Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

L'esprit du Martyr et l'esprit du Meurtrier

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 (1)

L'esprit du monde, c'est, sans qu'on s'en doute, l'esprit du meurtrier; la colère, l'irritation, tout converge vers ce même point, unique. L'égoïsme, c'est l'esprit du meurtrier: il laisse périr les autres. L'orgueil, c'est l'esprit du meurtrier : il foule les autres aux pieds.

La création suprême de l'esprit du monde, c'est le meurtrier; l'opposé, c'est le martyr. Au Calvaire, ces deux esprits se sont rencontrés : le démon avec toutes ses armées de ténèbres, le Christ avec toutes ses armées de lumière. Douze légions d'anges étaient là, prêtes à fondre sur ses ennemis; mais l'heure n'était pas encore venue. Ils reviendront un jour, comme une inondation, comme un ouragan, comme un flot, pour séparer les bons d'avec les méchants, pour jeter ceux-ci dans les ténèbres du dehors.
L'avez-vous compris, que c'était pour nos péchés, pour les vôtres, pour les miens, qu'on l'a cloué là ? Nous sommes des meurtriers. Tout Pécheur est un meurtrier. Il participe à cette nature tombée, dégradée, de l'homme, dont le point culminant, le fruit mûri, c'est le meurtre; à cette nature qui a tué Jésus-Christ.




Rappelez-vous les temps des martyrs. Croyez-vous qu'ils ne devaient pas avoir l'assurance du salut de leurs enfants? Croyez-vous que lorsque toute cette famille marchait à la mort, et que les parents savaient avec certitude que leurs enfants allaient être dévorés par un énorme lion de l'Atlas, affamé depuis des jours, croyez-vous que ces parents ne se fussent pas assurés d'avance du salut de l'âme de leurs enfants ? Et comment les enfants pouvaient-ils être autre chose que sauvés, vivant dans une pareille atmosphère. Oui, c'est l'atmosphère que respire l'enfant dans la famille apostolique qui le fait arriver, jeune encore, à un salut conscient.

Lorsque le père avait fait le culte de famille dans les catacombes, quelques jours auparavant, il ne savait pas pourquoi il avait pressé sur son coeur, avec tant de tendresse, sa petite fille Marie, ni pourquoi il avait béni son petit garçon Matthieu avec tant d'ardeur!
Oh! quelles merveilleuses prières s'étaient élevées ce matin-là! Puis soudain, on avait entendu un bruit étrange, un bruit de pas lourds.. le cliquetis des armes... et des soldats romains au visage d'acier étaient apparus. Ils s'étaient d'abord saisis du plus jeune, du petit Marc, puis des autres enfants, puis de la mère, enfin du père. Celui-ci avait élevé alors son regard vers le ciel et dit dans son coeur: « Je comprends le culte de ce matin, je comprends pourquoi Jésus était si près de nous. Maintenant, tout est à toi, Seigneur, nous sommes tous à toi, cela va bien; Marthe, Marie, Jean, Matthieu, Marc, ils sont tous à toi. Nous partirons au ciel après-demain, tous ensemble. »




Le surlendemain ils entrent dans les arènes; il y a là 80,000 spectateurs, 80,000 meurtriers les yeux fixés sur eux... Quel auditoire! quelle réunion de sainteté! Voilà les réunions de sainteté des temps apostoliques.
Le père s'avance, les petits enfants suivent, la mère vient ensuite, et ils arrivent devant la tribune où César est assis dans sa paresseuse corpulence.

César, le vautour, César... Néron ... cette vile créature, le voilà irrité, furieux; quiconque pèche est toujours irrité. La semaine dernière, il a fait remplir d'eau ces arènes; il a fait venir dix galères, et il a commandé à ceux qui les montaient de se détruire les uns les autres... et ils se sont entr'égorgés tous, jusqu'au dernier; l'eau semblait être de sang. Et tout cela pour passer son ennui mortel !
... Ils sont si tranquilles. Ils chantent un cantique.
Les petits garçons se tiennent si droits. On voit... mais on ne comprend pas. C'est un spectacle céleste que cette foi et ce courage divins, mais cette foule est trop aveugle et trop abrutie par le péché pour comprendre.
Ils sont devant César qu'ils doivent saluer.
Ceux-là même qu'on massacrait devaient saluer César.
- « César, dit le père, je ne te crains point. César, nous ne te craignons pas, nous n'avons point peur. Tu le vois, nous pouvons chanter ce cantique sans pleurer ». Et les enfants chantent en attendant d'être engloutis dans la gueule du lion.
Quelquefois c'était encore pire. Il arriva à Néron de brûler vifs les premiers chrétiens, dans ses grandes fêtes, en guise d'illumination.




Qu'est-ce que cette merveilleuse puissance? La connaissez-vous? C'est le Saint-Esprit! Être possédé du Saint-Esprit, c'est autre chose qu'être seulement rempli de théologie, c'est autre chose que ce superbe orgueil qui lorgne Dieu. Combien de rationalistes n'a-t-il pas fait!
Peut-être un vieux pharisien juif, qui fait du commerce à Rome, s'est-il glissé parmi la foule sur un des gradins de l'arène. Et il voit ces enfants... cette famille... « C'est leur faute s'ils sont là. Leur religion n'est pas biblique, » murmure-t-il ...

Qui est le plus fort? Néron, avec toute sa violence, toute sa colère, toute sa puissance ou ce petit groupe? ... Voyez ce calme. Cette mère qui sait que d'ici quelques minutes ses enfants vont être déchirés, ne pleure pas. Elle pense au lendemain, au ciel! Elle voit déjà le chariot de feu, elle aperçoit déjà les myriades d'anges; elle voit déjà ses chers petits, ceints de la couronne des martyrs, elle entend la sublime musique des cieux... Soudain un rugissement horrible a retenti... mais ce n'est qu'un quart d'heure de souffrances. Ils avaient déjà accepté la mort. C'est bientôt fini, et il ne reste plus que des lambeaux de chair, et quelques ossements épars sur le sable de l'arène.
... Quelque chose a passé dans les airs!... Le vieux pharisien juif a tremblé. Il lui a semblé entendre une sorte de musique inexplicable, tandis que le grand lion finissait de ronger les ossements. Quelque chose a passé, vous dirai-je quoi? Le chariot de l'Éternel, accompagné de multitudes d'anges qui ont emmené ces âmes glorifiées à travers l'espace, au son de la musique, jusqu'aux portes des cieux, où des milliers de millions d'anges les accueillent par des chants de triomphe, et les conduisent aux pieds de Jésus!

. (1) Ce chapitre est la transcription de notes sténographiques prises au cours d'une de mes réunions. 
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