en était ainsi d'Adam
avant sa chute. Mais, si au point de vue physique, nous nous
trouvons dans une position inférieure à celle
d'Adam, étant moins parfaits que lui, nous sommes
dans une position spirituelle supérieure, ayant Jésus-Christ
comme Vie en nous. Écouter cette VIE au
dedans de nous, tout soumettre à son gouvernement,
c'est être un vainqueur et un plus que
vainqueur.
Jésus Christ nous a
rachetés par son sang pour nous soustraire d'une
manière absolue à toute domination du
péché ou du démon. À l'abri,
sous l'aspersion de son sang, vivant de sa vie, nous
devons
nous attendre
constamment à
une
victoire entière sur toutes les puissances des
ténèbres qui menacent nos âmes.
Le voilà, le « plus que
vainqueur », le combattant du royaume de Dieu, le
chevalier de la croix, sans peur et sans reproche. SANS PEUR
: délivré
« pour le servir sans crainte
»; SANS REPROCHE : « en marchant devant lui dans
la sainteté
et dans la justice,
tous les
jours de notre vie. » (Luc I, 74-75.) - « Purs et
irrépréhensibles » - est une autre
description du chevalier. En voici d'autres :
« Soyez toujours
joyeux.
Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses.
» (1 Thess. V, 16-17.)
« Que le Dieu de
paix vous
sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre
être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé
irrépréhensible, lors de
l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ!
Celui qui vous a appelés est fidèle, et c'est
lui qui le fera. » (1 Thess. V, 23-24.)
« Sans crainte -
toujours
joyeux ! » Ces mots à eux seuls supposent que le
péché a disparu du coeur, car partout
où est le péché, il y a la crainte,
et là où le péché
existe, il ne peut y avoir la vraie joie.
Voici quelques-unes des formes intérieures que prend cette vie et cette grâce que l'apôtre Jean désigne sous le nom de l' « amour parfait ». Elles suffiront à mettre en lumière quelques aspects intimes de cette vie d'abandon absolu, de cette vie de foi et d'amour. Un grand nombre de témoins qui ont vécu à diverses époques, ou qui vivent aujourd'hui, sont d'accord sur les traits principaux de l'état d'âme produit par l'entière sanctification.
L'homme sanctifié a
nettement
conscience de vivre intérieurement dans l'état
de l'amour parfait. Il ne peut trouver en lui rien qui soit
contraire à ce principe, Chaque croix lui semble
avoir pour résultat de faire ressortir son
état de mort au monde. Et plus la croix est
élevée, plus ce fait se détache devant
ses yeux spirituels, de même que la croix du Christ,
dressée sur le sommet du Calvaire faisait voir
à tous sa victoire.
Il a conscience
d'être
« sanctifié ». Dieu lui a donné sa
paix, une paix parfaite, selon sa promesse.
Son âme est comme un sanctuaire où règne
un calme saint et sacré, un ciel intérieur que
les méchants ne troublent plus et où l'esprit
fatigué se repose.
Il « aime »
Jésus. Il « hait » sa propre vie. Il peut
dire de lui-même : « Je ne connais pas cet homme.
» Il liait la « chair ». Il hait tout ce qui
pourrait élever ou honorer la vie propre. Il a en
horreur la gloire humaine. Il hait tout
élément d'alliage dans le service de Dieu. Il
a la passion de ce qui est pur - et de voir Dieu seul
glorifié. Tous ses efforts tendent
constamment à ce que l'élément divin
triomphe et règne dans toute
activité religieuse. Ceci est un besoin
intérieur impérieux chez lui. Il est
pénétré au dernier degré du
sentiment que dans la mesure où il y a des
éléments d'alliage dans une oeuvre religieuse,
il y a 'juste dans cette mesure des éléments
de faiblesse qui amèneront infailliblement les chutes
et les châtiments - avec tout leur triste
cortège d'arrêts, de reculs et de pertes. Sa
croyance intransigeante est celle-ci : Seul ce qui est pur
est fort.
Il ne sent pas le
besoin
lui-même d'encouragement humain quelconque. Il peut
s'en passer absolument. Il a peur de tout appui de ce genre.
Il est convaincu que l'encouragement humain serait un
élément inférieur à celui
où Dieu lui demande de vivre, et cela ternirait la
joie qu'il éprouve à ne dépendre pour
son encouragement que de Dieu seul. Le besoin de le
glorifier ainsi est souvent si puissant, qu'il aimerait que
toutes les conséquences des fautes de ses
frères tombassent sur lui, et qu'il voudrait pouvoir
porter tous leurs découragements sur son coeur. La
croix est toute sa joie et toute sa gloire
intérieure.
Il est affranchi de
la crainte. Il
est souvent émerveillé de voir cc, que Dieu
peut faire dans ce domaine, pour une âme
sanctifiée. S'il a un petit mouvement passager
d'appréhension - plutôt physique qu'autre
chose, - ce sentiment est immédiatement noyé
et perdu dans la foi absolue qui règne
intérieurement, dans cette assurance que Dieu est
au-dessus de toutes choses, et que toutes choses doivent
concourir an bien.
Si la pression des circonstances extérieures fait plier pendant un instant les nerfs, pour ainsi dire - de son esprit ou de son corps, en un mouvement d'appréhension, le ressort de l'amour parfait et de la foi illimitée affirme son ascendant et le vrai fond de son être triomphe. Le mouvement a été nerveux, c'est-à-dire purement physique, et n'a eu aucun caractère moral.
Dieu est sa passion. Il
n'aime pas ses
bien-aimés moins,
pour
l'aimer lui, davantage,
- au
contraire, sa capacité d'amour pour eux et pour tous
ses frères est infiniment augmentée par sa
fidélité à son « premier amour
».
Quelquefois le
sentiment de
l'amour de Dieu est si puissant en lui, qu'il doit demander
à son Seigneur d'en diminuer l'intensité; il
lui semble qu'il pourrait mourir de bonheur.
C'est comme si un
océan
cherchait à se déverser à travers un
étroit canal. Souvent le sentiment de la
présence de Dieu dans son âme est absolument
inexprimable. Généralement ces moments de
béatitude précèdent ou suivent
immédiatement les croix les plus lourdes et les plus
grands dépouillements. Il fait l'expérience
que décrit l'apôtre Pierre : « Vous
réjouissant d'une joie ineffable et glorieuse »,
et cela précisément dans « les
épreuves. » (I Pierre 1, 9.)
Il est délivré des
« réactions », car Dieu le garde de faire
quoi que ce soit dans une force charnelle. Quand on fait
tout en lui et par sa force, on n'est pas sujet aux
réactions. Les réactions trahissent toujours
l'existence d'un élément d'alliage dans
l'activité religieuse qui les a
précédées.
Il est mû par une
sainte
ambition de se livrer journellement en libation pour le
peuple de Dieu. C'est là sa joie. Cela fait son ciel.
Il voit derrière chaque croix qui l'attend, une
nouvelle pentecôte, et derrière chaque
pentecôte, le salut d'âmes immortelles, de
centaines d'âmes peut-être.
Il accepte dans la
paix tous les
bouleversements.
Il a conscience que
c'est
Jésus qui est assis sur le trône de sa
volonté, et qui tient tous les fils de son
être. Il y a un grand silence dans son âme. Un
grand repos occupe toute la place et toute sa
pensée.
Il est toujours prêt
à paraître un fou ou un fanatique aux yeux des
hommes en servant son Dieu. Il est affranchi du souci de
« l'opinion. »
Dieu, son Dieu, est un
univers de
lumière, de paix et de satisfaction qui peut
l'enrichir même dans la perte de tout.
L'Éternel a élevé son âme au
dessus de toutes les vagues et de toutes les tempêtes.
Il ne redoute plus rien. La volonté de Dieu est son
ciel.
Il ne dévie pas du
chemin
droit et étroit par une sympathie qui n'est pas en
Dieu. Il faut que sa pitié ou sa sympathie soient
pures. Devons-nous nous apitoyer sur ceux que Dieu
discipline, façonne au fond de son creuset?...
Attention!
Il peut tout
supporter. Les faits
journaliers le lui prouvent. Dieu l'a établi dans
cette paix qui surpasse toute intelligence. Toutes choses
lui sont égales. Rien ne le dérange ou ne le
trouble.
Un des aspects les plus caractéristiques de cette vie est celui qu'on pourrait désigner sous le nom de DÉSERTS intérieurs.
La marque distinctive de
ces
déserts consiste dans l'absence totale de tout
sentiment de la présence de Dieu, de la possession de
sa force ou de sa sagesse; c'est le vide, c'est le
néant, c'est le dépouillement intérieur
le plus absolu.
C'est souvent juste
au moment
où Dieu place un travail particulièrement
éprouvant devant lui que l'homme de Dieu passe par un
de ces déserts, par exemple avant de se tenir
à la brèche en public pour son Maître,
ou avant quelque travail spécialement difficile de
cure d'âme.
Avant que l'âme
connaisse mieux
les voies de Dieu, ces déserts peuvent l'effrayer;
elle est tentée de se replier sur elle-même, de
douter ou de juger de son état spirituel
d'après cette absence de tout sentiment. Plus tard,
elle comprend que ces déserts constituent le
régime nécessaire à l'homme de Dieu,
qu'ils renferment la
plus
grande grâce, en
ce
qu'ils créent le milieu intérieur le plus
propre à l'exercice d'une foi absolument pure, et
l'âme apprend à se dire dans de pareilles
épreuves de foi : « Voici le moment où tu
vas pouvoir glorifier Dieu en comptant sur lui sans avoir un
appui quelconque; voici le moment ou il peut t'utiliser pour
son service au plus haut point, puisque tu dépendras
uniquement de lui. Il a, pour ainsi dire, les coudées
franches dans ton âme, il s'y trouve de tous
côtés entouré par le vide au sein duquel
il met sa gloire à créer toutes choses.
Dès lors tout ce que tu feras sera purement en
Lui. Il sera pour toi sagesse et
force.
»
Dans ces moments-là,
il ne
reste au « plus que vainqueur » que les promesses
de Dieu. Le désert où Jésus a
passé les quarante jours est un exemple de cet
état intérieur. Il ne nous y reste, comme
à Lui, que les promesses. Elles doivent nous y
suffire comme à Lui. Aussi l'âme qui a appris
à comprendre les voies de Dieu ne se sent-elle jamais
aussi forte que dans ces moments-là,
précisément à cause du
dépouillement qui la rend absolument
dépendante de Lui. Que fait-elle alors? elle fait
acte de foi pure, elle dit: « L'Éternel
pourvoira »; elle va de l'avant, sans voir ni sentir,
comptant uniquement sur Dieu, et le résultat
dépasse toujours son attente.
Les plus grandes oeuvres que l'homme de Dieu est appelé à faire, sont généralement précédées par un de ces déserts; et c'est aussi ordinairement dans ces lieux arides qu'on est assailli par les plus cruelles tentations, par les accusations de toutes sortes venant du démon. Il cherche à tout placer sous un faux jour, à nous faire douter concernant les voies de Dieu à notre égard; et si, à ce moment-là, les événements nous apportent des souffrances ou si les hommes nous font subir quelque injustice, le démon ne manque pas de s'élancer avec la rapidité de l'éclair pour enlever d'assaut la citadelle de notre âme, cherchant à y faire pénétrer une pensée de mécontentement, de murmure, ou un sentiment d'aigreur.
Le milieu propre à
l'épreuve de la foi et à ces victoires
absolues de l'âme, dans lesquelles Dieu se glorifie le
plus, est premièrement le désert,
et
ensuite l'assaut
du
démon dans ce
désert même, où l'âme est
privée de tout. Les attaques de l'ennemi en ces
moments-là sont furieuses,
désespérées et adaptées avec une
grande habileté aux circonstances spéciales du
moment.
C'est alors que nous
sommes
assaillis « par les traits enflammés du malin.
» Quelle description parfaite que celle-là -
donnée par l'apôtre Paul. D'abord un « trait
» qui part, rapide comme la foudre, sans
avertissement, pour nous atteindre par surprise. Puis c'est
un trait « enflammé. » Le démon
cherche à incendier notre monde intérieur par
une flamme de l'enfer, une flamme de l'égoïsme -
une flamme de ressentiment, d'impatience, de murmure envers
Dieu, à cause des épreuves du moment. Mais
béni soit l'Éternel, le bouclier de la foi
peut arrêter et éteindre tous
les traits
enflammés du malin, et c'est le seul bouclier qui
puisse le faire. Notre seule sécurité repose
dans cette foi inébranlable qui voit Dieu dans tout
ce qui nous arrive et croit que tout ce qu'il permet est
pour sa gloire et pour notre bien.
L'homme sanctifié sait distinguer entre la tentation et le péché. Il ne tombe pas dans le piège qui consiste à croire que c'est de son propre fonds, de son propre coeur, que viennent « les traits enflammés. » Il sait que, comme le dit Saint-Paul, ces traits « viennent du démon » - ils viennent du dehors et non du dedans.
La vie de la foi pure et de l'amour pur, quoique ayant dans son fond une joie et une paix divines, n'est pas exempte des luttes et des angoisses à la surface. La vie du vrai chrétien est toujours, sous une forme ou sous une autre, une vie de souffrances; mais au milieu de cette vie, et surtout après avoir passé par un de ces « déserts », l'âme est visitée par des ondes de joie véritablement célestes.
La vie de la foi pure
est infiniment
la plus saine. Dans la vie où l'on s'appuie encore
sur les sentiments, il y a toujours de l'indulgence pour
soi-même. La vie de la foi est, pour ainsi dire, une
nourriture austère qui ne flatte pas le palais. Se
complaire, chercher son plaisir dans les sentiments ou les
émotions provenant d'une joie ou d'un bonheur
spirituels - c'est se donner une vie qui est l'opposé
de celle de la foi.
Mais, en même temps,
il ne
faudrait pas penser que la vie intérieure de l'homme
de Dieu soit une vie sèche ou mécanique, loin
de là. Jésus dit qu'il aura en lui une source
d'eau vive qui jaillira en vie éternelle. Il se
nourrit de la « manne cachée ». Il a
conscience que la vie divine en lui
le nourrit, le
soutient, le satisfait, le porte, et répand dans son
âme un sentiment de paix, de bien-être et de
force indescriptible. Souvent aussi il a conscience de la
manière la plus distincte de la présence de
cette merveilleuse vie surnaturelle, non seulement
nourrissant, abreuvant, fortifiant l'âme, mais
vivifiant le
corps
aussi. Il
n'y a pas de doute que Dieu est tenu de nous donner la
force pour
tout
travail qu'il réclame de nous.
Cette conscience de la vie divine en lui devient également nette et claire d'une manière remarquable lorsqu'il est appelé à prier pour des malades ou à leur imposer les mains pour leur guérison. La vie divine se manifeste quelquefois, en ces occasions-là, d'une manière si forte qu'il sent très nettement se produire en lui un renouvellement de forces physiques.
Quelques aspects de l'expérience intérieure de l'homme de Dieu appelé à prendre part à des réunions publiques :
Lorsqu'il n'a devant lui aucun service actif (parler, prier, par exemple) son état intérieur est le repos, la paix, une paisible méditation dans la lumière divine, l'adoration et la prière silencieuse. Il soutient de toutes ses forces ceux qui conduisent l'attaque. Il est toujours pénétré de la grandeur de l'occasion présente pour l'accomplissement du bien, en sorte qu'il ne peut faire autrement que prier intérieurement et avec force pendant tout le temps que dure la réunion.
Lorsqu'il a à parler, à
prier, il a souvent conscience d'une espèce de sainte
force qui s'élève au dedans de lui, une
espèce de pression qui augmente à un tel
degré qu'il ne peut être soulagé qu'en
épanchant les sentiments de son âme comme en un
torrent.
Quand il a à parler
en
public, ou à une âme, individuellement, la
pensée et l'expression, le fond et la forme viennent
souvent sans préparation et sans efforts, coulant de
source, de telle sorte qu'il sent que ce n'est pas lui, mais
Dieu en lui, qui parle. C'est comme le vent qui souffle
où il veut; son âme entend le son de la voix de
l'Esprit, mais elle ne sait d'où il vient, ni
où il va.
Il est amené souvent
à dire des choses dont il ne saisit pas tout de suite
la raison, mais, ensuite, il voit qu'elles s'adaptaient aux
besoins du moment ou de l'individu d'une manière
très remarquable.
Lorsque, dans une réunion, il n'a pas l'occasion de prier à haute voix, le besoin de prier est quelquefois si impérieux, la pression de l'amour, de la foi, si grande, qu'il ne peut presque s'empêcher de gémir.
Souvent l'esprit de
prière est
comme un véritable torrent ou une tempête dans
son âme. C'est une faim si dévorante et une
soif si ardente de voir le règne de la justice
s'étendre dans le monde, que l'âme ne peut la
comparer qu'à une véritable
famine.
Si, après avoir fait
de son
mieux dans le service de son maître, on le
blâme, on le juge mal, il ne sent aucune souffrance
pour lui-même., et combien moins un sentiment de
révolte! Il est libre de lui-même, dans un
état d'indépendance complète. Sous ce
rapport, son unique préoccupation est ce qui regarde
les intérêts du règne de Dieu - et pour
cela, il sent tout, très fortement, toujours.
Et précisément, sur
ce point-là, il voit Dieu continuellement
glorifié. Il voit sa main souveraine mettant tout en
règle, lorsque deux personnes sincères ont des
manières de voir différentes. Celui des deux
points de vue qui prévaut en dernière ligne se
trouve bientôt être le meilleur, et Dieu
bénit l'une dans le triomphe de ses plans, et l'autre
dans sa soumission joyeuse. Ainsi l'on voit toutes choses
concourir au bien des deux intéressés et en
même temps à l'avancement du règne de
Dieu.
Jésus-Christ lui est
fait
sagesse. Il a la conscience de ne manquer jamais de rien.
Dieu pourvoit littéralement à tous les besoins
de son esprit, selon la richesse de sa grâce en
Jésus-Christ, de moment en moment. Au fur et à
mesure que chaque minute se présente avec ses devoirs
et ses occasions, la grâce et l'inspiration divines
satisfont tous ses besoins, que ce soit pour parler dans une
réunion ou s'occuper d'un cas difficile dans la cure
d'âme. En vérité, ce n'est plus lui qui
vit, mais Christ qui vit en lui. Il est « mort »
et « sa vie est cachée avec Christ en Dieu.
»
Dieu lui donne des
victoires
remarquables, dans les cas les plus difficiles, en
réponse à la prière de l'intercession.
Il lui donne de voir que les paroles qu'il met dans sa
bouche viennent bien de lui, puisqu'elles
LIBÈRENT.
Son ambition est d'être un homme auquel Dieu ne peut rien refuser.
L'homme sanctifié est
averti
intérieurement qu'il doit être constamment
revêtu de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir
tenir contre les « ruses du diable. »
Une de ces ruses
consiste à
chercher à lui faire mettre en doute la
réalité de sa consécration à
Dieu.
Il y a deux parties contractantes dans l'alliance entre l'âme et son Dieu. Le démon est constamment occupé à accuser la bonne foi de l'une ou de l'autre. Tantôt, comme dans le jardin d'Eden, c'est Dieu qu'il accuse devant l'homme, et quand celui-ci a triomphé de cette tentation, et demeure ferme dans sa confiance en son Seigneur, alors le démon se retourne contre lui et veut l'accuser devant Dieu, disant que sa consécration à son Maître est une illusion. Il doit alors refuser de discuter la question avec le démon et s'en tenir fermement au fait qu'il s'est donné à Dieu, et veut encore et toujours sa volonté.
L'homme de Dieu va donc
de l'avant,
sourd à la voix du démon, et dans une foi
aveugle, tenant toujours la question de sa
consécration pour réglée
définitivement, une fois pour toutes, et celle de la
fidélité de son Dieu également. S'il
sent le besoin de définir nettement sa situation
intérieure, voici, en quelque sorte, son langage;
c'est le langage ferme et viril de la foi : « Je dois
être saint, et je le suis
puisque je
le veux, et puisque Dieu le veut. »
Ce n'est pas
étonnant
dès lors que le démon s'efforce de mettre en
question la réalité de notre « je le
veux. » Mais l'âme ne prend pas la voix du
démon pour la sienne propre ni pour celle de Dieu.
Elle sait qu'il est « l'accusateur des frères
» - des frères cadets de Jésus-Christ, et
qu'il usurpe constamment l'office de procureur du Roi, en se
déguisant en ange de lumière et en
prétendant être vraiment soucieux de la
réalité de notre consécration à
Dieu. Ne confondons donc pas la voix du démon avec
celle du Saint-Esprit. Elles diffèrent du tout au
tout. Le Saint-Esprit nous indique Jésus
constamment comme un parfait Sauveur, et dirige notre regard
sur lui.
Ce n'est que dans le
chemin de la
foi virile que l'âme peut être gardée du
péché et préservée des traits
dit démon.
En fin de compte, le
langage de la foi
revient toujours à ceci : « Je veux
être
saint, donc je le suis par ta puissance, car tu
es fidèle à ta promesse. »
Voilà la base de la
foi
pour le côté intérieur : être
bon.
Il en est de même pour l'autre côté de la vie, faire le bien, Voici encore le langage simple et affirmatif de l'homme de Dieu : « Je suis à toi et tu es à moi. Devant chaque devoir actif de faire ta volonté, j'affirme également que je puis. Par ta grâce j'ai la force de faire tout ce que tu demandes de moi. Tes commandements sont des promesses, et si tu mets un devoir devant moi, c'est une preuve que j'ai en moi ta force à un degré suffisant pour l'accomplir. Je dois, donc je puis. »
En somme, la loi qui régit la vie de l'homme sanctifié est celle-ci : « Il te sera fait selon ta foi. »
Le « plus que vainqueur
»
est puissant dans la prière. C'est peut-être
l'arme sur laquelle il compte le plus dans sa lutte contre
les puissances des ténèbres, en privé
et en public.
Il sait distinguer
nettement entre
les différentes sortes de prières. Lorsqu'il
entend quelqu'un prier il sait discerner ce qui est réel
et ce qui est factice dans la
prière.
Il y a trois sortes de
prières:
I. Les prières
charnelles; c'est-à-dire des prières
purement humaines, où seul, l'esprit naturel de
l'homme parle, sans être le moins du monde sous
l'influence du Saint-Esprit. Ce sont des prières sans
âme et sans ailes.
Il. Les
prières mixtes. Ce sont les prières
d'âmes non
entièrement sanctifiées. Quiconque
possède le Saint-Esprit peut encore entendre le
cliquetis de l'outil, le grincement du mouvement
mécanique, certains accents de la volonté
propre ; il y découvre une énergie un tant
soit Peu charnelle, et une certaine dose de calcul
humain.
Il s'y trouve, il
est vrai, un
certain souffle de vie néanmoins, on y sent le
mélange, et ces prières ne peuvent être
que très médiocrement efficaces.
III. La prière
dans le
Saint-Esprit, la
prière
qui jaillit de l'âme, sous l'influence de l'Esprit
Divin qui la contrôle, qui l'anime, qui lui imprime
ses mouvements; et quand bien même ces prières
doivent nécessairement passer par un canal humain, on
sent qu'elles jaillissent d'une source divine et que, venant
de Dieu, elles doivent nécessairement être
exaucées par Dieu. C'est des prières de ce
genre que Jésus a dit : « Quoi que ce soit que
vous demandiez, croyez que vous le recevez, et vous l'avez.
»
L'âme se sent alors
autorisée à dire : « Je sais que tu
m'exauces toujours! » Cette prière dans le
Saint-Esprit vient purement de Dieu, elle jaillit de la
source de la vie éternelle dans le coeur. Venant de
Dieu, elle va à Dieu. C'est la prière «
de grande efficace ».
Elle a sa base dans l'abandon
et la soumission
absolue.
La preuve s'en
trouve dans les
passages suivants:
1° Ce que
Jésus-Christ
disait, quant à ses relations avec son Père :
« Je sais que tu
m'exauces
toujours. parce que je fais toujours les choses qui te sont
agréables.
»
2° Et ensuite, quant
aux
relations du disciple avec son Maître :
« Si vous
demeurez en moi, demandez tout ce que
vous voudrez, et vous le recevrez. »
Il y a donc une
condition
attachée à la prière efficace; c'est de
demeurer en Christ. Oh! combien cela veut dire : demeurer en
Christ! Combien absolument il faut la pensée
constante de Lui,
l'adoration
constante de l'âme s'élevant à Lui,
la préoccupation constante,
continuelle, de Sa
gloire, de Son
honneur,de Sa renommée, la
sensibilité extrême quant à Ses
droits, à Ses
intérêts, la passion de Lui
donner le
salaire de ses souffrances, le désir de se voir et de
voir tout effacé devant Lui,
la joie
indicible qui s'élève dans le coeur lorsqu'Il
est glorifié, lorsqu'Il est rendu visible pour ainsi
dire, lorsque Sa
présence devient, sensible à tous, dans une
assemblée. Ce sont-là quelques-uns des indices
de l'état intérieur de ceux qui «
demeurent en Lui
».
Quoi de plus naturel que
ceux dont la
passion est de glorifier Dieu et de le voir glorifié,
puissent s'attendre toujours à ce que leurs
prières soient exaucées; car ils ne savent
prier que pour ce qui contribue à sa
gloire.
Oh! que de temps et
de forces sont
perdus dans des prières charnelles et purement
humaines! dans des prières qui ne peuvent être
exaucées! des prières nées
exclusivement de l'esprit
naturel et qui
ne sont que
« chair ». Seul ce qui est né
de l'Esprit est
Esprit. Cela est
vrai de la
prière aussi.
Un trait entre d'autres
marquant la
différence entre ces deux sortes de prières,
est celui-ci : L'âme qui prie « dans la chair
» pense à sa
prière, l'âme
qui
prie dans l'Esprit pense
à son Dieu.
Dans l'une on se
regarde
soi-même, dans l'autre on regarde son Dieu et on
s'oublie soi-même. Dans la véritable
prière, l'âme s'oublie, se perd, et
s'abîme en son Dieu.
L'âme de l'homme de Dieu
est
remplie d'une soif ardente, insatiable, inextinguible, de
voir Dieu glorifié, de voir venir son règne.
Et c'est à coup de prières, de prières
du genre que nous venons de décrire, que le «
plus que vainqueur » bat en brèche les positions
ennemies dans le monde des ténèbres. Il ouvre
le chemin de l'Évangile par des prières toutes
de feu et de foi. Il sait lutter à genoux
jusqu'à ce qu'il reçoive l'assurance de
l'exaucement.
Le Saint-Esprit
n'ayant plus
d'obstacle à enlever en lui, peut couler librement
par le canal de son âme en prières efficaces,
en prières d'intercession. Et prier comme Dieu
l'entend - c'est vaincre.
Cette vie exige une
marche continuelle
dans le renoncement. L'homme de Dieu est averti
intérieurement contre le danger du bonheur humain. Il
sait que, pour l'âme apostolique, le bonheur provenant
des liens de famille, d'amitiés terrestres, de la
société, le bonheur que l'on trouve dans les
milieux conformes à ses goûts, ou dans les
circonstances agréables à la nature humaine -
ce bonheur-là peut constituer le plus grand danger,
non seulement pour son âme mais aussi pour son
ministère. Il sait que ceux qui possèdent la
plus grande puissance spirituelle et la plus grande
influence pour Dieu sont ceux qui consentent aux plus grands
sacrifices des affections terrestres légitimes, qui
acceptent les séparations, les éloignements,
les solitudes, par amour pour Dieu et pour les
perdus.
C'est l'exemple de
ces âmes
apostoliques qui fortifie et encourage, peut-être au
loin, tel serviteur ou servante de Dieu appelés
à marcher dans un chemin solitaire, où ils
doivent faire taire la voix de bien des affections
naturelles, dans leur effort pour « chercher et sauver
ce qui est perdu. »
Le bonheur humain, le bien-être constituent un des plus grands dangers pour l'homme de Dieu dans ce monde. La puissance et l'influence spirituelles sur les autres ne s'acquièrent qu'au prix du renoncement. L'homme de Dieu ne doit jamais oublier qu'il est un enfant d'Abraham, et qu'il doit prendre Abraham pour modèle, soumettant toutes les affections à la loi suprême du sacrifice.
Entre nous et les nôtres doit toujours se trouver Dieu; nous ne devons posséder quoi que ce soit ou qui que ce soit sauf en lui et pour lui. Laisser enchaîner nos coeurs par les affections terrestres, c'est encourager d'autres à y chercher leur bien et leur bonheur. Laisser Dieu intervenir entre nous et les nôtres pour faire avec eux et avec nous toute sa volonté, c'est encourager d'autres à croire que Dieu peut être tout pour eux aussi. Seul l'homme de Dieu, affranchi de cette manière-là, aura du coeur et du temps pour aider ceux qui ont besoin de son ministère, et pour former d'autres âmes apostoliques pour la carrière de « pêcheurs d'hommes ».
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