Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IV

Combustion.

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Impossible à l'homme d'avoir du feu sans combustible. Ne serait-ce pas tout aussi impossible à Dieu ?

Si de nos jours le feu de la Pentecôte est si rare, ne serait-ce peut-être pas tout simplement que le combustible apostolique fait défaut? Peut-être Dieu ne peut-il envoyer cette sainte flamme avant que l'homme n'ait préparé le combustible, en offrant son âme et sa vie « en sacrifice vivant », comme le firent les premiers apôtres et tant d'hommes de feu depuis lors.
Dieu ne change pas. Il ne peut être moins désireux de sauver le monde aujourd'hui qu'il ne l'était il y a dix-huit siècles. L'absence du feu peut-elle donc lui être attribuée? on bien n'est-ce pas l'homme seul qui doit en être responsable ?
C'est quand le prophète eut préparé l'holocauste sur le mont Carmel que le feu du ciel tomba pour le consumer. Et pourquoi un corps humain était-il nécessaire au Sauveur du monde ? n'était-ce pas tout simplement parce qu'il fallait an feu de l'amour divin le combustible humain pour que la lumière céleste pût devenir visible et sensible aux hommes?
Et qu'était-ce que cette assemblée de cent-vingt hommes et femmes, dans la chambre haute, sinon le combustible par lequel le feu divin devait commencer à embraser le monde ? L'homme avait fait sa part, et Dieu ne manqua pas de faire la sienne. Le feu descendit.




Les lois de la nature et les lois de la grâce présentent des analogies frappantes. Notre Seigneur Jésus-Christ utilisa lui-même, pour illustrer ses discours, quelques-unes de ces analogies les plus compréhensibles aux gens de son temps.

Les lois naturelles qui produisent la combustion - cet agent qui joue un rôle si important dans le monde matériel ne sont-elles pas l'image, l'expression exacte de lois semblables dans le monde spirituel, dans le royaume de Dieu?

Quoi qu'il en soit, je raconterai d'une manière simple et concise comment cet aspect de la vérité divine s'est présenté tout d'abord à mon esprit, et alors le lecteur pourra juger s'il y a là une vérité, et dans quelle mesure elle expliquerait l'absence du BAPTÊME DU SAINT-ESPRIT ET DE FEU dans son expérience personnelle.

Assis dans un train qui filait à toute vapeur vers le midi de la France, je songeais à la puissance extraordinaire qu'il fallait pour emporter cette longue file de lourds wagons avec une rapidité pareille. Cela semblait s'exécuter avec une aisance merveilleuse, et cependant, à sentir la vibration, à écouter le grondement, le grincement perpétuel de toute cette masse mouvante, on pouvait se faire une idée de l'énorme poids de fer, de bois, et d'êtres vivants, qu'entraînait cette puissance mystérieuse.
Soudain, un train chargé de charbon nous croisa le vacarme devint assourdissant.
Alors ma pensée s'arrêta sur la locomotive où réside la source de cette puissance. La voilà : c'est ce charbon si noir, si laid, entassé dans le tender. Charbon, combustion, vapeur - opérant leurs miracles dans un instrument merveilleux - il n'en faut pas plus pour mettre en mouvement ces masses énormes.
Je me fis ensuite l'historique de ce charbon. Il y a longtemps, bien longtemps, il existait sous la forme d'une magnifique végétation baignée de lumière, s'épanouissant sur la surface de la terre : fougères géantes, plantes superbes, arbres monstres.

Survient soudain un terrible cataclysme; tout est bouleversé, de gigantesques affaissements du sol se produisent, des amas énormes de terre et de roc se referment sur cette végétation luxuriante, et l'enfouissent sans forme et sans vie dans les profondeurs de la terre. Étrange et désolante transformation! Et aujourd'hui à la vue de cette substance si froide, si noire, si dure, si salissante, qui soupçonnerait la noblesse de son origine?
Çà et là une veine fait son apparition à la surface; l'homme voit cette chose étrange qui n'est ni terre, ni rocher et, faute d'un meilleur nom, il l'appelle du minerai. Pendant longtemps il n'en fait aucun cas; quel parti pourrait-il en tirer? ce n'est bon ni comme pierre à bâtir, ni comme engrais, et les graines qu'on y sème ne germent pas...
Mais voici qu'un jour, l'on découvre que cette substance si désespérément noire, sale, inutile, peut brûler. Alors, quelle révolution! Du plus vil des objets, le charbon devient le plus précieux, et depuis lors, dans le monde entier, on tire de lui la force motrice.




Alors je me pris à songer à la puissance spirituelle et à sa source. Cette puissance-là est une réalité, elle aussi, et qui accomplit des miracles plus grands encore que les miracles accomplis par ces machines géantes à l'aide de la puissance que produit la combustion du charbon et la vapeur.

Notre pauvre nature humaine n'avait-elle pas connu, elle aussi, il y a longtemps, bien longtemps, ses jours d'Eden, ses jours brillants et ensoleillés? N'était-elle pas, elle aussi, comme une belle et luxuriante végétation, s'épanouissant au plein soleil de la grâce divine, buvant ses rayons, arrosée de la pluie du ciel ?

Mais soudain, quelle catastrophe ! quelle chute!
Enfouie, écrasée sous des montagnes de péché, l'humanité a perdu sa ressemblance avec Dieu, et n'est plus comparable qu'à ce charbon dur, froid, noir, sale! Ah! que voilà bien le caractère du coeur égoïste, et le résultat direct de la chute!
Et l'univers regardait stupéfait, angoissé... Et il n'y avait personne pour prendre l'humanité en pitié, personne pour la sauver.

Que faire de cette pauvre nature humaine, déchue ? on ne peut s'en servir pour édifier: elle n'a pas la solidité du roc; on ne peut l'ensemencer: elle n'a pas la pénétrabilité de la terre. « Désespérément mauvaise » ainsi parle la voix de la vérité.
Qui aurait cru à son origine divine? Qui aurait cru aux possibilités qu'elle renfermait encore ? C'est là ce qu'exprimait Esaïe lorsqu'il annonçait la bonne nouvelle du relèvement de l'humanité déchue : « Qui a cru à notre prédication? »

Oui, Seigneur, votre pensée était au-dessus de la pensée des hommes, autant que les cieux sont élevés au-dessus de la terre!




Mais voici qu'un jour quelqu'un descend du ciel, conformément aux prophéties; il vient annoncer que tout n'est pas perdu; que l'espoir brille encore; qu'il existe encore pour l'homme la possibilité de devenir une merveille d'utilité; autrement dit, que le charbon peut brûler. Si l'homme veut seulement consentir à livrer au feu de l'amour divin sa pauvre nature humaine, son coeur, en un mot sa « vie », - alors... alors, quelle découverte, quelle révélation, quelle révolution! Abandonné, corps, âme et esprit, à ce feu divin, embrasé par cette flamme, il peut désormais déchaîner une puissance qui bouleverserait le monde : la puissance du St-Esprit!

Le secret de la puissance est donc le renoncement. Impossible d'avoir le feu en gardant le charbon. Si le charbon n'est pas donné, le feu n'est pas obtenu. Plus le combustible sera livré avec abondance et régularité, et plus la puissance sera grande et continue.
« Si quelqu'un veut être mon disciple, disait Jésus, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive. - Celui qui perd sa vie la retrouvera. - À celui qui vaincra, je donnerai puissance sur les nations. » Voilà pourquoi Christ dut, comme il a été dit plus haut, revêtir un corps humain: c'était pour pouvoir l'offrir en sacrifice pour le salut du monde. Sa vie naturelle, sa volonté propre, son désir intime d'être compris, aimé, sa répugnance à être tourné en ridicule, à être maltraité, outragé, ses sympathies et ses antipathies, en un mot toutes ses préférences naturelles devaient être offertes en holocauste heure après heure, devaient être consumées; la provision de combustible étant sans cesse maintenue, le feu de l'amour divin ne baissait jamais. Tel est le système scientifique du ciel pour dissiper les ténèbres de ce monde. Le vrai chrétien éclaire, mais seulement quand il brûle. Si le Maître a dû se soumettre à cette règle, combien plus le disciple doit-il s'y soumettre!

Le feu était dans le ciel, prêt à être « allumé sur la terre », mais si Christ n'avait pas revêtu un corps, où le combustible se fût-il trouvé ? - où aurait été « l'agneau pour l'holocauste consumé par le feu ? » Le corps céleste d'un ange n'aurait pas pu brûler. Il n'aurait pas pu verser de sang, ni être cloué sur une croix. Il fallait un corps humain, et Christ manifesta l'amour divin en offrant son corps au martyre. C'est pourquoi le Sauveur dit à son Père: « Tu m'as formé un corps, » et « Je donnerai ma chair pour la vie du monde. »

Jésus-Christ mourut de jour en jour, « sans cesse, » comme son apôtre qui aspirait à « combler la mesure des souffrances » de son Maître. Semblable au buisson ardent, il brûlait toujours, sans jamais se consumer.
Et quand le démon eut la folie de l'élever sur une croix, l'univers entier fût éclairé par les rayons de l'amour divin qui s'échappaient de ce foyer, déversant ses flots de lumière à travers tous les âges, jusque dans les coins les plus enténébrés.
« Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » Béni soit son nom! Et comment devait-il être élevé? comme un phare, et ce phare, c'était son corps.
« Je donne ma vie, afin de la reprendre. » Il la livra comme vie humaine ; il la reprit comme vie divine; il la livra comme combustible, il la retrouva comme feu; il la sema faiblesse, il la ressuscita puissance !

Et si la sainte nature de Christ (comparable à cette végétation qui sortit parfaite de la main de Dieu) devait être ainsi sacrifiée pour pouvoir brûler, combien plus notre nature à nous, plus semblable à celle du charbon, doit-elle être complètement livrée pour le service du Royaume, si nous devons, à l'exemple de notre Maître, éclairer et sauver le monde!

Sauvés nous-mêmes par son sacrifice, sauvés par son sang - par le don de sa vie - nous sommes appelés à « offrir nos corps en sacrifice vivant, » comme combustible pour ce feu qui tomba le jour de la Pentecôte, et qui sera notre seule puissance pour éclairer et sauver les autres.
Nous sommes sauvés par le don de Christ, et nous ne pouvons sauver les autres que par le don de nous-mêmes.
« Je vous ai laissé un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait. » Et tout ce qu'il a fait avait pour but de sauver le monde. Il a été consumé sans cesse, et il a brillé sans cesse.

Sauvés par la croix, il nous faut porter la croix si nous voulons sauver.
Le renoncement doit donc revêtir deux formes bien distinctes l'une de l'autre :

1. Le renoncement au péché, sans lequel nous ne pouvons être sauvés.

2. Le renoncement à notre propre vie, sans lequel des autres ne peuvent être sauvés. C'est là une vérité effrayante : ils ne peuvent pas être sauvés.

Le premier renoncement est obligatoire, et par conséquent commandé; le second est volontaire, et par suite, simplement proposé. Mais il est proposé avec toute la force de l'exemple le plus entraînant que le monde ait jamais vu, et ses joies et ses récompenses sont scellées du sang des saints et des martyrs.

Puisque Jésus-Christ avait le droit de garder sa vie, de rester au ciel, et que son sacrifice n'avait de mérite que parce qu'il était volontaire, nous pouvons croire que les hommes peuvent entrer au ciel sans avoir été baptisés de feu. Mais alors même qu'il en serait ainsi, nous savons pour certain qu'ils ne « brilleront » pas connue des étoiles à toujours et à perpétuité, comme le feront ceux qui auront « enseigné la voie de la justice aux nations. »

Il faut d'abord renoncer à ce qui est illégitime, au péché; et en second lieu il faut savoir renoncer à ce qui est légitime, à notre « vie », à notre propre vie - à notre désir naturel de ne pas souffrir, de ne pas être méprisé ni rejeté, de ne pas quitter un père ou une mère, de ne pas donner un fils ou une fille pour le salut d'âmes rebelles.

Aucune loi n'obligeait Jésus-Christ à se sacrifier pour nous - si ce n'est la loi de l'amour. Voilà pourquoi il y avait dans les rites mosaïques deux sortes de sacrifices bien distincts, qui préfiguraient ces deux côtés de l'oeuvre de la rédemption du monde : le sacrifice où le sang était versé, et celui où le feu consumait l'holocauste. Voilà pourquoi il y avait deux grandes fêtes principales, qui préfiguraient les scènes du Calvaire et de la Pentecôte. Voilà pourquoi, semble-t-il, l'Armée du salut a été amenée par la providence divine, à adopter une devise double et complète en ces trois mots « Sang et Feu » - le mot du milieu étant indispensable aux deux autres. Voilà aussi pourquoi c'est une erreur fatale de supposer qu'apporter une offrande au Seigneur, veut dire lui apporter son péché. Non, cela c'est un blasphème! Le péché est quelque chose d'illégal, d'illégitime, et ne peut jamais constituer une offrande à l'Éternel. Les biens dérobés ne peuvent devenir des dons. Les tonnerres de la loi de Dieu exigent la soumission du rebelle, et l'abandon de son péché; l'influence douce et tendre de l'amour de Dieu nous sollicite à prendre pitié du rebelle, à chercher le salut du pécheur. Cet amour se met à genoux, et nous apprend à « laver les pieds ». Il nous dit que nous pouvons quitter les quatre-vingt-dix-neuf qui sont en sécurité pour nous mettre à la recherche de la brebis perdue « jusqu'à ce que nous l'ayons trouvée. » Il nous en donne l'exemple.

Ce n'était pas pour offrir son péché à l'Éternel, qu'Abraham fit ces trois journées de marche vers le Morija, une tombe dans le coeur, et la face livide du cadavre de son fils devant les yeux. Son offrande était faite de par sa libre volonté. Ce sont ses meilleurs amis que Dieu traite le plus mal, à vues humaines. Il avait fait d'Abraham un homme sauvé; il veut à présent faire de lui un sauveur, et lui montrer comment toutes les nations de la terre devaient être bénies en lui - via mont Morija, (plus tard, mont du Calvaire.)

Ce n'était pas non plus au péché que renonçait Anne, lorsqu'elle donna son Samuel pour le service de Dieu, ni Jonathan, lorsqu'il céda la succession royale à David parce qu'il sentait que son ami conduirait plus sûrement les armées de l'Éternel à la victoire.

L'apôtre Pierre n'a-t-il pas reconnu à Ananias le droit de garder son argent ? Ce n'est pas pour l'avoir gardé qu'il fut frappé de mort, mais c'est pour avoir menti comme il le fit au milieu de lumières si vives. Ceux qui l'entouraient étaient remplis du St-Esprit et de feu, et renonçaient à tout ce qu'ils possédaient. Et c'était au sein de cette lumière éblouissante qu'il « mentit au St-Esprit, » en prétendant tout donner, alors qu'il conservait une partie de son bien.
« S'il est possible - que cette coupe passe loin de moi! » Ce cri de notre Sauveur était légitime; il fait toucher comme du doigt combien son sacrifice était volontaire, et combien il était naturel qu'il désirât prendre un chemin moins affreux pour sauver le monde, si cela avait été « possible », et d'accord avec la prescience de l'éternel amour.




Souvenons-nous toujours que l'état de perdition du monde change l'aspect de toutes les questions. Il entre en jeu un facteur plus puissant que la loi : c'est l'amour. Lorsqu'un navire se brise sur les récifs, lorsque la fusée, signal de détresse, s'élève de son bord dans les ténèbres de la nuit, appelant au secours, alors un subit changement survient dans le train de vie ordinaire des villages de la côte. Des êtres humains sont en péril! Lorsqu'une maison est en feu et qu'une petite figure terrifiée apparaît à la fenêtre au milieu d'un épais nuage de fumée, alors l'aspect de la rue change. Affaires, plaisirs, tout est oublié. La loi est à l'arrière-plan; l'amour est au premier. Cette loi nouvelle bannit l'indifférence, quoique personne ne sera condamné pour n'avoir pas risqué sa vie pour sauver son prochain. La loi du pays - la loi morale, pour ainsi dire - n'a pas d'autorité légale à exercer ici, mais la loi de la compassion affirme son autorité avec d'autant plus de force, que l'obéissance qu'elle provoque est spontanée et volontaire. Voilà un homme qui disparaît là-bas sous les flots; vous qui le voyez enfoncer, vous avez le droit, sans doute, de vous munir d'une bouée de sauvetage, avant de vous jeter à l'eau pour le sauver, mais le temps que vous aurez employé à assurer votre propre sécurité, peut lui avoir coûté la vie... Vous aurez satisfait à l'instinct légitime de la conservation, mais vous n'aurez pas obéi à l'amour.

Béni soit Dieu, il ne nous reste plus aucun doute sur notre devoir en présence d'un monde en danger de mort! Être « élevé » sur le Calvaire: voilà la seule ambition qui doit nous remplir, car le salut des âmes en dépend.




Quelle est la grande erreur du moraliste inconverti - de celui qui cherche à bâtir un édifice quelconque avec la pauvre nature humaine telle qu'elle est? C'est l'erreur de celui qui chercherait à bâtir une maison avec du charbon. Elle ne saurait tenir debout. Et quelle habitation sale et salissante ce serait! La nature humaine est comme le charbon; elle n'est plus bonne à rien, sauf à brûler, et c'est là pourquoi tous les systèmes bâtis sur elle ont si misérablement échoué. Aussi lorsque le Seigneur Jésus voulut établir le royaume du bien, le règne de la paix, sur la terre, n'a-t-il fait aucun cas des systèmes de réforme qui reposent sur la force des armes, ou sur la civilisation par l'éducation, par le socialisme, ou même par la théologie des inconvertis - mais il a assemblé dans la chambre haute une poignée d'hommes et de femmes illettrés qui ont consenti à prendre leur vraie place. à devenir combustible - ni moins, ni plus.

Il est une grande loi dans la nature, que nous retrouvons dans tous ses domaines : c'est que la force n'existe pas sans combustion.
Notre force physique est maintenue par la combustion de l'air dans nos poumons, et par la combustion des aliments dans notre corps. Le phénomène qui s'opère dans ces deux cas est identique en principe à celui qui s'opère dans le foyer d'une locomotive : l'oxygène brûle dans nos poumons, et l'avoine est au cheval ce que l'anthracite est à la locomotive.
Par un procédé diamétralement opposé, la nature entretient la provision de combustible: elle fait croître le végétal. (1)

La force résulte donc toujours de la combustion, et même dans la nature, la puissance découle d'un sacrifié, sous une forme ou sous une autre. Allant plus loin, nous voyons que partout dans la nature l'inférieur est sacrifié au supérieur, et doit le servir. C'est la loi de l'univers. Le végétal étant inférieur à l'animal, il doit le servir. De même, notre « homme naturel », inférieur à notre « homme spirituel », doit lui être soumis, et le servir. Notre vie naturelle doit être pour ainsi dire le combustible offert journellement en « sacrifice vivant », dans le service de Dieu et de l'humanité. Seul, celui qui « perdra » sa vie, la « retrouvera ». Il la perd comme le charbon se perd dans le feu, mais il la retrouve sous forme de puissance spirituelle, comme on retrouve le charbon sous forme de puissance terrestre dans la chaudière. L'homme est lui-même l'instrument merveilleux par lequel cette puissance peut accomplir ses miracles, car il est fait à l'image de Dieu lui-même, sur le modèle du type le plus élevé qui existe dans l'univers. Quelle responsabilité!

C'est ainsi que Dieu travaille - par l'homme - au salut du monde. Dieu fournit le feu, l'homme le combustible.

Voilà pourquoi la morale, à elle seule, est impuissante à sauver le monde. Le moraliste ne peut pas éclairer, car il ne veut pas brûler. Il est disposé à donner ses théories au monde, mais non à se donner lui-même. Ce n'est pas son savoir que Dieu réclame, mais c'est lui-même comme combustible pour son feu. Les théories ne peuvent brûler!

Voilà aussi pourquoi les expériences les plus bénies du passé ne suffisent plus aujourd'hui. On ne peut brûler deux fois de suite le même charbon. Les cendres ne sont pas combustibles. La croix doit être portée jour après jour. Comme le buisson ardent que vit Moïse, notre « vie » doit être offerte d'heure en heure aux saintes exigences de la combustion divine. Le degré de lumière et de force produit par cette combustion variera en raison directe de la quantité et de la qualité du combustible. Quel combustible incomparable que celui qui se trouvait « rassemblé » dans la Chambre-Haute, attendant le feu du ciel! Et le feu descendit - il descendit sur les hommes, sur les femmes, sur les jeunes et sur les vieux, sur les maîtres et les serviteurs. Il descendit sur chacun d'eux. Et la lumière en était si vive, qu'elle leur révéla en un instant le plan du salut de ce monde, et qu'ils se précipitèrent au dehors comme des flammes brûlantes, mettant le feu à la rue et de là à la ville entière jusqu'au jour où certains d'entre eux flambèrent comme des torches dans le jardin de Néron. Ils brûlèrent jusqu'à la fin.




Oh! soyons pratiques, pratiques au dernier degré! Oh! que personne n'assume la responsabilité de lire ces lignes sans les mettre en pratique! Il faut être non seulement prêt à renoncer à parents ou pays, à biens ou vies, à père, mère, fils ou fille, à position et avenir, il ne faut pas seulement, dis-je, être prêt à le faire, mais il faut le faire. Dès que dans un rayon divin projeté sur notre sentier, Dieu nous offre le centuple en échange du grain de blé de notre petite existence, il faut résolument nous décider à nous rallier, si la moindre providence de Dieu semble l'indiquer, à ceux que nos instincts spirituels nous désigneront comme étant le plus manifestement le peuple de franche volonté de nos temps! Il faut consentir à nous humilier jusque dans la poussière en allant à la recherche des perdus, et cela non pas au loin, mais tout d'abord où nous sommes; il faut rompre avec tout ce qui pourrait nous empêcher de répandre notre vie en libation pour le salut des âmes.

« Ah! me dit quelqu'un, mais que puis-je faire pour mon entourage ? » Je répondrai : « Vous pouvez faire tout ce que Dieu demande de vous, car ce qu'il vous demande ce n'est que de mourir, d'être du combustible. Livrez-vous, brûlez, et vous serez si chaud qu'on ne voudra plus de vous; on vous mettra à la porte, ou on ouvrira la porte devant vous. Ce n'est jamais que par la mort qu'on passe d'un monde dans un autre, que l'on passe de la terre à un ciel quelconque; qu'on passe d'une prison à la liberté. Soyez droits! soyez vrais! soyez pratiques! soyez intransigeants! Marchez à votre mort, et la plénitude de la vie divine vous remplira et vous rendra plus fort que tous les obstacles qui pourront s'élever sous vos pas. Dieu vous donnera un coup d'oeil si juste, une intelligence si claire, que votre regard percera à travers toutes les complications que la prudence humaine élèvera devant vous comme une haie d'épines apparemment infranchissable.

Mettez en pratique vos convictions; allez faire pour Dieu le travail le plus crucifiant qui soit à votre portée; allez vendre des journaux de salut dans la rue, dans les cafés ; allez parler dans le St-Esprit à ceux que Dieu a mis sur votre coeur. Et en même temps accomplissez tous les devoirs de votre position immédiate avec une fidélité scrupuleuse, le regard fixé sur Dieu et non pas sur les hommes, supportant sans murmure tous les faux jugements qui ne manqueront pas, dans un pareil moment, de s'élever sur tout ce que vous êtes et tout ce que vous faites. Vous marchez vers une vie et une liberté d'une puissance, d'une portée si incalculables, que le démon ne manquera pas de faire tout au monde pour vous obliger à reculer. Je l'entends crier de sa voix horrible: « Ah! tu veux t'affranchir du joug des hommes ou du demi-christianisme afin de me faire la guerre?... sache que je te le ferai payer cher. » Répondez-lui tout simplement: « Peu m'importe ma vie; c'est l'affaire de Dieu. L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de sa bouche. Vous serez impuissant à me nuire tant que je marche dans sa volonté. Tout ce que vous faites contre moi contribuera sûrement et rapidement à la réussite des plans divins et à votre déconfiture. Plus je serai consumé et plus il se dégagera de toute mon existence et de toutes les croix que vous préparerez pour moi une puissance qui sauvera vos pauvres victimes. Non, vous ne pouvez rien contre moi. »




Voici un incident tiré de la vie moderne, qui montre d'une façon particulièrement nette et frappante comment la puissance spirituelle se dégage de chaque acte de renoncement accompli par ceux qui combattent pour Dieu. Il illustre ce que c'est que de renoncer volontairement à ses droits les plus légitimes pour l'amour des âmes perdues. Ce fait, raconté dans une réunion intime d'officiers, ayant été en grande bénédiction à tous ceux qui étaient présents, je pense que je ne puis faire mieux que de le rapporter ici.
Il s'agit d'une officière d'État-Major de notre Armée, mère de quatre enfants, et remplie d'un immense amour, à la fois pour les siens et pour les âmes perdues.
En présence d'une grande disette financière dans l'oeuvre, elle se sentit appelée par Dieu à partir pour un pays lointain où elle pourrait susciter du secours pour continuer la guerre du salut au sein des foules incrédules. L'appel était clair et distinct. Elle en avait reçu beaucoup de semblables depuis sa tendre enfance, et connaissait bien la voix de son Dieu qui lui avait toujours donné la force d'obéir. Mais cette fois-là, des circonstances spéciales rendaient l'épreuve particulièrement cruelle. Il ne s'agissait pas seulement de quitter son mari et les aînés de ses enfants pour traverser l'océan dans sa farouche humeur des mois d'hiver, mais encore et surtout de quitter une toute petite figure pâle qui tenait une place d'autant plus grande dans son coeur de mère, que l'enfant était plus faible et plus délicat. C'était le dernier, et au dire des docteurs, il n'aurait pas la force de survivre à une maladie quelconque. Mais l'appel était distinct, et l'acte d'obéissance devait par conséquent être un acte de foi. Il en est toujours ainsi. Et la promesse était là : « Il n'est personne qui, ayant quitté père, mère, enfant, à cause de moi et à cause de la bonne nouvelle, n'en reçoive cent fois autant. »

Aussi, se faisant violence à elle-même, elle s'arracha aux siens, et se mit en route, sacrifiant les liens humains les plus légitimes par amour pour les perdus.

Mais quand l'immense vaisseau s'éloigna du rivage, l'emportant loin de ses bien-aimés, une angoisse mortelle la saisit. Le diable l'assaillit par un ouragan d'accusations barbares; il lui insinuait qu'elle n'était pas une vraie mère, il lui soufflait à l'oreille, de sa voix atroce, toutes les choses cruelles que pourraient dire d'elle certains chrétiens qui ne savent pas ce que c'est que de perdre sa « vie » dans le service des perdus. Il lui fit supposer que son enfant mourrait pendant son absence, et la petite figure se dressait, livide, devant elle pendant les sombres heures de la nuit, alors que les vents en furie faisaient entendre au dehors leur complainte funèbre, et que les vagues en démence, que le ballottement du navire lui répétaient qu'elle s'éloignait toujours plus, toujours plus. Trop loin pour porter aucun secours. Trop loin! trop loin!

Son angoisse devint indicible, car aimer beaucoup, veut dire souffrir beaucoup. Les souffrances physiques vinrent s'ajouter aux angoisses morales : cinq jours durant elle ne put rien manger, et ses larmes ne cessaient de couler; il arriva un moment où elle céda intérieurement à la tentation, et regretta, son sacrifice! Ah! si seulement un navire venait à les croiser, elle sauterait dessus, et elle retournerait vers les siens!... Mais au moment même où elle fléchissait ainsi en secret, de profondes ténèbres envahirent son âme.

La lumière et la paix divines auxquelles elle était accoutumée, disparurent, et cette nouvelle forme d'angoisse devint plus intolérable que l'autre. Finalement, après une lutte terrible, elle plaça son sacrifice tout à nouveau sur l'autel, abandonnant tout à Dieu avec l'assurance qu'il s'occuperait de ses intérêts, à elle, tandis qu'elle recherchait les siens, à lui. Aussitôt les ténèbres qui avaient envahi son âme se dissipèrent, pour faire place à une paix profonde, inexprimablement profonde. Toute crainte disparut; le soleil divin resplendit sur tout son être moral, et comme tant de fois auparavant dans des circonstances analogues, elle reçut un baptême du St-Esprit.

C'était le sixième jour de la traversée; pour la première fois elle put sortir de sa cabine et monter sur le pont. La nature entière était comme plongée dans un bain de lumière; le vaste océan déroulait ses eaux pures et bleues à perte de vue, et la pauvre mère de famille se sentait revivre au contact des bouffées rafraîchissantes de la brise de mer. - Autour d'elle tout semblait s'associer au chant d'action de grâces qui s'élevait de son propre coeur.
La musique du navire se mit à jouer. Coïncidence étrange, c'était l'air suisse : « J'avais un camarade, » air qu'elle avait entendu jouer par son mari, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés, dix ans auparavant.
Mais si d'un côté son coeur se serrait au souvenir de ceux qu'elle laissait derrière elle, et du passé qui revivait avec tant de force dans sa mémoire, de l'autre, cette musique lui apportait ligne après ligne comme de la part de Dieu les paroles du cantique si souvent chanté dans nos réunions sur cet air

Jésus, mon ami suprême.

« Ah ! oui, se disait-elle, il est mon suprême ami, présent partout, tout-puissant. Mon ami. mon ami! ... »

Sur moi veille...

« Oui, il veille sur moi. Quelle pensée rassurante! » se disait-elle en songeant au terrible accident survenu peu de temps auparavant à un navire de la même ligne, ainsi qu'aux fréquentes catastrophes qui ont lieu dans les compagnies de chemins de fer en Amérique. « Il veille sur moi sur ce vaste océan; il veillera encore sur moi sur le vaste continent américain, et nies enfants ne seront pas orphelins. »


... il l'a promis
« Promis, oui, et il est fidèle à ses promesses. »
J'aime Jésus...
« Oui, je l'aime, et c'est pourquoi je suis ici. »
Jésus m'aime...

Comme un berger sa brebis.

« Un berger! - Certes, si un berger aime ses brebis, et se met en peine d'elles, pauvres créatures sans connaissance, combien plus Jésus ne m'aime-t-il pas dans ma solitude? L'Éternel est mon berger. »

Ainsi chacune des paroles de ce cantique lui parvenait dans sa force et sa simplicité, comme un message direct de Dieu, porté sur les ailes de cette mélodie; et la nature ensoleillée semblait joindre sa voix au choeur.
Pendant sa longue et fatigante tournée, elle fut soutenue par une puissance surnaturelle, venant visiblement de Dieu. Souvent, après un voyage de dix, vingt, trente heures, elle se couchait en arrivant, trop épuisée pour se préparer pour sa réunion, ou même pour penser; mais dès qu'elle se levait devant ses vastes auditoires, l'onction divine lui donnait à la fois idées, paroles et puissance. Non seulement bien des âmes furent fondues, convaincues, amenées à une consécration toute nouvelle, mais aussi sa mission remporta un plein succès an point de vue matériel, en suscitant l'aide financière qu'elle venait chercher. Quand elle traversa de nouveau l'océan, elle trouva ses précieux enfants en parfaite santé, jusqu'au tout petit, dont les joues avaient même pris une teinte rosée pendant son absence.

Et tout enfant de Dieu qui lira ce récit, reconnaîtra par sa propre expérience que le renoncement et la puissance vont toujours ensemble, et que la vie naturelle doit toujours être sacrifiée à la vie spirituelle; que ce soit pour assurer la continuité de cette vie en nous ou sa propagation dans le monde.

C'est la loi de la force produite par la combustion, cette loi tant de fois énoncée par Christ sous des formes diverses. - « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi; celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. »

Il ne peut pas avoir le Feu, car il ne vent pas livrer le combustible!
« Il n'est personne qui, ayant quitte père, mère, fils ou fille pour l'amour de mon nom et de la bonne nouvelle, n'en reçoive au centuple. »
Il aura la récolte, car il s'est semé lui-même comme un grain de blé.
Il aura le feu car il aura livré le combustible.

. (1) Voir le chapitre : De la croissance (page suivante) 
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