L'esprit du monde, c'est, sans qu'on s'en doute, l'esprit du meurtrier; la colère, l'irritation, tout converge vers ce même point, unique. L'égoïsme, c'est l'esprit du meurtrier: il laisse périr les autres. L'orgueil, c'est l'esprit du meurtrier : il foule les autres aux pieds.
La création suprême de
l'esprit du monde, c'est le meurtrier; l'opposé,
c'est le martyr. Au Calvaire, ces deux esprits se sont
rencontrés : le démon avec toutes ses
armées de ténèbres, le Christ avec
toutes ses armées de lumière. Douze
légions d'anges étaient là,
prêtes à fondre sur ses ennemis; mais l'heure
n'était pas encore venue. Ils reviendront un jour,
comme une inondation, comme un ouragan, comme un flot, pour
séparer les bons d'avec les méchants, pour
jeter ceux-ci dans les ténèbres du
dehors.
L'avez-vous compris,
que
c'était pour nos péchés, pour les
vôtres, pour les miens, qu'on l'a cloué
là ? Nous sommes des meurtriers. Tout Pécheur
est un meurtrier. Il participe à cette nature
tombée, dégradée, de l'homme, dont le
point culminant, le fruit mûri, c'est le meurtre;
à cette nature qui a tué
Jésus-Christ.
Rappelez-vous les temps des martyrs. Croyez-vous qu'ils ne devaient pas avoir l'assurance du salut de leurs enfants? Croyez-vous que lorsque toute cette famille marchait à la mort, et que les parents savaient avec certitude que leurs enfants allaient être dévorés par un énorme lion de l'Atlas, affamé depuis des jours, croyez-vous que ces parents ne se fussent pas assurés d'avance du salut de l'âme de leurs enfants ? Et comment les enfants pouvaient-ils être autre chose que sauvés, vivant dans une pareille atmosphère. Oui, c'est l'atmosphère que respire l'enfant dans la famille apostolique qui le fait arriver, jeune encore, à un salut conscient.
Lorsque le père avait
fait le
culte de famille dans les catacombes, quelques jours
auparavant, il ne savait pas pourquoi il avait pressé
sur son coeur, avec tant de tendresse, sa petite fille
Marie, ni pourquoi il avait béni son petit
garçon Matthieu avec tant d'ardeur!
Oh! quelles
merveilleuses
prières s'étaient élevées ce
matin-là! Puis soudain, on avait entendu un bruit
étrange, un bruit de pas lourds.. le cliquetis des
armes... et des soldats romains au visage d'acier
étaient apparus. Ils s'étaient d'abord saisis
du plus jeune, du petit Marc, puis des autres enfants, puis
de la mère, enfin du père. Celui-ci avait
élevé alors son regard vers le ciel et dit
dans son coeur: « Je comprends le culte de ce matin, je
comprends pourquoi Jésus était si près
de nous. Maintenant, tout est à toi, Seigneur, nous
sommes tous à toi, cela va bien; Marthe, Marie, Jean,
Matthieu, Marc, ils sont tous
à
toi. Nous partirons au ciel après-demain, tous
ensemble. »
Le surlendemain ils
entrent dans les
arènes; il y a là 80,000 spectateurs, 80,000
meurtriers les yeux fixés sur eux... Quel auditoire!
quelle réunion de sainteté! Voilà les
réunions de sainteté des temps
apostoliques.
Le père s'avance,
les
petits enfants suivent, la mère vient ensuite, et ils
arrivent devant la tribune où César est assis
dans sa paresseuse corpulence.
César, le vautour,
César... Néron ... cette vile créature,
le voilà irrité, furieux; quiconque
pèche est toujours irrité. La semaine
dernière, il a fait remplir d'eau ces arènes;
il a fait venir dix galères, et il a commandé
à ceux qui les montaient de se détruire les
uns les autres... et ils se sont entr'égorgés
tous, jusqu'au dernier; l'eau semblait être de sang.
Et tout cela pour passer son ennui mortel !
... Ils sont si
tranquilles. Ils
chantent un cantique.
Les petits garçons
se
tiennent si droits. On voit... mais on ne comprend pas.
C'est un spectacle céleste que cette foi et ce
courage divins, mais cette foule est trop aveugle et trop
abrutie par le péché pour
comprendre.
Ils sont devant
César
qu'ils doivent saluer.
Ceux-là même qu'on
massacrait devaient saluer César.
- « César, dit le
père, je ne te crains point. César, nous ne te
craignons pas, nous n'avons point peur. Tu le vois, nous
pouvons chanter ce cantique sans pleurer ». Et les
enfants chantent en attendant d'être engloutis dans la
gueule du lion.
Quelquefois c'était
encore
pire. Il arriva à Néron de brûler vifs
les premiers chrétiens, dans ses grandes fêtes,
en guise d'illumination.
Qu'est-ce que cette
merveilleuse
puissance? La connaissez-vous? C'est le Saint-Esprit!
Être possédé du Saint-Esprit, c'est
autre chose qu'être seulement rempli de
théologie, c'est autre chose que ce superbe orgueil
qui lorgne Dieu. Combien de rationalistes n'a-t-il pas
fait!
Peut-être un vieux
pharisien
juif, qui fait du commerce à Rome, s'est-il
glissé parmi la foule sur un des gradins de
l'arène. Et il voit ces enfants... cette famille...
« C'est leur faute s'ils sont là. Leur religion
n'est pas biblique, » murmure-t-il ...
Qui est le plus fort?
Néron,
avec toute sa violence, toute sa colère, toute sa
puissance ou ce petit groupe? ... Voyez ce calme. Cette
mère qui sait que d'ici quelques minutes ses enfants
vont être déchirés, ne pleure pas. Elle
pense au lendemain, au ciel! Elle voit déjà le
chariot de feu, elle aperçoit déjà les
myriades d'anges; elle voit déjà ses chers
petits, ceints de la couronne des martyrs, elle entend la
sublime musique des cieux... Soudain un rugissement horrible
a retenti... mais ce n'est qu'un quart d'heure de
souffrances. Ils avaient déjà accepté
la mort. C'est bientôt fini, et il ne reste plus que
des lambeaux de chair, et quelques ossements épars
sur le sable de l'arène.
... Quelque chose a
passé
dans les airs!... Le vieux pharisien juif a tremblé.
Il lui a semblé entendre une sorte de musique
inexplicable, tandis que le grand lion finissait de ronger
les ossements. Quelque chose a passé, vous dirai-je
quoi? Le chariot de l'Éternel, accompagné de
multitudes d'anges qui ont emmené ces âmes
glorifiées à travers l'espace, au son de la
musique, jusqu'aux portes des cieux, où des milliers
de millions d'anges les accueillent par des chants de
triomphe, et les conduisent aux pieds de Jésus!
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